Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 16 mai 2019, n° 16/08247

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 5, 16 mai 2019, n° 16/08247
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/08247
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 26 novembre 2013, N° 09/01056
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 16 Mai 2019

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 16/08247 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZAUQ

Décision déférée à la Cour : sur renvoi après cassation d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 27 Novembre 2013, sur appel d’un jugement rendu le 05 Décembre 2011 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’Evry RG n°09/01056

APPELANT

M. [V] [V]

né le [Date anniversaire 1] 1958 à [Localité 1]

Demeurant [Adresse 1]

[Adresse 2]

comparant en personne, assisté de Me Marie WATREMEZ-DUFOUR de la SCP SAID LEHOT WATREMEZ, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMEES

Me [G] [Z] (SELAFA SELAFA MJA) – Mandataire liquidateur de SNC ALTIS SEMICONDUCTOR

Sise [Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Jeannie CREDOZ-ROSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461

La société X-FAB FRANCE prise en la personne de son représentant légal

Sise [Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Laure MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : G0529

PARTIE INTERVENANTE :

L’association AGS CGEA IDF OUEST

Sise [Adresse 5]

[Adresse 5]

représenté par Me Arnaud CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 substitué par Me Charlotte CASTETS, avocat au barreau de PARIS, toque : T10

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Février 2019, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre

M. Jacques RAYNAUD, Président de chambre

M. Stéphane MEYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Philippe ANDRIANASOLO, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Mme Marine BRUNIE, Greffier présent lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur [V] [V] a été engagé par la société IBM FRANCE, pour une durée indéterminée à compter du 23 février 1979, en qualité d’agent de fabrication.

Le 24 mars 2000, la société IBM FRANCE l’a informé du transfert de son contrat de travail auprès de la société ALTIS SEMICONDUCTOR.

Les parties étant en désaccord quant à la réalité de ce transfert, Monsieur [V] a ensuite saisi à plusieurs reprises le conseil de prud’hommes d’Evry, en référé et au fond, faisant parallèlement l’objet d’arrêts de travail pour maladie.

Par ordonnance du 18 juillet 2002, la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Evry a déclaré que Monsieur [V] était demeuré salarié de la société IBM, laquelle l’a alors réintégré dans ses effectifs.

Par jugement du 22 juillet 2004, le conseil de prud’hommes d’Evry, statuant au fond et en départage, a constaté que Monsieur [V] n’était plus salarié de la société IBM France depuis avril 2000 mais de la société ALTIS SEMICONDUCTOR et l’a condamné à rembourser à la première les sommes qu’il avait perçues en exécution de l’ordonnance de référé.

Par arrêt du 7 septembre 2006, la cour d’appel de Paris a infirmé ce jugement, dit que Monsieur [V] était resté salarié de la société IBM France jusqu’au 14 décembre 2000 et a condamné cette dernière à lui payer 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour inexécution fautive du projet social d’entreprise, ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par décision du 21 février 2008, la Cour de cassation a déclaré non admis les pourvois principal et incident de Monsieur [V] et de la société IBM France formés à l’encontre de cet arrêt.

Monsieur [V] a alors demandé à la société ALTIS SEMICONDUCTOR de le réintégrer, ce qu’elle a refusé de faire.

Par arrêt du 10 septembre 2009, la cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance de référé du 18 juillet 2002.

Le 8 octobre 2010, Monsieur [V] a à nouveau saisi le conseil de prud’hommes d’Evry au fond et formé, à l’encontre de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, des demandes de réintégration et à titre subsidiaire, afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 5 décembre 2011, le conseil de prud’hommes d’Evry a dit que la relation de travail de Monsieur [V] avec la société ALTIS SEMICONDUCTOR avait été rompue le 23 juillet 2003, que la rupture au 23 juillet 2003 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a en conséquence condamné la société ALTIS SEMICONDUCTOR à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes :

— indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 € ;

— au titre de l’article 700 du code de procédure civile : 1 500 € ;

— et a autorisé la compensation par la société ALTIS SEMICONDUCTOR avec les sommes versées suite à l’ordonnance de référé du 4 décembre 2008.

