Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 mars 2017, n° 15/20571

  • Bruit·
  • Nuisances sonores·
  • Référé·
  • Trouble·
  • Préjudice de jouissance·
  • Installation sanitaire·
  • Expertise·
  • Système·
  • Intimé·
  • Copropriété

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 2, 30 mars 2017, n° 15/20571
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/20571
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 29 septembre 2015, N° 15/53812
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 1 – Chambre 2 ARRET DU 30 MARS 2017 (n°210, 13 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 15/20571

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 30 Septembre 2015 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 15/53812

APPELANTS

Monsieur E X

XXX

XXX

né le XXX à AJACCIO

Madame F G épouse X

XXX

XXX

née le XXX à XXX

SCI X

agissant en la personne de son gérant domicilié audit siège

XXX

XXX

Représenté par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET – HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

Représenté par Me Patrick ROZENFELD de la SCP CASTON TENDEIRO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0156

INTIMES

Monsieur H Y

XXX

né le XXX à XXX

Madame J Y

XXX

XXX

née le XXX à XXX

XXX

au capital de 1.000 € inscrite au RCS de PARIS sous le n° 491 185 534,prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

XXX

XXX

Représentée par Me Laurent KARILA de la SELAS KARILA SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0264

Assisté par Me Julia GARY substituant Me Laurent KARILA de la SELAS KARILA SOCIETE D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0264

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant M. Bernard CHEVALIER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Bernard CHEVALIER, Président

Mme Martine ROY-ZENATI, Présidente de chambre

Mme Agnès BODARD-HERMANT, Conseillère

Qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : M. K L

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Bernard CHEVALIER, président et par M. K L, greffier. EXPOSÉ DU LITIGE

Les faits et la procédure

La SCI X est propriétaire d’un appartement situé au 1er étage de l’immeuble sis XXX. Cet appartement se situe en dessous de celui appartenant à la XXX.

Au cours de l’année 2007, M. et Mme Y, gérants de la XXX, ont fait réaliser une salle de bain, comprenant notamment une baignoire à remous et un WC, à la place d’une chambre située au dessus d’une chambre de l’appartement de la SCI C.

Les époux X et la SCI X, se plaignant de fuites et de nuisances sonores, ont fait assigner la XXX et les époux Y devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris afin qu’une expertise soit ordonnée.

Par ordonnance rendue le 28 avril 2011, cette juridiction a fait droit à leur demande et désigné M. A pour effectuer cette mesure d’instruction avec la mission suivante, telle qu’elle est reprise dans le rapport d’expertise :

'A – Convoquer et entendre les parties, assistées, le cas échéant, de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise,

B – Se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, notamment, s’il le juge utile, les pièces définissant le marché, les plans d’exécution, le dossier des ouvrages exécutés,

C – Se rendre sur les lieux et, si nécessaire, en faire la description, au besoin en constituant un album photographique et en dressant des croquis

1. Relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l’assignation et affectant l’immeuble litigieux, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties

2. En détailler l’origine, les causes et l’étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de déterminer à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables, et dans quelles proportions

3. Indiquer les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l’habitabilité, l’esthétique du bâtiment, et, plus généralement, quant à l’usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination

4. Dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l’art

5. Donner son avis sur les solutions appropriées pour y remédier, telles que proposées par les parties ; évaluer le coût des travaux utiles à l’aide de devis d’entreprises fournis par les parties

6. Donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non-conformités et sur leur évaluation, dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée

7. Rapporter toutes autres constatations utiles à l’examen des prétentions des parties

8. Donner, le cas échéant, son avis sur les comptes entre les parties D – A l’issue de la première réunion d’expertise, ou dès que cela lui semble possible, et en concertation avec les parties, définir un calendrier prévisionnel de ses opérations ; l’actualiser ensuite dans le meilleur délai,

E – Au terme de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception, dont il s’expliquera dans son rapport, et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations.'

L’expert judiciaire s’est adjoint les services de M. B en qualité de sapiteur acousticien et il a déposé son rapport le 15 janvier 2013.

