Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 7 novembre 2018, n° 17/09152

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 3, 7 nov. 2018, n° 17/09152
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/09152
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évry, 22 février 2017
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2018

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/09152 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3H7P

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Février 2017 -Tribunal de Grande Instance d’EVRY – RG n°

APPELANTE

SCI DU 18 RUE ST PIERRE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS d’EVRY sous le numéro 384 865 184

[…]

91410 Z

Représentée par Me Julien DUPUY de la SELARL DUBAULT/BIRI, avocat au barreau de l’ESSONNE substitué par Me Charlotte CAEN de la SELARL DUBAULT/BIRI, avocat au barreau de l’ESSONNE

INTIMÉES

Madame K L M B veuve X

née le […] à […]

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Assistée de Me Frédéric WIZMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0223, avocat plaidant

SCP E F agissant en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

en la personne de Maître E F ès qualités de Liquidateur à la liquidation judiciaire de la Société L’EPI ET LA ROSE, nommé à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce d’Evry du 3 mars 2014

[…]

[…]

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

Assistée de Me Frédéric WIZMANE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0223, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 25 Septembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Françoise BARUTEL-NAULLEAU, conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière présente lors de la mise à disposition.

*****

Par acte sous-seing-privé des 31 juillet et 25 septembre 1997, les époux Y, associés de la SCI DU 13 RUE ST PIERRE, ont cédé leur fonds de commerce de 'boulangerie, pâtisserie, confiserie, glaces, chocolat, cuisine, boissons à emporter, sandwichs’ à la société L’EPI -ET LA ROSE pour un prix de 1.700.000 francs soit 259.163 euros. Ce fonds de commerce comprenait deux boutiques à Z, l’une située au […] et l’autre dans un centre commercial. La SCI DU 18 RUE ST PIERRE est propriétaire des murs de ces deux commerces.

A la suite de la cession du fonds de commerce, la SCI DU 18 RUE ST PIERRE a, par actes du 23 septembre 1997 avec effet au 20 août 1997, donné a bail les deux locaux commerciaux à la société L’EPI ET LA ROSE.

Les locaux litigieux sont situés au […] à Z et sont ainsi désignés dans le bail du 23 septembre 1997 :

— au rez-de-chaussée : une boutique et une arrière boutique, cuisine, fournil, escalier pour monter aux chambres et grenier,

— au 1er étage : 2 chambres et un cabinet

— au 2e étage : 1 chambre, un cabinet et un grenier couvert en tuiles au dessus de l’arrière boutique : un corridor, 2 chambres et un grenier au-dessus,

— Cour entourée de murs ayant accès avec grande et petites portes sur la rue du Petit croissant dans laquelle sont : puits commun avec Monsieur A, un hangar couvert en Zing.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 août 2008, H X, gérant de la société L’EPI ET LA ROSE, faisant valoir que depuis plus de 4 ans il a attiré

l’attention de la bailleresse sur la dégradation continue de l’état de la toiture du local dédié à la fabrication des pâtisseries, a mis en demeure la SCI DU 18 RUE ST PIERRE de procéder à des travaux de réfection de la toiture.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 novembre 2008, la société L’EPI ET LA ROSE a informé la bailleresse de la décision du Préfet de l’Essonne du 5 juin 2008 d’ordonner la fermeture administrative du local de fabrication des pâtisseries et de ce que les travaux mandatés par la SCI du 18 RUE SAINT PIERRE et effectués le 14 novembre 2008 par la société PAILLET étaient totalement insuffisants, les désordres perdurant.

Par acte d’huissier de justice du 15 novembre 2011, la société L’EPI ET LA ROSE a fait assigner en référé la […] aux fins d’expertise.

Par ordonnance de référé du 7 février 2012, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance d’EVRY et M. I C a été désigné en qualité d’expert, lequel s’est adjoint Mme J D comme sapiteur en vue de traiter l’aspect comptable de la mission.

Le 24 décembre 2012, la société L’EPI ET LA ROSE a fait une demande de renouvellement du bail à effet du 1er janvier 2013 laquelle a été acceptée par la bailleresse le 22 mars 2013.

Par jugement du 3 mars 2014, la société L’EPI ET LA ROSE a été placée en liquidation judiciaire et la SCP E F désignée en qualité de liquidateur. Par ordonnance du 26 juin 2014 la cession du fonds de commerce a été ordonnée au prix de 55.700 euros.

H X, gérant de la société L’EPI ET LA ROSE est décédé le 9 juillet 2014.

Le rapport d’expertise a été déposé le 2 décembre 2014.

Par acte d’huissier de justice du 30 avril 2015, la SCP E F agissant en qualité de liquidateur de la société L’EPI ET LA ROSE et Mme K X née B, veuve de H X ont fait assigner la […] devant le tribunal de grande instance d’Evry.

