Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 17 décembre 2020, n° 18/09104

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 5, 17 déc. 2020, n° 18/09104
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/09104
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 3 avril 2018, N° 2017000290
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 17 DÉCEMBRE 2020

(n° , 14 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/09104 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5URG

Décision déférée à la cour : jugement du 04 avril 2018 -tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2017000290

APPELANTE

SAS VAUBAN SANTE

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 794 263 038

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

R e p r é s e n t é e p a r M e M a t t h i e u B O C C O N G I B O D d e l a S E L A R L L E X A V O U E PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Bernard CHEYSSON, avocat au barreau de PARIS, toque : K43 substitué à l’audience par Me Elisabeth DOS SANTOS, avocat au barreau de PARIS, toque : K43

INTIMÉE

SARL LIVRY TRAITEUR

Ayant son siège social […]

[…]

N° SIRET : 492 736 061

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Ayant pour avocat plaidant Me Antoine FORNET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0964 substitué à l’audience par Me Thomas GANIDEL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0964

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Camille LIGNIERES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme A-B C, présidente de chambre

Mme Christine SOUDRY, conseillère

Mme Camille LIGNIERES, conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Mme X Y-Z

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme A-B C, présidente de chambre et Mme X Y-Z, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Vauban Santé exploite des établissements sanitaires, cliniques médicales, chirurgicales et obstétricales.

La société Livry Traiteur est une société spécialisée dans la restauration collective et exerce des activités de préparation et de fourniture de repas.

Le 20 décembre 2006, la société Livry Traiteur et la société Vauban 2020 ont conclu une convention de prestation de services portant sur la gestion de la restauration au sein de la polyclinique exploitée par la société Vauban 2020, située à Livry Gargan. Six avenants à cette convention ont été régularisés entre 2008 et 2009.

Par jugement du 6 novembre 2012, le tribunal de commerce de Bobigny a placé la société Vauban 2020 en redressement judiciaire. Le 9 juillet 2013 a été prononcée la cession de l’activité de l’entreprise à la société Vauban Santé, cette décision excluant la convention du 20 décembre 2006 du périmètre de reprise de l’activité de la société Vauban 2020.

Par jugement du 10 juin 2013, le tribunal de commerce de Bobigny a placé la société Livry Traiteur en redressement judiciaire. Par jugement du 17 juin 2014, le même tribunal a mis fin à la procédure de redressement judiciaire en application des dispositions de l’article L.631-16 du code de commerce.

Le 12 juillet 2013, la société Vauban Santé et la société Livry Traiteur ont conclu une convention provisoire de prestation de services portant sur la préparation de la fourniture de repas, expirant au

30 septembre 2013 et prévoyant les conditions tarifaires applicables.

En janvier 2014, la société CRF Clinea, filiale du groupe Orpea a repris la société Livry Traiteur.

En février 2014, la société Livry Traiteur a augmenté les tarifs de ses prestations de services en émettant des factures sur la base des conditions tarifaires stipulées dans la convention du 20 décembre 2006.

La société Vauban Santé a alors refusé de procéder au règlement des factures émises par la société Livry Traiteur.

Par courrier du 5 août 2014, la société Livry Traiteur a mis en demeure la société Vauban Santé de procéder au règlement de la somme de 333.789,08 euros toutes taxes comprises, au titre des factures émises sur la période de janvier à juin 2015.

Par courrier du 13 août 2014, la société Vauban Santé a contesté les factures émises.

Par courrier du 3 février 2015, la société Livry Traiteur a mis en demeure la société Vauban Santé de procéder au règlement de la somme de 757.117,72 euros correspondant à des facturations de prestations sur la période de juillet à décembre 2013 et sur l’année 2014.

Le 11 février 2015, la société Vauban Santé a payé la somme de 100.000 euros et demandé de revoir les conditions tarifaires dans un nouvel accord.

Par courriel du 12 octobre 2015, la société Vauban Santé a informé la société Livry Traiteur de sa décision de cesser toute commande.

Par courrier du 19 novembre 2015, la société Livry Traiteur a indiqué à la société Vauban Santé qu’elle prenait acte de la dénonciation unilatérale du contrat de fourniture.

