Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 décembre 2018, n° 17/01211

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 6, 19 déc. 2018, n° 17/01211
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/01211
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 28 décembre 2016, N° F13/15149
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 19 DÉCEMBRE 2018

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/01211 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2O4Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Décembre 2016 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS- RG n° F13/15149

APPELANTES

SAS PARTOUCHE GAMING FRANCE

[…]

[…]

N° SIREN : 521 859 629

Représentée par Me Jean-jacques TOUATI, avocat au barreau de PARIS

SA INTERNATIONAL GAMBLING SYSTEM

place de l’université 25

[…]

Représentée par Me Jean-jacques TOUATI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

Monsieur Y X

[…]

[…]

né le […] à CALAIS

Représenté par Me Anne ENGEL-LOMBET, avocat au barreau de PARIS, toque : E0905 substituée à l’audience par Me Sandra MARY-RAVAULT, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 23 octobre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme A B, Présidente de chambre

Mme Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, Conseillère

Mme Aline DELIERE, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme A B dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme C D

ARRÊT :

— contradictoire

— mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Mme A B, Présidente de chambre et par Madame C D, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur Y X a été embauché le 14 mars 2011 en qualité de responsable poker par la société belge International Gambling System.

Il a travaillé à compter du 16 juillet 2012 en qualité de chef de produit poker pour une filiale française du groupe, la société Partouche Gaming France qui avait la même activité de poker en ligne, tout en continuant à être rémunéré par la société belge jusqu’au 30 octobre 2012.

Monsieur Y X a signé une convention tripartite conclu avec la société belge internationale Gambling System et la société française Partouche Gaming du 26 octobre 2012 qui prévoyait que la société internationale Gambling system paierait sa rémunération jusqu’au 31 octobre 2012.

Un contrat de travail écrit reprenant son ancienneté acquise au 14 mars 2011 a été conclu entre Monsieur Y X et la société Partouche Gaming France le 2 novembre 2012

Par courrier du 25 septembre 2013, Monsieur Y X a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement pour motif économique fixé le 8 octobre 2012 au cours duquel lui a été remise une proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

Il a réceptionné le 11 octobre 2012 un courrier mentionnant les motifs économiques de la rupture.

Le 16 octobre 2012 il a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail dirigée contre les sociétés Partouche Gaming France et Internationale Gambling system.

Le 29 octobre 2013, Monsieur X a accepté le contrat de sécurisation professionnelle et le 30 octobre il a accusé réception des documents relatifs à la rupture de son contrat de travail pour motif économique.

Par jugement du 29 décembre 2016, le conseil de prud’hommes de Paris :

' a mis hors de cause la société Internationale Gambling System,

' a prononcé la résiliation du contrat de travail de Monsieur Y X aux torts exclusifs de la société Partouche Gaming France à la date du 29 octobre 2013,

' a condamné la société Partouche Gaming France à payer à Monsieur X les sommes suivantes:

* 7 255,76 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires,

* 725,77 euros à titre de congés payés afférents,

* 8 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 800 euros à titre de congés payés afférents,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,

* 24 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

' a ordonné la remise des documents sociaux conformes,

' a débouté les parties du surplus de leurs demandes.

La société Partouche Gaming France et la société Internationale Gambling System ont régulièrement interjeté appel.

L’affaire a été évoquée à l’audience du 23 octobre 2018.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 septembre 2017, les sociétés appelantes demandent à la cour d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il condamne la société Partouche Gaming France et de le confirmer en ce qu’il déboute le salarié de ses autres demandes.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 janvier 2018, monsieur Y X demande à la cour de déclarer la société Partouche Gaming France et la société internationale Gambling system mal fondées en leur appel,

' de confirmer le jugement en ce qu’il a :

* prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société Partouche Gaming à la date du 29 octobre 2013,

* condamné la société Partouche Gaming France à lui payer les heures supplémentaires réalisées et non payées, l’indemnité de préavis et congés payés afférents, la somme de 24 000 euros de dommages intérêts pour rupture abusive de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

