Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 16 juin 2017, n° 16/08346

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 16 juin 2017, n° 16/08346
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/08346
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 10 septembre 2014, N° 12/08979
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, 11 septembre 2014, 2012/08979
  • (en réquisition)
  • Cour d'apple de Paris, 16 mars 2018, 2016/08346
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : DM/078174
Classification internationale des dessins et modèles : CL26-05
Dispositif : Autre décision avant dire droit
Référence INPI : D20170077
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 16 juin 2017

Pôle 5 – Chambre 2

(n°103, 11 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : 16/08346 Décision déférée à la Cour : jugement du 11 septembre 2014 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3e chambre 4e section
- RG n°12/08979

APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES Mme Stéphanie B

S.A.S. CHRISTIAN L, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] 75007 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 393 070 099 Représentées par Me Alain CLERY de la SELARL CLERY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 70

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE S.A.R.L. MECI, exerçant sous le nom commercial nahoor, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Collebeato (BS) via A. De Gasperi 12 Cap 25060 COLLEBEATO BRESCIA ITALIE Représentée par Me Pascale BETTINGER, avocat au barreau de PARIS, toque D 0140 Assistée de Me Jean-Charles B plaidant pour la SELARL CABINET BENSUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque C 372

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 mars 2017, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Colette PERRIN, Présidente, en présence de Mme Véronique RENARD, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

M Colette PERRIN et Véronique R ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Véronique RENARD, Conseillère Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère, désignée pour compléter la Cour Greffière lors des débats : Mme Carole T

ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

FAITS ET PROCÉDURE La société Christian Liaigre a pour activité la création et commercialisation d’objets et mobiliers haut de gamme, dont des luminaires.

La société de droit italien Meci a pour objet le commerce d’éclairage décoratif.

La lampe Gabard (ou Gabar) a par ailleurs été déposée à son nom le 30 novembre 2011 à titre de modèle international sous le n°078174, publié le 1er juin 2012. La société Christian Liaigre indique aussi avoir fait appel à Madame Stéphanie B, créatrice et designer indépendante, afin de concevoir pour elle un luminaire intitulé Bûche, qu’elle commercialise.

La société Christian Liaigre et Madame B ayant appris que la société Meci exposait au salon 'Maison et Objet’ de l’hiver 2012 des luminaires reprenant selon eux les caractéristiques des lampes sus-indiquées, elles ont fait procéder le 24 janvier 2012 à des opérations de saisie- contrefaçon sur le stand de cette dernière, dûment autorisées selon ordonnance du président du tribunal de grande instance de Bobigny rendue le même jour.

Considérant que les luminaires Jade, Mahari, Amita et Miky commercialisés par la société Meci constituaient une contrefaçon respectivement des lampes Bûche, Chantecaille, Canisse et Gabard, la société Christian Liaigre et Madame B ont, selon acte d’huissier en date du 20 mars 2012, fait assigner la société Meci devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droits d’auteur et de modèle ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.

La société Christian Liaigre et Madame B ont fait réaliser une seconde saisie-contrefaçon sur le stand de la société Meci tenu au salon 'Maison et Objet’ le 10 septembre 2012 sur ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Bobigny le même jour.

Par jugement contradictoire en date du 11 septembre 2014, assorti de l’exécution provisoire, sauf concernant la mesure de destruction, le tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré les procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 24 janvier et 10 septembre 2012 valables,
- dit que Madame B et la société Christian Liaigre sont recevables à agir sur le fondement du droit d’auteur,
- dit que la société Christian Liaigre est recevable à agir sur le fondement du droit des dessins et modèles concernant le modèle de lampe Gabar,
- rejeté la demande d’annulation du modèle de lampe DM/078174,
- dit que la lampe Jade de la société Meci constitue une contrefaçon de la lampe Buche,
- ordonné à la société Meci de cesser l’exploitation de la lampe Jade imitant l’œuvre Buche, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement,
- s’est réservé la liquidation de l’astreinte,
- ordonné la destruction de tous les modèles Jade, une fois le jugement définitif,
- condamné la société Meci au paiement à Madame B de la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte à son droit moral sur la lampe Buche,
- condamné la société Meci au paiement à Madame B de la somme de 1.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son gain manqué,
- débouté la société Christian Liaigre de ses demandes au titre de la contrefaçon,
- débouté Madame B et la société Christian Liaigre de leur demande présentée sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire,
- rejeté la demande de publication de la décision,
- condamné la société Meci au paiement d’une somme de 5.000 euros à Madame B sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Meci au paiement des dépens.