Par acte d’huissier de justice en date du 25 mai 2016, la société Livry Traiteur a fait assigner la société Vauban Santé devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 4 avril 2018, le tribunal de commerce de Paris a :

— condamné la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur la somme de 1.368.965,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2015,

— débouté la société Livry Traiteur de sa demande de paiement de la somme de 110.000 euros pour non-respect de l’obligation de reprise des salariés,

— condamné la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur la somme de 93.744 euros pour non-respect du préavis de résiliation, déboutant pour le surplus,

— débouté la société Livry Traiteur de sa demande de dommages et intérêts pour la somme de 999.984 euros pour rupture brutale des relations commerciales établies,

— débouté la société Livry Traiteur de sa demande de paiement de la somme de 30.000 euros au titre du risque de restructuration,

— débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 972.000 euros au titre de la location du matériel de cuisine,

— débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 200.000 euros au titre

du préjudice lié à l’utilisation du matériel de cuisine,

— débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 261.447,66 euros toutes taxes comprises au titre des factures émises pour les fluides,

— débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 230 000 euros au titre du préjudice lié à l’utilisation des fluides,

— condamné la société Vauban Santé à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— dit ne pas y avoir lieu à compensation,

— ordonné l’exécution provisoire, sans constitution de garantie,

— condamné la société Vauban Santé aux dépens de la première instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 146,33 euros dont 23,96 euros de TVA.

Par déclaration du 7 mai 2018, la société Vauban Santé a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 4 septembre 2020, la société Vauban Santé demande à la cour de:

— dire et juger la société Vauban Santé recevable en son appel,

— confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 4 avril 2018 en ce qu’il a débouté la société Livry Traiteur de sa demande de paiement de:

'la somme de 110.000 euros pour non-respect de l’obligation de reprise des salariés,

'la somme de 999.984 euros pour rupture brutale des relations commerciales établies,

'la somme de 30.000 euros au titre du risque de restructuration,

— l’infirmer pour le surplus en ce qu’il a:

'dit et jugé que la convention du 20 décembre 2006 et ses avenants constituaient la loi des parties,

'condamné la société Vauban Santé au paiement de la somme de 1.358 965,89 euros avec intérêt au taux légal à compter du 19 novembre 2015 au titre des factures émises par la société Livry Traiteur

'condamné la société Vauban Santé au paiement de la somme de 93.477 euros pour non-respect du préavis de résiliation,

'dit et jugé qu’il existait une relation commerciale établie entre les parties,

'dit et jugé que la rupture de cette relation commerciale était brutale,

'débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 972.000 euros au titre de la location du matériel de cuisine,

'débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 200.000 euros au titre du préjudice lié à l’utilisation du matériel de cuisine,

'débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 261.447,66 euros au titre des factures émises pour les fluides,

'débouté la société Vauban Santé de sa demande de paiement de la somme de 200.000 euros au titre du préjudice lié à l’utilisation des fluides,

'dit et jugé qu’il n’y avait pas lieu à compensation,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que la convention du 12 juillet 2013 conclue entre la société Vauban Santé et la société Livry Traiteur constitue la seule loi des parties et que le contrat du 20 décembre 2006 et ses avenants sont inapplicables,

— dire et juger que les factures émises par la société Livry Traiteur pour un montant total de 1.368.965,89 euros sont injustifiées,

— dire et juger que la société Vauban Santé ne peut être redevable envers la société Livry Traiteur d’une créance supérieure à 729.600 euros toutes taxes comprises et ordonner, en conséquence, la restitution par la société Livry Traiteur de la somme de 827.050 euros versée par la société Vauban Santé au moyen des diverses saisies attributions pratiquées,

— condamner la société Livry Traiteur à restituer à la société Vauban Santé la somme de 93.477 euros réglée au moyen des saisies attributions pratiquées du fait de l’absence de faute à l’obligation de respecter un préavis de résiliation,

— dire et juger qu’aucune obligation de reprise des salariés de la société Livry Traiteur n’incombait à la société Vauban Santé et qu’en conséquence aucun manquement de nature à engager sa responsabilité ne saurait être retenu, et en conséquence, débouter la société Livry Traiteur de sa demande de condamnation à hauteur de 603.068,07 euros,

— dire et juger que la société Vauban Santé n’était tenue à aucun délai de préavis de résiliation et qu’en conséquence aucun manquement de nature à engager sa responsabilité ne saurait être retenu, et en conséquence, débouter la société Livry Traiteur de sa demande de condamnation à hauteur de 624.990 euros,

— dire et juger qu’aucune relation commerciale établie n’est caractérisée entre la société Vauban Santé et la société Livry Traiteur,

— dire et juger qu’aucune brutalité dans la rupture de la relation commerciale n’est caractérisée et qu’en conséquence aucune faute, à ce titre, ne peut être imputée à la société Vauban Santé, et conséquence, débouter la société Livry Traiteur de sa demande de condamnation à hauteur de 999.984 euros,

— condamner la société Livry Traiteur à payer à la société Vauban Santé les sommes de :

