Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 3, 16 décembre 2015, n° 14/13889

  • Associations·
  • Hôtel·
  • Requalification·
  • Bureau de voyage·
  • Baux commerciaux·
  • Jeunesse·
  • Bail commercial·
  • Statut·
  • Commerce·
  • Bail verbal

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 3, 16 déc. 2015, n° 14/13889
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/13889
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 14 décembre 2011, N° 10/04776
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 novembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2015

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/13889

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Décembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 10/04776

APPELANTE

ASSOCIATION LE BUREAU DES VOYAGES DE LA JEUNESSE prise en la personne de ses représentants légaux

Immatriculée au RCS de Paris sous le n°775 656 051

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN-DE MARIA- GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, avocat postulant

Assistée de Me Delphine DUPUIS de la SCP ARES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0214, avocat plaidant

INTIMÉE

SARL INTER HÔTELS prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Jean-Jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675, avocat postulant

Assistée de Me Jean-Loup NITOT de la SELARL NITOT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0208, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, présidente

Madame Brigitte CHOKRON, conseillère

Madame Caroline PARANT, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : lors des débats : Madame Orokia OUEDRAOGO

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Madame Chantal BARTHOLIN, présidente, et par Madame Orokia OUEDRAOGO, greffière.

********

Rappel des faits et de la procédure :

Par acte authentique du 30 juin 1983, l’association Le Bureau des Voyages de la Jeunesse dite BVJ a acquis de la Société du [Adresse 2] un immeuble d’une surface d’environ 1.695m², situé [Adresse 2], à usage d’auberge de jeunesse.

Par acte du 31 janvier 1994, l’association BVJ, confrontée à d’importantes difficultés financières, a cédé l’immeuble à la société Auxicomi établissement financier, et concomitamment conclu avec cet organisme un contrat de crédit-bail immobilier aux termes duquel elle prenait les locaux à bail pendant une durée de quinze ans, soit en principe jusqu’au 31 décembre 2009, avec possibilité d’en acquérir à terme la propriété pour une somme symbolique.

Cet acte comportait à titre de garantie de paiement des loyers un nantissement du « fonds de commerce de résidence pour le logement de jeunes étudiants » exploité dans les lieux, pour un montant de 1.189.102,33 euros.

Dans le courant de l’année 1998, l’association BVJ a de nouveau rencontré des difficultés et pris attache avec M [I] [K], représentant de la SARL Inter hôtels, alors en cours de formation, en vue de lui céder le crédit-bail, l’acquéreur prenant à sa charge le montant des loyers restant à courir.

Par un avenant du 6 mai 1999, l’association BVJ et la société Inter hôtels ont exprimé leur commune intention de s’engager ensemble pour que l’association BVJ puisse continuer son activité dans les mêmes locaux suivant contrat de sous location, l’association s’engageant à l’issue du contrat de sous-location à libérer des lieux en bon état d’entretien sans pouvoir se prévaloir d’un quelconque préjudice ou droit à indemnité ou encore de l’existence de quelconque fonds de commerce en l’état de nature spécifiquement civile de ses activités en sa qualité d’association soumise à la loi de 1901, les parties convenant au terme de ce compromis que « les présentes dispositions échappent au décret de 1953 et donc à la législation sur les baux commerciaux et ce par référence au contrat de crédit-bail immobilier d’une part et l’absence de statut de commerçant de l’association BVJ »

Par acte sous seing privé du 21 mai 1999, la société Inter hôtels a donc donné à bail à l’association BVJ les locaux situés au [Adresse 2], à destination d’ « hébergement des membres de l’association », pour une durée de dix années, à compter de la date de l’accord d’Auxicomi, soit le 30 juin 1999 pour se terminer à même date de l’année 2009. Le bail reprenait la clause du compromis concernant la remise des locaux sans indemnité au profit de l’association BVJ, toute amélioration bénéficiant au bailleur et l’indication que l’association ne pouvait se prévaloir de l’existence d’un fonds de commerce en l’état de la nature civile des activités de l’association soumise à la loi de 1901. L’acte prévoyait la possibilité de résilier le bail au profit du seul preneur tous les ans six mois à l’avance.

