Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 15 juin 2018, n° 17/13462

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 2, 15 juin 2018, n° 17/13462
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/13462
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 18 mai 2017, N° 17/04070
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 29 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 15 JUIN 2018

(n°103, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 17/13462

Décision déférée à la Cour : jugement du 19 mai 2017 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°17/04070

APPELANT AU PRINCIPAL et INTIME INCIDENT

M. Terrence X… 'Terry’ Y…

Né le […] à Medicine Lake – Minnesota – Etats-Unis d’Amérique

De nationalité britannique

Exerçant la profession d’auteur-scénariste, d’auteur-réalisateur et d’acteur

Demeurant […]

ROYAUME-UNI

Représenté par Me Benjamin Z… de la SELARL INTERVISTA, avocat au barreau de PARIS, toque E 1227

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE

S.A.R.L. C… Q…, prise en la personne de son représentant légal domicilié […]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 488 283 193

Représentée par Me Francine A…, avocat au barreau de PARIS, toque D 1250

Assistée de Me Claire HOCQUET plaidant pour la SCP RAPPAPORT – HOCQUET – SCHOR, avocat au barreau de PARIS, toque P 329

COMPOSITION DE LA COUR :

Après rapport oral, l’affaire a été débattue le 4 avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Mme Colette PERRIN, Présidente

Mme Véronique RENARD, Conseillère

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Colette PERRIN, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

M. T errence X… Y… (ci-après Terry Y…) est un cinéaste britannique scénariste et acteur né aux Etats-Unis qui a été révélé sur la scène internationale en tant que membre des Monty B…. Il est le réalisateur de films cinématographiques parmi lesquels 'Monty B…, Sacré Graal', 'Brazil’ ou 'L’Armée des 12 Singes'.

La société C… Q… (ci-après C…) est une société de production inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris créée en 2006 par M. Paulo D… se présentant comme l’une des figures internationales les plus importantes de la production indépendante, ayant travaillé avec les plus grands cinéastes.

A la fin des années 1990, M. Terry Y… a conçu le projet de réaliser un film long métrage qui devait s’intituler 'The Man Who Killed Don E…' inspiré du roman de Miguel S… 'L’ingénieux hidalgo T…', dont la première partie avait été publiée en 1605 et la seconde en 1615.

Une première tentative de réalisation de ce film a été initiée mais le tournage, débuté à la fin de l’année 2000 près d’une base militaire au nord de Madrid, a été interrompu par une série d’incidents tenant notamment au survol d’avions militaires empêchant la prise de son, à des conditions météorologiques particulièrement défavorables et à d’importants problèmes de santé du comédien principal. Cette entreprise et les difficultés rencontrées ont donné lieu à la réalisation d’un documentaire intitulé 'Lost in la Mancha 'sorti en salles le 16 juillet 2003, basé sur les images tournées par Keith F… et Louis G… initialement chargés de réaliser le making of du film.

Le projet a été repris postérieurement avec le concours d’un nouveau producteur, la société de production britannique Recorded Picture Company Ltd (ci- après 'RPC') qui s’est vue accorder pour l’acquisition des droits existants sur le scénario du projet en cours, un droit d’option consenti par la société française Hachette première et Cie et par la société HDI Gerling Industrie Versicherung AG, titulaires des droits d’auteur-scénariste, lesquels avaient été acquis par la première en septembre 2010 auprès des deux co-scénaristes M. Terry Y… et M. Tony H….

Au début de l’année 2016, M. Terry Y… est entré en contact avec M. Paulo D… lui faisant parvenir un scénario actualisé et des discussions et échanges de mail ont eu lieu pour déterminer dans quelles conditions celui-ci pourrait produire le film.

Les échanges de mails ont mis en lumière des points d’accord et de désaccord entre les parties sur lesquels il sera ultérieurement revenu.

M. Terry Y… a néanmoins accepté de confier à la société C… la production du film et deux contrats ont été signés les 31 mars et 29 avril 2016 :

Le 31 mars 2016, par un premier contrat, la société RPC a concédé à la société C… et à M. Paulo D… un droit d’option leur permettant d’acquérir une licence d’exploitation du film afin d’assurer sa production. Cet accord prévoyait la possibilité pour C… d’acquérir l’ensemble des droits détenus par RPC sur le scénario en levant un droit d’option dans un délai de six mois à compter de la date d’effet du contrat soit à compter du 1er avril 2016 et jusqu’au 1er octobre 2016. L’article 16 du contrat prévoyait un report du délai d’option pour cas de force majeure.