' d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de reconnaissance du statut cadre, de ses demandes de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche, pour travail dissimulé et prêt de main d''uvre illicite, a fixé à la somme de 7 257,76 euros le montant des heures supplémentaires et à la somme de 8 000 euros le montant de l’indemnité compensatrice de préavis,

' de statuer à nouveau et :

* de dire qu’il relève du statut cadre,

* de condamner la société Partouche Gaming France à lui remettre les fiches de paie sur toute la période d’embauche et les documents de fin de contrat avec la mention du statut cadre sous astreinte de 50 euros par jour et documents de retard passé un délai de huit jours à compter de l’arrêt à venir,

* de condamner la société Partouche Gaming France à lui verser les sommes suivantes :

—  10 685,60 euros au titre des heures supplémentaires réalisées et non payées augmentés des congés payés afférents de 1 068,56 euros

—  12 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis augmentés de 1 200 euros à titre de congés payés afférents,

—  4 000 euros à titre de dommages intérêts pour défaut de visite médicale d’embauche.

MOTIFS

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Lorsqu’un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que la relation contractuelle est rompue postérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée et seulement s’il ne l’estime pas fondée doit statuer sur le bien-fondé de la rupture.

Il s’agit dès lors d’apprécier si la rupture était justifiée au regard de la matérialité des faits fautifs invoqués par le salarié et démontrés et de leur gravité appréciée au jour de la décision judiciaire et tenant :

' au travail dissimulé reproché à la société Partouche Gaming France,

' à l’absence d’organisation d’une visite médicale d’embauche,

' au défaut de paiement des heures supplémentaires réalisées.

' à l’absence de reconnaissance de son statut de cadre.

Sur le statut cadre.

Monsieur X développe qu’il a été débauché par la société Partouche Gaming France pour occuper le poste de chef de produits poker en juin 2012, qu’à ce moment il lui avait été indiqué que son poste relèverait du statut cadre et que pour autant ce statut ne lui a pas été accordé.

En effet à l’échange de mail du 2 juillet 2012 avec le directeur des opérations poker de la société Partouche est jointe une « promesse d’embauche.doc » dont la lecture démontre que celui-ci entendait lui accorder contractuellement le statut de cadre puisqu’il lui écrit que « suite à l’entretien du 19 juin 2012 , je confirme ton embauche au sein de l’entreprise à la date du 7 juillet 2012 en tant que chef de produit poker, statut cadre pour une rémunération brute annuelle de 50 400 euros ; dis-moi si ça te convient… »

La société Partouche Gaming France explique que l’absence de ce statut ne démontre aucun manquement dans la mesure où le salarié a signé le 2 novembre 2012 un contrat de travail à durée indéterminée fixant définitivement les conditions de la relation contractuelle qui ne lui accorde pas le

statut de cadre.

Néanmoins ce contrat de travail à effet au 1 er novembre 2012 prévoit qu’il est confié à Monsieur X des fonctions de chef de produit sous l’autorité du directeur général délégué moyennant le paiement d’une rémunération brute mensuelle de 4 000 euros. Mais il ne porte pas mention de la classification et du coefficient conventionnel du salarié qui à la lecture de la convention collective nationale des casinos applicables à la relation contractuelle permettrait de l’exclure des cadres.

Et il ne comporte aucun autre élément à ce titre qui permettrait d’établir que de manière expresse et non équivoque le salarié, en signant ce contrat, a renoncé au statut de cadre qui lui avait été accordé dans le cadre de la promesse d’embauche.

Il en résulte que la société ne peut développer que, de fait, les missions confiées à Monsieur X ne correspondaient pas à celles d’un cadre pour lui contester ce statut.

En conséquence ce manquement est établi et il est fait droit à la demande du salarié visant à voir ordonner la remise par la société Partouche Gaming France des bulletins de salaire conformes à ce statut.