Par acte des 13 et 16 avril 2015, les époux X et la SCI X ont fait assigner les époux Y et la XXX devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris.

Ils demandaient à cette juridiction de constater que la création de la salle de bains litigieuse, les nuisances sonores qu’elle génère et les inondations subies dans leur appartement constituent un trouble anormal de voisinage, d’ordonner la réalisation des travaux préconisés par M. B et de condamner les époux Y ainsi que la XXX à leur payer les sommes de 3 655,37 euros au titre du remboursement des dépens (frais d’huissiers et d’expertise), 2 375 euros en réparation du préjudice de jouissance, 2 192 euros d’honoraires d’avocats (instance de référé et suivi de l’expertise judiciaire) et 2 500 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi qu’une somme en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Par ordonnance rendue le 30 septembre 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

— dit n’y avoir lieu à référé concernant la demande de condamnation sous astreinte de la XXX et des époux Y à procéder à leurs frais à l’exécution des travaux de mise aux normes de leur installation sanitaire, par sa dépose puis repose selon les prescriptions techniques définies dans le cadre du rapport de M. B, sapiteur acousticien, le 12 juin 2012 ;

— dit n’y avoir lieu à référé concernant les demandes d’indemnités provisionnelles formées par les époux X et la SCI X (remboursement des dépens, préjudice de jouissance, honoraires d’avocat, dommages et intérêts) ;

— condamné les époux X et la SCI X aux entiers dépens ;

— condamné les époux X et la SCI X à payer à la XXX et aux époux Y la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rejeté toutes les autres demandes des parties.

Le juge des référés a motivé cette décision par les motifs suivants :

— sur la demande d’exécution de travaux

— la preuve n’est pas rapportée que les nuisances sonores alléguées au niveau des installations sanitaires dépasseraient les seuils autorisés par les réglementations applicables à la construction litigieuse alors que le décret du 22 octobre 1955, qui fait référence à la mise en place d’un isolement sonore suffisant des pièces d’habitation compte tenu de leur destination, n’est pas applicable, l’immeuble ayant été construit avant 1955, et l’article 9 du règlement de copropriété prévoyant que chaque copropriétaire peut « modifier comme bon lui semblera la disposition intérieure de son appartement », cet article ajoutant uniquement que le syndic doit être avisé de cette modification sans qu’aucune sanction spécifique ne soit prévue en l’absence de cette information ; – par ailleurs, hormis le bain à remous, il n’est pas établi que la gêne sonore occasionnée par les autres installations sanitaires excéderait, par son ampleur et sa durée, les inconvénients normaux du voisinage, l’immeuble collectif étant ancien et bénéficiant d’une médiocre isolation phonique et les bruits occasionnés par les installations sanitaires mises en place, hormis le système de bain à remous (baignoire, lavabo, chasse de la cuvette WC) étant conformes aux seuils fixés par l’arrêté du 14 juin 1969 (35 dB, en tenant compte de la tolérance de 3 dB en raison de l’incertitude des mesures, rapport de M. B, page 6), bien que ce texte soit inapplicable en l’espèce ;

— en revanche, les bruits causés par le système de bains à remous, qualifiés d’inadmissibles par l’expert (rapport, page 21), excèdent à l’évidence les inconvénients normaux du voisinage, s’agissant d’un niveau de bruit très élevé, relevé à 45 dB (A) et rendent impossible l’utilisation normale de la chambre des époux X, leur occasionnant un trouble dejouissance caractérisé au niveau de cette pièce, en journée comme pendant la nuit ;

— cependant, il n’est pas contesté en l’espèce que les époux Y et la société MHCL ont procédé à la suppression de la motorisation du système de bains à remous, conformément à la solution réparatoire préconisée par l’expert en conclusion de son rapport ;

— ces travaux sont de nature à mettre un terme aux nuisances sonores subis par les époux X qui excédent à l’évidence les inconvénients normaux du voisinage ;