— Le 29 avril 2016, M. Terry Y… en qualité de réalisateur et la société C… en qualité de producteur ont conclu un accord contraignant pour déterminer les conditions de leur collaboration aux termes duquel M. Terry Y… cédait à la société C… l’ensemble de ses droits d’auteur appelés à naître dans le cadre de l’exercice de son activité de réalisateur. La société C… devait en contrepartie lui verser la somme de 750 000 euros au titre d’une 'commission de Réalisation’ constitutive d’une part, d’une avance sur les quotes-parts des recettes d’exploitation du film à revenir au réalisateur au titre de la cession de ses droits d’auteur réalisateur et d’autre part d’une rémunération de ses services de réalisateur. Le contrat a été inscrit au registre du cinéma et de l’audiovisuel -RCA-.

La société C… a parallèlement conclu le 21 avril 2016 un contrat avec Amy Y…, la fille de Terry Y…, par lequel celle-ci se voyait confier des prestations de production du film.

La société C… a ensuite conclu le 9 mai 2016, un contrat de coproduction avec la société espagnole Tornasol Films et avec la société portugaise Leopardo Filmes puis le 10juin 2016, un deal memo de coproduction avec la société belge Entre Chien et Loup.

Le début du tournage avait été programmé entre le 3 et le 6 octobre 2016 et une phase de pré-production active devait démarrer au Portugal entre le 8 et le 11 août 2016.

Le 6 août 2016, M. Paulo D… décidait de stopper la phase de pré-production et d’annuler les déplacements prévus au Portugal.

Le 9 août 2016, il adressait des mails aux producteurs Amy Y… et Gabriele I… pour résilier leurs contrats de producteurs.

Il tentait en vain de proposer un rendez-vous à M. Terry Y… et lui adressait un mail le 14 août 2016 pour préciser les obstacles qu’il rencontrait, la difficulté de tenir un début de tournage au mois d’octobre 2016 et la nécessité de revoir les effets spéciaux et les accessoires.

Par un courrier en date du 30 août 2016 rédigé par son conseil, M. Terry Y… exposait les manquements qu’il reprochait à la société C… et lui annonçait qu’il la considérait 'en situation d’inexécution significative’ du contrat signé le 29 avril 2016.

La société C… répondait le 29 septembre 2016, également par l’intermédiaire de son avocat, qu’elle contestait les griefs allégués et reprochait de son côté au réalisateur un comportement faisant obstacle à la préparation du film.

Le 30 septembre 2016, la société C… et M. D… sollicitaient de la société RPC une prorogation de leur option compte tenu de la suspension de la pré-production du film, qui leur était refusée. La société RPC qui se considérait dès lors libérée de ses obligations vis à vis de la société C… accordait le 14 octobre 2016 une nouvelle option sur le scénario à la société Tornasol Films. Cette dernière concluait le 9 janvier 2017 avec M. Terry Y… un nouveau contrat de cession des droits d’auteur-réalisateur.

Par acte d’huissier en date du 7 mars 2017, M. Terry Y…, préalablement autorisé par une ordonnance rendue sur requête le 6 mars 2017, a fait assigner à jour fixe la société C… pour l’audience du 18 avril 2017 devant le tribunal de grande instance de Paris.

Parallèlement à ce procès initié en France, le 13 avril 2017, la société RPC a engagé devant une juridiction anglaise une action tendant à faire juger que l’option consentie à la société C… le 31 mars 2016 était caduque.

Par jugement en date du 5 décembre 2017, la High Court of Justice de Londres a rejeté la demande de la société RPC en estimant que cette option avait été prorogée en raison du conflit opposant le réalisateur au producteur et ne viendrait à expiration que trente jours après l’issue de ce litige.

Par jugement contradictoire en date du 19 mai 2017, le tribunal a :

— rejeté la demande tendant à voir écarter des débats la pièce numéro 34 de la société C…,

— débouté M. Y… de ses demandes tendant à la résolution du contrat conclu avec la société C… le 29 avril 2016,

— rejeté les demandes reconventionnelles de la société C… tendant à la suspension du tournage en cours et à la production du dossier déposé auprès du fonds Eurimages,

— condamné M. Y… à verser à la société C… une somme de 10000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

— condamné M. Y… aux dépens.