'1.404.000 euros toutes taxes comprises correspondant au montant des factures émises au titre de l’utilisation du matériel de cuisine de juillet 2013 à décembre 2019 outre les intérêts légaux courant à compter de la date de chacune des factures impayées,

'329.525,18 euros toutes taxes comprises correspondant à la refacturation à la société Livry Traiteur des fluides consommés par cette dernière de juillet 2013 à janvier 2020,

A titre subsidiaire,

— condamner la société Livry Traiteur à payer à la société Vauban Santé la somme de 400.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l’utilisation sans contrepartie des fluides par la société Livry Traiteur,

En tout état de cause,

— condamner la société Livry Traiteur à payer à la société Vauban Santé la somme de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner la société Livry Traiteur aux entiers dépens de l’instance dont distraction faite au profit de la SELARL Cheysson Marchadier & Associés, représentée par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, avocat aux offres de droit,en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 10 juillet 2020, la société Livry Traiteur demande à la cour de:

Vu les anciens articles 1134 et 1147 du code civil, aujourd’hui 1103 et 1231-1 du même code,

Vu l’article R.511-7 du code des procédures civiles d’exécution,

Vu l’article R.442-6 I 5° du code de commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

— constater l’existence d’une convention de prestation de services du 20 décembre 2006 et de 6 avenants entre que la société Vauban 2020 et Livry Traiteur,

— constater que la convention s’est poursuivie entre la société Vauban Santé et la société Livry Traiteur selon les termes du courrier du 29 juillet 2013,

— dire et juger que le contrat de prestation de services du 20 décembre 2006 et ses 6 avenants, outre le courrier du 29 juillet 2013 régissent les relations contractuelles,

— dire et juger que la convention provisoire du 12 juillet 2013 régissant les rapports contractuels jusqu’au 30 septembre 2013 ne saurait à elle seule régir les rapports contractuels entre les parties,

— dire et juger qu’il existe des factures impayées par la société Vauban Santé à hauteur de 1 368 965,89 euros,

— dire et juger que la société Vauban Santé a commis une faute de nature contractuelle en se trouvant défaillante dans son obligation de paiement,

— dire et juger que la société Vauban Santé n’a pas respecté son obligation contractuelle de reprise des salariés,

— dire et juger que la société Vauban Santé n’a pas respecté son obligation contractuelle relative au délai de préavis,

— constater l’existence d’une relation commerciale établie entre la société Vauban Santé et la société Livry Traiteur,

— dire et juger que la société Vauban Santé a brutalement rompu les relations commerciales établies avec la société Livry Traiteur,

— dire et juger que la société Vauban Santé n’a respecté aucun délai de préavis dans le cadre de cette rupture brutale,

— dire et juger que compte tenu de l’ancienneté des relations commerciales, du volume de chiffres d’affaires et de l’état de dépendance économique de la société Livry Traiteur envers la société Vauban Santé, un préavis d’au moins 24 mois aurait dû être respecté,

— dire et juger que la société Livry Traiteur est parfaitement fondée à solliciter l’indemnisation intégrale de son préjudice du fait de la brusque rupture des relations commerciales,

— dire et juger que ce préjudice comprend l’indemnisation du délai de préavis et l’impossibilité de restructuration,

— constater que la société Vauban Santé ne rapporte pas la preuve d’être créancière à hauteur de 972.000 euros à l’égard de la société Livry Traiteur pour la location du matériel et de 261.447,66 euros pour la consommation de fluides,

— constater que la société Vauban Santé formule, s’agissant de la question des fluides, les mêmes demandes à l’encontre de personnes morales différentes dans le cadre d’une instance pendante devant le tribunal de Bobigny,

— dire et juger que les conditions nécessaires au prononcé d’une compensation légale ne sont pas réunies notamment s’agissant de la condition de liquidité,

En conséquence,

— confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur la somme de 1.368.965,89 euros en principal outre intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2015,

— confirmer le jugement en ce qu’il a reconnu le principe de l’indemnisation pour non respect du préavis de résiliation, mais le réformer sur le quantum,

— confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société Vauban Santé de ses demandes à savoir :

'sa demande de paiement de la somme de 972 000 euros au titre de la location du matériel de cuisine,

'sa demande de paiement de la somme de 200 000 euros au titre du préjudice lié à l’utilisation du matériel de cuisine,

'sa demande de paiement de la somme de 261 447,66 euros au titre des factures émises pour les fluides,

'sa demande de paiement de la somme de 230 000 euros au titre du préjudice lié à l’utilisation des fluides.

