Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 12 septembre 2018, n° 15/15234

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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Guillé Jérôme · Lettre des Réseaux · 17 décembre 2021

CA Paris, 12 septembre 2018, n°15/15234 A la différence de la solution retenue en cas de rupture brutale de relations commerciales établies, la Cour d'appel de Paris tient compte de la reconversion de la victime dans l'évaluation du préjudice indemnisable sur le fondement contractuel. Deux sociétés, l'importateur d'une marque et un concessionnaire et réparateur, ont conclu en 2008 et 2010 deux contrats de concession et de réparateur agréé de la marque, pour deux sites distincts et pour une durée indéterminée. Chacun des contrats prévoyait une clause de résiliation, aux termes de …

 

Louis Vogel · L'ESSENTIEL Droit de la distribution et de la concurrence · 1er novembre 2018

Village Justice · 20 septembre 2018

Paris, 12 septembre 2018, n°15/15234. 1- Un importateur et un concessionnaire automobile étaient liés par des contrats de concession et de réparateur agréé à durée indéterminée. L'importateur prend l'initiative de résilier le contrat en respectant le préavise contractuel de deux ans. En réponse, le concessionnaire notifie à l'importateur sa décision de ne pas effectuer le préavis et de rompre les contrats à effet immédiat au motif que l'activité résultants desdits contrats ne serait pas rentable. L'importateur assigne le distributeur, au visa des articles 1134 et 1147 du code civil …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 12 sept. 2018, n° 15/15234
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/15234
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 24 juin 2015, N° 14/03276
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAISE

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2018

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/15234

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2015 – Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/03276

APPELANTE

SARL X AUTOMOBILES

Ayant son siège social : RN 150

[…]

17600 X

N° SIRET : 404 423 154 (SAINTES)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jean-Marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS, toque : J109

Ayant pour avocat plaidant : Me Philippe GATIN de la SELARL GATIN & POUILLOUX, avocat au barreau de SAINTES

INTIMÉE

SAS KIA MOTORS FRANCE

Ayant son siège social : […]

92500 RUEIL-MALMAISON

N° SIRET : 383 915 295 (NANTERRE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me Thierry PARIENTE de la SELARL ARMAND Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0153

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 13 Juin 2018, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame C D, Présidente de chambre

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,

Madame Y Z, Vice-Présidente Placée, rédacteur

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Y Z dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame A B

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame C D, président et par Madame A B, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Kia Motors France, ci-après Kia, est une filiale de la société de droit coréen Kia Motors Corporation qui fabrique et commercialise des véhicules de tourisme sous la marque Kia. La société Kia assure en France l’importation et la distribution exclusive des véhicules Kia, laquelle est organisée autour d’un réseau de concessionnaires et réparateurs agréés répartis sur l’ensemble du territoire national.

La société X Automobiles, ci-après X, est un concessionnaire automobile multimarques.

Aux termes d’une lettre d’intention du 29 octobre 2008, la société Kia a désigné la société X en qualité de concessionnaire et réparateur agréé de la marque, l’activité devant être exercée sur un site d’exploitation situé à X. Le 18 décembre 2008, la société Kia et la société X Automobiles ont régularisé les contrats de concessionnaire et réparateur agréé portant sur ce site.

Aux termes d’une seconde lettre d’intention du 24 novembre 2009, la société Kia a désigné la société X en qualité de concessionnaire et réparateur agréé pour un autre site, situé à Saintes. Le 11 février 2010, elles ont régularisé les contrats de concessionnaire et réparateur agréé portant sur le site de Saintes, avec une prise d’effet rétroactive au 14 décembre 2009.

Ces contrats de concession et de réparation sont stipulés à durée indéterminée, les causes et modalités de résiliation sont énoncées aux articles 26 des contrats de concession et aux articles 22 des contrats de réparation qui prévoient, notamment, une résiliation de plein droit, sans préavis ni versement d’indemnité en cas de manquement grave ou répété par l’une des parties à ses obligations, mais également, en l’absence de motif, la possibilité de mettre fin au contrat à tout moment au contrat, sous réserve du respect d’un préavis de 24 mois.

