Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 27 mai 2020, n° 19/17055

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 27 mai 2020, n° 19/17055
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/17055
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 8 août 2019, N° 19/55235
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRÊT DU 27 MAI 2020

(n° 163 , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/17055 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CATMC

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 09 Août 2019 -Tribunal de Grande Instance de Nanterre
- RG n° 19/55235

APPELANTE

Madame K L X C D

[…]

[…]

Représentée et assistée par Me Gilles KHAIAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1628

INTIMÉES

SA VIALIFE (anciennement dénommée VIAPRESSE), représentée par son Président

[…]

[…]

N° SIRET : 415 280 627

Représentée et assistée par Me A MURA, avocat au barreau de PARIS, toque : E0294

SOCIÉTÉ A JUSTE TITRES SARL, agissant poursuites et diligences de sa gérante en exercice domiciliée en cette qualité audit siège

[…]

[…]

[…]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée par Me Emmanuelle FARTHOUAT-FALEK, substituant Me Cyrille BARAN, avocat au barreau de MARSEILLE

SOCIÉTÉ AUXERRE DISTRIBUTION PRESSE FOULON, exerçant sous l’enseigne Y, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

N° SIRET : 397 962 887

Représentée par Me A LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Assistée par Me Catherine-Marie DARBIER, avocat au barreau de MARSEILLE

SOCIÉTÉ CMI PUBLISHING, société éditrice de l’hebdomadaire PUBLIC, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

92300 LEVALLOIS-PERRET

Représentée et assistée par Me Patrick SERGEANT, avocat au barreau de PARIS, toque : B1178

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 02 Mars 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre

Mme G H C J, Conseillère

Mme Carole CHEGARAY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme G H C J, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Anaïs SCHOEPFER

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévue au 01 avril 2020, et prorogée à ce jour, en raison de l’état d’urgence sanitaire.

— signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.

Mme K L X C D est une ancienne mannequin brésilienne devenue animatrice de télévision et styliste.

Dans son numéro 820, le magazine Public lui a consacré un article de deux pages, illustré de cinq photographies la représentant.

L’article est annoncé sur la page de couverture du magazine, dans un encart en haut à gauche, par le titre « L X So magnifaïk !», accompagné de deux photographies d’elle en maillot de bain accolées l’une à l’autre, celle de gauche la montrant de face et se touchant les cheveux alors que celle de droite la représente de dos et remettant en place son bas de maillot de bain. Il est par ailleurs indiqué sur ces photographies que l’intéressée a 54 ans.

L’article est développé dans les pages intérieures 12 et 13, sous le titre « L X 54 ans et magnifaïk à Rio !». Il a pour chapeau : 'Même quand elle s’offre un break avec son mari, la présentatrice des Reines du shopping a toujours le staïle !'

L’article mentionne notamment : « Sur la plage de Copacabana, il fait 27°C à l’ombre, ressenti 30°C, mer à 24°C, le rêve ! Mais lorsque A B, le mari de L X la voit plonger dans les vagues avec son bikini noir sexy, la température grimpe encore d’un cran! (…) Alimentation saine et sport sont les deux secrets de cette quinqua flamboyante à la silhouette de jeune fille qui a fait craquer A B, il y a six ans et demi chez des amis communs. »

Il est illustré de cinq photographies représentant Mme X en maillot de bain sur la plage lors de ses vacances à Rio de Z :

— la première photographie, recouvrant la moitié gauche de la page12 et reprise en page de couverture, la montre sortant de l’eau et se touchant les cheveux, avec la légende « Le thème de ce nouvel épisode des Reines du Shopping : sexy en bikini pour épater son mari.»;

— la deuxième photographie, recouvrant la moitié droite de la page12 est celle qui est reprise également en page de couverture ;

— la troisième photographie, page 13, la représente penchée vers l’avant alors qu’elle se baigne dans la mer, avec la légende « Après la plage, L penche pour une caïpirinha…» ;

— la quatrième photographie, page 13, la montre de profil, un doigt sur la bouche ;

— la dernière photographie, page 13, la montre de dos alors qu’elle est assise dans l’eau ;

— une légende figure entre ces deux clichés : 'Travailleuse acharnée, elle a bien mérité ses vacances dans sa ville natale.'

Il est indiqué, page 12, que les photographies ont été prises à Rio de Z, le 19 mars 2019.