La société Auxicomi a donné son agrément par courrier du 30 juin 1999 .Par acte du 3 décembre 1999, l’association BVJ a cédé son droit au crédit-bail à la société Inter hôtels, l’acte précisant qu’il ne concernait pas les autres éléments du fonds exploité dans les lieux.

Par acte sous seing privé du 12 octobre 2001, intitulé « résiliation de sous-location », l’association BVJ, dont la situation financière ne lui permettait plus de poursuivre son engagement sous les mêmes conditions financières, et la société Inter hôtels sont convenues d’une résiliation amiable du contrat les liant, à compter du 31 décembre 2002.

Toutefois, le BVJ s’est maintenu dans les lieux en continuant d’acquitter les avis d’échéance qui lui étaient adressés sur les bases contractuelles initiales, sans que la SARL Inter hôtels ne sollicite la libération des lieux.

Par courrier du 22 août 2008, le conseil de la société Inter hôtels indiquait à l’association BVJ qu’en vertu de l’acte de crédit-bail du 3 décembre 1999, elle deviendrait en sa qualité de crédit preneur, propriétaire de l’immeuble le 1er février 2009 et demandait que les locaux soient libérés à cette date.

Le 30 juin 2009, la sociétéInter hôtels a fait délivrer à l’association BVJ une sommation de déguerpir.

Par acte d’huissier du 11 août 2009, la sociétéInter hôtels a fait délivrer à l’association BVJ une assignation en référé devant le président de tribunal de grande instance de Paris aux fins notamment d’obtenir l’expulsion sans indemnité du preneur. Dans son ordonnance du 8 octobre 2009, le juge des référés a renvoyé les parties à se pourvoir au fond.

Par acte d’huissier du 29 septembre 2009, la sociétéInter hôtels a fait délivrer un congé à toutes fins pour le 1er avril 2010, avec refus de renouvellement et dénégation du statut des baux commerciaux, au double motif qu’aucun fonds n’était exploité dans les lieux et que l’association BVJ n’était pas immatriculée au registre du commerce.

C’est dans ces conditions que l’association BVJ a engagé le 26 mars 2010 une instance en nullité du congé refus de renouvellement et dénégation du statut des baux commerciaux.

Par un jugement du 15 décembre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a :

— débouté l’association BVJ de l’ensemble de ses demandes,

— dit que le bail liant les parties n’est pas soumis au statut des baux commerciaux,

— dit que l’association BVJ est, depuis le congé délivré par la SARL Inter hôtels, dépourvue de tout titre d’occupation sur les locaux situés [Adresse 2],

— à défaut de restitution volontaire des lieux dans les deux mois de la signification de la présente décision, ordonne l’expulsion de l’association BVJ et de tous occupants de son chef, avec l’assistance de la force publique si besoin est, de ces locaux,

— dit que les objets mobiliers se trouvant dans les lieux seront soumis aux dispositions des

articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991,

— condamne l’association BVJ à payer à la SARL Inter hôtels une indemnité d’occupation d’un montant égal au loyer prévu au contrat du 21 mai 1999, soit une somme égale aux sommes payées dans le cadre du crédit-bail augmentée de 50% du bénéfice d’exploitation propre à l’établissement exploité dans les locaux,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté l’association BVJ de sa demande de dommages et intérêts,

— condamné l’association BVJ aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Nitot, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision.

L’association le Bureau des voyages de la jeunesse a relevé appel de ce jugement le 26 janvier 2012.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 28 août 2015, l’appelante demande à la cour, au visa des articles 12 et 144 du code de procédure civile, des articles L. 123-9, L. 145-1 et L.145-2 et suivants du code de commerce, des articles 1147, 1590, 2222, 2224 et suivants et 2251 du code civil, des articles 565 et suivants du code de procédure civile et de l’article 57 A de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 telle que modifiée par la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, de :

— recevoir le BVJ en son appel,

— infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 décembre 2011 en toutes ses dispositions,