M. Terry Y… a interjeté appel de la décision par déclaration au greffe en date du 4juillet 2017.

Par ordonnance en date du 17 juillet 2017, la Première Présidente de la cour d’appel de Paris l’a autorisé à assigner la société C… à jour fixe devant la présente juridiction pour le 9 novembre 2017.

A cette date, le conseil de M. Terry Y… a sollicité le report des plaidoiries et la procédure a fait l’objet d’un renvoi à la mise en état.

Par ses dernières conclusions notifiées le 27 novembre 2017, M. Terry Y… demande à la cour de :

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 19 mai 2017 en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles de la société C… tendant à la suspension du tournage en cours et à la production du dossier déposé auprès du fonds Eurimages,

— infirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande instance de Paris le 19 mai 2017 pour le surplus et, statuant à nouveau,

— déclarer la demande de Terry Y… recevable et bien fondée ;

à titre principal

— Donner acte de la résolution du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu le 29 avril 2016, cette résolution étant intervenue par l’effet du courrier adressé le 30 août 2016 par le conseil de Terry Y… à C…,

— débouter C… de sa demande tendant à ce que la cour juge illicite la notification de la résolution unilatérale du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu le 29 avril 2016,

— débouter C… de sa demande tendant à ce que la cour sursoit à statuer et ordonne la production de l’entier dossier soumis à Eurimages, ainsi que le budget et le plan de financement soumis par Tornasol à l’ICAA,

à titre subsidiaire,

— dire et juger qu’C… a gravement manqué à ses obligations contractuelles souscrites dans le cadre du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu le 29 avril 2016, – dire et juger que ces graves manquements justifient que soit prononcée la résolution du contrat torts et griefs d’C…,

— en conséquence, prononcer la résolution du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu le 29 avril 2016 aux torts et griefs d’C…,

à titre très subsidiaire,

— dire et juger que le contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu entre Terry C… le 29 avril 2016 et le contrat d’option conclu entre C… et RPC le 31 mars 2016 sont indivisibles,

— dire que l’expiration de l’option prévue au contrat du 31 mars 2016 a été notifiée par RPC à C… le 1er octobre 2016,

— dire et juger que suite à l’expiration de l’option, la titularité des droits sur le scénario était contestée à C… par son concédant RPC, de sorte qu’C… n’était plus en mesure de produire le film,

— dire et juger que cette expiration de l’option et, en toute hypothèse, la contestation née de cette expiration alléguée par RPC, a entraîné la caducité du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu entre Terry C… le 29 avril 2016,

— dire et juger que cette demande tendant à ce que soit prononcée la caducité du Contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur du 29 avril 2016 n’est pas une demande nouvelle au sens des articles 564, 565 et 566 du Code de procédure civile,

— débouter C… de sa demande tendant à ce que la cour déclare irrecevable la demande de Terry Y… à ce que soit prononcée la caducité du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur du 29 avril 2016,

— débouter C… de sa demande tendant à ce que la cour prononce un sursis à statuer sur cette demande jusqu’à ce que la question ait été jugée par la juridiction britannique compétente,

en conséquence,

— prononcer la caducité du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu entre Terry Y… et C… le 29 avril 2016,

en tout état de cause,

— débouter C… de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— dire et juger que le présent arrêt sera publié aux Registres du cinéma et de l’audiovisuel dans un délai d’un mois à compter de son prononcé,

— condamner C… à verser à Terry Y… la somme de 35.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 mars 2018, la société C… demande de:

— dire C… recevable en son appel incident,

— infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 19 mai 2017 en ce qu’il a refusé d’ordonner la production du dossier déposé auprès du fonds EURIMAGES,

et, statuant à nouveau :

à titre principal :

— constater que Terry Y… ne peut se prévaloir d’un comportement d’C… justifiant la mise en 'uvre, le 30 août 2016, d’une notification de résiliation unilatérale du contrat signé le 29 avril 2016,

— dire et juger illicite la notification de résiliation unilatérale intervenue dans ces conditions,

— confirmer ce chef le jugement de première instance,

— dire qu’en raison de cette illicéité, la notification du 30 août 2016 est sans effet sur le contrat du 29 avril 2016,