La page de couverture de l’article a par la suite été diffusée sur les sites internet de chacune des sociétés A Juste Titres, Auxerre Distribution Presse Foulon (Y) et Viapresse.

La première société, dont l’activité est le conseil en communication, promotion, diffusion et marketing aux entreprises, n’est pas un kiosque numérique mais référence sur internet les revues commercialisables à destination des marchands de journaux et met en lien les éditeurs et les diffuseurs.

Les deux autres sociétés sont des kiosques numériques qui proposent à la vente au public les revues qu’il peut alors télécharger.

Par acte d’huissier de justice du 24 mai 2019, Mme X C D a fait assigner la société CMI Publishing, éditrice de l’hebdomadaire Public, ainsi que les sociétés A Juste Titres, Y, et

Viapresse devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de faire cesser la diffusion des articles et photographies litigieuses sous astreinte, obtenir la publication de la décision ainsi qu’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice moral du fait de l’atteinte à l’intimé de la vie privé et à son droit à l’image.

Par ordonnance du 9 août 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

— condamné la société CMI Publishing à payer Mme X C D une provision de 2.500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro 820 du magazine Public ;

— dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision à valoir sur la réparation du préjudice moral à l’encontre des sociétés Y, Vialife et A Juste Titres ;

— condamné la société CMI Publishing à payer à Mme X C D la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné Mme X C D à payer à chacune des sociétés Y, Vialife et A Juste Titres la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

— condamné la société CMI Publishing à payer les dépens.

Par déclaration du 23 août 2019, Mme X C D a interjeté appel de chacun des chefs expressément énoncés de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises le 3 décembre 2019, elle demande à la cour de:

Vu l’article 9 du code civil,

Vu les articles 809 et 809 du code de procédure civile,

Vu l’atteinte à l’intimité de la vie privée,

Vu l’absence de contestation sérieuse,

Vu le trouble manifestement illicite,

Vu la loi n°78-17 du 6 janvier 1978,

Vu l’ordonnance de référé rendue entre les parties le 9 août 2019 par le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé,

— la dire et juger recevable et bien fondée en son appel et ses demandes ;

— débouter tous intimés de leurs demandes et de leur appel incident ;

Ce faisant,

— infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a :

- condamné la société CMI Publishing à payer Mme X C D une provision de 2.500 euros à valoir sur la réparation de son préjudice moral résultant des atteintes portées à sa vie privée et à son droit à l’image dans le numéro 820 du magazine Public ;

- dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision à valoir sur la réparation du préjudice moral à l’encontre des sociétés ADPFet Vialife et A Juste Titres ;

- condamné la société CMI Publishing à payer à Mme X C D la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

- condamné Mme X C D à payer à chacune des sociétés Y, Vialife et A Juste Titres la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société CMI Publishing à payer les dépens ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

— ordonner aux sociétés CMI Publishing, A Juste Titres, Y et Viapresse devenue Vialife, de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser sur tout support, et auprès de quiconque, la diffusion des articles et photographies litigieuses publiées par Public dans son numéro 820 en date du 29 mars 2019, et leur faire interdiction de céder ou diffuser par tout moyen, sur tout support, auprès de quiconque et de quelque manière que ce soit, lesdits articles et photographies litigieuses, et ce, sous astreinte définitive de 3.000 euros par infraction constatée ;

— condamner les sociétés CMI Publishing, A Juste Titres, Y et Viapresse devenue Vialife à publier sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard, en page de couverture du magazine Public, dans les dix jours suivant la signification de la décision à intervenir, un encart mentionnant la condamnation à intervenir effectué dans un encadré sur fond blanc occupant, sur toute sa largeur, le tiers inférieur de la page et d’une dimension permettant de contenir l’intégralité du communiqué, de manière parfaitement lisible, en caractères majuscules, gras et noirs, de 0,5 cm ou plus de hauteur, sous le titre, lui-même en caractères majuscules gras et noirs, de 1,5 cm de hauteur : « PUBLIC CONDAMNE A LA DEMANDE DE MADAME X » ;

— condamner solidairement les sociétés CMI Publishing, A Juste Titres, Y et Viapresse devenue Vialife à lui payer, chacune les sommes de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur son préjudice moral et 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner solidairement les sociétés CMI Publishing, A Juste Titres, Y et Viapresse devenue Vialife aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises le 22 novembre 2019, la société CMI Publishing demande à la cour de :

Vu l’article 9 du code civil et l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales,