Par jugement en date du 23 février 2017, le tribunal de grande instance d’Evry a :

CONDAMNE la SCI DU 1 8 RUE SAINT PIERRE à payer à la SARL L’EPI ET LA ROSE représentée par la SCP E F, ès qualités de liquidateur judiciaire les sommes suivantes :

— vingt sept mille deux cent soixante treize euros (27 273 euros) au titre des troubles de jouissance

— quatre vingt quatre mille trois cents euros (84 300 euros) au titre de la perte de valeur du fonds de

commerce

— cent soixante quatre mille six cent quatre vingt quatorze euros (164 694 euros) au titre de la perte d’exploitation

— quinze mille euros (15 000 euros) au titre du préjudice d’image

— deux mille deux cent douze euros et soixante cents (221-2,60 euros TTC) au titre des frais afférents a l’expertise ;

CONDAMNE la […] à payer à la SARL L’EPI ET LA ROSE représentée par la SCP E F, es qualités de liquidateur judiciaire la somme de trois mille euros (3000 euros) au titre des frais irrépétibles;

CONDAMNE la SCI DU 18 RUE SAINPIERRE à payer à Mme K X née B la somme de cinq mille euros ( 5000 euros) an titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la […] à payer à Mme K X née B la somme de deux mille euros (2000 euros) au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la […] aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration en date du 4 mai 2017, la […] a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 30 août 2018 la société […] demande à la cour de :

Déclarer la […] fondée en son appel.

Y faisant droit,

Infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

A titre principal,

Déclarer la société L’EPI ET LA ROSE et Mme K B veuve X irrecevables en leur action respective.

Les renvoyer à se mieux pourvoir.

A titre subsidiaire,

Déclarer la société L’EPI ET LA ROSE et Mme K B veuve X mal fondées en l’intégralité de leurs demandes notamment indemnitaires, fins et conclusions ; les en débouter à toutes fins.

En tout état de cause,

Déclarer la société L’EPI ET LA ROSE et Mme K B veuve X mal fondées en leur appel incident à toutes fins qu’il contient.

Décharger la concluante de l’intégralité des condamnations mises à sa charge en principal, intérêts, frais et accessoires.

Condamner la société L’EPI ET LA ROSE et Mme K B veuve X, chacune, à payer la somme de 7.000 euros à la concluante par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les condamner solidairement aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 11 septembre 2018, la SCP E F ès qualités de liquidateur de la société L’EPI ET LA ROSE et Mme K X demandent à la cour de :

Vu les articles 606, 1134 ancien, 1147 ancien, 1719 et 1720 et 1721, 1755 du Code civil ;

Vu les pièces produites, et en particulier le rapport d’expertise judiciaire de M. C et de Mme l’expert D,

CONFIRMER le jugement du 23 février 2017 en ce qu’il a jugé recevables les demandes de la SCP E F prise en la personne de Me E F ès qualités de liquidateur de la société L’EPI ET LA ROSE ;

CONFIRMER le jugement du 23 février 2017 en ce qu’il a jugé que la SCI DU 18 RUE SAINT- PIERRE avait la charge d’effectuer à ses frais les travaux visés par l’expert judiciaire et qu’elle a commis une faute contractuelle en ne procédant pas aux travaux réparatoires ;

CONFIRMER le jugement du 23 février 2017 en ce qu’il a jugé que la facture du 31 juillet 2004 de la SA PAILLET (Pièce n°6-1) démontre que la SCI DU 18 RUE SAINT-PIERRE a été informée dès 2004 des désordres subis y compris concernant les locaux utilisés pour la confection de la pâtisserie lesquels sont couverts par des tôles ;

CONFIRMER le jugement du 23 février 2017 s’agissant de la condamnation de la SCI DU 18 RUE SAINT-PIERRE au titre des frais afférents à l’expertise (2.212,60 euros TTC) et aux dépens comprenant les frais d’expertise ;

CONFIRMER le jugement du 23 février 2017 en ce qu’il a reconnu l’existence des préjudices de troubles de jouissance, de perte de valeur du fonds de commerce, de perte d’exploitation, de perte d’image ;

REFORMER le jugement du 23 février 2017 pour le surplus en ce qu’il a accordé une indemnisation inférieure aux préjudices subis et a débouté la SCP E F prise en la personne de Me E F ès qualités de liquidateur de la société L’EPI ET LA ROSE de sa demande au titre du préjudice moral ;

Statuant à nouveau :

CONDAMNER la société SCI DU 18 RUE ST PIERRE à payer à la SCP E F prise en la personne de Me E F ès qualités de Liquidateur de la société L’EPI ET LA ROSE les indemnités suivantes en réparation des préjudices subis :

—  41.033 euros au titre de son préjudice de jouissance dont 27.833 euros pour le local pâtisserie et 13.200 euros pour le logement ;

—  127.658,70 € au titre de la perte de valeur de son fonds de commerce ;

—  25.000 euros au titre du trouble commercial

—  309.327,60 € au titre de son préjudice d’exploitation ;

—  50.000,00 € au titre de son préjudice d’image ;

—  50.000,00 € au titre de son préjudice moral ;

II- Sur les demandes de Mme K B veuve X

Vu les articles 1382, 1383 anciens du Code civil,

Vu les pièces produites, et en particulier le rapport d’expertise judiciaire de M. C et de Mme D,

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a jugé que l’action de Mme K B non prescrite ;