Le 23 mai 2012, la société Kia a adressé à la société X Automobiles un courrier aux termes duquel elle l’informait de la résiliation des contrats à effet au 31 mai 2014, soit après un préavis de 24 mois, en précisant que postérieurement à cette date, les relations se poursuivraient sur la base de nouveaux contrats dès lors que les membres du réseau respecteront les nouveaux standards de la marque. La société Kia a justifié cette résiliation en arguant de l’entrée en vigueur à partir du 1er juin 2013, des nouvelles dispositions issues des règlements européens d’exemption n°330/2010 et n°461/2010, venant encadrer la vente et l’après-vente dans le secteur de la distribution automobile.

Par courrier du 4 juillet 2012, la société X Automobiles a notifié à la société Kia sa décision de mettre un terme à l’exploitation du site de Saintes avec prise d’effet au 30 juin 2012 en faisant état des résultats déficitaires de ce point de vente.

Par courrier du 12 juillet 2012, la société Kia a pris acte de la résiliation des contrats par la société X Automobiles portant sur le site de Saintes, a rappelé les obligations contractuelles prévues en cas de cessation de celles-ci, a sollicité l’arrêt immédiat de l’utilisation de la marque et du logo avec dépôt et destruction des enseignes aux frais de la société X Automobiles et le remboursement de la somme de 115.858,73 euros perçue au titre des aides. Cette demande est restée sans réponse.

Par courrier du 21 décembre 2012, la société Kia a renouvelé sa demande au titre de la dépose et de la destruction des enseignes, sous astreinte et a demandé les modalités de paiement de la somme de 115.858,73 euros.

Par courrier du 18 janvier 2013, la société Kia a adressé à la société X Automobiles une ultime mise en demeure visant l’article 1153 ancien du code civil.

La société X a déposé et détruit les enseignes du site de Saintes.

Par courrier recommandé du 18 avril 2013 reçu le 24 avril 2013, la société Kia a adressé à la société X une « mise en demeure avant résiliation immédiate » des contrats portant sur le site de X, d’avoir à « justifier du respect de l’intégralité des standards de la marque et de l’intégralité de [ses] obligations contractuelles, dans un délai de 30 jours ouvrés à compter de la réception des présentes ».

Dans ces conditions, par lettre du 10 juin 2013, la société Kia a résilié les contrats du site de X pour manquements contractuels de la société X Automobiles reprochant à cette dernière son absence de participation aux formations et programme national de la marque, son refus de réceptionner du mobilier et un véhicule neuf, son refus de concourir à l’audit des primes ainsi que d’avoir procédé à la dépose des enseignes de la marque présentes sur le site de X.

Par acte du 25 février 2014, la société Kia a assigné la société X Automobiles devant le tribunal de grande instance de Paris, sur le fondement des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, afin d’obtenir sa condamnation au paiement des sommes de :

—  115.858,73 euros au titre du remboursement des aides au lancement avec intérêts à compter du 18 décembre 2012,

—  218.953,81 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice financier,

—  70.000 euros à titre de dommages intérêts au titre du préjudice commercial, en raison de la rupture fautive des contrats de concessionnaire et réparateur,

—  279.581,37 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier résultant de la rupture des contrats de concessionnaire et réparateur sur le site de X dont elle a dû prendre l’initiative du fait du comportement fautif de la société X Automobiles.

Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal de grande instance de Paris a :

— condamné la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 115.858,73 à titre de dommages intérêts au titre des aides au lancement et la somme de 80.000 euros à titre du préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre du site de Saintes,

— condamné la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 100.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice financier, au titre du site de X,

— condamné la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné la société X Automobiles aux dépens.

La société X Automobiles a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 15 juillet 2015.

La procédure devant la cour a été clôturée le 29 mai 2018.