— en tout état de cause, débouter la société Inter hôtels de la totalité de ses demandes, en ce compris sa demande de versement d’une somme de 1.000.000 euros au titre d’un prétendu manque à gagner et d’une somme de 15.000 euros pour résistance abusive,

— prononcer la nullité du congé « à toutes fins » délivré le 29 septembre 2009 au BVJ,

— dire et juger que les clauses de renonciation au renouvellement du bail et au versement d’une indemnité d’éviction doivent être réputées non écrites car contraires aux dispositions de l’article L.145-15 du Code de commerce,

— condamner la société Inter hôtels à verser au Bureau des Voyages de la Jeunesse une indemnité d’éviction,

— condamner la société Inter hôtels à verser la somme de 9.324.434,75 euros HT au Bureau des Voyages de la Jeunesse au titre de l’indemnité d’éviction,

— si la cour souhaite être éclairée par un expert pour procéder au calcul du montant de l’indemnité d’éviction devant être versée au BVJ, il lui est demandé de désigner tel expert qu’il lui plaira avec pour mission de :

(i) estimer le montant de l’indemnité principale, devant être versée au BVJ, laquelle consiste essentiellement dans la valeur marchande du fonds de commerce précédemment exploité par le BVJ ; pour ce faire, notamment, visiter les lieux, les décrire, dresser la liste du personnel employé par le BVJ ;

(ii) dresser la liste des indemnités accessoires qui devront également être

versées et fournir tous les éléments permettant de procéder à leur

évaluation, à savoir notamment :

o la totalité des frais de déménagement et d’emménagement ;

o les frais liés à la remise en état des lieux abandonnés ;

o la perte résultant de l’impossibilité de transférer certaines installations ou

aménagements ;

o les frais accessoires occasionnés par le déplacement du fonds : téléphone,

avis à donner aux fournisseurs, aux clients, notamment la publicité du

changement d’adresse ;

o la perte de clientèle ;

o les aménagements et accès à la voie publique imposés par le nouveau site

de l’entreprise ;

o les gains manqués ;

o les coûts de licenciement du personnel ;

o le paiement d’un double loyer pendant la même période.

— déclarer recevables les demandes du BVJ car non prescrites,

A titre subsidiaire,

— réduire le montant de l’indemnité d’occupation à un montant maximum de 10.000 euros HT par mois,

— si la cour devait décider de ne pas appliquer les dispositions du statut des baux commerciaux, il lui serait demandé de constater qu’il ne peut s’agir que d’un bail professionnel ;

— constater que cette demande n’est pas une demande nouvelle et en conséquence la déclarer recevable,

— condamner la société Inter hôtels à payer au Bureau des Voyages de la Jeunesse une somme qui ne saurait être inférieure à 4.496.151,55 euros, sauf à parfaire en réparation des différents préjudices subis par le BVJ du fait de la résiliation anticipée du bail et de son expulsion des locaux du [Adresse 2],

— si la cour devait considérer que le bail professionnel se serait renouvelé pour une durée de 6 ans, soit jusqu’en 2015, il conviendrait de prendre en considération la perte de marge du BVJ sur une durée de 2 années. Le montant total des préjudices du BVJ s’élèverait alors à la somme de 3.777.387,55 euros,

— si la cour souhaite être éclairée par un expert pour procéder au calcul du montant des dommages-intérêts devant être versés au BVJ, il lui est demandé de désigner tel expert de son choix et de donner à celui-ci mission d’estimer les différents chefs de préjudice subis par le BVJ, consistant notamment en :

o perte de marge pendant 6 ans,

o frais de déménagement,

o travaux d’aménagement des locaux

o trouble commercial

o coûts de licenciement

o frais d’acte

o information de la clientèle

o pertes sur stock

o paiement du double loyer

En toutes hypothèses,

— condamner la société Inter hôtels à payer au BVJ la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Inter hôtels aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Dans ses dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2015, l’intimée demande à la cour de :

— déclarer le BVJ tant irrecevable que mal fondée en son appel,

— ordonner le retrait de la pièce du BVJ n°18,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