CONFIRMER le jugement du 23 février 2017 en ce qu’il a jugé (i) non prescrite l’action de Mme K B veuve X, (ii) que la SCI 18 RUE SAINT- PIERRE engage sa responsabilité délictuelle à son égard et doit réparer le préjudice moral de cette dernière et (iii) en ce qu’il a accordé une indemnisation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REFORMER le jugement du 23 février 2017 s’agissant du quantum du préjudice moral accordé à Mme B veuve X ;

Statuant à nouveau :

CONDAMNER la société SCI 18 RUE ST PIERRE à payer à Mme K B veuve X la somme de 50.000 € au titre de son préjudice moral ;

III. En tout état de cause,

DEBOUTER la société SCI 18 RUE ST PIERRE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

JUGER que les indemnités allouées produiront intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 août 2008 ;

CONDAMNER la société SCI 18 RUE ST PIERRE à payer à la SCP E F prise en la personne de Me E F ès qualités de Liquidateur de la société L’EPI ET LA ROSE la somme de 35.000 euros et à Mme K B veuve X la somme de 6.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la SCI 18 RUE ST PIERRE aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 septembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I- Sur les demandes formées par la société L’EPI ET LA ROSE représentée pas son liquidateur judiciaire

Sur l’irrecevabilité de l’action engagée par la société L’EPI ET LA ROSE représentée pas son liquidateur judiciaire

La SCI du 18 RUE SAINT PIERRE prétend qu’en demandant le renouvellement du bail le 24 décembre 2012 lequel a été accepté par la bailleresse le 22 mars 2013 sans diminution du prix du loyer, la société preneuse a pris les lieux loués dans l’état dans lequel ils se trouvaient au 1er janvier 2013 sans pouvoir exiger aucune réparation ni aucune remise en état préalable de sorte que sa demande de renouvellement a supprimé son intérêt à agir en indemnisation des préjudices résultant de l’état du local.

La société L’EPI ET LA ROSE rétorque que la renonciation à un droit ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, et qu’en l’espèce la demande de renouvellement qui est un acte de préservation du droit du preneur au maintien dans les lieux, manifeste la volonté de renouveler le contrat mais pas celle de renoncer à la demande indemnitaire formée préalablement.

La cour rappelle qu’en application de l’article L. 145-10 du code de commerce, à défaut de congé le locataire qui veut obtenir le renouvellement du bail doit en faire la demande.

Si la notification de cette demande fait courir un délai de trois mois avant l’expiration duquel le bailleur doit faire connaître au locataire s’il refuse le renouvellement, à défaut de quoi il est réputé avoir accepté le principe de renouvellement, elle ne prive pas le locataire de son intérêt à une action indemnitaire contre le bailleur pour manquement à son obligation d’entretien, introduite antérieurement à la notification de ladite demande, sauf renonciation expresse, inexistante en l’espèce, la société locataire ayant au contraire précisé dans sa demande qu’elle sollicitait la fixation d’un loyer diminué au vu de l’état des locaux, diminution qui n’a d’ailleurs pas été acceptée par la bailleresse.

Il s’ensuit que l’irrecevabilité opposée par la […] pour défaut d’intérêt à agir sera rejetée.

Sur la responsabilité des désordres

La société L’EPI ET LA ROSE demande la confirmation du jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la bailleresse du fait des vices cachés de la chose louée et de son obligation de délivrance conforme.

La […] oppose que la vétusté ne relève pas de la responsabilité du bailleur, qu’elle est contractuellement à la charge du preneur contrairement à ce qu’a dit le tribunal et que le preneur a une responsabilité dans l’absence d’entretien des locaux qui a été relevée dans l’arrêté du juin 2008 de la DDCCRF. Elle reproche en outre au preneur de ne l’avoir pas mise en demeure d’effectuer les travaux.

La cour rappelle qu’en application de l’article 1719 du code civil le bailleur est obligé d’entretenir la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, et qu’en application de l’article 1720 du même code il doit délivrer la chose en bon état de réparations de toutes espèces, et y faire pendant la durée du bail toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que locatives.

Ces dispositions ont vocation à s’appliquer sauf dispositions contractuelles contraires lesquelles ne peuvent dispenser le bailleur de délivrer des locaux conformes à la destination contractuelle prévue, et ce même au cours du bail.

En outre, la clause selon laquelle le locataire prend les lieux en l’état ne peut transférer au preneur les conséquences de la vétusté, seule une stipulation expresse contraire pouvant transférer à la charge du preneur les conséquences de la vétusté.

L’article 1er du contrat de location stipule : '1. La société preneuse prendra les lieux loués dans l’état où ils se trouveront le jour de l’entrée en jouissance, sans pouvoir exiger aucune réparation, ni aucune remise en état préalable.

2. Elle les entretiendra en bon état de réparations locatives pendant tout le cours du bail et les rendra à sa sortie dans l’état où elle les a reçus, s’engageant à effectuer toutes les réparations nécessaires, y compris celles imposées par l’Administration fiscale.