A titre principal,

— infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné la société CMI Publishing à verser à Mme X C D la somme de 2.500 euros de dommages-intérêts provisionnels et celle de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

— débouter l’appelante de toutes ses demandes ;

— ordonner la restitution par Mme X C D à la société CMI Publishing des sommes auxquelles elle a été condamnée par l’ordonnance rendue le 9 août 2019 ;

A titre subsidiaire,

— juger que le préjudice subi par l’appelante doit être évalué à un euro symbolique ;

— ordonner la restitution par elle à la société CMI Publishing des sommes ou de la différence des sommes auxquelles elle a été condamnée par l’ordonnance rendue le 9 août 2019, et celles que la cour voudra fixer définitivement ;

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté toutes autres demandes de l’appelante ;

A titre infiniment subsidiaire,

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a estimé le préjudice de Mme X C D suffisamment réparé par l’allocation d’une somme de 2.500 euros de dommages-intérêts provisionnels, et en ce qu’elle a rejeté toutes autres demandes de l’appelante ;

En tout état de cause,

— condamner Mme X C D à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous frais et dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises le 20 novembre 2019, la société Vialife demande à la cour de :

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision à valoir sur la réparation du préjudice moral à l’encontre des sociétés Y, Vialife et A Juste Titres ;

— confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a condamnée Mme X C D à payer à chacune des société Y, Vialife et A Juste Titres la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— réformer l’ordonnance entreprise pour le surplus ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

— débouter Mme X C D de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

— condamner la société CMI Publishing à garantir la société Viaprese de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais et dépens,

En tout état de cause,

— condamner Mme X C D à lui payer la somme de 3.500 euros sur le fondement des

dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X C D aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises le 25 novembre 2019, la société Y demande à la cour de :

— recevoir Mme X C D en son appel comme régulier en la forme mais l’en débouter quant au fond ;

— débouter Mme X C D de toutes ses demandes ;

— confirmer sa mise hors de cause ;

— débouter Mme X C D de l’ensemble de ses prétentions ;

— condamner Mme X C D au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X C D à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Mme X C D aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SELARL BDL Avocats en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

Subsidiairement pour le cas où par impossible la cour estimerait pouvoir entrer en voie de condamnation à son encontre,

— condamner la société CMI Publishing à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires.

Dans ses dernières conclusions transmises le 13 décembre 2019, la société A Juste Titres demande à la cour de :

Vu les articles 808 et 809 du code de procédure civile,

Vu l’article 9 du code civil,

Vu l’article 1240 du code civil,

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de provision à valoir sur la réparation du préjudice moral subi par Mme X C D dirigées à son encontre ;

— confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a condamné Mme X C D au paiement de la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouter Mme X C D de l’intégralité de ses demandes comme étant totalement infondées et injustifiées ;

Y ajoutant,

— condamner Mme X C D au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de l’instance d’appel.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 809 du code de procédure civile 'Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire'.

Il résulte de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

L’article 9 du code civil dispose que 'Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes les mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé'.

En application de ces textes toute personne, quelle que soit sa notoriété, a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection en fixant elle-même ce qui peut être divulgué par voie de presse. En outre, elle dispose sur son image, attribut de sa personnalité et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet de s’opposer à sa diffusion sauf son autorisation.

L’article 10 de la Convention précitée garantit quant à lui l’exercice du droit à l’information et à la liberté d’expression.

La nécessité de concilier ces deux principes conduit nécessairement à limiter le droit à l’information du public d’une part aux éléments relevant pour les personnes publiques de la vie officielle et d’autre part aux informations et images volontairement livrées par les intéressés ou que justifient un événement d’actualité ou un débat d’intérêt général.

Chacun peut ainsi s’opposer à la divulgation d’informations et à la fixation, la reproduction et l’utilisation d’images captées sans autorisation expresse, préalable et spéciale ne relevant pas de sa vie professionnelle ou de ses activités officielles et fixer les limites de ce qui peut ou non être publié sur sa vie privée, ainsi que les circonstances et les conditions dans lesquelles ces publications peuvent intervenir.

Enfin le caractère public ou la notoriété d’une personne influe sur la protection dont sa vie privée peut ou doit bénéficier et la diffusion d’informations déjà notoirement connues du public ne peut être considérée comme portant atteinte à la vie privée.