— en conséquence, débouter Terry Y… de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— et subsidiairement, surseoir à statuer et ordonner la production de l’entier dossier soumis à Eurimages pour obtenir, en mars 2017, le soutien de ce fonds de soutien au cinéma européen du Conseil de l’Europe, ainsi que le budget et le plan de financement soumis par Tornasol à l’ICAA, afin de prendre connaissance des conditions de réalisation du tournage effectué par Terry Y… et de vérifier la possibilité de poursuivre l’exécution du contrat,

à titre subsidiaire:

confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Terry Y… de sa demande de résolution judiciaire du contrat aux torts et griefs d’C…,

à titre encore plus subsidiaire:

— débouter Terry Y… de sa demande de caducité du contrat du 29 avril 2016 en application de l’article 1186 du Code civil, en constatant que la High Court of Justice Chancery Division de Londres, par un jugement en date du 5 décembre 2017 a considéré que le contrat d’option signé entre RPC et C… n’était pas caduc,

à titre infiniment subsidiaire :

— surseoir à statuer sur cette demande jusqu’à ce que la question ait été jugée par la juridiction britannique compétente en cause d’appel,

en tout état de cause:

— débouter Terry Y… de toutes ses demandes, fins et conclusions,

— dire et juger la publication de l’arrêt à intervenir n’est pas fondée juridiquement,

— condamner Y… à verser à la société C… Q… la somme de 36.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 15 mars 2018 et l’audience de plaidoiries s’est tenue le 4 avril 2018.

MOTIFS

Sur la demande principale de résolution du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur par l’effet du courrier adressé le 30 août 2016 par le conseil de M. Y… à la société C…

A titre liminaire, la cour constate que les parties ne contestent ni la validité, ni le contenu, ni la soumission à la loi française et à la juridiction parisienne du contrat conclu entre elles le 29 avril 2016 avec la qualité de producteur pour la société C… et celle d’auteur réalisateur pour M. Y….

Il n’est pas non plus contesté que la conclusion de cet accord a été précédée d’échanges entre les parties et qu’il ressortait des volontés communes exprimées par les parties sur les points suivants :

un budget de 16 millions d’euros

un tournage qui devait commencer en septembre 2016,

la volonté de tenter de conserver les 2 acteurs principaux qui avaient déjà été choisis par M. Y…, à savoir Michael J… et Adam K…,

la liberté de choix des partenaires financiers laissée à la société C…,

des discussions et transparence budgétaire entre la société C… et M. Y…

Néanmoins, le contrat du 29 avril 2016 n’intégrait pas ces éléments à titre d’obligations contractuelles.

Ce contrat prévoyait notamment :

l’engagement du réalisateur à fournir «des services de réalisation» relativement au film à partir de la pré-production du film (débutant 8 semaines avant la date de début des principales prises de vues) jusqu’à la livraison de la copie zéro.

Le versement au réalisateur d’une «commission de réalisation» constitutive d’une part, d’une avance sur les quotes-parts des recettes d’exploitation du film à revenir au réalisateur au titre de la cession de ses droits d’auteur réalisateur et d’autre part, d’une rémunération de ses services de réalisateur fixée à la somme de 750 000 euros et payable de la manière suivante :

20% à la première des dates entre la clôture du financement du film et huit semaines avant le début des principales prises de vue,

60% en versements hebdomadaires égaux pendant la période prévue pour les principales prises de vue,

10% à la livraison du premier montage du réalisateur

10% à la livraison de la copie zéro ou de son équivalent numérique

Les éléments de calcul de la rémunération proportionnelle et conditionnelle du réalisateur,

la réserve des droits sur le montage final du film au réalisateur, l’approbation conjointe des principaux aspects créatifs du film, y compris du scénario final, de la distribution, des sites et des programmes de post-production étant précisé que «les décisions du réalisateur prévalant faute d’accord et sous réserve que toutes les décisions du réalisateur soient prises en conformité avec le budget final approuvé et que la livraison de la copie zéro(ou son équivalent numérique) intervienne au plus tard le 15 août 2017. Le Réalisateur sera en droit de désigner tous les responsables créatifs, dont le directeur de la photographie, le monteur, le chef costumier, le directeur artistique/chef décorateur, le compositeur, le chef coiffeur, le chef maquilleur, sous réserve que les personnes désignées par le Réalisateur acceptent de rendre des services en contrepartie d’une rémunération compatible avec le budget final.»