3. Elle en jouira en bon père de famille, suivant leur destination, telle qu’elle sera indiquée ci-après, elle ne pourra, en aucun cas, rien faire qui puisse les détériorer, et elle devra prévenir immédiatement la société bailleresse de toute atteinte qui serait portée à la propriété et de toutes dégradations et détériorations qui viendraient à se produire dans les lieux loués et qui rendraient nécessaires des travaux incombant à la société bailleresse'.

L’article 4 alinéa 4 du contrat de bail litigieux relatif aux 'travaux, réparations, embellissements’ précise que 'La société preneuse supportera les frais de ravalement, sauf en cas de réfection des murs par les propriétaires en application de l’article 606 du code civil'.

Le bail stipule en outre après son article 10 que 'de son côté la bailleresse ne sera tenue qu’aux travaux visés à l’article 606 du code civil'.

Aucune clause du bail ne transfère expressément au preneur la charge de la vétusté.

Il résulte du rapport d’expertise que les locaux sont composés d’une part d’un local en maçonnerie et couverture en tuile plate dans lequel se trouve les surfaces de vente, des annexes en rez-de-chaussée, et un logement au-dessus, d’autre part en fond de cour d’une bâtisse ancienne en maçonnerie, couverte en tôle ondulée et plaques ondulées de fibrociment, comportant les locaux de stockage et de production.

L’expert judiciaire a procédé aux constatations suivantes :

— dans le logement situé au 1er étage : un fléchissement sensible du plancher dont les dalles souples sont gondolées voire décollées, les travaux effectuées en 2004 consistant à réparer une partie du plancher avec calage sur billes n’ayant pas présenté de résistance au tassement.

— au niveau du linteau de la porte de la salle de bains au 2e étage : une infiltration provenant des ouvrages endommagés en couverture.

— la toiture en tuile plate, accessible à partir d’une chambre mansardée, est très ancienne, de même que les jambages bois de lucarnes, l’enduit très décollé et les solins dégradés, des tuiles ayant glissé dans la gouttière.

— au niveau du magasin : l’habillage du linteau en devanture est déformé en partie centrale avec ouverture de joint d’assemblage entre la sous-face et la retombée verticale du caisson de volet au-dessus de la porte d’entrée, nécessitant un traitement confortatif, la poutraison IPN actuelle n’étant pas éternelle. Il serait dramatique que les vitrages viennent à se rompre, mis en compression par la poursuite de la flexion du linteau.

— au niveau du local silo à farine situé en étage au-dessus de la boulangerie : le volume est

tapissé de toiles d’araignées et affecté par l’apparition de pourriture cubique ou mérule, microorganisme qui prospère en présence d’un taux d’humidité et de température constants ; le traitement des bois de charpente est indispensable.

— au niveau du local technique de boulangerie : ensemble vétuste, gondolé, fissures aux assemblages ; la sous-face de l’habillage est dégradée avec une trace d’infiltration au niveau d’une panne apparente ;

— au niveau du local réserve congélateur : dans ce local situé dans la construction sur cour l’expert a constaté à rez-de-chaussée le doublage du mur contre la partie voisine est saturé d’humidité et localement perforé par des nuisibles ; l’expert a effectué un sondage et constaté que la partie maçonnerie est également atteinte par l’humidité.

— au niveau des combles de la construction couverte de tôles ondulées : ouvrages très sommaires sans collecte des eaux pluviales au niveau de l’égout ; une paroi en parpaing qui supporte la toiture qui est sans enduit et dont le montage est approximatif, rebouchages au plâtre, aucun colmatage jointif sous les débords de toiture avec lambris très anciens.

— au niveau du local

L’expert conclut que 'la vétusté et l’absence de gros entretien patrimonial sont à l’origine des désordres observés, affectant le bâti des constructions'.

Il suit de ces éléments que la réparation des désordres constatés dans l’appartement qui résultent d’une part d’un fléchissement du plancher, d’autre part d’infiltrations provenant d’une forte dégradation de la couverture ancienne nécessitant une révision et un remaniement général des tuiles, incombe à la bailleresse en ce qu’il s’agit de travaux relevant de l’article 606 du code civil, qui aux termes du bail litigieux sont à la charge du bailleur, outre que l’expert a constaté qu’ils relèvent de la vétusté, qui est l’état de détérioration produit par le temps, et qui est également à la charge de la bailleresse, faute de stipulation expresse contraire.

De même, la réparation des désordres constatés dans le magasin relatifs à la déformation en partie centrale de l’habillage du linteau en devanture qui nécessitent un étaiement et le coulage d’une poutre encastrée, et celle dans les locaux techniques situés au dessus du magasin relatifs à l’apparition de mérule nécessitant un traitement des bois de charpente, qui relèvent des grosses réparations à effectuer sur un bâti ancien, incombent en conséquence à la bailleresse.

Les désordres pointés par l’expert dans le local sur cour servant de réserve congélateur ainsi que dans les combles au-dessus, dont le doublage du mur et la partie maçonnerie sont saturés d’humidité du fait d’infiltrations en provenance de la couverture en tôle ondulée, relèvent de la responsabilité de la bailleresse s’agissant de réparations dues à la vétusté de la couverture, la présence de toiles d’araignées traduisant certes un manque d’entretien de la société locataire mais n’ayant pas participé à l’aggravation des désordres qui relèvent du bâti.