Monsieur [V] a interjeté appel de ce jugement du 5 décembre 2011 et par arrêt du 27 novembre 2013, la cour d’appel de Paris l’a infirmé et a déclaré nulle la rupture du contrat de travail liant Monsieur [V] à la société ALTIS SEMICONDUCTOR, fixée au 7 septembre 2006, ordonné sa réintégration au sein de la société ALTIS SEMICONDUCTOR sur le poste qu’il occupait avant la rupture et si ce poste est supprimé, sur un poste équivalent compatible avec son aptitude physique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de l’arrêt et a condamné la société ALTIS SEMICONDUCTOR à payer à Monsieur [V] les sommes de :

— indemnité pour perte de salaires du 7 septembre 2006 au 14 novembre 2013 : 176 644 € ;

— dommages et intérêts pour préjudice distinct : 5 000 € ;

— a dit que les parties devront faire leurs comptes ;

— a ordonné à la société ALTIS SEMICONDUCTOR de remettre à Monsieur [V] des bulletins de paie conformes depuis le 14 décembre 2010 et de régulariser sa situation auprès des caisses de retraite pour la même période, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard passé le délai de 2 mois à compter de la présente décision ;

— a condamné la société ALTIS SEMICONDUCTOR à payer à Monsieur [V] la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

— a condamné la société Altis aux dépens de première instance et d’appel.

La société ALTIS SEMICONDUCTOR a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt du 27 novembre 2013 et par arrêt du 29 septembre 2015, la Cour de cassation a cassé et annulé, dans toutes ses dispositions cet arrêt, remis en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyé devant la présente cour autrement composée.

Cet arrêt de la Cour de cassation est motivé, d’une part, par le fait que l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 7 septembre 2006 est dépourvu d’autorité de la chose jugée sur le point de savoir si Monsieur [V] était devenu salarié de la société ALTIS SEMICONDUCTOR à compter du 14 décembre 2000 et d’autre part, par le fait que la cour d’appel aurait dû rechercher si le refus et le comportement du salarié ne s’opposaient pas à la formation de tout contrat de travail entre lui et la société ALTIS SEMICONDUCTOR.

La société ALTIS SEMICONDUCTOR a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire et par jugement du 30 septembre 2016, le tribunal de commerce de PARIS a déclaré la société X-FAB France bénéficiaire de son plan de cession, puis par jugement du 14 février 2017, a prononcé la liquidation judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR et désigné La SELAFA MJA en qualité de liquidateur judiciaire.

Monsieur [V] a fait assigner la société X-FAB France en intervention forcée.

Lors de l’audience du 15 juin 2018, Monsieur [V] fait valoir qu’il est salarié la société ALTIS SEMICONDUCTOR depuis le 14 décembre 2000, que la société ALTIS SEMICONDUCTOR a refusé de manière illicite la poursuite de son contrat de travail au retour de son arrêt maladie le 5 mai 2007 et que, du fait de son statut protecteur de conseiller du salarié, ce refus constitue la rupture du contrat de travail le 5 mai 2007 sans autorisation de l’inspecteur du travail. Il demande en conséquence à la cour :

— de déclarer nulle la rupture de son contrat de travail par la société ALTIS SEMICONDUCTOR le 5 mai 2007 ;

— d’ordonner la poursuite de son contrat de travail et sa réintégration au sein de la société X-FAB France sur le poste qu’il occupait avant la rupture, et si ce poste est supprimé, sur un poste équivalent compatible avec son aptitude physique, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de l’arrêt ;

— d’ordonner sa régularisation sociale par l’établissement de bulletins de paie, par déclaration auprès des organismes sociaux, le tout sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai d’un mois à compter de la décision ;

— de fixer au passif de la société ALTIS SEMICONDUCTOR sa créance de à titre de salaire pour la période du 5 mai 2007 au 30 septembre 2016 a la somme de 192 170 € ;