Le budget final du Film sera «approuvé conjointement par le réalisateur et le producteur, sous réserve que, au cas où le budget serait de 16 000 000 euros au moins le producteur ait un droit prépondérant débutant 8 semaines avant le début des principales prises de vue. Le Réalisateur sera consulté intégralement et de manière significative sur toutes les décisions financières majeures relatives au Film, avant que le Producteur ne conclut tout contrat important relatif au financement (y compris les contrats de ventes de droits, d’agence commerciale, de distribution, d’investissement, de prêts etc.). Le Producteur fournira régulièrement au Réalisateur et/ou aux représentants du Réalisateur (au choix du Réalisateur) des copies de tous les documents et/ou dossiers financiers et relatifs aux dépenses, tels que le plan 'nnal de financement, les budgets, les rapports de coûts, les rapports de ventes, les contrats de distribution et de licence, les accords d’aide financière (subventions, remises fiscales, fonds de coproduction et autres avantages consentis ou favorisés par le gouvernement) et les arrangement similaires.»

Cession de droits : «Le réalisateur transmet, confère et cède irrévocablement au producteur, ses ayants-droit, concessionnaires de licences et cessionnaires, à titre exclusif, dans le monde entier, pour la durée indiquée ci-dessous, tous les droits connus à ce jour et/ou existant par la suite, dans toutes les langues, concernant le Film… La présente cession est effectuée sur la base de l’exclusivité pour la durée légale de la protection des droits d’auteur actuellement accordée en France en vertu de l’article L.123-1 du Code de la propriété intellectuelle français …»

La cour retient qu’il n’est pas contesté que la société C… a pris l’initiative le 6 août 2016 de stopper la phase de pré-production prévue au Portugal entre le 8 et le 11 août 2016 et d’annuler les déplacements prévus au Portugal, remettant également en cause le début du tournage programmé début octobre 2016.

Elle a expliqué sa décision dans un premier mail en date du 6 août à 12h33 adressé à M. Y… en ces termes :

« L… Terry,

Suite à tout ce qui s’est passé, et après la conversation de ce matin entre Ana M… et

Terry N…, j’ai mis en suspens tout le travail de pré-production, comme tu le sais peut-

être déjà.

Afin de donner le feu vert à l’arrivée des acteurs, et afin que le projet puisse se poursuivre, il est absolument indispensable que tu acceptes par écrit ce qui suit :

1/ tous les membres de l’équipe (pour tous les services) sont choisis sous la responsabilité

du producteur Paulo D…

2 / l’organisation de la production relève entièrement et exclusivement du producteur Paulo

D….

3 / les membres de l’équipe choisis par le réalisateur qui sont déjà acceptés et engagés

devront respecter toutes les décisions du producteur. La constitution de leurs équipes sera

également décidée par le producteur.

4/ en cas, notamment concernant Nicola O…, de choix contraires à ceux du producteur ou de ses équipes, et si le producteur estime qu’à aucune condition celui-ci ne peut poursuivre le projet, il pourra être remplacé par un autre directeur de la photographie, choisi par le producteur Paulo D…. »

Malgré un échange de mails tout au long de cette journée du 6 août les parties n’arrivaient pas à s’entendre et M. D… concluait la journée en écrivant :

« M. Terry Y…,

Je suis obligé de conclure que les conditions minimum de compréhension entre nous n’étant pas réunies, tout porte à croire que le rôle de producteur ne serait pas respecté et ses décisions pas prises en compte, compromettant ainsi irrémédiablement la faisabilité du projet, qui n’est possible que si les parties parviennent à s’entendre.

Je vous notifie par la présente que cette situation m’oblige à interrompre immédiatement le lancement de la préparation effective du film, prévue pour lundi 8 août 2016.

Je vais prévenir toutes les personnes directement et indirectement impliquées. ».

La société C… annulait tous les déplacements prévus pour le 8 août au Portugal.

Elle adressait également un courrier à Gabriele I… pour lui annoncer que leur contrat de production était résilié :

« Je vous signifie par la présente que les conditions minimum pour commencer la préparation effective du film « The man who killed D. E… » n’étant pas remplies, notre

contrat n’est plus valable et toutes formes d’obligations mutuelles cessent d’exister. »

Elle résiliait également le contrat de production avec Amy Y….

Le 30 août 2016, le courrier adressé par e-mail par l’avocat de M. Y… à M. Christian P…, l’avocat de la société C…, faisait état de manquements reprochés à la société C… et signifiait qu’elle se trouvait 'en situation d’inexécution significative’ du contrat du 29 avril 2016.