- sur l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image par la publication du magazine Public

L’appelante fait valoir au soutien de son recours qu’elle a subi de la part de la société CMI Publishing qui édite le magazine Public une atteinte importante à sa vie privée et à son droit à l’image dans deux

pleines pages de ce magazine d’un reportage sans son consentement par l’exposition au public à travers les commentaires du rédacteur de l’article, de sa vie sentimentale et de son physique ; que ces commentaires étant associés à 6 clichés réalisés au téléobjectif la représentant dans des moments de détente a attiré d’autant plus la curiosité et l’attention des lecteurs du magazine ; que les photographies révèlent qu’elle a été surveillée ce qui est de nature à créer un sentiment de traque alors qu’elle se trouvait sur une plage isolée pouvant légitimement penser qu’elle était à l’abri des paparazzi. Elle ajoute que son préjudice est aggravé par l’exploitation mercantile des photographies volées justifiant l’allocation d’une provision de 10.000 euros.

Ainsi que l’indique à juste titre le premier juge, en révélant que Mme X C D se trouvait à la plage à Rio de Z le 19 mars 2019 avec son mari et en décrivant les différents gestes de l’intéressée ce jour-là, mis en images par 5 photographies prises à son insu, sans son autorisation et en dehors de tout sujet d’actualité ou de débat d’intérêt général, l’article porte à l’évidence atteinte à la vie privée de l’appelante ainsi qu’aux droits qu’elle détient sur son image.

Bien que le séjour de Mme X C D à Rio de Z ait été annoncé sur son compte Instagram par ses soins il n’en demeure pas moins que ces moments de détente relevaient de sa vie privée et ce même s’ils ont été pris sur le domaine public.

Le premier juge a encore à juste titre considéré que le commentaire, relevant de la liberté éditoriale du magazine, selon lequel son mari 'la voit plonger dans les vagues avec son bikini sexy' ne constitue pas en soi une atteinte à la vie privée pas plus que l’information selon laquelle elle se trouvait à Rio de Z à cette date puisqu’elle l’avait elle-même révélé sur son compte Instagram ou celle de son âge et des éléments de son état civil dont il est constant qu’elle les a elle-même fourni au public au travers de ses interviews ou de son compte Instagram accessible à tous.

Si la seule constatation de l’atteinte au droit à l’image par voie de presse ouvre droit à réparation, il appartient au demandeur de justifier l’étendue du dommage allégué, son évaluation devant se faire de manière concrète au jour où le juge statue compte tenu de la nature des atteintes et de l’attitude du demandeur s’agissant de sa vie privée vis à vis du public.

Mme X C D ne peut contester qu’elle communique régulièrement sur sa vie privée et a d’ailleurs informé le public et les médias de sa présence à Rio de Z du 18 au 26 mars 2019 notamment en postant plusieurs photographies durant cette période sur les plages brésiliennes (pièce 14-2 de la société Publishing). Elle a également révélé publiquement à plusieurs reprises son âge et sa situation matrimoniale.

La cour observe tout comme l’a fait le premier juge que les propos tenus dans la publication litigieuse sont bienveillants ; que l’appelante a déjà autorisé la diffusion de clichés d’elle en maillot de bain dans les médias et a déclaré ne pas avoir 'de complexes, il faut s’accepter comme on est, avec le corps de que l’on a' (interview donnée au magazine Télé 7 jours le 16 juillet 2018, pièce 11 de la société Publishing).

C’est dès lors par une juste appréciation des éléments de la cause que le juge de première instance a alloué à Mme X C D une provision de 2.500 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice moral née de l’atteinte à sa vie privée et à son droit à l’image à la charge de la société CMI Publishing, éditrice du magazine Public qu’elle a diffusé sur papier et par internet via des kiosques numériques, l’ordonnance étant confirmée de ce chef.

L’ordonnance doit également être confirmée en ce qu’elle a rejeté les demandes de publication d’un communiqué judiciaire et de cessation de la diffusion des articles et photographies puisque ces mesures sont manifestement disproportionnées au regard de la liberté d’expression par rapport au préjudice effectivement subi par Mme X C D, l’article et les photographies litigieuses n’étant d’ailleurs plus accessibles sur les sites internet des sociétés intimées au jour où le premier juge

a statué.