— débouté le BVJ de l’ensemble de ses demandes,

— jugé que le BVJ ne disposait pas d’un bail verbal,

— jugé que le BVJ ne disposait pas d’un bail commercial et ne pouvait se prévaloir des dispositions des articles L145-1 et suivants du Code de Commerce,

— jugé que le BVJ était sans droit ni titre depuis le congé délivré par la société Inter hôtels et prononcé son expulsion,

— infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action en requalification du bail de droit commun en bail commercial,

— dire et juger le BVJ irrecevable en sa demande de requalification du bail en bail commercial comme prescrite en vertu de l’article L 145-60 du code de commerce et en bail professionnel comme nouvelle et subsidiairement prescrite et mal fondée,

— fixer l’indemnité d’occupation à une somme de 612.000 € par an, correspondant au loyer contractuel initial de 510.000 € majoré de 20% soit 51.000 € par mois à compter de la fin du sous bail soit le 30 juin 2009 et condamner l’association BVJ à son paiement, déduction faite des sommes versées,

— encore plus subsidiairement, dire et juger que le BVJ est sans droit ni titre depuis l’expiration du bail de droit commun, le 30 juin 2009,

— ordonner la mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire,

— ordonner le retrait de la pièce de BVJ n°14 constituée d’une lettre de l’avocat de Monsieur [K] à un juge d’instruction,

— condamner le BVJ au paiement d’une somme de :

—  15.000 € pour résistance abusive,

—  1.000.000 € pour prise d’hypothèque abusive,

—  10.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner le BVJ aux dépens, tant de première instance que d’appel qui seront recouvrés, pour ceux le concernant, par Maître FANET, avocat.

SUR CE,

A titre liminaire, il sera ordonné le retrait des débats de la pièce n° 14 produite par l’association BVJ constituée par une lettre de l’avocat de M [K] à un juge d’instruction, dont elle n’invoque pas dans quelles circonstances elle a été obtenue et dont elle ne conteste pas sérieusement le caractère de confidentialité .

L’appelante soutient à titre principal que le bail en vertu duquel elle a occupé l’immeuble situés au [Adresse 2] doit être requalifié en bail commercial et que le congé qui lui a été délivré n’est pas valable comme ne respectant pas les dispositions des articles L 145-9 et L 145-10 du code de commerce .

I-Sur l’action en qualification du bail et en contestation de la validité du congé délivré le 29 septembre 2009:

L’appelante fait valoir au visa d’un arrêt rendu par la chambre 5-3 de la cour d’appel de Paris, le 8 septembre 2010, que le fait que les parties aient expressément écarté le statut de bail commercial dans les différents actes les liant, que le BVJ soit une association et que les stipulations dudit bail, notamment quant à sa durée, ne sont pas conformes à la législation applicable à de tels baux, ne font pas obstacle au pouvoir de requalification de la cour.

En application des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, elle soutient exploiter un fonds de commerce d’enseignement en se fondant sur:

— le fait qu’il dispose d’un local déterminé, stable, permanent, clos et couvert,

— le fait que, dans ce local, elle exerce une activité commerciale, à destination d’une clientèle qui lui est propre, autonome et attachée à son fonds de commerce, pour laquelle elle réalise de nombreux actes de commerce, ce qui est reconnu comme étant possible même pour une association,

— le fait qu’elle réalise un chiffre d’affaires de plus d’un million d’euros,

— le fait que les actes signés par les parties mentionnent l’existence d’un fonds de commerce,

— le fait que plusieurs nantissements aient grevé ce fonds, le premier au profit de la société Auxicomi, le 31 janvier 1994, et le second, en 2010, au profit de la banque Oseo Financement.

— le fait qu’elle est inscrite pour ce fonds de commerce au RCS à l’adresse des lieux loués depuis 1994,

— qu’elle paye un loyer au bailleur ainsi qu’une rémunération annuelle complémentaire, sous forme d’une clause-recette forfaitisée.

Elle renvoie tant à la décision de classement en établissement d’enseignement de la Préfecture de police de [Localité 1], dans un courrier du 22 juin 2012 rappelant un précédent courrier du 3 décembre 2008 ayant accepté le classement de l’auberge de jeunesse en établissement d’enseignement qu’ à l’article 2 des statuts de l’association qui prévoit notamment une activité de « formation intellectuelle, professionnelle ou civique ».