Enfin les infiltrations pointées par les contrôleurs de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans le local de fabrication de pâtisseries provenant de la couverture en tôle ondulée et occasionnant la présence de moisissures noires et épaisses en plusieurs endroits sur les murs relèvent également de la responsabilité de la bailleresse, le défaut d’entretien de la société locataire qui résulte des murs et sols encrassés et de la présence de toiles d’araignée, n’ayant pas contribué à l’aggravation des dommages qui proviennent d’infiltrations au niveau de la couverture.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la société locataire démontre que la […] a manqué à son obligation de délivrance et d’entretien des locaux.

Sur la réparation des préjudices

sur le préjudice de jouissance

La société L’EPI ET LA ROSE soutient que s’agissant de la surface de l’exploitation

commerciale, son préjudice doit être évalué à compter de 2004 car même s’il n’y a pas eu impossibilité d’utiliser le local à pâtisserie, il y avait un trouble de jouissance sévère résultant des infiltrations d’eau que les réparations de fortune effectuées en 2004 et en 2008 n’avaient pas fait cesser. Elle demande en conséquence que le préjudice de jouissance soit évalué à la somme de 27.833 euros. S’agissant des troubles de jouissance au niveau de la partie habitation elle considère qu’ils datent à tout le moins de 2009 de sorte qu’ils doivent être évalués à 13.200 euros.

La […] oppose que le local à pâtisserie a été fermé en raison d’un défaut d’entretien, et qu’en tout état de cause l’arrêté de fermeture n’est intervenu qu’en 2008. S’agissant du trouble de jouissance relatif à la partie habitation, elle oppose qu’il n’a pas été constaté une impossibilité même partielle d’habiter le local et que le bail a été renouvelé en 2013 sans diminution du loyer.

Il résulte du rapport d’expertise et des développements ci-dessus que le trouble de jouissance causé par les manquements de la bailleresse à son obligation de délivrance et d’entretien est afférent ainsi que l’ont relevé les premiers juges, d’une part à la réduction de la surface d’exploitation du fait de la fermeture de l’atelier de pâtisserie, d’autre part aux conditions de vie détériorées dans la partie habitation.

S’agissant de l’atelier pâtisserie, il est constant qu’il a été fermé à compter du mois de juin 2008, la société locataire ne justifiant pas de son préjudice de jouissance antérieur à ladite fermeture. Le préjudice de jouissance a perduré jusqu’à la cession au mois de juin 2014. La surface du local ainsi que relevée par l’expert est de 22 m² de sorte qu’au pro rata du loyer total le préjudice de jouissance doit être évalué conformément à l’avis de l’expert et comme l’ont retenu les premiers juges au montant arrondi de 21.000 euros selon le calcul suivant 97.839 x 22/103,16.

S’agissant de la partie habitation, s’il est établi que des désordres sont apparus dès 2004 puisqu’il résulte de la facture du 31 juillet 2004 que la société bailleresse a fait effectuer des travaux, la société locataire, sur qui pèse la charge de la preuve, ne justifie pas de troubles de jouissance relatifs au logement avant l’assignation en référé, diligentée en novembre 2011, sa lettre de mise en demeure du 7 août 2008 évoquant seulement les désordres du local à pâtisserie et de la toiture de l’ensemble du bâtiment sur cour. Compte tenu des désordres constatés relatifs notamment au fléchissement du plancher et de l’absence de tout travaux confortatifs effectués par la bailleresse dans le logement, étant observé que le loyer d’habitation n’est pas individualisé dans le bail, l’abattement de 30% proposé par l’expert sur la valeur locative annuelle de 8.000 euros, et retenu par les premiers juges, est justifié pour évaluer le préjudice de jouissance de sorte qu’il s’établit sur la période du 15 novembre 2011 au 26 juin 2014 conformément au calcul des premiers juges qui sera adopté à la somme de 6.273 euros.

Le préjudice de jouissance total relatif au logement et au local à pâtisserie doit donc être fixé en conséquence à un montant de 27.273 euros de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la perte de valeur du fonds de commerce

La société L’EPI ET LA ROSE conteste l’évaluation de Mme D en ce que le chiffre d’affaires de l’activité pâtisserie n’a pas été pris en compte. Elle ajoute que M. X n’a pas pu vendre son fonds de commerce en 2008 compte tenu de l’état calamiteux du bâtiment. Elle soutient que le fonds de commerce ayant été vendu à hauteur de 55.700 euros la perte de valeur est donc de 127.658 euros.

La […] critique le jugement qui a retenu une perte de valeur correspondant à la différence entre le prix de cession du fonds et la valeur de ce dernier estimée à 75% du chiffre d’affaires en faisant valoir qu’elle n’est pas responsable de la baisse du prix pour

réaliser une cession rapide et que la perte de valeur du fonds est imputable à l’absence de compétences techniques et commerciales du locataire, confirmée par les attestations produites émanant de commerçants des alentours et d’anciens salariés.