— sur la demande de provision

— les indemnités provisionnelles sollicitées ne sont pas justifiées dans leur principe et/ou dans leur quantum, en l’absence d’éléments probants versés aux débats permettant d’étayer les demandes formées à ce titre, alors même que l’expert judiciaire n’a pas analysé le préjudice de jouissance allégué par les demandeurs, qui a été laissé à l’appréciation du tribunal, que le principe même d’un préjudice de jouissance soulève plusieurs contestations sérieuses s’agissant des installations sanitaires autres que le bain à remous, que certaines infiltrations subies par les demandeurs ont pour origine la chute de l’immeuble et non pas l’installation sanitaire mise en place par les époux Y et la société MHCL et que l’expert judiciaire n’a constaté aucune humidité lors des opérations d’expertise, précisant même que « les lieux étaient parfaitement secs ».

Par déclaration en date du 19 octobre 2015, les époux X et la SCI X ont fait appel de l’ordonnance rendue le 30 septembre 2015.

Les demandes et les moyens et arguments des parties

Les époux X et la SCI X

Au terme de leurs dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 7 février 2017, les époux X et la SCI X demandent à la cour de :

— infirmer l’ordonnance de référé rendue le 30 septembre 2015,

en conséquence,

— ordonner aux frais de la XXX et des époux Y, la réalisation de travaux sur cette installation selon les prescriptions techniques définies dans le cadre du rapport de M. B, sapiteur acousticien, le 12 juin 2012, et ce sous astreinte journalière de 100 euros à compter de l’expiration du mois qui suivra celui de la signification de l’arrêt à intervenir ;

— dire que ces mesures réparatrices comporteront : – la suppression de la motorisation du bain à remous,

— la suppression du cabinet d’aisances,

— la pose sur les canalisations de colliers antivibratoires ainsi que les dispositifs tendant à ramener la pression d’eau à 2 bars et la vitesse de l’eau à 1 m/s,

— la pose, en remplacement s’il y a lieu, d’une robinetterie du groupe acoustique I avec un classement A3 et un indice Lap ' 15 dB(A)

— dire que ces travaux devront être déclarés à la copropriété, ainsi qu’il l’est prévu dans le règlement de copropriété, et réalisés sous le contrôle d’un bureau de contrôle spécialisé, ce dont il devra être justifié aux époux X ;

— condamner la XXX et les époux Y, à verser aux époux X, in solidum et à titre provisionnel, les sommes de :

—  3 655,37 euros au titre du remboursement des dépens (155,37 euros de frais d’huissiers et 3 500 euros de frais d’expertise) relatifs à l’instance de référé et aux opérations d’expertise ayant abouti au dépôt du rapport de M. A le 15 janvier 2013,

—  2 375 euros au titre du préjudice de jouissance fixé dans le cadre des opérations d’expertise,

—  2 500 euros à titre de dommages et intérêts, en compensation des nuisances acoustiques subies postérieurement à l’expertise et engendrées par l’installation litigieuse,

—  800 euros à titre de remboursement des sommes versées au titre de l’article 700 auxquelles les époux X ont été condamnés par l’ordonnance de référé attaquée,

— condamner la XXX et les époux Y, in solidum, à verser aux époux X la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la XXX et les époux Y, in solidum, aux dépens de la présente instance, qui comprendront ceux relatifs à la signification de l’ordonnance de référé attaquée (169,54 euros), dont distraction au profit de la SCP Naboudet Hatet dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

Les époux X et la SCI X soutiennent en substance les arguments suivants :

— sur l’expertise judiciaire

— le rapport de l’expert judiciaire est succinct mais M. B a indiqué clairement, d’une part, que la chambre sur cour était particulièrement silencieuse et, d’autre part, que les nuisances sonores sont avérées ;

— M. B a décrit les mesures nécessaires afin de faire cesser ces nuisances et il ne suffit pas, comme M. A l’a retenu, de procéder seulement à la dépose de la motorisation de la baignoire ;

— l’expert a également failli à sa mission en ce qui concerne les dégâts des eaux alors que toutes les pièces utiles lui avaient été fournies concernant le sinistre d’octobre 2007, celui de fin février 2010 et celui survenu fin mai 2011, pièces desquelles il ressort que tous ces sinistres sont imputables à un élément de la plomberie privatif de l’appartement Y ; – sur les préjudices subis et le trouble manifestement illicite