M. Y… sollicite de la cour à titre principal qu’elle infirme le jugement du tribunal et juge de la résolution du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur conclu le 29 avril 2016 par l’effet de ce courrier.

L’article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi» et l’article 1184 « la partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts ».

Si la jurisprudence admet la possibilité d’une résolution unilatérale du contrat, et ce même antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016 instituant les nouveaux articles 1224 et 1226 du code civil non applicables à l’espèce, cette résolution se fait aux risques et périls de la partie qui en prend la décision.

En cas de contestation, il appartient au juge saisi de rechercher si les conditions formelles notamment de mise en demeure préalable et les conditions de fond à savoir la gravité des manquements contractuels sont réunies pour justifier d’une telle résolution opérée sans l’accord des parties, ni application d’une clause résolutoire contractuelle.

La cour relève que le courrier du 30 août 2016, qui selon M. Y… aurait mis fin au contrat de production avec cession de droits d’auteur-réalisateur, n’est pas adressé à la société C…, ni même à son représentant légal M. D… mais à l’avocat de la société.

De plus, il n’a été précédé d’aucun courrier de mise en demeure alors qu’il n’est argué d’aucun motif justifiant cette absence. Or, la jurisprudence constante impose une telle mise en demeure préalable mentionnant expressément les manquements reprochés et indiquant qu’à défaut de satisfaire à ses obligations le contrat pourra être résilié unilatéralement et ce sauf cas d’urgence justifiée.

Dès lors, la cour retient que formellement ce courrier ne pouvait valoir résolution du contrat conclu entre les parties le 29 avril 2016.

Au surplus, les motifs allégués dans la lettre du 30 août 2016 ne caractérisent pas les «graves manquements contractuels» susceptibles de résoudre unilatéralement un contrat.

Il est reproché à la société C… d’avoir annulé indûment la production du film, mis fin au travail du réalisateur et commis une inexécution significative du Contrat en

«(i) tentant indûment d’imposer au Réalisateur des conditions qui contreviennent directement aux stipulations expresses du Contrat par la coercition, la contrainte et les menaces de conséquences désastreuses, y compris un arrêt immédiat du Film, à moins que le Réalisateur ne capitule immédiatement et inconditionnellement devant les demandes exorbitantes du Producteur et

(ii) s’abstenant de payer au Réalisateur la rémunération qui lui a été juridiquement acquise 8 semaines avant le début des principales prises de vue du Film, tel que stipulé dans le Paragraphe 2 du Contrat.».

La cour constate qu’il n’est ni justifié, ni même allégué que la société C… aurait mis définitivement fin à son contrat de producteur, ni arrêté la poursuite de ces obligations à ce titre.

Il n’est pas non plus allégué qu’elle n’aurait pas activement commencé son travail de producteur par la recherche de co-producteurs alors même que des contrats de co-productions avaient déjà été signés et qu’il n’est pas contesté que fin juillet le film avait trouvé son financement à hauteur de 9.417.000 euros sur les 16.000.000 du budget fixé.

Ce dont il est fait état c’est d’un chantage qui aurait eu pour effet d’arrêter brutalement la phase de pré-production prévue au mois d’août 2016 et de rendre selon les conclusions de l’appelant « le maintien du lien contractuel entre les parties (était devenu) impossible et irréaliste.».

Pour autant rien n’est indiqué dans ce courrier pour énoncer et justifier des exigences qui auraient été fixées par la société C… et qui viendraient en violation des obligations du contrat.

Ces éléments ne sont d’ailleurs pas plus explicités dans les dernières conclusions de l’appelant.

S’agissant du non-paiement du premier versement de 20% de la somme de 750.000 euros prévue au profit du réalisateur, M. Y… en reproche le non-versement au 8 ou 9 août 2016, soit 8 semaines avant le début du tournage prévu les 3 ou 4 octobre 2016.

Pour autant, outre que M. Y… n’a jamais demandé le paiement de cette somme, il ressort des éléments produits aux débats qu’il était constant avant les 8 / 9 août que la date de début du tournage ne pourrait être maintenue au début du mois d’octobre.

Dès lors le jugement doit être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de M. Y… de dire résolu, par l’effet du courrier du 30 août, le contrat du 29 avril 2016.