LA COUR

Vu les conclusions du 18 mai 2018 par lesquelles la société X Automobiles, appelante, invite la cour, au visa des articles 1134, 1152 et 1226 anciens du code civil, à :

s’agissant de la convention portant sur l’exploitation du site de Saintes,

à titre principal,

— dire qu’elle était parfaitement fondée à résilier la convention sans préavis,

par conséquent,

— réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 25 juin 2015,

— débouter la société Kia de ses demandes formulées au titre d’une prétendue rupture abusive,

à titre subsidiaire,

— limiter à la somme de 18.022,48 euros le montant des dommages et intérêts qui pourraient être alloués à la société Kia Motors au titre du financement des aides au lancement,

s’agissant de la convention portant sur l’exploitation du site de X,

— dire qu’elle était parfaitement fondée à ne pas exécuter ses obligations contractuelles au regard des manquements contractuels de la société concédante,

— réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 25 juin 2015,

en conséquent,

— débouter la société Kia de sa demande tendant à sa condamnation au paiement d’un prétendu

préjudice financier,

en tout état de cause,

— condamner la société Kia au paiement de la somme de 15.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la même aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SCP Jouy-Huere-Perez, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions du 24 avril 2018 par lesquelles la société Kia Motors France, intimée ayant formé appel incident, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil, de :

— déclarer mal fondé l’appel interjeté par la société X Automobiles,

— confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 juin 2015 en ce qu’il a :

* jugé fautive la rupture par la société X le 4 juillet 2012, des contrats de concession et de réparateur agréé du 11 février 2010 relatifs au site de Saintes,

* condamné la société X Automobiles à lui payer la somme de 115.858,73 euros au titre du remboursement des aides au lancement perçues avec intérêts au taux légal à compter du jugement du 25 juin 2015,

* jugé fondée la résiliation par elle des contrats de concession et de réparateur agrées du 18 décembre 2008 relatifs au site de X,

* condamné la société X Automobiles à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— déclarer recevable et fondé l’appel incident formé par elle,

y faisant droit,

— infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 25 juin 2015 pour le surplus,

et statuant à nouveau :

— débouter la société X Automobiles de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

— condamner la société X Automobiles à lui payer au titre de la rupture des contrats de concession et de réparateur agréé du 11 février 2010 relatifs au site de Saintes :

* la somme de 218.953,81 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier,

* la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial,

— condamner la société X à lui payer la somme de 279.581,37 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant au titre de la rupture des contrats de concessionnaire et réparateur agréé portant sur l’exploitation du site de X,

— condamner la société X Automobiles à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

— condamner la société X Automobiles aux entiers dépens dont distraction au profit Me Frédérique Etevenard, avocat conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Sur la résiliation par la société X des contrats relatifs à la concession de Saintes

Sur l’abus de la résiliation

La société X soutient que la société Kia a, par courrier du 23 mai 2012, abusé de son droit de résilier les contrats portant sur le site de Saintes, de telle sorte que cette dernière ne saurait lui reprocher d’y avoir mis fin unilatéralement, par courrier du 4 juillet 2012, puisque lesdits contrats prévoyaient la possibilité d’y mettre fin sans préavis en cas de manquement contractuel à ses obligations par l’un des cocontractants, abus caractérisé en l’espèce par le comportement déloyal dont s’est rendue coupable la société Kia. La société X fait par ailleurs valoir que ce manquement est d’autant plus caractérisé au regard des exigences de la société Kia, qui, en sa qualité de concessionnaire, lui a imposé l’ouverture de ce second site d’exploitation sur la commune de Saintes. Elle estime enfin que la résiliation était en tout état de cause justifiée au regard des difficultés économiques auxquelles elle était confrontée et soutient à cet égard que le tribunal n’a pas analysé à leur juste valeur les attestations établies par son expert-comptable lequel a clairement indiqué que sa pérennité, à défaut de prendre les mesures adéquates, était remise en question.