La société Christian Liaigre et Madame Stéphanie B ont interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 11 avril 2016.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 3 mars 2017, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Christian Liaigre et Madame Stéphanie B demandent à la cour, au visa des articles L111-1, L 112-1, L 113-1 L 132-4, L335-2 et L335-3- 1 du code de la propriété intellectuelle, des articles L 511-1 et suivants du même code, 1382 du code civil, 10 bis de la convention d’union de Paris, et du règlement CE 6/2002 relatif à la protection des dessins ou modèles communautaires, de :

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de paris du 11 septembre 2014 en ce qu’il les a dit recevables à agir sur le fondement du droit d’auteur ; dit que la société Christian Liaigre est recevable à agir sur le fondement du droit des dessins et modèles concernant la lampe Gabard, dit que la lampe Jade constitue une contrefaçon de la lampe Bûche, ordonné à l’intimée de cesser l’exploitation de la lampe Jade sous astreinte de 2.000 euros par infraction, s’est réservé la liquidation de ladite astreinte, ordonné la destruction de tous les modèles Jade et a condamné l’intimée à payer à Madame B une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- pour le surplus, les dire et juger recevables et biens fondés en leur appel partiel et y faisant droit :

- infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a débouté la société Christian Liaigre de son action en contrefaçon artistique et en concurrence déloyale contre l’intimée, et pour ce qui concerne les dommages- intérêts accordés à Madame B,

et, statuant à nouveau sur ces points,

— dire et juger que les lampes Miky, Mahari et Amita constituent respectivement des contrefaçons des luminaires Gabard, Chantecaille et Canisse de la société Christian Liaigre, qu’en commercialisant ces lampes sur le territoire français, l’intimée s’est rendue coupable de contrefaçon artistique au préjudice de la société Christian Liaigre, qu’en commercialisant pas moins de quatre types de luminaires contrefaisants ceux exploités par la société Christian Liaigre, et au mépris des droits détenus par celle-ci, l’intimée s’est rendue coupable de concurrence déloyale au préjudice de la société Christian Liaigre, que le préjudice patrimonial et le préjudice moral de Madame B on été sous-évalués,

en conséquence,
- faire interdiction à l’intimée de détenir, importer, exposer, offrir à la vente, et commercialiser les luminaires Miky (lampe de bureau),

Mahari, Jade et Amita, sous astreinte de 3.000 euros par infraction commise à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir,
- ordonner la destruction des modèles litigieux Jade, Miky (lampe de bureau), Mahari, et Amita, sous contrôle d’huissier, aux frais de l’intimée et dire qu’elle devra en justifier dans un délai de huit jours à compter du trentième jour de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé ce délai,
- ordonner à l’intimée de rappeler, dans les 15 jours de la signification de l’arrêt à intervenir, tous les luminaires Miky (lampadaire et lape de bureau), Mahari (lampe de table et lampadaire), Amita (lampe de bureau et lampadaire) et Jade, et de retirer de la circulation les catalogues et autres documents commerciaux faisant la promotion et offrant à la vente les luminaires en question, et de supprimer toutes références et reproductions dedits luminaires de ses sites internet (notamment nahoor.com) et encore sur ses sites sociaux, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir,
- ordonner à l’intimée de produire un état comptable certifié sincère et véritable de toutes ses ventes des luminaires litigieux, en quantités et en chiffres d’affaires, à compter du 20 mars 2009 jusqu’à l’arrêt à intervenir, ainsi qu’en état des stocks dedits luminaires, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard compter du huitième jour de la signification de l’arrêt à intervenir,
- se réserver la liquidation des astreintes,
- renvoyer l’affaire à telle audience de mise en état à l’issue de l’arrêt à intervenir, afin de statuer sur les éléments comptables fournis par l’intimée et leur significatif complet,
- en l’état,