— les appelants ont subi un préjudice de jouissance important, constitué par l’impossibilité de procéder aux réparations avant plusieurs mois après chaque sinistre, ce délai étant nécessaire au séchage des murs et plafond, l’indisponibilité de la cuisine durant plusieurs jours, à la suite de l’effondrement partiel du double plafond de cet espace, provoqué par le premier sinistre, l’apparition à deux reprises de poussières abondantes provenant des travaux en cours dans l’appartement Y et, de façon générale, les tracasseries et la gêne d’avoir à supporter de manière récurrente des travaux de réfection dans leur appartement entièrement rénové en 2005 ;

— les appelants ont également subi des nuisances sonores importantes établies par M. B, qui ont rendu l’une des chambres de leur appartement quasiment inhabitable ;

— les intimés, en créant une salle de bain dans une chambre sans prendre toutes les précautions techniques nécessaires compte tenu de l’ancienneté de l’immeuble, ont créé un trouble manifestement illicite parce que dépassant les inconvénients normaux de voisinage ; ils ont enfreint les obligations énoncées à l’article 9 du règlement de copropriété de ne pas nuire aux droits des autres propriétaires et de signaler au syndic la modification de la disposition de leur appartement, le syndic pouvant exiger que ces travaux soient exécutés sous la surveillance de l’architecte qu’il désigne ; les intimés ont également méconnu l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 ;

— l’utilisation de la salle de bain à n’importe quel moment du jour et de la nuit, qui interdit l’usage de la chambre située en dessous, crée un dommage constant et imminent, puisqu’il est susceptible de se réaliser à n’importe quel moment ;

— sur l’ordonnance de référé du 30 septembre 2015

— le premier juge a dénaturé les écritures des appelants en retenant qu’il n’était pas contesté que les époux Y avaient procédé à la suppression de la motorisation du bain à remous ; en outre, il a déduit cette suppression d’un devis et non d’une facture ; enfin, les pièces produites par les intimés prouvent que cette motorisation n’a pas été déposée mais seulement débranchée ;

— il n’a pas non plus examiné les pièces 10 à 19 des appelants démontrant l’imputation aux intimés des inondations subies et leur importance ;

— il a aussi méconnu la réalité des nuisances sonores perceptibles à partir d’une chambre sur cour très silencieuse ;

— le premier juge a également estimé à tort qu’aucune norme phonique n’était applicable en raison de l’ancienneté de l’immeuble et méconnu ainsi les dispositions de l’arrêté n° 01-16855 de la Préfecture de Police de Paris et l’article R 1334-31 du Code de la santé publique ;

— il n’a pas tiré les conséquences de son appréciation selon laquelle les bruits occasionnés par le système de bain à remous excédaient les inconvénients normaux de voisinage ;

sur leurs demandes

les époux C réclament l’exécution des travaux préconisés par M. B sur le fondement de l’article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile et la condamnation in solidum des intimés à leur payer les provisions réclamées à valoir sur l’indemnisation de leurs préjudices sur celui de l’article 809, alinéa 2, du même code.

Les époux Y et la XXX Les époux Y et la XXX, dans leurs dernières conclusions communiquées par la voie électronique le 21 février 2017, demandent à la cour de :

— confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

y ajoutant,

— condamner la SCI X et les époux X à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens ;

— ordonner l’exécution provisoire, y compris en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, qui seront recouvrés par la SELAS Karila conformément aux dispositions de l’article 696 et 699 du code de procédure civile.