Sur la demande subsidiaire de résolution judiciaire du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur

M. Terry Y… demande à titre subsidiaire la résolution judiciaire du contrat litigieux qui le lie avec la société C….

La cour a ci-dessus déjà jugé qu’aucune faute contractuelle n’était relevée , ni justifiée aux termes du courrier du 30 août 2016.

Par ailleurs, comme ci-dessus jugé la société C… a dès la signature du contrat de production travaillé pour réunir autour d’elle des producteurs permettant le financement du budget du film fixé à 16.000.000 euros et a notamment conclu des contrats de co-production avec les sociétés Leopardo Filmes, Tornasol Films et Entre Chien et Loup.

Il est par ailleurs justifié par la société C… et non contesté qu’elle avait au mois d’août 2016 engagé plus de 300.000 euros pour la production du film.

De plus, c’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte que le jugement a constaté qu’il ne peut être retenu à l’encontre de la société C… une rétention fautive d’informations relatives aux perspectives de financement du film.

De même la cour adopte également les motifs exacts du jugement qui constatent que les choix des responsables créatifs du film ont bien été opérés par M. Y….

Il demeure qu’au mois d’août 2016 un désaccord profond entre les parties subsistait quant à la conception que chacun peut avoir du rôle partagé entre un producteur et un réalisateur.

Ce sont ces désaccords que la société C… et M. D… souhaitaient voir résolus en août 2016 avant de lancer la phase de pré-production et de confirmer un début de tournage au mois d’octobre 2016. Cette attitude ne constitue pas à l’encontre de la société C… un manquement caractérisé de ses obligations contractuelles, étant rappelé que ces dates n’avaient pas fait l’objet d’un engagement contractuel.

Dès lors, le jugement sera également confirmé en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande subsidiaire de M. Y… de résiliation ou résolution judiciaire.

Sur la demande très subsidiaire de M. Y… relative à l’expiration de l’option prévue au contrat du 31 mars 2016 conclu entre les sociétés C… et RPC et ses conséquences

M. Y… sollicite de la cour qu’elle dise que l’expiration de l’option prévue au contrat du 31 mars 2016 a été notifiée par RPC à C… le 1er octobre 2016, que la titularité des droits sur le scénario a été contestée à C… par son concédant RPC, de sorte qu’elle n’était plus en mesure de produire le film et juger qu’en conséquence la contestation née de cette expiration alléguée par RPC a entraîné la caducité du contrat de cession de droits d’auteur-réalisateur du 29 avril 2016 conclu entre M. Y… et la société C….

Cependant, s’il est exact que la société RCP a contesté la possible prorogation de l’option consentie à la société C… et a saisi la juridiction anglaise du litige l’opposant à la société C…, la High Court of Justice Chancery Division s’est prononcée par un jugement en date du 5 décembre 2017 par lequel elle a rejeté la demande de la société RPC en estimant que cette option avait été prorogée en raison du conflit opposant le réalisateur au producteur et ne viendrait à expiration que trente jours après l’issue de ce litige.

Dès lors, M. Y… ne peut prétendre que l’option sur le scénario prévue par le contrat du 31 mars 2016 au profit de la société C… serait expirée et il ne pourra qu’être débouté de sa demande de caducité.

Sur la demande incidente de la société C…

La société C… sollicite à titre incident l’infirmation du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris le 19 mai 2017 en ce qu’il a refusé d’ordonner la production du dossier déposé auprès du fonds Eurimages.

Cette demande est présentée à titre subsidiaire en cas d’infirmation du jugement entrepris, comme cela ressort des conclusions et comme cela a été expressément précisé à l’audience des plaidoiries et retranscrit en note d’audience.

Le jugement étant confirmé en toutes ses dispositions, il n’y a pas lieu de juger cette demande incidente.

Sur les autres demandes

Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a condamné M. Y… aux dépens et à payer à la société C… la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

M. Y… sera également condamné à payer les dépens de la procédure d’appel et à indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, s’agissant des frais irrépétibles engagés en appel par la société C…, comme il sera précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement et y ajoutant :

— Déboute M. Terry Y… de sa demande très subsidiaire de caducité,

— Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande subsidiaire de la société C… Q…,

— condamne M. Terry Y… à payer à la société C… Q… la somme de 10.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d’appel,

— condamne M. Terry Y… aux dépens d’appel.

La Greffière La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 15 juin 2018, n° 17/13462