— de condamner la société X-FAB France a lui payer à titre de salaire du 30 septembre 2016 au 30 avril 2019 la somme de : 72 036,25 € ;

Subsidiairement, de 'dire et juger’ que son licenciement est illicite et de fixer au passif de la société ALTIS SEMICONDUCTOR sa créance aux sommes suivantes :

— indemnité pour violation du statut protecteur d’un salarié protégé : 40 137,50 € ;

— indemnité compensatrice de préavis : 4 225,00 € ;

— congés pavés sur préavis : 422,50 € ;

— indemnité de licenciement : 18 308 € ;

— indemnité pour licenciement illicite : 150 000 €.

Encore plus subsidiairement, de fixer sa créance au passif de la société ALTIS SEMICONDUCTOR à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 150 000 € ;

Il demande en tout état de cause la condamnation solidaire des deux sociétés au paiement d’une indemnité de 10 000 € au titre de I’article 700 du code de procédure civile.

En défense, la SELAFA MJA, en qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, demande de 'dire et juger’ qu’aucun contrat de travail n’a lié Monsieur [V] à la société ALTIS SEMICONDUCTOR et en conséquence, d’infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry le 4 mai 2010 en ce qu’il a reconnu l’existence d’un contrat de travail entre les parties et de débouter Monsieur [V] de ses demandes.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que Monsieur [V] pourrait tout au plus être indemnisé de la rupture de son contrat de travail intervenue en 2001 et obtenir à ce titre, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l’article L. 1235-3 du Code du travail, à hauteur tout au plus de six mois de salaire, soit 10.200 €, une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3 400 €, des congés payés afférents à hauteur de 340 € et une indemnité de licenciement à hauteur de 8.670 €, ces différentes sommes devant se compenser avec les salaires versés par la la société ALTIS SEMICONDUCTOR à Monsieur [V] à titre provisoire entre décembre 2008 et septembre 2009 et non remboursés à la société ;

A titre infiniment subsidiaire, elle demande la réduction en tout état de cause des demandes formées par Monsieur [V], sur la base d’un salaire moyen à hauteur de 1 700 € bruts, la réduction à 10 200 € des dommages et intérêts auxquels il pourrait le cas échéant prétendre, ces différentes sommes devant se compenser avec les salaires versés par la société ALTIS SEMICONDUCTOR à Monsieur [V] à titre provisoire entre décembre 2008 et septembre 2009 et non remboursés à la société.

Elle demande, en tout état de cause, la condamnation de Monsieur [V] au paiement d’une indemnité de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société X-FAB France demande de déclarer 'irrecevable et mal fondée’ (sic) l’assignation en intervention forcée de Monsieur [V], et sa condamnation à lui payer une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que Monsieur [V] ne dispose pas d’intérêt et de droit à agir à son encontre et que l’évolution du litige ne justifie pas sa mise en cause, puisqu’il ne figure pas sur la liste des salariés repris par elle.

L’AGS conclut au rejet des demandes de Monsieur [V]. Elle fait valoir qu’il n’a pas la qualité de salarié de la société ALTIS SEMICONDUCTOR et à titre subsidiaire, qu’il ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué. Elle demande qu’il soit fait en tout état de cause application des imites légales de sa garantie.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur l’existence d’un transfert du contrat de travail de Monsieur [V] entre la société IBM FRANCE et la société ALTIS SEMICONDUCTOR

Aux termes de l’article L.122-12 du code du travail, alors applicable à l’espèce, (devenu, depuis l’article L.1224-1), s’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

En l’espèce, Monsieur [V] avait été engagé le 23 février 1979 par la société IBM FRANCE au sein de l’usine de [Localité 2], comme agent de fabrication et à compter des années 1998 et 1999, la société IBM FRANCE est entrée en négociations avec la société SIEMENS et a décidé de créer une filiale commune prenant le nom d’ALTIS.

Monsieur [V] fait valoir qu’à compter de 2000, les deux entreprises lui ont fait part du transfert de plein droit de son contrat de travail de la société IBM FRANCE à la société ALTIS SEMICONDUCTOR.