— condamner l’intimée à verser à la société Christian Liaigre une provision de 100.000 euros à valoir sur la réparation des atteintes portées à ses droits patrimoniaux sur ses luminaires Canisse, Chantecaille et Gabard, une provision de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la reproduction sans autorisation des oeuvres Canisse, Chantecaille et Gabard ; une provision de 100.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice qu’elle a subi du fait des actes de concurrence déoyale et parasitaire,
- condamner l’intimée à verser à Madame B une provision de 50.000 euros à valoir sur la réparation des atteintes portées à ses droits patrimoniaux sur sa lampe Bûche, la somme de 50.000 euros en réparation des atteintes portée à son droit moral,

— les autoriser à publier, en entier ou par extraits, le dispositif de l’arrêt à intervenir dans six revues ou journaux de leur choix, aux frais de l’intimée, dans la limite de 8.000 euros par insertion,
- condamner l’intimée à verser à la société Christian Liaigre la somme de 40.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner l’intimée à verser à Madame B la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; et la condamner aux entiers dépens de l’instance, dont recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 février 2017, auxquelles il est expressément renvoyé, la société Meci demande à la cour de :

— infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a retenu l’absence de contrefaçon pour les modèles Canisse, Gabar et Chantecaille, l’absence de concurrence déloyale et parasitisme,

— en conséquence et statuant à nouveau,
- dire et juger les procès-verbaux de saisie-contrefaçon des 24 janvier et 10 septembre 2012 dressés par maître V, huissier de justice sont nuls et de nul effet et seront donc écartés des débats, et que les appelants ne démontrent pas être titulaires des droits qu’ils invoquent,

en conséquence,
- dire et juger les appelants irrecevables à agir en contrefaçon,
- dire et juger que les modèles Bûche, Chantecaille et Canisse ne sont pas originaux et ne sont donc pas protégeables au titre du droit d’auteur ; que le modèle Gabard déposé le 30 novembre 2011 à l’OMPI sous le n° DM/078174 n’est pas protégeable, en ce qu’il désigne la France,
- en conséquence, prononcer la nullité du modèle international DM/078174, en ce qu’il désigne la France et ordonner son inscription auprès des registres compétents,

— juger le modèle Bûche n’a pas été contrefait

— débouter les appelants de toutes leurs demandes, subsidiairement,

— dire que les demandes des appelants sont indéterminées car visant une gamme de produits et non un produit en particulier,
- constater l’absence de toute pièce justifiant l’existence d’un quelconque préjudice financier commercial ou moral,
- débouter les appelants de toutes leurs demandes,
- pour le surplus, confirmer le jugement entrepris et notamment en ce qu’il a rejeté les demandes des appelants formulées au titre de la prétendue concurrence déloyale, les appelantes ne justifiant d’aucun préjudice moral ni commercial,

en tout état de cause,

— condamner les appelants à lui payer chacun 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens dont recouvrement conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 9 mars 2017.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la titularité des droits d’auteur Considérant que la société Christian Liaigre, revendiquant la présomption de titularité de droits d’auteur reconnue à la personne morale qui exploite l’oeuvre sous son nom, se prévaut de droits d’auteur sur trois luminaires désignés sous les noms Gabard (ou Gabar), Chantecaille et Canisse créés respectivement en décembre 2010, 2002 et 2000 ;

Que Madame B revendique quant à elle la qualité d’auteur d’une lampe dénommée Bûche créée en 2007 qui serait commercialisée également par la société Christian Liaigre ;

Que pour contester la titularité des droits de appelantes et se référant manifestement à la numérotation des pièces telle qu’elle était devant le tribunal, la société Meci fait valoir que les pièces produites à l’appui des prétentions des appelantes sont dépourvues de force probante ;