Les époux Y et la XXX exposent en résumé ce qui suit :

— l’ordonnance attaquée doit être confirmée en l’absence de trouble manifestement illicite au sens de l’article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile ; ainsi, M. B et l’expert judiciaire ont retenu que les bruits générés par l’utilisation de la salle de bain ne créent pas de gène sonore, à l’exception de celui de la chasse d’eau qu’ils ont qualifié néanmoins de gène admissible ; en outre, ces bruits ne se manifestent que très ponctuellement dans la journée et ils n’empêchent pas l’utilisation normale de la chambre située en dessous ; en outre, le WC litigieux a été raccordé à une descente commune préexistante et encastrée dans le mur, destinée à l’évacuation des eaux usées ;

— ces bruits, liés à l’utilisation normale d’installations sanitaires, ne sauraient donc constituer des troubles anormaux de voisinage, ainsi que la jurisprudence l’a admis régulièrement, les arrêts en sens contraire cités par les appelants se rapportant à des faits différents de ceux examinés ;

— il n’y a pas d’atteinte aux droits des autres copropriétaires en violation de l’article 9 du règlement de copropriété, chaque copropriétaire pouvant modifier comme il l’entend la disposition intérieure de son appartement ;

— le premier juge a également retenu à bon droit que, compte tenu de l’ancienneté de l’immeuble, il n’était pas soumis à une norme en matière acoustique ; il est néanmoins utile de souligner que la mesure par M. B des bruits générés par l’utilisation de la salle de bain montre qu’ils sont conformes à l’arrêté du 14 juin 1969, applicable aux immeubles d’habitation édifiés entre le 1er juillet 1970 et le 31 décembre 1995, à l’exception de ceux causés par le bain à remous ;

— il n’y a pas non plus de dommage imminent, la motorisation du bain à remous ayant été neutralisée, ainsi qu’ils en justifient par la production aux débats de la facture du technicien ayant effectué cette prestation et le constat d’huissier établi 7 septembre 2016 ; il n’était pas possible de retirer le moteur sans rendre la baignoire fuyarde ;

— l’ordonnance attaquée doit également être confirmée en ce qui concerne les provisions réclamées ;

— la somme de 2 375 euros demandée au titre du préjudice de jouissance n’a pas été validée par l’expert judiciaire qui a simplement repris la demande des appelants ;

— s’agissant des infiltrations, seule la première survenue en 2007 est imputable à un élément privatif de leur plomberie, les autres provenant d’équipements communs ; en outre, l’expert n’a constaté aucune fuite en provenance de leurs canalisations mais seulement une tâche sur le plafond de la chambre des appelants ;

— en ce qui concerne les nuisances sonores, les époux X n’ont exprimé aucune doléance entre 2007 et le mois de mai 2010 et ils ne produisent aucune pièce justifiant leur réclamation d’une somme correspondant à la moitié de la valeur locative de la chambre en cause pendant cinq ans ; ils ne justifient pas non plus qu’ils occupent leur appartement parisien ;

— les demandes des appelants en dommages et intérêts et tenant à leurs frais de procédure et aux dépens ne sont pas non plus fondées dès lors qu’ils ont cherché à tort à imputer aux intimés les infiltrations survenues depuis 2007, qu’ils n’ont saisi le juge des référés qu’en 2011, que les intimés se sont conformés volontairement aux conclusions de l’expert en ce qui concerne leur bain à remous et qu’ils ont cherché à trouver une solution amiable.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande d’exécution de travaux

Selon l’article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance peut, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En vertu de l’article 9 du règlement de copropriété, chacun des copropriétaires a le droit de jouir comme bon lui semble des parties privatives comprises dans son lot à condition de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires.

Aux termes de ce même article, sous b), tout bruit ou tapage, de quelque nature que ce soit, troublant la tranquillité des occupants, est formellement interdit alors même qu’il aurait lieu dans l’intérieur des appartements.

Selon l’article 9, sous o), chaque copropriétaire pourra modifier comme bon lui semble la disposition intérieure de son appartement mais il devra en aviser le syndic ; celui-ci pourra exiger que les travaux soient exécutés sous la surveillance de l’architecte qu’il désignera, dont les honoraires seront à la charge du copropriétaire faisant exécuter les travaux.

En outre, l’article R. 1334-31 du code de la santé publique dispose qu’aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité.