Il résulte du rapport d’expertise que le fonds de commerce bénéficie d’un bon emplacement en centre-ville de Z dans un secteur dédié aux commerces alimentaires. Pour évaluer la valeur du fonds de commerce l’expert explique que les fonds de commerce de boulangerie se vendent selon les barèmes de 60% à 110% de leur chiffre

d’affaires annuel, et qu’en l’espèce le chiffre d’affaires moyen des trois dernières années est de 187.108 euros. Afin de prendre en compte dans son estimation, la qualité et donc le potentiel de l’emplacement mais aussi de tenir compte des problèmes de santé de M. X qui ne sont pas imputables à la bailleresse et qui ont contribué à la diminution du chiffre d’affaires à partir de 2008, l’expert propose une évaluation basée sur 75% du chiffre d’affaires moyen des trois années soit un montant arrondi de 140.000 euros selon le calcul suivant 187.108 x 75%, qu’il y a lieu de retenir, aucune conséquence ne pouvant être tirées des attestations versées par les parties, établies en sens opposé, ce qui a pour effet de les neutraliser respectivement, celles produites par la bailleresse évoquant les problèmes de gestion et et les difficultés relationnelles de M. X, tandis que celles produites par la société locataire témoignant du sérieux des gérants et l’étude menée auprès de 150 clients faisant état d’un fort pourcentage de clients satisfaits et très satisfaits.

Pour estimer le préjudice de perte de valeur du fonds de commerce, l’expert préconise de retenir la différence entre son estimation de la valeur du fonds et le montant de 55.000 euros auquel il a finalement été cédé.

Si cette différence ainsi que l’a établi l’expert provient en grande partie de l’état de vétusté des locaux non entretenus par le bailleur ayant réduit leurs capacités d’exploitation et diminuant en conséquence l’attractivité du fonds, elle n’est cependant pas imputable en totalité au bailleur à qui ne peut être imputée la liquidation judiciaire ayant contraint de procéder à la cession dans des conditions et des délais contraints. Il n’y a lieu en conséquence de retenir au titre de la perte de valeur du fonds de commerce que 85% de cette différence soit la somme arrondie de 72.000 euros selon le calcul suivant : (140.000 – 55.000) x 85%.

Sur le trouble commercial et le préjudice d’exploitation

La société locataire critique le jugement qui n’a retenu un préjudice au titre du temps perdu pour l’exploitation à gérer les désaccords profonds avec le bailleur qu’à compter du 7 août 2008 alors que ce préjudice existe depuis 2004 et sollicite en conséquence une somme de 25.000 euros au titre de la réparation de son trouble commercial. Elle demande aussi que son préjudice d’exploitation soit évalué à compter de l’année 2004 avec aggravation en 2008 due à la fermeture du local de fabrication de pâtisserie, et sollicite en conséquence à ce titre une somme de 309.327 euros.

La […] oppose que le fonds de commerce a été fermé à compter du 16 décembre 2013. Elle fait valoir que le calcul retenu par les premiers juges suppose que la société L’EPI ET LA ROSE ait passé 16% de son temps d’exploitation à la gestion du différend soit 1 H 42 par jour d’ouverture pendant 5 ans, et que cette perte d’exploitation n’est absolument pas fondée. Elle ajoute que la fermeture de l’atelier de pâtisserie est la triste conséquence de la maladie de M. X qui ne lui est pas imputable, que le préjudice calculé sur la base du chiffre d’affaires conduit à un doublon avec la perte de valeur du fonds de commerce, que le calcul effectué par le tribunal qui est hypothétique n’est pas fondé.

La cour rappelle que si la réparation du préjudice pour trouble commercial et perte d’exploitation ne se confond pas avec la somme allouée au titre de la perte du fonds de commerce, il incombe à la société locataire de produire les éléments pour justifier de ces préjudices ainsi que de leur lien de

causalité avec les désordres subis dans les locaux.

S’agissant du temps perdu pour l’exploitation à gérer les désaccords avec le bailleur, il est avéré qu’à compter d’août 2008, la société locataire a informé la bailleresse de l’arrêté de fermeture du local à pâtisserie et lui a adressé deux mises en demeure, avant de l’assigner en référé expertise. Si ce trouble a perduré jusqu’en juin 2014 en l’absence de réparation

des désordres par le bailleur, et si l’expert recommande de retenir deux mois d’excédent brut d’exploitation moyen évalué à 14.939 euros après avoir observé qu’il est d’usage en matière d’indemnité d’éviction de retenir un trouble commercial au titre du temps passé estimé en moyenne à 3 mois d’excédent brut d’exploitation, il y a lieu en l’espèce de tenir

compte aussi de ce que les mises en demeure ne concernaient pas l’ensemble du local mais

seulement le local à pâtisserie, et que la société locataire ne justifie que de deux mises en demeure antérieures à l’assignation de référé expertise de sorte qu’un mois d’excédent brut d’exploitation moyen sera retenu au titre du trouble commercial, et ce sur une durée de six années soit un montant arrondi de 7.500 euros selon le calcul suivant : 14.939 x1/12 x6.

S’agissant de la perte d’exploitation consécutive à la fermeture de l’atelier de pâtisserie, l’expert après avoir constaté que le fonds a perdu 26% de son chiffre d’affaires entre 2008 et 2012 et que la totalité de la baisse d’exploitation ne peut être attribuée à la fermeture de l’atelier a proposé de retenir une perte de 20% de chiffre d’affaires minorée de 15% de charge soit un montant arrondi de 151.000 euros.