Considérant, ceci exposé, que la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l''œuvre est divulguée ;

Que, par ailleurs, la personne morale qui commercialise de façon non équivoque une œuvre de l’esprit est présumée à l’égard des tiers recherchés en contrefaçon et en l’absence de toute revendication du ou des auteurs, détenir sur ladite œuvre les droits patrimoniaux de

l’auteur ; que pour bénéficier de cette présomption simple, il appartient à la personne morale d’identifier précisément l’œuvre qu’elle revendique et de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation ; qu’il lui incombe également d’établir que les caractéristiques de l’œuvre qu’elle revendique sont identiques à celles dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom ; qu’enfin, si les actes d’exploitation propres à justifier l’application de cette présomption s’avèrent équivoques, elle doit préciser les conditions dans lesquelles elle est investie des droits patrimoniaux de l’auteur ;

Considérant en l’espèce, que la société Christian Liaigre a versé aux débats :

s’agissant de la lampe Gabard (ou gabar) :

— un croquis détaillé portant l’indication dactylographiée 22/12/10 accompagné d’une reproduction de la lampe portant l’indication de son nom,
- une attestation de Monsieur Luc B, photographe, qui indique avoir photographié la lampe Gabar pour Monsieur L en 2009/2010,
- une facture de commercialisation à sa filiale anglaise du 1er avril 2011,
- son catalogue 2011-2012 montrant en pages 35 et 37 la lampe Gabar,
- un modèle international déposé à son nom auprès de l’OMPI le 30 novembre 2011 et publié le 1er juin 2012, représentant sous les n° 5-1 à 5-3 une lampe dont la description correspond à la lampe Gabard (ou gabar),

s’agissant de la lampe Chantecaille :

- un croquis détaillé portant l’indication collection CL 28.05.2002 accompagné d’une reproduction de la lampe portant l’indication de son nom,
- des confirmations de commande de mars, avril et octobre 2004 sur lesquelles il est indiqué que des factures du 8 juillet 2004 et du 16 décembre 2004 ont été établies et un règlement effectué le 22 juillet 2004,

— une parution comportant la date certaine de 2005 et montrant ladite lampe,

s’agissant de la lampe Canisse :

— des croquis détaillés portant les indications 28.03.2000 et 19.04.01 et accompagnés d’une reproduction de la lampe portant l’indication de son nom,
- des extraits d’un catalogue publié en 2004 et montrant ladite lampe ;

Considérant que Madame B a versé aux débats, concernant la lampe Bûche qu’elle revendique :

- une enveloppe Soleau du 19 mars 2007 enregistrée à son nom, communiquée certes en copie mais dans son intégralité, et dans laquelle figure une photographie n°3 de la lampe Bûche correspondant à celle qui est proposée à la vente par la société Christian Liaigre,
- un croquis détaillé accompagné d’une reproduction de la lampe portant l’indication de son nom et la mention 'Stéphanie B',
- un avenant à un contrat de mission de conception artistique entre la société Christian Liaigre et elle, en date du 1er décembre 2007 dans lequel cette lampe est expressément visée,
- des échanges de mails entre elle et le bureau d’études de la société Liaigre intervenus en 2008 et 2009, accompagnés de photographies et de plans, qui établissent qu’elle est l’auteur de cette lampe, laquelle porte sa signature,
- des extraits d’un catalogue Christian L montrant ladite lampe créditée de son nom,
- des extraits du magazine Artra Vel d’avril/mai 2009 divulguant ladite lampe sous son nom,
- une facture d’un fournisseur d’un équipement électrique pour la lampe Bûche du 18 avril 2008 émise à l’attention de 'Stéphanie Chistian L’ ;

Considérant que l’ensemble de ces éléments précis et concordants, qui ne sont contredits par aucun autre contraire, suffisent à établir la titularité des droits d’auteur tant de la société Christian Liaigre que de Madame B sur les luminaires revendiqués ;

Que le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a déclaré la société Christian Liaigre que de Madame B recevable à agir au titre des droits d’auteur sur les luminaires Gabard, Chantecaille, Canisse et Buche ;