Enfin, en vertu de la théorie du trouble anormal de voisinage, une personne qui cause à son voisin un dommage qui excède les inconvénients normaux de voisinage engage sa responsabilité. L’anormalité du trouble doit être appréciée de manière concrète et objective en fonction des caractéristiques de l’immeuble et de son mode d’occupation.

Dans l’affaire en examen, il est constant que la XXX et les époux Y ont, au cours de l’année 2007, soit postérieurement à l’acquisition par la SCI X de son appartement, fait procéder à la création d’une salle de bains au dessus d’une chambre de cet appartement.

Les appelants exposent, tout d’abord, que la création de cette salle de bains par les intimés sans en avoir avisé préalablement le syndic constitue une infraction au règlement de la copropriété.

Certes, les intimés ne justifient pas ni même n’allèguent avoir satisfait à cette obligation mais il ne ressort pas avec l’évidence requise en référé que cette infraction au règlement de copropriété puisse être analysée comme un trouble manifestement illicite justifiant qu’il soit fait droit aux demandes d’exécution de travaux des appelants. En effet, il ne ressort pas avec évidence que cette obligation d’informer le syndic afin de permettre à celui-ci d’exiger que les travaux soient exécutés sous la surveillance de l’architecte qu’il désignera ait pour objectif de préserver les droits d’un copropriétaire voisin.

Au vu du second alinéa de l’article 9, sous n), du règlement de copropriété, selon lequel le copropriétaire qui modifie la disposition intérieure de son appartement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour ne pas nuire à la solidité de l’immeuble, cette exigence a pour but de permettre au syndic de s’assurer que les travaux envisagés ne porteront pas atteinte à cette solidité ni aux parties communes.

Il se déduit ensuite des écritures des appelants que les nuisances sonores générées par l’usage de cette salle de bains constitueraient une infraction aux dispositions de l’article 9 du règlement de copropriété et de l’article 9 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, ainsi qu’à l’article R. 1334-31 du code de la santé publique.

Cependant, cette affirmation ne saurait non plus justifier de faire droit à la demande d’exécution de travaux des appelants, tant il est vrai qu’aucun de ces textes ne déterminent dans des circonstances telles que celles du litige en examen si et dans quelle mesure les bruits générés par l’utilisation d’une salle de bain nuisent au droit d’un autre copropriétaire et doivent être considérés comme portant atteinte à la tranquillité du voisinage.

En outre, ainsi que les appelants l’ont indiqué dans leur note communiquée en pièce n° 27, aucune norme phonique n’est applicable dans l’immeuble concerné, compte tenu de la date de sa construction.

Les appelants soutiennent enfin que les bruits en cause constituent un trouble anormal de voisinage.

Il leur incombe d’établir avec l’évidence requise en référé que ces bruits constituent un trouble et que celui-ci revêt un caractère anormal.

Il ressort, en premier lieu, des constatations de l’expert judiciaire que la chambre de l’appartement de la SCI X donne sur la cour de l’immeuble et qu’elle est ainsi particulièrement silencieuse.

Il en résulte également que le bruit de la motorisation du système de bain à remous produit une nuisance sonore qui, selon l’expert, rend cette chambre impropre à sa destination.

Cette conclusion n’est pas contestée par les intimés, qui soutiennent avoir fait cesser ce désordre.

Ils en rapportent la preuve par la production aux débats d’une facture établie par M. D en date du 4 décembre 2014 et un constat d’huissier établi le 7 septembre 2016, desquels il ressort que le câble d’alimentation du moteur assurant le fonctionnement du bain à remous a été supprimé.

Les appelants soutiennent que cette mesure est insuffisante en ce qu’elle ne garantirait pas que le système ne puisse être remis en fonctionnement, de sorte qu’il persisterait un risque de dommage imminent.

L’existence de ce risque ne peut toutefois être tenue pour établie avec l’évidence requise en référé alors que la facture de neutralisation est en date du 4 décembre 2014 et que, depuis cette date, aucun usage du système de bain à remous par les intimés n’est établi ni même allégué par les appelants.