Au surplus, la société X soutient que la société Kia a également manqué à ses obligations puisque cette dernière ne lui a pas versé un certain nombre de primes auxquelles elle était pourtant tenue contractuellement, s’abstenant à ce titre de lui adresser les « Launch Pack » pour les années 2012 et 2013, nonobstant les multiples mises en demeures envoyées à la société Kia concernant ces impayés.

Elle conclut qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle n’a pas rompu abusivement le contrat.

En réplique, la société Kia explique que la rupture par la société X Automobiles le 4 juillet 2012, à effet au 30 juin 2012, des contrats de concessionnaires et réparateur agréé qui les liait pour le site de Saintes est abusive. Elle fait valoir que la société X était tenue de respecter le préavis contractuel de 2 ans requis, ramené à 23 mois compte tenu du terme des contrats qui était fixé au 31 mai 2014, puisque aucun des motifs allégués par l’appelante ne permet de fonder la rupture unilatérale et sans préavis dont elle a pris l’initiative, et qu’aucune des pièces produites en cause d’appel par la société X ne modifie l’analyse des premiers juges.

***

L’article 26-3 (i) intitulé « durée et résiliation » du contrat de concessionnaire agréé du 11 février 2010 stipule que « la résiliation ordinaire du contrat interviendra dans les cas suivants : il pourra être mis fin au présent contrat, à tout moment par l’une ou l’autre des parties, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée vingt-quatre mois à l’avance » et l’article 26-4 (v) du même contrat prévoit notamment que « le présent contrat peut être résilié par l’une des deux parties, de plein droit, sans préavis ni versement d’indemnité, lorsque l’une des deux parties manque de façon grave ou répétée à ses obligations contractuelles ».

L’article 22 du contrat de réparateur agréé du 11 février 2010 prévoit les mêmes dispositions.

La société X reproche à la société Kia d’avoir résilié les contrats portant sur le site de Saintes par courrier du 23 mai 2012 à effet au 31 mai 2014, au motif que la réglementation européenne était modifiée du fait des nouvelles dispositions issues des règlements européens d’exemption 330/2010 et 461/2010. Toutefois, il convient d’abord de relever que le contrat prévoit une possible résiliation à tout moment par l’une ou l’autre des parties, sans motifs, sous réserve de respecter un délai de préavis de 24 mois. Ainsi, la société X ne peut reprocher à la société Kia d’avoir résilié le contrat les liant s’agissant du site de Saintes, alors même qu’il a été signé le 11 février 2010, soit plus de 2 ans auparavant, et le délai de préavis contractuel lui étant par ailleurs octroyé. Au surplus, la modification de la législation de l’Union peut justifier cette résiliation, étant relevé que le contrat aurait eu une durée de plus de 4 années à l’expiration du délai, que les investissements éventuellement nécessaires n’étaient pas imposés pendant la durée du préavis et que donc la société X n’était pas contrainte de réaliser ces investissements si elle ne le souhaitait pas. La connaissance ou non par la société Kia au moment de la signature des contrats le 11 février 2010 des nouveaux règlements européens est sans incidence sur les conditions de la résiliation, les contrats ayant été conclu à durée indéterminée, c’est-à-dire sans durée minimum en vertu des dispositions des articles 26.1 et 22.1 des contrats de concessionnaires et de réparateur agréé. Dans ces conditions, la résiliation de ces contrats par la société Kia n’est pas déloyale ni abusive, aucune faute n’étant établie par la société X.

La société X explique également que sa situation comptable ne pouvait justifier la poursuite de son activité. Toutefois, ce motif ne peut être invoqué pour fonder une résiliation des contrats sans préavis, les dispositions de l’article 26-4 et 22-4 ne prévoyant pas cette hypothèse, seul un placement en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire et le renoncement expresse par l’administrateur ou le liquidateur à la continuation du contrat, étant envisagés. Enfin, la société X ne fait pas état dans son courrier de résiliation du 4 juillet 2012 des primes impayées par la société Kia pour justifier une rupture sans préavis. Ainsi, ce grief ne peut être considéré comme suffisant pour constituer un manquement de grave ou répété par la société Kia à ses obligations contractuelles, étant relevé par ailleurs que la société X ne démontre pas avoir mis en demeure la société Kia de régulariser le paiement des primes antérieurement au courrier de résiliation ni le montant des primes impayées à la date de la résiliation.