Considérant que la qualité à agir de la société Christian Liaigre au titre du modèle international n°078174 n’est pas contestée ;

Sur la protection des luminaires revendiqués

1) au titre du droit d’auteur

Considérant qu’aux termes de l’article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle le droit d’auteur protège toutes les 'œuvres de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, la nature ou la destination ;

Que selon l’article L.112-2 10° du même code, les œuvres des arts appliqués bénéficient notamment de la protection par le droit d’auteur ;

Qu’enfin, il est constant qu’une 'œuvre de l’esprit est protégeable dès lors qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant, en l’espèce, que Madame B et la société Christian Liaigre revendiquent des droits d’auteur sur des luminaires qu’ils décrivent ainsi en cause d’appel :

' la lampe Bûche est composée :

- d’un long piètement métallique, sensiblement en forme de demi- cylindrique, avec une surface irrégulière et bosselée,
- d’un abat-jour de forme parallélépipédique rectangle dont la taille est plus importante que celle du piètement, composé d’une matière translucide englobant un système lumineux diffusant de l’intérieur,
- d’une tige placée à l’extérieur du piètement qui se poursuit après un petit décroché sur un angle ouvert et relie le piètement à l’abat -jour au niveau de son premier quart,
- le piètement de l’abat-jour étant parallèle et très allongé ;

Considérant que pour contester l’originalité de cette lampe Bûche, la société Meci fait valoir qu’elle reprend les caractéristiques d’une lampe de bureau 'M Stevens’ ou d’une lampe 'E Light’ d’Artemide ; qu’elle indique en outre que cette lampe est composée d’éléments fonctionnels et d’éléments appartenant au domaine public, et produit au soutien de cette argumentation des fiches produits de 1999 à 2007 montrant différents luminaires ajoutant qu’il ressort de ces antériorités la même impression de 'pliage’ et de réflexion vers le bas de l’abat- jour et du piètement ;

Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’examen de ces pièces, lorsqu’elles sont antérieures à la lampe considérée et qu’elles permettent de voir les caractéristiques des luminaires y figurant, qu’aucune des lampes opposées ne donnent à voir les caractéristiques de la lampe Bûche telles que revendiquées ; qu’il n’est pas explicité en outre en quoi ces caractéristiques seraient dictées par la fonction de la lampe ; qu’au contraire ladite lampe Bûche comporte des proportions, formes, composition et combinaison

d’éléments particuliers tels que sus-décrits, qui lui confèrent un aspect esthétique propre et original reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur ; ' la lampe Gabard (ou Gabar) est composée :

— d’un socle métallique plat, de faible épaisseur, de forme rectangulaire et noir,

— d’une potence verticale en bois, constituée d’un montant vertical de section sensiblement carrée, fixé au socle métallique par un retour en même bois et de même section, à angle droit et reposant sur toute la longueur dudit socle, dans son axe central,
- ladite potence étant constituée dans sa partie supérieure d’un bras horizontal du même bois et de même section que le montant vertical et le retour inférieur, relié à la partie verticale à angle droit et dans l’alignement du retour horizontal, qu’il surplombe,
- d’un demi-cylindre, de métal noir, formant rampe d’éclairage, la partie ouverte étant dirigée vers le bas et fixée au-dessous du bras supérieur dans toute sa longueur, ladite rampe d’éclairage dépassant sensiblement l’alignement vertical du socle de base ;

Que la société Meci ne conteste pas l’originalité de cette lampe autrement que par la contestation de sa création ; qu’ayant été dit que les éléments versés aux débats rapportaient la preuve suffisante de la création de ladite lampe, cette dernière, qui comporte des proportions, formes, composition et combinaison d’éléments particuliers tels que sus-décrits, qui lui confèrent un aspect esthétique propre et original reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur doit donc bénéficier de la protection au titre du livre 1 du Code de la Propriété Intellectuelle ;

' la lampe Chantecaille est composée :