Les appelants réclament ensuite la suppression du cabinet d’aisances. Il ressort, toutefois, des appréciations du sapiteur que le bruit causé par la chasse d’eau a été estimé être de nature à rendre le séjour dans la chambre de la SCI C 'moins agréable’ et que l’expert judiciaire a estimé qu’il était 'admissible'. Le fait que le niveau de pression acoustique normalisé LnAT provoqué par la chasse d’eau a été évalué par l’expert à 35 dB(A) alors que le bruit ambiant résiduel dans la chambre a été estimé à 24 dB ne saurait suffire, au regard des appréciations qui précèdent, à établir avec l’évidence requise en référé que le bruit de cette chasse d’eau constitue un trouble anormal de voisinage .

Il n’est pas démontré non plus avec cette même évidence que le fonctionnement de la baignoire et celui du lavabo constituent un tel trouble, le sapiteur ayant également indiqué qu’ils rendaient le séjour dans la chambre en cause 'moins agréable’ et mesuré que le niveau de pression acoustique de leur remplissage était inférieur à celui de la chasse d’eau.

De même, l’appréciation du sapiteur selon laquelle la salle de bain a été réalisée en méconnaissance des règles de l’art, s’agissant des mesures à mettre en oeuvre afin de réduire les nuisances sonores, ne saurait non plus faire la preuve que l’usage de celle-ci crée un trouble anormal de voisinage.

En l’état de ces considérations, l’ordonnance attaquée doit être confirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes des époux C et de la SCI X en condamnation de la XXX et des époux Y à faire réaliser les travaux énumérés dans le dispositif de leurs écritures.

Sur les demandes de provision

En vertu de l’article 809, alinéa 2, du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance statuant en référé peut accorder une provision au créancier lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable.

Dans l’affaire examinée, les appelants démontrent par la production à leur dossier d’un compte-rendu du cabinet Labouze en date du 23 mai 2008 que leur appartement a été victime au mois d’octobre 2007 d’une infiltration imputable à deux fuites survenues à l’occasion des travaux effectués pour le compte des époux Y et que ces fuites ont endommagé le plafond de leur cuisine (plafond 100 % mouillé selon rapport de la société JFL Plomberie en date du 16 novembre 2007) ainsi que deux murs et le plafond de la chambre contigue.

L’imputation de ces fuites n’est d’ailleurs pas contestée par les intimés.

Les appelants justifient également, par la production à leur dossier d’un courrier du cabinet Loiselet et Daigremont, syndic de l’immeuble, en date du 18 mai 2010, que leur appartement a encore subi une infiltration provenant d’une fuite sur le réseau d’eau chaude privatif de l’appartement des époux Y.

Ils imputent encore un troisième dégât des eaux survenu fin mai 2011 aux époux Y mais la pièce n° 19 produite à leur dossier ne permet pas de tenir pour acquis avec l’évidence requise en référé que cette fuite s’est produite sur une canalisation privative du bien de la XXX, la facture jointe à cette pièce faisant état d’une réparation sur un tuyau d’évacuation relevant des parties communes.

Les époux X sont ainsi fondés à soutenir avoir subi un préjudice de jouissance causé par les deux premiers sinistres susvisés et il n’est pas sérieusement contestable que ces derniers constituent un trouble anormal de voisinage qui engagent ainsi la responsabilité des intimés.

Il ressort également des motifs qui précèdent que le système de bain à remous a été en fonction dans l’appartement occupé par les époux Y de la fin des travaux de réalisation de leur salle de bains jusqu’à sa neutralisation début décembre 2014.

Le fait, souligné par les intimés, que les époux X n’ont pas exprimé de doléances à ce titre de 2007 à 2010 ne saurait priver ces derniers de leur droit à être indemnisés du préjudice de jouissance qui leur a été causé dès lors qu’il a été constaté que l’utilisation de ce système rendait la chambre située en dessous inutilisable.

Les époux X font également valoir qu’ils ont subi à deux reprises des poussières abondantes provenant des travaux en cours dans l’appartement Y mais ils ne produisent aucune pièce permettant d’en faire le preuve.

Ils ont réclamé, en réparation de leurs préjudices de jouissance, la somme de 2 375 euros, correspondant à 50 % de la valeur locative de la surface de la chambre située sous la salle de bains litigieuse pendant 5 ans.