Dès lors, la résiliation par la société X des contrats de concessionnaires et de réparateurs agréés Kia sur le site de Saintes est abusive.

Sur le préjudice subi

La société Kia fait valoir que la société X est tenue d’une part, de lui rembourser le montant des aides au lancement dont elle a bénéficié et aides conditionnées à la poursuite des contrats pendant une certaine période, et d’autre part, de réparer les préjudices qu’elle a subis du fait du non respect de ses obligations par la société X et de la résiliation abusive dont cette dernière s’est rendue coupable, à savoir un préjudice financier et un préjudice commercial.

En réplique, la société X conteste à titre principal les sommes demandées et à titre subsidiaire, sollicite la limitation à la somme de 18.022,48 euros du remboursement des aides au lancement prévus dans la lettre d’intention du 24 novembre 2009, cette clause devant être qualifiée de clause pénale.

***

Aux termes de l’article 1152 ancien du code civil, applicable aux faits de l’espèce, « Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite».

La lettre d’intention du 24 novembre 2009 signée par les parties concernant la qualité de concessionnaire et de réparateur agréé Kia de la société X sur le site de Saintes, prévoit notamment en son article 4, intitulé « aides au lancement », que la société Kia verse des aides à la communication, des aides complémentaires, des aides spécifiques, fournit un kit de lancement et prend en charge la signalétique et qu’en « contrepartie, il est convenu que le candidat s’engage à représenter la marque dans les conditions de représentation définies dans la présente lettre d’intention pendant une durée de 3 ans minimum. Dans le cas contraire, Kia Motors France sera en droit d’exiger le remboursement de tout ou partie des aides au lancement versées au titre de dommages et intérêts ».

Ladite clause doit être qualifiée de clause pénale, en ce qu’il est convenu que la société X doit rembourser à la société Kia, à titre de dommages et intérêts, tout ou partie des aides au lancement si elle n’exécute pas le contrat pendant 3 années.

La société X ne conteste pas avoir reçu la somme totale de 115.858,73 euros au titre du remboursement des aides au lancement par la société Kia. Le contrat a été résilié à effet immédiat par la société X un peu plus de 2 années après avoir exécuté le contrat.

Il apparaît donc que la somme de 115.858,73 euros est manifestement excessive, eu égard à la durée d’exécution du contrat effective par la société X, et devra être ramenée à la somme de 40.000 euros.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 115.858,73 à titre de dommages intérêts au titre des aides au lancement, et statuant à nouveau, de condamner la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 40.000 euros au titre des aides au lancement.

Les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit.

La société Kia explique également avoir subi un préjudice financier entre le 30 juin 2012 et le 31 mai 2014, correspondant à la marge brute perdue pendant cette période. Toutefois, le préjudice subi par la société Kia du fait de la résiliation abusive par la société X avant l’expiration du délai de préavis est constitué par la perte de la marge sur coûts variables moyenne qu’elle aurait pu réaliser avec son ancien concessionnaire, pendant le délai de 23 mois. Mais, la société Kia a désigné au mois de septembre 2013 un nouveau concessionnaire, de sorte que sa perte de marge ne peut correspondre à l’intégralité du préavis non exécuté. Il n’est pas contesté que la société Kia a réalisé 123.802,68 euros en 2010 et 104.670,87 euros en 2011 de marge brute (soit une moyenne annuelle de 114.236,77 euros, et mensuelle de 9.519,73 euros), étant par ailleurs relevé qu’elle ne démontre pas que sa marge aurait baissé avec le nouveau concessionnaire. La société Kia doit donc être indemnisée de sa perte de marge sur coûts variables pendant 14 mois. Au regard de la marge brute moyenne de celle-ci sur les deux années précédentes, représentant 20% du chiffre d’affaires, et du secteur d’activité, il y a lieu de fixer la marge sur coûts variables à 15%. Dès lors, le préjudice financier subi par la société Kia s’élève à la somme de 116.616,70 euros. Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a fixé le préjudice financier de la société Kia à la somme de 80.000 euros, et statuant à nouveau, il y a lieu de condamner la société X à verser à la société Kia la somme de 116.616,70 euros à titre de dommages et intérêts.