— d’un matériau unique (métal),

— d’un socle (piètement) plat, de faible épaisseur et de forme rectangulaire,
- un fût vertical constitué d’une fine tige plate de section rectangulaire, fixé au milieu du socle sur l’un de ses petits côtés,
- au bout supérieur duquel est fixé un bras horizontal positionné à angle droit, de même section que le fût vertical,

— ledit bras étant articulé, de façon à pouvoir bouger de droite à gauche par rapport à l’axe vertical constitué par le fût vertical,
- ledit bras étant articulé au moyen d’une charnière apparente, plate, à angles droits et qui est du même matériau que le bras,


- ledit bras étant prolongé par un cylindre, orientable verticalement et latéralement, relié au dit bras de manière sensiblement perpendiculaire ; Que pour en contester l’originalité, l’intimée soutient que sont distribués sur le marché international des modèles très similaires et notamment une lampe 'Boris L’ créée vers les années 1930 avec un réflecteur orientable, un socle plat, une tige carrée en métal et une lampe tube en métal ou acier dont le modèle revendiqué reprendrait la combinaison ; qu’elle produit en outre des fiches produits de 1993 à 2012 montrant différents luminaires ;

Considérant qu’il résulte également de l’examen de ces pièces, lorsqu’elles sont datées, antérieures à la lampe considérée et qu’elles permettent de voir les caractéristiques des luminaires y figurant, qu’aucune des lampes opposées ne donnent à voir les caractéristiques de la lampe Chantecaille telles que revendiquées ; qu’il n’est pas explicité en outre en quoi ces caractéristiques seraient dictées par la fonction de la lampe ; qu’au contraire la lampe Chantecaille comporte des proportions, formes, composition et combinaison d’éléments particuliers tels que sus-décrits, qui lui confèrent un aspect esthétique propre et original reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur ;

' la lampe Canisse, déclinée en lampe de table et en lampadaire, est composée :

- d’un socle métallique de faible épaisseur et de forme rectangulaire,
- d’un tronc vertical, de même métal que le socle, constitué de deux tiges parallèles fines, rectangulaires et rapprochées, séparées en partie haute et jointes en partie basse par un remplissage de même métal, laissant apparente la ligne des deux tiges verticales,
- d’un abat-jour en toile translucide, de la forme d’un parallélépipède rectangle, surmontant le tronc de façon horizontale, dont la longueur est plus importante que celle du piètement, qu’elle dépasse dans le plan vertical, et qui contient un système lumineux diffusant la lumière depuis l’intérieur,
- la partie supérieure du parallélépipède étant ouverte par un rectangle de taille inférieure à la surface totale du plan supérieur de l’abat-jour, de façon à laisser passer la lumière par le haut,
- la partie inférieure étant quant à elle ouverte dans son intégralité, de façon à laisser passer la lumière par le bas ;

Que pour en contester l’originalité, la société Meci soutient que de nombreux luminaires similaires sont présents sur le marché, reprenant

un abat-jour rectangulaire, une tige carrée en métal et un socle carré ; qu’elle produit ainsi différentes pièces montrant différents luminaires ;

Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’examen de ces pièces, lorsqu’elles permettent de voir les caractéristiques des luminaires y figurant, qu’aucune des lampes opposées, et en particulier la lampe 'Mallet-Stevens', ne donnent à voir les caractéristiques de la lampe Canisse telles que revendiquées ; qu’au contraire, la lampe Chantecaille comporte des proportions, formes, composition et combinaison d’éléments particuliers tels que sus-décrits, qui lui confèrent un aspect esthétique propre et original reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur ;

Considérant, en définitive, que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit que les quatre lampes revendiquées doivent bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur de livre I du code de la propriété intellectuelle ;

2) au titre des dessins et modèles

Considérant qu’il a été dit que la lampe Gabard (ou Gabar) a été déposée le 30 novembre 2011 par la société Liaigre à titre de modèle international sous le n°078174, lequel a été publié le 1er juin 2012 ;

Que pour contester tant la nouveauté que la caractère propre de ce modèle, et partant sa validité, la société Meci fait valoir que la société Liaigre s’est inspirée de modèles anciens et que la combinaison revendiquée se retrouve dans le modèle Aromas présenté en 2000 et ne présente aucun caractère propre ;