Aussi le jugement du conseil de prud’hommes qui déboute le salarié de cette demande est infirmé.

Sur l’absence de visite médicale d’embauche.

Il est constant que Monsieur X a de fait, commencé à travailler pour la société Gaming France au mois de juillet 2012 et que sa situation a été régularisée par la signature du contrat de travail à effet au 1er novembre 2012.

La société disposait dès lors largement du temps nécessaire pour respecter les dispositions de l’article R4624'10 du code du travail qui prévoient l’organisation d’une visite médicale dans le but de s’assurer que le salarié est apte à occuper son poste et qui doit avoir lieu avant l’embauche ou au plus tard avant la fin de la période d’essai.

En l’espèce le contrat ne prévoit pas de période d’essai et la première convocation du salarié à une visite médicale est datée du 17 décembre 2012.

En conséquence un manquement résultant du retard constaté dans l’organisation de la visite médicale d’embauche est établi.

Sur les heures supplémentaires.

Monsieur X développe qu’il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires dès son entrée en fonction et d’autant à compter de janvier 2013 où, en plus de ses fonctions de chef de produit poker, l’employeur lui a demandé de prendre en charge la lutte contre la fraude bancaire en raison de la suppression du service concerné ainsi que du service client qui employait jusqu’en avril 2013 plus de 20 personnes.

Aux termes de l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n’incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié qui demande le paiement d’heures supplémentaires de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis quant aux horaires réalisés pour être de nature à étayer sa demande et à l’employeur de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes

les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Pour étayer sa demande Monsieur X produit :

' des éléments démontrant que des fonctions nouvelles lui ont été confiées à partir du mois de janvier 2013 et qu’il a évoqué sa charge de travail à deux reprises par mail du 29 janvier 2013 « actuellement je me retrouve donc avec un tas de gros dossiers sur les bras.. Si on ajoute le travail quotidien et la gestion client, ça va devenir ingérable pour superviser proprement l’offre poker et lancer des campagnes du début février « et par mail du 18 février 2013 « faut vraiment qu’on prenne le temps de discuter car ça s’annonce plus que tendu au niveau call center et fraude et y a pas mal de choses qui vont changer pour moi et pour l’équipe »,

' une feuille portant le nombre d’heures supplémentaires quotidienne réalisées de juillet 2012 à juin 2013.

Mais ces documents ne comprennent aucun élément relatif aux horaires effectivement réalisés par le salarié. Et le total quotidien des heures supplémentaires porté par le salarié sur son tableau n’est supporté par aucun renseignement relatif à une heure d’arrivée, de départ ou de pause, relatif à une charge de travail particulière et d’ailleurs le nombre d’heures supplémentaires aux mois de janvier et février 2013, supposés correspondre à une période au cours de laquelle une charge de travail supplémentaire lui a été confiée, est identique à celui de la période précédente.

En outre le contrat de travail de Monsieur Y X l’avertit expressément que « les heures supplémentaires effectuées devront avoir été autorisées au préalable… qu’aucune heure supplémentaire ne sera acceptée au cas où le salarié n’en ferait pas état au plus tard avant le premier jour du mois qui suit leur accomplissement et que dès lors et à défaut d’avoir été déclarées dans les délais les heures supplémentaires seront répétées réputées non effectuées.. » sans que le salarié ne justifie qu’en exécution de bonne foi de cette clause, il a tout au moins averti l’employeur qu’il exécutait des heures supplémentaires, les deux seuls mails précités n’évoquant pas ce point.

Enfin les heures supplémentaires se calculent en référence à un horaire hebdomadaire de 35 heures qui n’est pas repris par le salarié qui débute un décompte mensuel chaque premier du mois déconnecté de toute périodicité hebdomadaire.

Ainsi en se limitant à produire ce tableau sommaire la cour constate que l’exigence requise, que la prétention du salarié soit étayée par des éléments exploitables et cohérents entre eux, quant aux horaires quotidiens de travail effectif réalisés, permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, n’est pas remplie.