Cependant, toutes les parties s’accordent pour considérer qu’en réalité, les conditions légales de ce transfert de plein droit n’étaient pas réunies, car l’activité de sécurité industrielle dont Monsieur [V] dépendait n’avait pas été intégralement transférée à la société ALTIS SEMICONDUCTOR.

Par conséquent, l’application des dispositions de l’article L.122-12 du code du travail ne pouvait résulter que d’une application volontaire de la part des parties, ce qui supposait, notamment, l’accord exprès et non équivoque du salarié, au moment de la mise en oeuvre de ces dispositions.

Or, Monsieur [V] ayant fait l’objet d’arrêts de travail et devant reprendre son poste au mois d’octobre 2000, écrivait le 27 octobre 2000 à la société IBM FRANCE qu’il refusait le transfert de son contrat de travail, estimant qu’il s’agissait d’une modification substantielle de ce contrat.

La société ALTIS SEMICONDUCTOR et Monsieur [V] sont alors vainement entrées en négociation et par lettre des 16 janvier, 22 février, 23 mars, 30 mai et 18 juin 2001, Monsieur [V] a demandé expressément à la société ALTIS SEMICONDUCTOR de le réintégrer dans les effectifs de la société IBM FRANCE.

Monsieur [V] a alors saisi le formation de référé du conseil de prud’hommes d’Evry afin que celui-ci juge qu’il était demeuré salarié de la société IBM FRANCE au sein de laquelle il demandait sa réintégration.

Il est ainsi établi qu’au moment où les deux sociétés faisaient état de l’application des dispositions susvisées, Monsieur [V] a opposé son refus de façon claire, dépourvue d’équivoque et réitérée.

Ce n’est qu’à compter de 2007 que Monsieur [V] a demandé son intégration au sein des effectifs de la société ALTIS SEMICONDUCTOR. Cette demande est sans effet, puisque formulée dans un délai trop éloigné pour permettre une rencontre des volontés des parties.

Il résulte de ces considérations que le contrat de travail de Monsieur [V] n’a pas été transféré à la société ALTIS SEMICONDUCTOR.

Sur l’existence alléguée d’une relation de travail entre Monsieur [V] et la société ALTIS SEMICONDUCTOR

Le contrat de travail suppose l’existence d’un prestation de travail moyennant rémunération, exécutée sous un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, Monsieur [V] fait valoir qu’il a, de manière effective, occupé un poste au sein de la société ALTIS SEMICONDUCTOR à compter du 14 décembre 2000, ce que conteste cette société.

Par lettre du 6 décembre 2000, la société ALTIS SEMICONDUCTOR a indiqué à Monsieur [V] qu’aux termes de son arrêt de travail, il commencerait la prise de son poste au sein de ses effectifs à compter du14 décembre.

Par lettre du 23 avril 2001, la société ALTIS SEMICONDUCTOR lui écrivait : «le transfert de votre contrat de travail d’IBM à ALTIS s’est opéré de plein droit par application de l’article L 122-12 alinéa 2 du code du travail […] Lors de la reprise de votre travail il vous a été proposé un poste en horaire 'normal', conformément aux recommandations du médecin du travail ['] C’est pourquoi nous vous avons proposé le 6 décembre 2000 un poste 'emballage GATE QA’ en horaire normal, conforme à vos souhaits ainsi qu’aux recommandations du médecin du travail, poste que vous avez accepté et que vous occupez depuis le 14 décembre 2000 ['] ».

Monsieur [V] produit des bulletins de paie délivrés par la société ALTIS SEMICONDUCTOR de décembre 2000 à août 2003 avec mention de la rémunération d’un travail à temps complet, un organigramme mentionnant son nom au sein de l’équipe distribution et emballage, un courriel émanant de son responsable hiérarchique, lui communiquant le mot de passe pour son ordinateur, des cartes de pointage datées de 2000 et 2001, ainsi qu’un compte rendu d’évaluation du 22 mai 2011, faisant état d’un travail effectif et non pas seulement, comme le prétend la société ALTIS SEMICONDUCTOR, de la fixation d’objectifs. Il convient de préciser que tous ces éléments émanent de cette société.