La société Inter hôtels soutient que l’action en requalification du bail et en nullité du congé est irrecevable comme prescrite au regard du délai de 2 ans prévu par l’article L.145-60 du code de commerce, que ce délai court à partir de la conclusion du bail litigieux qui est intervenue, en l’espèce, le 21 mai 1999 avec effet au 30 juin 1999.

L’appelante conclut d’une part à l’irrecevabilité de ce moyen puisque, en tant que fin de non-recevoir, il aurait dû être soulevé avant toute conclusion au fond par l’intimée, ce qui n’a pas été fait;

Or la prescription constitue une fin de non recevoir tendant à faire déclarer l’adversaire irrecevable sans examen au fond, elle peut être proposée en tout état de cause et donc pour la première fois en appel , peu important que l’adversaire ait conclu au fond.

Il importe au surplus de distinguer :

— l’action formée par l’association BVJ en nullité du congé qui lui a été délivré le 29 septembre 2009 et qui est soumise à la prescription soit de cinq ans prévue soit à l’article 1304 du code civil ou à l’article 2224 du même code, soit de deux ans si le statut des baux commerciaux s’applique au bail ;

— de l’action en requalification du bail en bail commercial soumis aux dispositions statutaires, et qui obéit à la prescription biennale de l’article L 145-60 du code de commerce.

Dans tous les cas, l’association BVJ a agi en nullité du congé dans le délai de cinq ans ou encore de deux ans à compter de sa délivrance . Elle n’est donc pas prescrite en son action en contestation du congé .

L’association invoque l’application de la loi n°2014-626 du 18 juin 2014, dite « loi Pinel » qui prévoit que toute clause faisant obstacle au renouvellement du bail doit être réputée non écrite et qu’en conséquence toute action dirigée contre une clause réputée non écrite n’est elle-même soumise à aucune prescription, pour s’opposer à la prescription de son action en requalification du bail;

Or, outre que la loi ne s’applique pas aux litiges en cours, les dispositions de l’article L 145-60 du code de commerce dont se prévaut la société Inter hôtels ont précisément vocation à s’appliquer au bail dont il est prétendu qu’il est soumis au statut des baux commerciaux et la loi du 18 juin 2014 n’a pas apporté de modification à cette disposition.

L’appelante fait encore valoir que le point de départ de la prescription de son action en requalifiation du bail est constitué par la réception de la lettre de la Préfecture de police l’informant du classement de son établissement en établissement d’enseignement, c’est-à-dire le 3 décembre 2008, et qu’elle a agi dans le délai de deux ans à compter de ce jour .

Or l’association ne peut soutenir valablement qu’elle n’a pas disposé des éléments lui permettant d’entreprendre son action avant d’obtenir l’agrément préfectoral qui lui a été octroyé pour la première fois le 3 décembre 2008.

Elle prétend en effet qu’elle exploite dans les lieux loués depuis l’origine un établissement d’enseignement, conformément à son statut ; elle ne peut dans ces conditions soutenir que l’agrément préfectoral était indispensable à l’introduction de son action en justice en requalification du bail, ce qui reviendrait à dire que cette autorisation était nécessaire à l’exercice de son activité et qu’elle exerçait auparavant une activité commerciale non autorisée voir illicite dont la preuve serait impossible à établir .

Il s’ensuit que le point de départ de l’action en requalification doit être fixée à la date de la date d’effet du bail, l’association disposant à compter de cette date des éléments suffisants pour lui permettre d’agir en requalification du bail ;

Il convient de dire que l’action en requalification formée plus de deux ans après la conclusion du bail signé le 21 mai 1999 à effet au 30 juin 1999 est prescrite .

A admettre néanmoins comme le soutient l’association qu’elle était liée en réalité par un bail verbal qui a succédé au bail écrit après l’accord des parties sur la résiliation du bail initial, à compter du 1er janvier 2003, l’action en requalification de ce bail en bail commercial formée plus de deux ans après cette date est également prescrite .