Cependant s’agissant de l’évaluation de la perte de l’exploitation, il convient de l’évaluer non pas à partir du chiffre d’affaires, mais à partir du résultat d’exploitation s’élevant à 14.939 euros ainsi que l’a relevé l’expert, et ne de retenir sur ce montant qu’une perte de 20 % comme l’a proposé l’expert, liée à la fermeture de l’atelier de pâtisserie, et ce sur une durée de six ans soit un montant arrondi de 18.000 euros selon le calcul suivant : 14.939 x 20% x 6.

Sur le préjudice d’image

La société locataire fait valoir que le piteux état du bâtiment comportant une fissure importante sur la façade et une fuite d’eau au milieu du magasin a causé un important préjudice d’image qu’il y a lieu d’évaluer à 50.000 euros, les attestations partiales produites par la bailleresse n’étant pas probantes alors qu’elle justifie d’une étude réalisée sur 150 clients montrant la satisfaction de la clientèle ainsi que de nombreuses attestations de clients satisfaits.

La […] soutient qu’il n’est pas établi que la surface de vente a été impactée substantiellement, que l’aléa du contentieux n’a aucun lien avec l’image qui a été atteinte par des faits imputables à la société locataire à savoir l’abandon du label 'artisan boulanger', le fait qu’il fallait commander sa baguette, le mécontentement de la clientèle et des salariés, et le comportement de M. X.

Ainsi que l’ont relevé à juste titre les premiers juges, les manquements du bailleur dans la prise en charge des travaux qui lui incombent, la fermeture administrative qui s’en est suivie ainsi que les conflits opposant les associés de la bailleresse et de la société locataire ont créé un environnement dégradé et une publicité négative créant un préjudice d’image qu’il convient d’évaluer, compte tenu du caractère principalement local de la clientèle du fonds de commerce, à un montant de 15.000 euros.

Sur le préjudice moral

La société locataire fait valoir que le préjudice moral ne se confond pas avec le préjudice d’image, que la dégradation du commerce de boulangerie-pâtisserie et la précarisation croissante des conditions d’exploitation ont gravement porté atteinte à l’honneur et à la réputation de la société outre que la mauvaise foi de la bailleresse est manifeste. Elle demande en conséquence à ce titre la somme de 50.000 euros.

La bailleresse fait valoir que la société locataire ne prouve pas l’existence d’un préjudice moral subi pas plus qu’elle ne justifie de sa prétendue mauvaise foi.

La cour rappelle que s’il n’est pas contesté qu’une personne morale peut demander la réparation d’un préjudice moral, il lui appartient cependant d’en établir la matéralité.

En l’espèce, les atteintes à l’honneur et à la réputation invoquées par la locataire ne sont pas précisément caractérisées, et ont déjà été prises en compte dans le préjudice d’image de sorte que la société locataire ne démontrant pas un préjudice distinct de celui qui a déjà été réparé, sa demande à ce titre sera rejetée.

Sur l’allocation d’intérêts au taux légal

La société L’EPI ET LA ROSE, représentée par son liquidateur, demande que les indemnités allouées portent intérêt légal à compter de la mise en demeure du 7 août 2008.

La cour rappelle qu’en application de l’ article 1231-7 (ancien 1153-1) du code civil, une créance de nature indemnitaire porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement, et que les tribunaux peuvent modifier le point de départ des intérêts légaux, soit à une date ultérieure soit à une date antérieure au prononcé du jugement à la condition, dans ce dernier cas, que la date de départ ne soit pas antérieure à la date du préjudice qui lui a donné naissance.

Il convient en l’espèce de dire que les indemnités porteront intérêts au taux légal à compter du 23 février 2017, date de prononcé du jugement de première instance.

II – Sur les demandes formées par Mme X

Sur l’irrecevabilité de l’action engagée par Mme X

La […] prétend que l’action de Mme X est prescrite sur le fondement de l’article 2224 du code civil en ce qu’alors que sa première réclamation date de 2008 elle a attendu le 30 avril 2015 soit plus de cinq ans après les faits pour assigner.

Mme X rétorque qu’elle a subi un préjudice moral continu du fait des manquements de la […] de sorte que le délai de prescription recommence à courir à compter de chaque année.

La cour rappelle qu’en application de l’article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

En l’espèce, il résulte de la mise en demeure adressée à la bailleresse le 7 août 2008 que Mme X avait connaissance dès cette date des manquements allégués de la bailleresse à l’origine du préjudice dont elle demande aujourd’hui réparation.

Cependant, il n’est pas contesté que les faits dommageables reprochés à la bailleresse se sont poursuivis postérieurement à cette date ainsi qu’il résulte notamment de l’assignation en référé aux

fins d’expertise diligentée le 15 novembre 2011 et du rapport d’expertise déposé le 2 décembre 2014.