Considérant que le fait que la société Liaigre s’est inspirée ou non de modèles existants n’est pas un argument pertinent pour apprécier la validité d’un modèle déposé ; que par ailleurs la pièce n° 28 de l’intimée censée représenter la lampe Aromas est datée du 24 septembre 2012 et il n’est allégué aucun élément qui corroborerait l’affirmation que cette lampe, dont les caractéristiques sont au demeurant peu visibles, aurait été présentée en 2000 ; que pour ce seul motif l’argumentation de la société Meci ne peut prospérer et il convient donc de considérer que le modèle n°078174 est nouveau et présente un caractère propre à défaut d’antériorité pertinente ;

Que le jugement doit en conséquence être confirmé en ce qu’il a dit que le modèle n°078174 était valable ;

Sur la contrefaçon

Considérant que la société Meci conteste la validité tant du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 24 janvier 2012 que celle du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 10 septembre 2012 ;

Que cependant, la cour constate que la société Meci n’a pas communiqué les procès-verbaux qu’elle conteste et que la société Liaigre a produit en pièce n°8 sous l’intitulé 'procès-verbal de saisie-contrefaçon du 24 janvier 2012' non pas ledit procès-verbal en son intégralité mais une seule page, constituée au recto de la première page du procès-verbal et au recto de sa 4e page, alors que le procès-verbal comporte 5 pages ;

Considérant par ailleurs, et alors que l’intimée reproche à l’huissier instrumentaire de ne pas lui avoir signifié simultanément les annexes dudit procès-verbal constituées de photographies et que l’appelante réplique que ces dernières lui ont été signifiées dans un délai raisonnable, qu’il y a lieu de constater également que le procès-verbal de remise à la société Meci n’a pas été communiqué, seul ayant été versé aux débats par l’appelante en pièce n° 9 un procès-verbal de remise à la société Christian Liaigre(sic), de l’exemplaire du catalogue intitulé 'Nahoor Light Emotion 2012" saisi le 24 janvier 2012 sur le stand Hahoor tenu au salon Maison et Objets du Parc des expositions ;

Considérant dans ces conditions, étant rappelé que la saisie-contrefaçon constitue un des moyens de preuve de la contrefaçon alléguée, que la cour n’est pas en l’état en mesure de statuer sur les demandes en contrefaçon de la société Liaigre, ni a fortiori sur les demandes subséquentes en indemnisation, ni encore sur les demandes en concurrence déloyale et parasitaire ;

Qu’il convient, en conséquence, en réservant le surplus des demandes, de réouvrir les débats sur ces points, et d’inviter la société Christian Liaigre à produire les pièces telles que visés au dispositif du présent arrêt ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 11 septembre 2014 en ce qu’il a dit que Madame B et la société Christian Liaigre étaient recevables à agir sur le fondement du droit d’auteur et que la société Christian Liaigre était recevable à agir sur le fondement du droit des dessins et modèles concernant le modèle de lampe Gabar, et a rejeté la demande d’annulation du modèle de lampe DM/078174.

Y ajoutant,

Dit que les luminaires Bûche, Gabard (ou Gabar),Chantecaille et Canisse sont originaux et doivent bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur instaurée par le livre I du Code de la propriété intellectuelle.

Dit que le modèle international n°078174 est nouveau et présente un caractère propre et doit bénéficier de la protection au titre des droits

des dessins et modèles instaurée par le livre V du Code de la propriété intellectuelle.

Sursoit à statuer sur le surplus des demandes jusqu’à production par la société Christian Liaigre de l’intégralité du procès-verbal de saisie- contrefaçon du 24 janvier 2012 (soit 5 pages) ainsi que du procès- verbal de remise des annexes à la société Meci.

Renvoie l’affaire à l’audience du 13 décembre 2017 à 11 heures uniquement pour production de ces pièces.

Réserve les dépens.

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 16 juin 2017, n° 16/08346