Elle demande subsidiairement et pour la première fois en cause d’appel de qualifier le bail à défaut d’être commercial, de professionnel .

Or cette dernière demande est nouvelle en appel, elle ne tend pas aux mêmes fins que la demande initiale; elle ne constitue ni le complément ni l’accessoire ni même la conséquence de la demande en nullité du congé et en requalification du bail en bail commercial ; la prescription de l’action en requalification du bail en bail commercial n’implique pas davantage comme conséquence nécessaire l’application ipso facto du statut professionnel qui s’il constitue une option pour une association exerçant une activité lucrative, obéit à certaines conditions particulières distinctes de celles du bail commercial.

L’association BVJ soutient que les parties étaient liées par un bail verbal à compter du 1er janvier 2003, que l’association s’est maintenue dans les locaux avec l’accord tacite de l’intimée, que le bail verbal étant de nature commerciale, il ne pouvait être d’une durée inférieure à 9 ans et que le congé ne pouvait lui être délivré que pour le 31 décembre 2011 en respectant les dispositions des articles L 145-9 et L 145-10 du code de commerce .

Or, les parties étaient liées par un bail signé le 21 mai 2009 à effet du 30 juin 2009 pour une durée de dix ans se terminant à pareille date de l’année 2009, soit le 30 juin 2009 sans qu’en l’état, elles aient prévu de reconduction ou de renouvellement, l’association ayant renoncé dans le bail à se prévaloir du statut des baux commerciaux du fait de son statut associatif malgré l’existence d’un fonds d’auberge de jeunesse exploité dans les lieux et à toute indemnisation du fait du congé .

Postérieurement à l’accord passé entre elles le 12 octobre 2001, les parties sont convenues de la résiliation de la convention initiale à la suite du préavis donné par l’association BVJ pour le 31 octobre 2001 et de la reconduction de la sous location jusqu’au 31 décembre 2002,

Cet accord n’a pas été exécuté puisque les parties sont demeurées dans les liens du bail initial pour ce qui concerne leurs relations et les modalités d’exécution de leurs engagements en sorte que l’accord pris entre elles et qui ne s’est pas exécuté est devenu caduc, ce qui n’est pas contesté par la société Inter hôtels.

A admettre cependant que postérieurement à cet accord, les parties aient été comme le soutient l’association BVJ dans le cadre d’un bail verbal ayant succédé au bail d’origine, celui-ci a pris fin par la délivrance du congé donné six mois à l’avance le 29 septembre 2009 pour le 1er avril 2010 par application des articles 1737 et suivants du code civil.

L’association ne peut davantage prétendre en présence du bail verbal dont elle revendique l’application, au renouvellement du bail ou à l’indemnisation de son préjudice du fait de son départ des lieux, le bail verbal n’ayant pas d’autre portée que celui d’origine dans lequel elle a renoncé se prévaloir du statut des baux commerciaux et à réclamer quelque indemnité que ce soit du fait du congé .

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que l’association BVJ est désormais sans titre pour se maintenir dans les lieux et qu’il y avait lieu d’ordonner son expulsion .

II-Sur l’indemnité d’occupation :

L’association BVJ demande sa fixation à un montant de 9.573,57 euros HT soit un montant mensuel de 10.000 euros justifiée suivant la méthode hôtelière :

— recette maximale théorique annuelle :

(54 chambres x 80 € (prix moyen) x 365 jours) /1.055 (TVA) = 1 494 597 € HT,

— taux d’occupation de 85%,

— taux de remises de 10%,

— taux de recettes de 20%,

— taux de précarité de 40%,

La société Inter hôtels propose quant à elle de prendre en compte non le nombre de lits mais plutôt la surface totale des locaux (1695 m²), affectée d’un prix au mètre carré pondéré d’au moins 400 euros HT par mètre carré, eu égard à la situation en plein centre historique de [Localité 1].

Partant, l’intimée demande à la cour de constater que la valeur locative ressort à 678.000 euros par an et que le loyer contractuel acquitté par l’association BVJ, jusqu’en avril 2012, s’est élevé à 510.000 € par an comme elle le reconnaît elle-même, d’autant que le compromis prévoyait, en cas de maintien dans les lieux, que cette indemnité serait égale au double du loyer. Elle demande à ce que l’indemnité d’occupation soit fixée à 51.000 € par mois.