Enfin, Monsieur [V] produit une attestation d’une collègue, Madame [K], qui déclare l’avoir souvent vu, au cours de l’année 2001, rencontrer une déléguée syndicale dans un des bureaux où elle travaillait et que, d’après ce qu’elle savait, cette personne l’assistait pour des problèmes relatifs à son poste de travail.

Il résulte de ces éléments concordants que Monsieur [V] a réalisé une prestation de travail pour le compte de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, sous sa subordination et moyennant rémunération.

Malgré l’absence de transfert, un contrat de travail a donc lié Monsieur [V] à la société ALTIS SEMICONDUCTOR à compter du 14 décembre 2000 et il importe peu, à cet égard, que ce contrat de travail ait été suspendu à plusieurs reprises par des arrêts de travail de Monsieur [V] pour cause de maladie.

Sur la rupture des relations de travail

La rupture d’un contrat de travail à l’initiative de l’employeur constitue un licenciement.

En l’espèce, Monsieur [V], en arrêt de travail pour maladie jusqu’au 5 mai 2007, a demandé à la société ALTIS SEMICONDUCTOR la poursuite de son contrat de travail par plusieurs lettres et par lettre du 23 mai 2007, cette société l’a informé qu’elle n’avait actuellement aucun poste disponible correspondant à ses qualifications.

Cette rupture intervenue à l’initiative de l’employeur le 5 mai 2007, constitue donc un licenciement.

Exerçant les fonctions de délégué du salarié au moment de la rupture, le licenciement doit être déclaré nul en application des dispositions des articles L. 1232-14 et L 2411-21 du code du travail, en l’absence de demande d’autorisation auprès de l’inspection du travail.

Sur la demande de réintégration au sein des effectifs de la société X-FAB France

Le licenciement imputable à la société ALTIS SEMICONDUCTOR étant nul, Monsieur [V] est fondé à demander sa réintégration.

Aux termes de l’article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

En l’espèce, Monsieur [V] dirige sa demande de réintégration à l’encontre de la société X-FAB France, repreneuse dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, ladite la société X-FAB France soulevant son absence d’intérêt à agir.

Par jugement du 30 septembre 2016, le tribunal de Commerce de Paris a arrêté le plan de cession de la société ALTIS SEMICONDUCTOR au profit de la société européenne de droit belge X-FAB, à laquelle s’est substituée la SAS X-FAB France.

Monsieur [V] a donc intérêt à agir pour demander sa réintégration au sein de cette dernière.

Il résulte des dispositions de l’article 555 du Code de procédure civile qu’un tiers peut être appelé en intervention forcée l’évolution du litige implique sa mise en cause.

En l’espèce, le jugement susvisé du 30 septembre 2016 constitue un fait nouveau ayant entraîné une évolution du litige justifiant la mise en cause de la société X-FAB France.

La demande de réintégration formée par Monsieur [V] à l’encontre de la société X-FAB France est donc recevable.

Le plan de cession, arrêté par le tribunal de commerce aux termes de son jugement du 30 septembre 2016, prévoyait la reprise de salariés dont la liste était annexée mais parmi laquelle le nom de Monsieur [V] n’apparaît pas.

Conformément aux dispositions de l’article L. 642-5 du code de commerce, la société X-FAB France n’est tenue que dans les limites de ce jugement, ce dont il résulte que la demande de réintégration de Monsieur [V] parmi ses effectifs ne peut lui être imposée.

Monsieur [V] doit donc être débouté de ses demandes formées à l’encontre de cette société.

Sur les autres demandes relatives à la rupture

Monsieur [V] ne formule des demandes de rappel de salaire et de 'régularisation sociale’ que dans l’hypothèse d’une réintégration.