En l’état des pièces citées ci-dessus et des débats, il sera tenu pour établi avec l’évidence requise en référé qu’ils ont subi un préjudice de jouissance causé par les fuites précitées et les nuisances sonores provoquées par l’utilisation du système de bain à remous. Leur créance à ce titre sera tenue pour non sérieusement contestable à hauteur de 1 500 euros.

Les époux X réclament encore la somme provisionnelle de 2 500 euros en compensation des nuisances acoustiques subies postérieurement à l’expertise mais il a été vu que seul le fonctionnement du bain à remous générait un trouble anormal de voisinage. En outre, les époux X ne fournissent pas d’indication sur l’utilisation de cet appareil après que l’expert a déposé son rapport et démontré que son utilisation créait un trouble anormal de voisinage.

Les intimés exposant avoir pris en compte les conclusions du rapport d’expertise dès le dépôt de celui-ci, l’utilisation du système de bain à remous postérieurement à ce dépôt et, partant, les nuisances sonores qui en découlent ne peuvent donc pas être tenues pour établies avec l’évidence requise en référé.

Il sera dit n’y avoir lieu à référé sur ce chef de demande.

Les époux X réclament encore le remboursement des frais d’huissier et d’expertise qu’ils ont supportés dans le cadre de ce litige.

Il a été vu ci-dessus que l’expertise a permis d’établir avec l’évidence requise en référé que le fonctionnement du système de bains à remous équipant la baignoire mise en place dans l’appartement de la XXX provoquait des nuisances constituant un trouble anormal de voisinage.

Il s’ensuit que la mesure d’expertise a permis d’établir au moins pour partie le caractère bien fondé des doléances exprimées par les appelants et la responsabilité des intimés.

Il peut donc être tenu pour non sérieusement contestable que le coût de cette mesure d’instruction et des frais d’huissier engagés dans le cadre de l’instance qui a permis qu’elle soit ordonnée doit être supporté par les intimés.

Au vu de ces considérations, l’ordonnance attaquée doit être infirmée en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision des époux X et, statuant à nouveau, la XXX et les époux Y seront condamnés in solidum à leur payer la somme de 1 500 euros en réparation de leur préjudice de jouissance ainsi que celle de 3 655,37 euros au titre du coût de l’expertise et des frais d’huissier.

L’ordonnance attaquée doit également être infirmée en ce qu’elle a fait application de l’article 700 du code de procédure civile et a statué sur les dépens.

Il n’y a pas lieu de condamner les intimés à rembourser la somme de 800 euros que les époux C leur ont payée en exécution de l’ordonnance attaquée, l’infirmation de celle-ci sur ce point constituant le titre qui permet le recouvrement de cette somme. L’équité commande de décharger les époux X des frais non compris dans les dépens qu’ils ont dû engager dans le cadre du présent litige et de leur allouer ainsi, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros.

Les intimés, qui succombent pour l’essentiel à cette instance, devront supporter les dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, la SCP Naboudet Hatet pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision

La demande d’exécution provisoire du présent arrêt formée par les intimés, sans objet, sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l’ordonnance rendue le 30 septembre 2015 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé concernant la demande de condamnation sous astreinte de la XXX et des époux Y à procéder à leurs frais à l’exécution des travaux de mise aux normes de leur installation sanitaire, par sa dépose puis repose selon les prescriptions techniques définies dans le cadre du rapport de M. B, sapiteur acousticien, le 12 juin 2012 ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la XXX et M. et Mme Y in solidum à payer à M et Mme X les sommes provisionnelles de 1 500 euros en réparation de leurs préjudices de jouissance et de 3 655,37 euros au titre du coût de l’expertise et des frais d’huissier ;

DIT n’y avoir lieu à référé pour le surplus ;

CONDAMNE la XXX et M. et Mme Y in solidum à payer à M et Mme X la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d’appel ;

DIT que la SCP Naboudet Hatet pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu provision.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 30 mars 2017, n° 15/20571