La société Kia ne rapporte pas la preuve du préjudice commercial qu’elle aurait subi du fait de la résiliation sans préavis par la société X des contrats de concession et de réparateur agréé sur le site de Saintes. Elle doit donc être déboutée de sa demande de ce chef. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la résiliation par la société Kia des contrats relatifs à la concession de X

Sur les fautes

La société Kia reproche d’abord à la société X son absence de participation aux formations et au programme national de la marque, son refus de réceptionner du mobilier et un véhicule neuf, son refus de concourir à l’audit des primes ainsi que d’avoir procédé à la dépose des enseignes de la marque présentes sur le site de X. Elle conclut dès lors que c’est à bon droit qu’elle a pris l’initiative, par courrier du 10 juin 2013, faisant suite à une mise en demeure préalable du 18 avril 2013 restée sans aucun effet, de mettre fin aux contrats la liant à la société X Automobiles pour le site de X.

Elle fait aussi valoir que le personnel de la société X s’est abstenu de suivre les formations dispensées par la marque tant pour la vente que l’après-vente, depuis 2010 (ou 2011 selon le personnel), et ce en dépit de l’obligation des membres du réseau de se conformer à cette norme contractuelle de suivi des formations, dont le non respect justifie à lui seul la résiliation immédiate sans préavis ni indemnité, des contrats en application des articles 26.4 h) et 22.4 i).

Elle souligne également que la société X a d’une part refusé de réceptionner du mobilier de publicité Kia destiné à son lieu de vente et d’autre part de prendre possession d’un nouveau modèle de la marque, et, ce, au mépris de ses obligations contractuelles.

Elle soutient que le refus de l’audit constitue une violation des obligations contractuelles de la société X Automobiles.

Elle produit en outre le procès-verbal de constat qu’elle a fait dresser le 9 avril 2013, soit antérieurement à la résiliation des contrats, par Me Nivet, huissier de justice, qui décrit les lieux d’exploitation de la concession de la société X et dont il ressort que cette dernière a déposé plusieurs enseignes de la marque sur le site de X et notamment le totem Kia, le bandeau de façade Kia et l’arche d’entrée Kia. Elle excipe que le non-respect de ce standard contractuel justifie à lui seul la résiliation immédiate, sans préavis ni indemnité, des contrats liant les distributeurs agréés à la société Kia en application de l’article 26.4 h) et j) du contrat de concessionnaire et de l’article 22.4 g) et i) du contrat de réparateur.

La société X réplique qu’elle était parfaitement en droit de ne pas exécuter ses obligations contractuelles compte tenu des manquements de la Kia évoqués supra. Elle estime que les pièces versées au dossier à ce titre par la société Kia ne sont pas probantes et fait valoir qu’en tout état de cause la société Kia ne lui a pas adressé de mise en demeure alors que l’absence de suivi des formations justifiait à elle seule la résiliation immédiate sans préavis ni indemnité des contrats, en application des articles précités. Elle soutient que la société ne rapporte par la preuve d’un refus de sa part et explique qu’il ne ressort pas du contrat de concession régularisé entre les parties de ce que le concessionnaire a l’obligation de réceptionner du mobilier. Concernant le refus de livraison du véhicule Kia Carens, la société X soutient qu’elle n’a jamais été rendue destinataire de la circulaire définissant la politique commerciale de la marque mentionnant le lancement du nouveau modèle Carens et rappelait l’obligation des concessionnaires d’avoir à détenir ce modèle.