En conséquence Monsieur X est débouté de sa demande en paiement d’heures et aucun manquement n’est constaté.

Aussi le jugement du conseil de prud’hommes est infirmé sur ce point.

Sur le prêt de main d''uvre et le travail dissimulé.

Il est constant que Monsieur X, embauché par la société Internationale Gambling System le 14 mars 2011 a travaillé à compter du 7 juillet 2012, pour le compte et sous les ordres de la société Partouche Gaming France filiale de la société Partouche Interactive, en qualité de chef de poker tout en continuant à être rémunéré et déclaré jusqu’au 1er novembre 2012 par la société Internationale Gambling.

En application de l’article L 8245 '1 du code du travail, une opération de prêt de main-d''uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice pendant la

mise à disposition, que les salaires versés aux salariés, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

En l’espèce la convention tripartite conclue entre Monsieur X la société prêteuse et l’entreprise utilisatrice, démontre que la société Internationale Gambling System s’est engagée à prendre en charge la rémunération du salarié pendant sa mise à disposition ce dont il résulte, qu’il a été mis à disposition de la société française à titre gratuit.

Or du côté du bénéficiaire de la prestation, l’existence du but lucratif d’une opération de prêt de main d''uvre est caractérisée par l’avantage que le client tire de la mise à disposition du personnel notamment dans l’économie réalisée des coûts engendrés par l’emploi de salarié.

La matérialité d’un prêt de main-d''uvre illicite pouvant conduire à des poursuites pénales et à réparation du préjudice subi prévues à l’article L 8234-1 du code du travail, est dès lors démontrée.

Elle autorise Monsieur X à réclamer réparation du préjudice subi.

Il demande à la cour de constater l’existence d’un prêt illicite de main d''uvre et d’un travail dissimulé au bénéfice de la société Partouche Gaming France et de condamner la société Partouche Gaming France à lui remettre les bulletins de salaire à compter du 7 juillet 2012 et à lui payer une somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Mais en l’espèce il apparaît que Monsieur X a été informé du transfert, a pris une part active à celui-ci au moment de son organisation, s’en réjouissait dans ses mails du mois de juillet 2012 qui lui promettait le statut de cadre, et qu’il en a accepté les conditions de son financement en signant la convention de transfert du 24 octobre 2012 en attendant la régularisation de l’exécution du travail par son transfert contractuel le 1er novembre 2012.

Aussi, le concernant, l’opération a été faite, en toute transparence et avec son accord.

En outre une mise à disposition licite ne rompt pas le contrat de travail d’origine de sorte que Monsieur X qui continuait à percevoir son salaire et à bénéficier de toutes les protections de son employeur, n’aurait pas tiré plus de bénéficie d’une mise à disposition licite. Et il ne vise pas de préjudice particulier qu’il aurait subi.

En conséquence il ne démontre pas l’existence d’un préjudice résultant du prêt de main-d''uvre illicite.

Par ailleurs l’article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

L’article L 8221-5 du code du travail dans sa version applicable dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Il apparaît ainsi que la dissimulation d’emploi salarié prévue par ces textes n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.

Or dans la mesure où le salarié était régulièrement déclaré et employé à temps complet par la société prêteuse avec l’accord du salarié le caractère intentionnel de la société bénéficiaire, au recours à un travail dissimulé n’apparaît pas.

En conséquence Monsieur X est débouté de sa demande de condamnation de la société à lui verser l’indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire prévu à l’article L8223 '1 du code du travail et tout montant à titre de réparation du préjudice subi.

Prenant alors ensemble les manquements retenus, la cour constate que s’agissant du prêt illicite du salarié et du défaut de visite médicale d’embauche les manquements relevés sont anciens et que ces situations ont été régularisées plusieurs mois avant la demande de résiliation judiciaire; que s’agissant du statut de cadre qui n’est pas mentionné dans le contrat, à aucun moment le salarié ne l’a réclamé.

