Cour d'appel de Paris, 12 mai 2016, n° 15/03816

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 12 mai 2016, n° 15/03816
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/03816
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 10 février 2015, N° 13/17746

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 12 MAI 2016

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/03816

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 février 2015 par le conseil de prud’hommes de PARIS -section industrie- RG n° 13/17746

APPELANT

Monsieur V-W C

XXX

XXX

né le XXX à XXX

comparant en personne, assisté de Madame N O (délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE

SAS SPHERE FRANCE

XXX

XXX

représentée par Me Florence DUPONT, avocat au barreau de PARIS, L0216

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 janvier 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Catherine SOMMÉ, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine SOMMÉ, président

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Madame Christine LETHIEC, conseiller

Greffier : Madame Marine POLLET, lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Catherine SOMMÉ, président et par Madame Marine POLLET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. V W C a été engagé par la SAS SPHERE FRANCE à compter du 12 janvier 1998 suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d’assistant administration des ventes, niveau II, coefficient 190, 3e échelon de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne, moyennant une rémunération mensuelle brute de 10 000 € pour 166,83 heures par mois.

M. C a été en arrêt de travail à plusieurs reprises en 2012 puis en 2013.

A la suite de deux visites de reprise en date des 23 avril et 13 mai 2013, M. C a été déclaré inapte à son poste de travail.

Par lettre du 31 mai 2013, M. C été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 10 juin 2013. Il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre du 14 juin suivant.

La SAS SPHERE FRANCE employait plus de dix salariés à la date de la rupture.

Contestant son licenciement et soutenant notamment avoir subi un harcèlement moral, M. C a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 10 décembre 2013 de diverses demandes salariales et indemnitaires.

Par jugement rendu le 11 février 2015, la juridiction prud’homale a débouté M. C de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

M. C a relevé appel de cette décision le 9 avril 2015 et, aux termes de ses écritures visées par le greffier et soutenues oralement le 28 janvier 2016, il demande à la cour de :

— dire que son licenciement est nul,

— condamner la SAS SPHERE FRANCE au paiement des salaires dus et non payés de la date du licenciement, soit le 14 juin 2013, à la date du bureau de jugement, soit le 9 septembre 2014, soit la somme de 3 730 € x 27 mois = 107 710 €, outre 10 717 € pour les congés payés afférents,

— condamner en outre le SAS SPHERE FRANCE au paiement des salaires avec congés payés afférents sur les mêmes bases, jusqu’au paiement effectif,

— condamner la SAS SPHERE FRANCE au paiement de la somme de 75 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

— condamner la SAS SPHERE FRANCE au paiement de la somme de 5 000 € en raison du dysfonctionnement du CHSCT,

— à titre subsidiaire, dire que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

— condamner en conséquence la SAS SPHERE FRANCE au paiement de la somme de 75 000 € à titre de dommages et intérêts,

— condamner la SAS SPHERE FRANCE au paiement de la somme de 5 000 € pour inexécution de bonne foi de l’enquête de reclassement,

— condamner la SAS SPHERE FRANCE au paiement de la somme de 20 988,54 € au titre des heures supplémentaires non payées et les congés payés afférents,

— condamner la SAS SPHERE FRANCE au paiement de la somme de 5 200 € au titre de la perte du bénéfice de la défiscalisation,

— condamner la SAS SPHERE FRANCE au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— « ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ».

La SAS SPHERE FRANCE, reprenant oralement à l’audience ses conclusions visées par le greffier, demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Paris en date du 11 février 2015 en ce qu’il a débouté M. C de l’ensemble de ses demandes,

— condamner M. C aux entiers dépens et à la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le harcèlement moral

M. C demande paiement d’une somme de 75 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

En application de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l’article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif au harcèlement moral le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. C affirme que Mme H Y, qui a été sa compagne de janvier 1998 à juin 2001, lui a fait subi un harcèlement moral, qu’il a ainsi subi des pressions et des méthodes de « management » qui ont rendu ses conditions de travail exécrables, avec pour conséquence une dégradation de son état de santé physique et moral, que l’employeur malgré les plaintes de M. C et les alertes des salariés, n’a pris aucune mesure pour remédier à cette situation.

M. C produit plusieurs témoignages précis et circonstanciés établis par d’anciens salariés de la société SPHERE FRANCE décrivant longuement une ambiance de travail particulièrement difficile, tendue, en raison des méthodes d’encadrement de Mme Y, directeur de l’administration des ventes, les pressions et humiliations qu’elle faisait subir à son équipe, notamment à l’encontre de M. C.