Or en l’absence de toute expertise de nature à établir la valeur locative prétendue des locaux, qui n’apparaît pas utile à ce stade, la cour confirmera l’appréciation des premiers juges de voir fixer le montant de l’indemnité d’occupation ayant un caractère indemnitaire au montant des loyers prévus par la convention du 21 mai 1999, soit le montant des sommes payées dans le cadre du crédit bail augmenté de 50% du bénéfice d’exploitation propre à l’établissement exploité dans les lieux.

III-Sur les conséquences de l’inscription d’hypothèque provisoire :

La société Inter hôtels soutient que l’association BVJ a obtenu par arrêt infirmatif du 27 novembre 2014 de la cour l’autorisation d’inscrire une hypothèque provisoire à hauteur de 2.904.020,70 € TTC en garantie d’une prétendue indemnité à laquelle elle pourrait prétendre du fait de la qualification du bail en bail professionnel et de son expulsion en dénaturant les pièces et en produisant des « pièces fallacieuses » afin d’obtenir cette décision (mandats de vente inexistants ; mise en vente prétendue de l’immeuble ; pertes de marge imaginaires ; diffamation à l’égard du gérant d’Inter-hôtels), que cette hypothèque provisoire a été inscrite aux risques et périls de l’appelant et justifie l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par Inter hôtels, du fait de cette inscription de 1er rang qui a paralysé l’obtention d’un prêt bancaire et retardé d’un an les travaux de rénovation de l’immeuble, causant un manque à gagner de plus d’un million d’euros, correspondant au résultat brut d’exploitation sur une année.

Or il convient de rappeler que l’hypothéque a été prise après arrêt infirmatif de cette cour l’autorisant au visa des pièces produites dans le cadre du débat judiciaire, la cour ayant relevé que la société Inter hôtels n’avait pas déposé ses comptes annuels depuis 2006, ce qui constituait une circonstance justifiant du péril invoqué par l’association BVJ, que la cour a par nouvel arrêt du 27 novembre 2014 dit n’y avoir lieu à rétractation de son arrêt précédent du 12 juin 2014 et qu’enfin, la société ne rapporte pas la preuve d’un quelconque refus d’octroi de prêt ou encore de prétendues difficultés qui seraient liées à l’inscription de l’hypothèque judiciaire provisoire prise par l’association BVJ.

Il s’ensuit que la société Inter hôtels sera déboutée de sa demande en dommages intérêts.

IV-Sur les autres demandes :

L’association BVJ ne justifie pas de l’existence d’une créance fondée en son principe faisant obstacle à la mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire qui sera ordonnée.

La société Inter hôtels ne démontre pas que l’association ait abusé de son droit d’ester en justice et de former appel de la décision qui lui était défavorable, elle sera déboutée de sa demande de dommages intérêts pour procédure abusive .

L’association BVJ supportera les entiers dépens et paiera à la société Inter hôtels la somme de 4000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile .

PAR CES MOTIFS

Rejette des débats la pièce n° 14 produite par l’association BVJ constituée par une lettre de l’avocat de M [K] à un juge d’instruction,

Réformant le jugement déféré uniquement en ce qu’il a dit que le bail liant les parties n’était pas soumis au statut des baux commerciaux,

Réformant sur ce point,

Dit que la société Inter hôtels est recevable à invoquer la prescription de l’action de l’association BVJ en requalification du bail,

Dit que l’action de l’association BVJ en requalification du bail liant les parties en bail commercial est prescrite,

Rejette comme nouvelle la demande de l’association BVJ en requalification du bail en bail professionnel .

Confirme le jugement déféré pour le surplus,

Ordonne la mainlevée de l’inscription d’hypothèque provisoire,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne l’association BVJ aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et la condamne à payer à la société Inter hôtels la somme de 4000€ sur le fondement de l’article 700 du même code .

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 3, 16 décembre 2015, n° 14/13889