- sur l’atteinte à la vie privée et au droit à l’image par les sites exploités par les sociétés A Juste Titres, Y et Vialife

Mme X C D reproche à ces sociétés, sur le fondement de l’article 9 du code civil, d’avoir diffusé en toute connaissance de cause sur internet la page de couverture du magazine Public qui comporte le reportage contenant des photographies attentatoires à sa vie privée et à son image. Elle poursuit l’infirmation de l’ordonnance sollicitant la condamnation de ces sociétés à l’indemniser de son préjudice subi et à cesser sur tout support la diffusion de l’article et des photographies litigieuses publiées par le magazine Public dans son numéro 820 daté du 29 mars 2019. Elle soutient que c’est de leur propre chef, à des fins purement commerciales et en toute connaissance de cause que ces sociétés ont mis en ligne les images dont s’agit prises et publiées sans son consentement.

Elle fait encore valoir que la responsabilité de la société Vialife, comme celle des autres sites est incontestablement engagée pour n’avoir pas retiré l’article promptement alors que ces sociétés étaient parfaitement informées de son contenu illicite.

La société A Juste Titres dispose d’un site internet www.direct-editeurs.fr qui permet à l’ensemble des marchands de journaux de prendre connaissance des magazines parus sur le territoire national. L’accès au site permet de prendre connaissance des éléments techniques ( prix, date de parution, …) et de la une des magazines publiés en France sans qu’il soit possible de consulter, télécharger et d’acheter les magazines. Cette société proposant un simple référencement des publications, il en résulte qu’à l’évidence elle ne peut être responsable à quelque titre que ce soit du contenu des publications figurant sur les magazines qu’elle se contente de référencer, la reproduction sur le site internet de la seule couverture du magazine concomitamment à sa diffusion dans le réseau presse ne pouvant manifestement être constitutive d’une atteinte autonome au droit à la vie privée et à l’image.

Les sociétés Vialife et Y ont pour objet exclusif la commercialisation d’une offre de presse permettant au public de télécharger via internet sous format numérisé des publications offertes sur support papier par les kiosques et maisons de la presse. Elles n’assument aucune responsabilité éditoriale relative aux contenus ainsi d’ailleurs qu’à la gestion des droits d’auteurs et des marques qui s’y rapportent. S’agissant de simples diffuseurs de presse en ligne elles sont tenues d’assurer l’offre et la vente des titres édités par leurs cocontractants sans en modifier le contenu de quelque façon que ce soit sous peine de porter atteinte à la liberté de la presse consacré par l’article 10 de la Convention ci-dessus rappelée qui implique qu’à l’occasion de la distribution soient respectés les principes de liberté, d’impartialité et d’égalité de traitement des titres.

L’appelante invoque vainement les dispositions de la loi du 18 octobre 2019 réformant la loi 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques dite loi Bichet pour voir engager la responsabilité de ces sociétés dès lors que les nouvelles dispositions ne sont pas applicables au présent litige. Au demeurant la loi du 18 octobre 2019 prévoit une extension du champ d’application de la loi Bichet aux kiosques numériques afin de garantir le pluralisme et interdit auxdits kiosques numériques proposant des titres d’au moins deux éditeurs distincts et dont au moins l’un d’eux présente un caractère de presse d’information politique et général de s’opposer à la diffusion de titres d’information politique et générale dès lors que celle-ci serait sollicitée dans des conditions techniques et financières raisonnables et non discriminatoire (article 15 de la loi ).

Mme X C D ne peut manifestement pas non plus invoquer les dispositions de la loi n° 87-17 du 6 janvier 1978 relative au traitement informatisée des données personnelles dès lors que le traitement des données journalistiques sont soumises à un régime dérogatoire conformément aux dispositions contenues dans l’article 67 de cette loi.

Il s’ensuit que les demandes de Mme X C F ne peuvent prospérer à l’encontre des sociétés A Juste Titres, Vialife et Y de sorte que l’ordonnance doit être confirmée de ces chefs.

- sur les autres demandes

L’amende civile ne saurait être mise en oeuvre que de la propre initiative de la juridiction, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt moral au prononcé d’une amende civile à l’encontre de leur adversaire. La demande de la société Y faite sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile ne peut donc prospérer.

Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.

Au regard des sommes allouées par ce dernier au titre des dispositions prévues par l’article 700 du code de procédure civile l’équité commande de laisser chaque partie supporte les frais de procédure exposés en appel.

Mme X C D qui succombe doit supporter les dépens d’appel distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance ;

Rejette la demande de la société Y fondée sur l’article 32-1 du code de procédure civile ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions prévues par l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne Mme X C D aux dépens d’appel distraits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La Greffière, Le Président,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 27 mai 2020, n° 19/17055