Ainsi, Mme AJ T-U, ancienne collègue de M. C durant six années, atteste que Mme Y « rend l’ambiance du services exécrable et « casse » littéralement ceux qui sont sous ses ordres … », citant pour exemple l’une de ses collègues, Mme J K, qui était devenue sa « tête de turc », qui était « harcelée, humiliée … vertement rabrouée quoi qu’elle fasse », précisant que celle-ci a démissionné pour cause de harcèlement et a été remplacée en janvier 1998 par M. C, lequel « subissait le même traitement de « tête de turc » que les autres ».

Mme R-K, salariée de la société SPHERE FRANCE de décembre 1996 à janvier 1998, confirme le traitement harcelant qu’elle a elle-même subi de la part de Mme Y, relatant l’attitude méprisante, les humiliations et critiques constantes subies de la part de celle-ci, tant à son égard qu’à l’encontre de ses collègues de travail, et précisant que « c’est M. V-W C qui m’a remplacée à mon poste. Dès le 2e jour il a eu droit à des réflexions ».

Mme AM P-Q, responsable ADV adjointe sous l’autorité de Mme Y à compter du 29 avril 2013, fait état également des conditions de travail rendues exécrables en raison du comportement de sa supérieure hiérarchique, des changements brusques d’humeur de celle-ci, de son agressivité et des remarques humiliantes qu’elle adressait à ses subordonnés, affirmant que Mme Y « peut vous pousser à bout … vous détruire », et que lorsque, ne supportant plus ses conditions de travail, elle a démissionné le 20 juin 2013, beaucoup de salariés sont venus la féliciter et lui dire « qu’ils étaient inquiets pour L B [seconde adjointe du service ADV], qu’ils avaient peur qu’il se passe la même chose qu’avec V-W C ». Mme P-Q ajoute qu’à son départ elle a donné les raisons de sa démission à M. F D, directeur des ressources humaines, qu’elle lui avait « parlé de H Y » et qu’il était « tout à fait au courant ». Il doit être observé à cet égard qu’il importe peu qu’elle n’ait pas fait état des difficultés rencontrées avec Mme Y dans sa lettre de démission.

Ces témoignages ne sont pas contredits utilement par ceux produits par l’employeur. Ainsi Mme B, qui est toujours salariée de l’entreprise, se borne à affirmer qu’elle est arrivée « dans un contexte de réorganisation », qu’afin de gérer « la tension inhérente à cette réorganisation, la société a eu fréquemment recours à des intérimaires … afin d’assumer les tâches répétitives » et que la « qualité de son travail et sa collaboration ont été pleinement reconnues et appréciées » lorsqu’elle a bénéficié à l’initiative de Mme Y d’une « augmentation significative » de son salaire, et si Mme X, qui a travaillé à plusieurs reprises en qualité d’intérimaire au sein du service de Mme Y, affirme que celle-ci « traitait de manière identique l’ensemble de son équipe » et que son comportement ne pouvait s’analyser comme du harcèlement moral particulièrement à l’égard de M. C qui « avait parfois tendance à se braquer », elle ajoute cependant que « bien sûr elle [Mme Y] était exigeante et contrôlait étroitement l’activité de son service ».

M. C justifie avoir demandé un changement de service le 11 juin 2011, comme il ressort de la lettre qui lui a été adressée en réponse par M. D le 7 juillet suivant, par laquelle ce dernier prenait « bonne note de votre demande officielle de changement de service » et lui assurait qu’il reviendrait vers lui en fonction des opportunités susceptibles de se présenter, cette première demande du salarié étant restée sans suite, puis par lettre adressée à nouveau à M. D le 13 avril 2013, pour solliciter sa mutation au motif de « la pression que je subis dans mon service depuis de nombreuses années … [ayant] progressivement et significativement altéré [sa] santé morale et physique au point de [l]'obliger à faire appel aux soins d’un médecin spécialiste ».

Enfin M. C justifie de la dégradation de son état de santé en produisant notamment le certificat du Dr Z, psychiatre, qui certifie donner des soins, depuis le 12 décembre 2011, à l’intéressé, dont l’état de santé « nécessite un reclassement professionnel avec affectation dans un autre service », et la lettre des services de médecine au travail adressée le 15 novembre 2011 au Dr A, du service de consultation de pathologie professionnelle de l’hôpital Cochin à Paris, reprenant les doléances du salarié quant aux « relations difficiles avec sa n+1 », exprimées dès 2008 lors d’une visite périodique.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral subi par M. C.

La société SPHERE FRANCE ne produit aucun élément démontrant que le comportement de Mme Y était justifié par des éléments objectifs exclusifs de tout harcèlement moral.

Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, le harcèlement moral invoqué est donc établi. M. C est en conséquence bien fondé à solliciter la réparation du préjudice en résultant qui sera indemnisé, au vu des éléments soumis à l’appréciation de la cour, par la somme de 5 000 €, somme au paiement de laquelle la société SPHERE FRANCE sera condamnée par infirmation du jugement entrepris.

Sur la nullité du licenciement

Dans le cadre du premier examen médical prévu par l’article R. 4624'31 du code du travail, le médecin du travail a conclu le 23 avril 2013 en ces termes : « Une inaptitude à ce poste dans ce service est à prévoir. En attendant M. C peut être affecté dans un autre service … ».

Lors du second examen du 13 mai 2013, le médecin du travail a déclaré M. C « inapte au poste actuel. Il pourrait occuper un emploi similaire ou autre dans la mesure de ses compétences dans un autre contexte relationnel et organisationnel dans un autre service ».

M. C a été licencié pour inaptitude définitive et impossibilité de reclassement par lettre du 14 juin 2013.

Le salarié demande à titre principal que soit prononcée la nullité de son licenciement au motif que son inaptitude médicalement constatée est la conséquence du harcèlement moral qu’il a subi, comme le démontrent les certificats médicaux établis par des médecins spécialistes et par la médecine du travail. Il affirme encore que son inaptitude a une origine professionnelle, soulignant à cet égard que les délégués du personnel ont été consultés par l’employeur sur les démarches de reclassement effectuées à son bénéfice, conformément aux dispositions de l’article L. 1226'10 du code du travail applicables en matière d’inaptitude consécutive à une maladie professionnelle.

La société SPHERE FRANCE s’oppose à la demande de nullité en faisant valoir que le licenciement de M. C n’est nullement lié à un harcèlement moral. Elle conteste la caractère professionnel de l’inaptitude du salarié en faisant valoir notamment que la démarche de consultation des délégués du personnel initiée par le directeur des ressources humaines relève seulement d’une bonne pratique d’information et de transparence.

*

Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors que l’inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

L’application de l’article L. 1226-10 du code du travail n’est pas subordonnée à la reconnaissance par la caisse primaire d’assurance-maladie du lien de causalité entre l’accident du travail ou la maladie professionnelle et l’inaptitude.

En l’espèce, la cour relève que M. C invoque le caractère professionnel de son inaptitude, sans toutefois solliciter les indemnités spécifiques prévues par les dispositions de l’article L. 1226-15 du code du travail. En tout état de cause ni le caractère professionnel ni la connaissance de ce caractère par l’employeur au moment du licenciement ne sont établis, le seul fait pour la société SPHERE FRANCE d’avoir informé les délégués du personnel sur les démarches entreprises en vue du reclassement du salarié ne valant pas reconnaissance du caractère professionnel de l’inaptitude.

Selon l’article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, relatives au harcèlement, est nulle. Il en résulte qu’est nul le licenciement pour inaptitude trouvant son origine dans des faits de harcèlement moral.

Le lien entre le harcèlement moral subi par M. C et la dégradation de son état de santé ayant conduit à son inaptitude est établi par les certificats médicaux et courriers de médecins spécialistes, ainsi notamment la lettre adressée le 23 janvier 2012 par le Dr E, du service de pathologie professionnelle de l’hôpital Cochin, au médecin du travail confirmant à celui-ci la recommandation d’un « reclassement sur un autre service afin que le salarié ne soit plus dans le même contexte managérial », et surtout par les divers avis rendus par le médecin du travail, ainsi les avis d’aptitude à la reprise du travail des 12 janvier 2012 et 20 février suivant, précisant « un changement de service serait bénéfique pour sa santé », puis les avis des 23 avril et 13 mai 2013, mettant l’accent sur l’inaptitude du salarié à « ce » poste dans « ce service » et concluant à la possibilité pour le salarié d'« occuper un emploi similaire … dans un autre contexte relationnel et organisationnel dans un autre service ».

Dès lors le licenciement est nul par application de l’article L. 1152-3 du code du travail.

Sur les conséquence indemnitaires de la nullité du licenciement

Le salarié victime d’un licenciement nul et qui ne sollicite pas sa réintégration, a droit à une indemnité réparant l’intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire quelle que soit son ancienneté, mais ne peut prétendre au paiement de sommes à titre de salaires pour la période postérieure à la rupture du contrat de travail. M. C sera en conséquence débouté de sa demande en paiement de rappel de salaires.

Au vu des bulletins de salaires produits, au dernier état de la relation contractuelle la rémunération mensuelle brute moyenne de M. C s’élevait à la somme de 3 659,14 €.