Elle fait valoir que les pièces versées par la société Kia au soutien de sa prétention sont dénuées de tout caractère probant.

Elle ne conteste pas le fait qu’elle ait procédé à la dépose des enseignes signalétiques mais justifie ces actes positifs par la politique commerciale mise en oeuvre par la société Kia, préjudiciable aux concessionnaires de son réseau.

***

Par courrier du 10 juin 2013, la société Kia a résilié le contrat relatif à la concession de X aux motifs que :

— la dépose des enseignes de la marque Kia a été réalisée par la société X, constituant une violation des articles 8-1 et 11-1 des contrats,

— ladite signalétique a été entreposée sans protection sur un parking non couvert, constituant une violation des articles 26-4-h et 22-4-i des contrats,

— il n’y a pas eu de suivi des formations,

— l’audit des primes a été refusé le 12 avril 2013, constituant une violation des articles 14-4 et 11-4 des contrats,

— la réception d’un véhicule dans le cadre du lancement d’un nouveau modèle de la marque et du mobilier de publicité a été refusée, constituant une violation des articles 13-6 et 10-6 des contrats,

griefs formulés par courrier de mise en demeure du 18 avril 2013 demandant à la société X de justifier sous 30 jours du respect de l’intégralité de ses obligations contractuelles.

S’il ressort des pièces du dossier que depuis l’année 2010 la grande majorité du membre du personnel de la société X n’a pas suivi de formation, il convient toutefois de relever que ces griefs n’ont pas fait l’objet de mises en demeure préalables de la part de la société Kia, de sorte que cette faute, qui n’est pas spécifiquement visée par les articles 26-4 et 22-4, ne peut donc être considérée comme étant suffisamment grave pour justifier la résiliation sans préavis desdits contrats. De même, si le refus de concourir à l’audit des primes le 12 avril 2013 constitue une violation des articles 14-4 et 11-4 des contrats, celui-ci n’a pas été réitéré, ne fait pas partie des fautes spécifiquement visées par les articles 26-4 et 22-4, et ne peut donc être qualifié de faute suffisamment grave pour justifier la résiliation sans préavis desdits contrats. Enfin, le seul refus d’un véhicule le 18 avril 2013 ne peut constituer une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation sans préavis du contrat, ce grief n’étant pas visé par les articles 26-4 et 22-4 et ce comportement n’ayant pas été réitéré. Par ailleurs, le mobilier n’est pas visé par la charte Kia et le refus d’une livraison de mobilier ne peut donc pas être reproché.

En outre, la société X ne démontre pas d’inexécution contractuelle de la part de la société Kia pouvant justifier ces nombreuses violations contractuelles, les éléments produits relatifs à l’absence de versement des primes par la société Kia ne pouvant valablement être retenus pour justifier une exception d’inexécution, en ce que si la société X a subi un retard dans le paiement de 4 primes pour un montant total de 2.117,38 euros HT tel qu’il ressort du courriel du 4 octobre 2012, il apparaît que la société Kia a régularisé la situation pour certaines et que suite au 9 janvier 2013, la société X ne démontre pas avoir relancé la société Kia de nouveau sur ce point.

Toutefois, il n’est pas contesté par la société X qu’elle a procédé au moins avant le 9 avril 2013, date du procès-verbal de constat, au démontage des enseignes de la marque Kia et qu’elles étaient entreposées sans protection sur son parking non couvert. Or les dispositions contractuelles, les articles 11 renvoyant à l’annexe 2, et 26-4-h, 8 renvoyant elles-même à l’annexe 2, et 22-4-i, imposent au concessionnaire de respecter la charte graphique Kia Motors, étant relevé que la pose, la dépose, le transport et l’entretien des éléments de signalétique sont effectués expressément par le

prestataire mandaté par la société Kia. Par ailleurs toute modification du matériel publicitaire et toute violation des normes visées à l’article 11 et 8 justifient la résiliation sans préavis par la société Kia.