L’action en justice ayant été introduite par Mme X aux côtés de la société L’EPI ET LA ROSE représentée par son liquidateur le 30 avril 2015, seuls les agissements postérieurs au 30 avril 2010 peuvent donc être poursuivis sans tomber sous le coup de la prescription

Il s’ensuit que l’action de Mme X en réparation de préjudice moral est recevable pour les préjudices subis postérieurement au 30 avril 2010.

Sur la réparation du préjudice moral de Mme X

Mme X fait valoir que les manquements graves de la bailleresse à ses obligations lui ont causé un préjudice moral en ce qu’elle était impliquée dans la société L’EPI ET LA ROSE dont elle était salariée, percevant un salaire mensuel de 1.147 euros et associée à hauteur de 50%, qu’elle s’est trouvée usée par l’immobilisme du bailleur qui venait tous les jours à la boulangerie en laissant croire qu’il allait agir et que la vente du fonds de commerce à un prix de vente inférieur de six fois à son prix d’acquisition l’a bouleversée.

Elle fait valoir en outre qu’elle résidait dans le logement sur place et qu’elle a également souffert de l’absence d’entretien dudit logement.

La […] fait valoir que les désordres constatés dans le logement sont limités et ne le rendent pas impropre à l’habitation, qu’aucun lien de causalité n’est prouvé entre la responsabilité de la bailleresse et la baisse de rémunération de Mme X pas plus qu’avec son état de santé, son anxiété étant liée à la santé de son mari et à la situation financière de la société dont la liquidation ne peut lui être imputée.

La cour rappelle qu’un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement à une obligation contractuelle dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

En l’espèce, les fautes de la SCI DU 18 RUE SAINT PIEERE caractérisées par l’absence de travaux entrepris pour faire cesser les désordres ont été retenues dans les développements ci-dessus. Ces manquements ont entraîné une dégradation du logement dans lequel vivait Mme X avec son mari au-dessus de la boutique, ainsi qu’un trouble commercial, une perte d’exploitation et une perte de valeur du fonds de commerce ainsi qu’il vient d’être jugé.

Mme X justifie par la production d’un certificat médical daté du 27 mai 2016 qu’au moins depuis le mois de novembre 2013 elle présentait un état d’anxiété récurrent avec plusieurs périodes dépressives, ledit certificat étant corroboré par les arrêts maladie également versés aux débats.

Il est ainsi justifié que les dégradations subies dans le logement, quand bien même ce dernier n’était pas inhabitable, ainsi que celles affectant le local commercial et notamment l’atelier pâtisserie dont la fermeture a été ordonnée, participant en conséquence à la baisse de chiffres d’affaires ayant contribué aux difficultés financières de la société locataire, quand bien même elles n’en sont pas l’unique cause, ont ainsi contribué à l’état dépressif caractérisé de Mme X, et lui ont ainsi causé un préjudice moral, qui compte tenu de sa durée depuis 2013, doit être évalué à un montant de 8.000 euros, qui portera intérêts au taux légal en application de l’article 1231-7 du code civil, à compter du 23 février 2017.

III – Sur les autres demandes

Le présent arrêt confirmant la décision entreprise en ce qu’elle a retenu le bien fondé des demandes à l’encontre de la […] il convient de la confirmer également en ce qu’elle

a condamné cette dernière à payer à la SARL L’EPI ET LA ROSE représentée par la SCP E F, ès qualités de liquidateur judiciaire la somme de trois mille euros (3000 euros) au titre des frais irrépétibles et à payer à Mme K X née B la somme de deux mille euros (2000 euros) au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens de première instance comprenant les frais d’expertise judiciaire.

En cause d’appel, l’équité commande de condamner la […], partie perdante, à payer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, à la société L’EPI ET LA ROSE représentée par son liquidateur la somme de 8.000 euros et à Mme X née B la somme de 3.000 euros.

Les demandes de la […] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Les dépens de l’appel seront mis à la charge de la […] qui succombe en son appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il a condamné la […] à payer à la société L’EPI ET LA ROSE représentée par la SCP E F prise en la personne de Maître E F en qualité liquidateur judiciaire les sommes de 84.300 euros au titre du préjudice de perte de valeur du fonds de commerce, 164.000 euros au titre de la perte d’exploitation et condamné la […] à payer à Mme X la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral ;

L’infirme sur ces points et statuant à nouveau ;

CONDAMNE la […] à payer à la société L’EPI ET LA ROSE représentée par la SCP E F prise en la personne de Maître E F en qualité liquidateur judiciaire, les sommes de :

—  72.000 euros au titre de la perte de valeur du fonds de commerce ;

—  7.500 euros au titre du trouble commercial

—  18.000 euros au titre de la perte d’exploitation ;

qui porteront intérêts au taux légal à compter du 23 février 2017 ;

CONDAMNE la […] à payer à Mme X la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice moral qui portera intérêts au taux légal à compter du 23 février 2017 ;

y ajoutant,

CONDAMNE la […] aux entiers dépens de l’appel ;

CONDAMNE la […] à payer à la société L’EPI ET LA ROSE représentée par la SCP E F prise en la personne de Maître E F en qualité liquidateur judiciaire la somme de 8.000 euros et à Mme X née B la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 7 novembre 2018, n° 17/09152