Cette réintégration étant impossible, du fait, d’une part, de la cession de l’actif de la société IBM FRANCE et de sa liquidation et d’autre part des considérations qui précèdent, il convient de ne statuer que sur les demandes subsidiaires formées au titre d’un licenciement que Monsieur [V] qualifie d’illicite.

Au vu des bulletins de paie de Monsieur [V], sa rémunération brute mensuelle moyenne jusqu’en 2013 s’élevait à 1 896 euros, ce dont il résulte que son évaluation du salaire de base à 2 112,50 euros au moment de la rupture intervenue en 2007 est justifiée.

Monsieur [V] est fondé à demander une indemnité pour licenciement illicite égale à celle prévue par les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans leur version applicable au litige et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Monsieur [V], âgé de 49 ans, comptait environ 6 ans et demi d’ancienneté. Il justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’en 2012.

Au vu de cette situation, il convient d’évaluer son préjudice à 20 000 euros, comme l’avait fait à juste titre le conseil de prud’hommes, quoique sous une qualification différente.

Monsieur [V] est également fondé à obtenir une indemnité pour violation de son statut protecteur égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, augmentée de 12 mois, soit jusqu’au 4 décembre 2008, indemnité qui, au vu de ses calculs qui sont exacts, s’élève à 40 137,50 euros.

A la date de la rupture, Monsieur [V] avait plus de deux années d’ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 4 225 euros, ainsi que les congés payés afférents, soit 422,50 euros.

Monsieur [V] est également fondé à percevoir une indemnité de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, dans leur version applicable au litige et qui s’élève à 2 699,77 euros (2 112,50 € x 1/5 x 6,39 ans).

Sur les demandes de compensation

Il n’y a pas lieu d’ordonner la compensation des chefs de condamnation avec les sommes ayant pu être perçues par Monsieur [V] en exécution de décisions de justice antérieures, ce point relevant de l’exécution et échappant au pouvoir de la cour, dans le cadre du présent litige.

Sur les frais hors dépens

Sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a fait droit à la demande formée par Monsieur [V] à hauteur de 1 500 euros et de faire droit à cette demande en cause d’appel à hauteur de 1 500 euros, sauf à préciser que ces sommes seront mises à la charge du liquidateur judiciaire en cette qualité.

L’équité ne commande pas qu’il soit fait plus ample application de ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a fait droit à la demande de Monsieur [V] [V] au titre de l’article 700 à hauteur de 1 500 euros, sauf à condamner la SELAFA MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR au paiement de cette somme.

Infirme le jugement pour le surplus ;

Dit que Monsieur [V] [V] et la société ALTIS SEMICONDUCTOR ont été liés par un contrat de travail entre le 14 décembre 2000 et le 5 mai 2007 ;

Dit que la rupture des relations contractuelles, intervenue le 5 mai 2007, constitue un licenciement nul ;

Fixe la créance de Monsieur [V] [V] au passif de la société ALTIS SEMICONDUCTOR aux sommes suivantes :

— indemnité pour licenciement nul : 20 000 € ;

— indemnité pour violation du statut protecteur : 40 137,50 € ;

— indemnité compensatrice de préavis : 4 225 € ;

— congés pavés afférents : 422,50 € ;

— indemnité légale de licenciement : 2 699,77 € ;

Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l’ouverture de la procédure collective ;

Dit que le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA d’Ile-de-France Ouest – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC devra garantir ces créances dans la limite du plafond légal ;

Y ajoutant ;

Condamne la SELAFA MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, à payer à Monsieur [V] [V] une indemnité de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Déboute Monsieur [V] [V] du surplus de ses demandes à l’encontre de la procédure collective de la société ALTIS SEMICONDUCTOR

Déclare Monsieur [V] [V] recevable mais mal fondé en ses demandes formées à l’encontre de la société X-FAB France ;

Déboute la SELAFA MJA et la société X-FAB France de leurs demandes d’indemnités formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne la SELAFA MJA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société ALTIS SEMICONDUCTOR, aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIERLA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 16 mai 2019, n° 16/08247