Dès lors, ce seul démontage des enseignes de la marque Kia et leur entreposage sans protection sur son parking non couvert justifient la résiliation sans préavis des contrats. Au surplus, à titre surabondant, les autres violations, qui si, considérées individuellement ne sont pas suffisamment graves, démontrent, prises ensembles, des violations répétées des obligations contractuelles commises par la société X, justifiant la résiliation sans préavis des contrats de concessionnaire et de réparateur agréé sur le site de X.

Sur le préjudice

La société Kia fait valoir que la baisse d’activité sur la période de janvier à juin 2013 résulte exclusivement du comportement de la société X. Elle sollicite dès lors la condamnation de la société X Automobiles à lui payer la somme de 279.581,37 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier résultant de la rupture des contrats de concessionnaire et réparateur agréé portant sur l’exploitation du site de X.

La société X explique qu’elle était fondée à ne pas exécuter ses obligations contractuelles au regard des manquements contractuels de la société concédante et qu’elle n’a donc pas à indemniser la société Kia.

***

La société Kia a subi un préjudice lié à la perte de marge sur coûts variables entre le 10 juin 2013 et le 30 mai 2014, lié à la rupture anticipée du contrat en raison de violations contractuelles commises par la société X. Elle sollicite la perte de marge brute tant au titre de la vente de véhicules neufs que de la vente de pièces de rechange sur 11 mois.

Il n’est pas contesté que la société Kia a réalisé 216.046,39 euros en 2010 et 428.452,03 euros en 2011 de marge brute (soit une moyenne annuelle de 322.249,21 euros, et mensuelle de 26.854,10 euros) au titre de la vente de véhicules neufs et qu’elle a réalisé 16.195,93 euros en 2010 et 29.765,31 euros en 2011 de marge brute (soit une moyenne annuelle de 22.980,62 euros, et mensuelle de 1.915,05 euros) au titre de la vente de pièces de rechange, un taux de marge brute moyen de 42,97%. La société Kia doit être indemnisée de sa perte de marge sur coût variable pendant 11 mois. Au vu des pièces du dossier et compte tenu du secteur d’activité, il y a lieu de fixer la marge sur coûts variables à 15% au titre de l’activité de la vente de véhicules neufs et de 30% au titre de l’activité de vente de pièces de rechange.

Dès lors, le préjudice financier subi par la société Kia s’élève à la somme de 221.546,32 euros au titre de la vente de véhicules neufs et à la somme de 14.707,16 euros au titre de la vente de pièces de rechange, soit un total de 236.253,48 euros.

Il y a donc lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a fixé le préjudice financier de la société Kia à la somme de 100.000 euros, et statuant à nouveau, et de condamner la société X à verser à la société Kia la somme de 236.253,48 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société X doit être condamnée aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la

société Kia la somme supplémentaire de 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande d’application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par la société X.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a :

— condamné la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 115.858,73 à titre de dommages intérêts au titre des aides au lancement et la somme de 80.000 euros à titre du préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre du site de Saintes,

— condamné la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 100.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice financier, au titre du site de X ;

L’infirmant sur ces points ;

Statuant à nouveau ;

CONDAMNE la société X Automobiles à payer à la société Kia Motors France la somme de 40.000 euros au titre des aides au lancement ;

CONDAMNE la société X Automobiles à verser à la société Kia Motors France la somme de 116.616,70 euros à titre de dommages et intérêts pour le site de Saintes ;

CONDAMNE la société X Automobiles à verser à la société Kia Motors France la somme de 236.253,48 euros à titre de dommages et intérêts pour le site de X ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE la société X Automobiles aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à la société Kia la somme supplémentaire de 10.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

REJETTE toute autre demande ;

Le Greffier La Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 12 septembre 2018, n° 15/15234