En conséquence ces manquements sont insuffisants pour justifier la résiliation du contrat de travail et le jugement du conseil de prud’hommes est infirmé sur ce point.

Sur le motif économique de la rupture du contrat de travail.

L’acceptation par Monsieur X le 29 octobre 2013, du contrat de reclassement personnalisé qui lui a été remis lors de l’entretien préalable à son licenciement pour motif économique le 8 octobre 2013 et qui a mis fin à son contrat de travail, ne le prive pas de la faculté de contester le bien-fondé de son licenciement économique.

Monsieur Y X reproche à la société l’absence de recherches sérieuses de solutions de reclassement.

Selon l’article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe, ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, sur un emploi d’une catégorie inférieure, dans le cadre de l’entreprise ou, le cas échéant, dans des entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation, leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non au même secteur d’activité.

L’employeur doit dans ce cadre fournir au juge les éléments lui permettant d’apprécier s’il a une sérieuse et personnalisée avant de conclure à l’absence de possibilité de reclassement et un manquement constaté à ce titre prive de cause réelle et sérieuse le licenciement économique.

En l’espèce l’employeur a adressé au salarié le 10 octobre 2013 un courrier lui notifiant les motifs économiques de la rupture en ces termes « Au cours de l’entretien en date du mardi 8 octobre nous vous avons exposé des faits qui nous conduisaient à envisager votre licenciement pour motif économique. Pour rappel vous étiez en charge de l’animation de la plate-forme de poker en ligne hébergée sur le site Partouche.fr.

Ce site est fermé depuis le 17 juin 2013. Nous l’avons conservé quelques mois supplémentaires pour assurer le suivi de la fermeture. Aujourd’hui, il n’y a plus aucune activité ce qui nous conduit à supprimer votre poste. Dans le cadre des propositions de reclassement, nous avons recensé les postes disponibles à ce jour par le groupe Partouche dont nous sommes filiale. Vous trouverez la liste ci-jointe. Si un ou plusieurs postes devaient retenir votre attention, nous vous remercions de bien vouloir nous le faire savoir, au plus tard le 20 octobre 2013. ».

Une mise à disposition d’une liste de postes telle que visée dans les motifs de la rupture, sans distinguer les postes sur lesquels le reclassement du salarié peut sérieusement s’envisager compte tenu de son expérience de sa compétence, constitue un élément entrant dans le cadre de recherches de reclassement mais n’est pas suffisant en soi pour démontrer l’absence de possibilité de reclassement dans le cadre d’une recherche loyale sérieuse.

Celle-ci suppose tout au moins que disposant de cette liste l’employeur s’en serve pour faire des recherches personnalisées et donc notamment pour transmettre aux sociétés offrant des postes et suceptibles de convenir au salarié les éléments le concernant, les questionner pour obtenir plus de renseignements afin de faire une offre concrète et personnalisée au salarié dont elle envisage le licenciement.

Il ne suffit pas dès lors à la société Partouche Gaming France d’affirmer que le salarié a refusé les 20 postes proposés dans cette liste pour démontrer l’impossibilité de le reclasser.

Par ailleurs les recherches de reclassement s’étendent à l’ensemble des sociétés du groupe auquel l’entreprise appartient dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation, leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu’elles appartiennent ou non au même secteur d’activité et qu’elles soient hors du territoire national.

Or l’organigramme fournit par Monsieur X démontre que sont incluses dans le groupe Partouche de nombreuses sociétés situées à l’étranger dont en Tunisie, en Espagne, en Belgique ou à Malte et le dossier ne porte pas trace de recherches effectuées auprès d’elles.

Aussi le licenciement de Monsieur X est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes subséquentes au licenciement.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis.