Considérant l’effectif de l’entreprise, les circonstances de la rupture, l’âge du salarié (48 ans), son ancienneté de plus de 15 années, et la situation persistante de demandeur d’emploi de l’intéressé, il convient de lui allouer la somme de 44 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Sur la demande de dommages-intérêts pour dysfonctionnement du CHSCT

M. C demande paiement d’une somme de 5 000 € à ce titre en soutenant qu’en application de l’article L. 4612-5 du code du travail selon lequel le CHSCT réalise des enquêtes en matière de maladies professionnelles, l’employeur, qui avait été alerté par les avis du médecin du travail des 12 janvier et 20 février 2012, énonçant qu’un changement de service serait bénéfique pour la santé du salarié, aurait du faire examiner le cas de celui-ci par le CHSCT et proposer des actions pour prévenir le harcèlement moral conformément aux dispositions de l’article L. 4612-3 du code du travail.

Ainsi que le fait valoir la société SPHERE FRANCE, il ne ressort d’aucune pièce que M. C ou un autre salarié ait alerté les instances représentatives du personnel de faits de harcèlement moral au sein de l’entreprise, ni par ailleurs que l’employeur ait eu connaissance de l’éventuel caractère professionnel de la maladie de M. C, au demeurant non établi, comme il a été retenu supra, la seule recommandation du médecin du travail dans ses avis d’aptitude de janvier et février 2012 suivant laquelle un changement de service serait bénéfique pour la santé du salarié étant insuffisante à cet égard. Enfin aucune irrégularité ne ressort de l’examen des comptes-rendus de réunions du CHSCT pour la période de 2008 à 2013.

Le jugement qui a débouté M. C de ce chef de demande sera en conséquence confirmé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour inexécution de bonne foi de l’enquête de reclassement

Dès lors que le licenciement a été jugé nul, il n’y a pas lieu de statuer sur cette demande présentée à titre subsidiaire.

Sur les demandes en paiement d’un rappel de salaire à titre d’heures supplémentaires et d’une indemnité pour perte du bénéfice de la défiscalisation

M. C soutient que depuis son embauche en 1998 il a effectué annuellement, à la demande de Mme Y, sa chef de service, plus de 200 heures supplémentaires au delà de l’horaire de l’entreprise qui était de 36 heures par semaine, que ses heures n’ont pas été rémunérées. Il demande à ce titre de la somme de 19 080,49 € représentant les heures effectuées sur la période non prescrite de 2010 à 2013. Il ajoute que le défaut de paiement de ces heures lorsqu’elles étaient dues entraîne pour lui un surcoût d’impôt sur le revenu en raison de la perte du bénéfice de la défiscalisation applicable sur la période considérée, justifiant une demande indemnitaire de 5 200 €.

La société SPHERE FRANCE s’oppose à la demande faisant valoir que tous les salariés de l’entreprise sont soumis à l’horaire collectif de travail suivant : 9 heures à 18 heures du lundi au jeudi, avec une pause déjeuner de 1h15, et 9 heures à 15 heures le vendredi avec une pause d’une heure, qu’elle n’a pas demandé l’accomplissement d’heures supplémentaires à M. C qui n’apporte aucun élément de preuve à ce titre.

*

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

En application de ces dispositions, le salarié doit étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Pour seules pièces, M. C produit un décompte établi, pour chaque année de référence, par mois et non par semaine, mentionnant une heure d’arrivée le matin à 9 heures et une heure de départ « en moyenne » à 18h30 du lundi au jeudi et à, là encore « en moyenne », à 15h le vendredi, ainsi que l’attestation de Mme T-U affirmant que « V-W a toujours été quelqu’un de stable, calme, patient, sérieux, ne comptant pas ses heures ».

Ces seuls éléments ne sont pas suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre utilement de sorte que le salarié n’étaye pas sa demande, étant relevé au surplus qu’aucun des courriels adressés par M. C à partir de sa messagerie professionnelle, versés aux débats par la société SPHERE FRANCE, n’a été adressé postérieurement à 18 heures du lundi au jeudi.

Les heures supplémentaires alléguées ne sont donc pas établies et le jugement qui a débouté M. C de sa demande de rappel de salaire à ce titre, ainsi que de sa demande indemnitaire pour perte du bénéfice de la défiscalisation, sera dès lors confirmé.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société SPHERE FRANCE supportera les dépens de première instance et d’appel et sera condamnée en équité à verser à M. C la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré seulement en ce qu’il a débouté M. V-W C de ses demandes de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de sa demande de nullité du licenciement et en ce qu’il l’a condamné aux dépens ;

DIT que M. V-W C a été victime de harcèlement moral ;

PRONONCE la nullité du licenciement de M. V-W C ;

CONDAMNE la SAS SPHERE FRANCE à payer à M. V-W C les sommes suivantes :

—  5 000 € à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

—  44 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

—  2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE la SAS SPHERE FRANCE aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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