Considérant les dispositions conventionnelles accordant au cadre une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois, le salaire brut de 4 000 euros et l’absence de contestation de l’employeur quant au montant de la demande, la cour fait droit aux prétentions du salarié et condamne la société Partouche Gaming France à lui payer la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis augmentés d’un montant de 1 200 euros au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Monsieur Y X sollicite à ce titre la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes et accordant la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

Au regard des effectifs de la société et de l’ancienneté du salarié celui-ci peut prétendre au bénéfice des dispositions de l’article L 1235 ' 3 du code du travail qui prévoit que lorsque le licenciement d’un salarié survient sans cause réelle et sérieuse, celui-ci ouvre droit à son profit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois et qui a pour but d’une part de sanctionner l’employeur fautif et d’autre part d’indemniser le salarié de son préjudice moral, professionnels et financiers causés par la rupture de son contrat de travail.

Considérant alors notamment l’ancienneté de Monsieur Y X (2 ans et 7 mois), considérant son salaire brut mensuel de 4 000 euros, considérant l’absence de développement de son préjudice, la cour trouve les éléments pour confirmer la somme de 24 000 euros accordée par le conseil de prud’hommes et réclamée.

Sur la remise des documents sociaux.

En application de l’article R 1234-9 du code du travail, les employeurs sont tenus, au moment de la résiliation, de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, de délivrer au salarié des attestations ou justification qui leur permettent d’exercer leurs droits aux prestations mentionnées à l’article L 5421-2 du code du travail, et de transmettre ces mêmes attestations aux organismes gestionnaires du régime d’assurance chômage.

En outre, en application des dispositions de l’article L 3243-2 du code du travail, lors du paiement de sa rémunération, l’employeur doit remettre au salarié une pièce justificative dite bulletin de paie.

Ce bulletin doit également être remis pour la période de préavis, que celui-ci soit effectué ou non.

La cour ordonne la remise de ces documents rectifiés et portant le statut de cadre de Monsieur X.

Sur le cours des intérêts.

Conformément aux dispositions des articles 1153 et 1153-1 du code civil, les dommages et intérêts alloués seront assortis d’intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de la société Partouche Gaming France devant le conseil de prud’hommes s’agissant des créances salariales soit le 31 octobre 2013 et à compter de la décision du conseil de prud’hommes les ayant accordées pour les demandes indemnitaires.

Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Il ne paraît pas inéquitable de condamner la société Partouche Gaming France à payer à Monsieur Y X la somme de 2 000 euros pour l’ensemble de la procédure et de la débouter de ses prétentions à ce titre.

Partie succombante, la société Partouche Gaming France sera condamnée au paiement des dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en ce qu’il met hors de cause la société International Gambling Systèm, en ce qu’il condamne la société Partouche Gaming France à payer à Monsieur Y X la somme de 24 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture, et en ce qu’il déboute Monsieur Y X de ses demandes en réparation du préjudice résultant de l’absence de visite médicale, d’un travail dissimulé ou d’un prêt illicite de main-d''uvre ;

Infirme le jugement pour le surplus, statuant à nouveau et ajoutant,

Déboute Monsieur Y X de sa demande visant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Partouche la France à la date du 29 octobre 2013 ;

Déboute Monsieur Y X de sa demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;

Dit que le licenciement de Monsieur Y X est sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que Monsieur Y X devait bénéficier du statut de cadre ;

Condamne la société Partouche Gaming France à rectifier les documents sociaux pour mentionner ce statut et à fournir à Monsieur Y X un bulletin de paie rectifié mentionnant ce statut ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Condamne la société Partouche Gaming France à payer à Monsieur Y X la somme de 12 000 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis augmenté d’un montant de 1200 euros de congés payés afférents avec intérêt au taux légal à compter du 31 octobre 2013 ;

Déboute Monsieur Y X du surplus de ses prétentions ;

Condamne la société Partouche Gaming France à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour l’ensemble de la procédure ;

Condamne la société Partouche Gaming France aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 19 décembre 2018, n° 17/01211