Statuant de nouveau,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de condamnation de la société Vauban Santé au paiement de la somme de 110.000 euros pour non respect de l’obligation de reprise des salariés,

— infirmer le jugement en ce qu’il n’a condamné la société Vauban Santé qu’au paiement de la somme de 93.744 euros au titre du non respect du préavis de résiliation,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation à hauteur de 999.984 euros pour brusque rupture des relations commerciales,

— infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation à hauteur de 30.000 euros au titre du risque de restructuration,

En conséquence,

— condamner la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur la somme de 603.068,07 euros correspondant au surcoût de masse salariale du fait du non respect de son obligation contractuelle de reprise des salariés, somme arrêté à mars 2020, outre intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2015,

— condamner la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur la somme de 624.990 euros du fait du non respect de son obligation contractuelle relative au délai de préavis, outre intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2015,

— condamner la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur une somme de 1.029.984 euros toutes causes de préjudice confondues concernant la brusque rupture des relations commerciales, à savoir 999 984 euros pour brusque rupture et 30 000 euros au titre du risque de restructuration,

— ordonner la capitalisation des intérêts,

— débouter la société Vauban Santé de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, notamment de sa demande de paiement de la somme globale de 1.233.447,66 euros et de sa demande de compensation,

— condamner la société Vauban Santé au paiement de la somme de 40.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 17 septembre 2020.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les factures impayées

La société Vauban Santé critique le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Livry Traiteur la somme de 1.368.965,89 euros au titre des factures relatives aux prestations pour la période entre le 8 juillet 2013 et le 30 septembre 2015, en affirmant qu’elle s’est acquittée à hauteur de 100.000 euros au titre des factures émises entre juillet 2013 et janvier 2014 en conformité à la convention du 12 juillet 2013 et s’oppose aux factures émises à partir de février 2014 établies sur la base des tarifs de la convention de 2006 qui ne lui serait pas opposable. Elle ajoute que la somme totale de 1.556.650 euros a fait l’objet de saisies sur ses comptes en exécution forcée, que la société Livry Traiteur doit lui restituer le surplus.

La société Livry Traiteur réplique que la convention de 2006 qui est un contrat cadre doit s’appliquer, la convention temporaire de 2013 n’en étant qu’un avenant.

Sur ce ;

La convention signée entre les parties le 9 juillet 2013 précise le contexte dans lequel celle-ci intervient:

« Les diverses instances judiciaires concernant tant la société exploitante de la clinique que la société de restauration, ayant pour conséquence une rupture du contrat en cours , il a été décidé d’un commun accord entre les parties, d’une convention à durée limitée permettant d’assurer la continuité des prestations jusqu’au 30 septembre 2013, devant permettre à la SARL LIVRY TRAITEUR d’organiser sa restructuration juridique et économique. Durant cette période intermédiaire la SARL LIVRY TRAITEUR continuera à rendre à la SAS VAUBAN SANTE toutes les prestations fournies jusqu’à présent à la clinique VAUBAN. »

La société Livry Traiteur invoque les termes d’un courrier écrit par le président de la société Vauban Santé le 29 juillet 2013 et en déduit la volonté de ce dernier de poursuivre le contrat conclu en 2006 entre la société Livry Traiteur et la société Vauban 2020. Il est indiqué dans ce courrier : « Depuis le 9 juillet 2013, votre société poursuit l’intégralité de cette prestation de services à la société VAUBAN SANTE. Par la présente, j’ai donc l’honneur de vous informer, en tant que représentant du gestionnaire de la clinique VAUBAN, c’est-à-dire comme Président de la SAS VAUBAN SANTE, de la poursuite de cette convention de prestations de services dans les termes et conditions exactes de cette convention. Je vous prierai donc d’adresser vos factures à compter du 9 juillet 2013 à la SAS VAUBAN SANTE ». Ces termes ne permettent pas d’en déduire une reprise de la convention de 2006 par la société Vauban Santé alors que ce contrat a été écarté du périmètre de la cession des contrats dans le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 9 juillet 2013.

Surtout, la convention de 2013 ne nécessite pas d’être interprétée au vu d’éléments extérieurs car elle est claire en elle-même : la convention de 2013 indique que la convention de 2006 a été rompue (rupture du contrat en cours) et qu’une nouvelle convention est signée entre la société Vauban Santé et la société Livry Traiteur ayant pour objet la continuité des prestations de restauration collective assurée par la société Livry Traiteur au bénéfice de clinique gérée par la société Vauban Santé.

Si cette convention de 2013 était temporaire, terme prévu au 30 septembre 2013, c’était du fait que la société Livry Traiteur était en redressement judiciaire à la date de sa signature, la situation de la société Livry Traiteur s’est redressée puisqu’elle s’est retrouvée in bonis par décision du 17 juin 2014, et il est constant que les prestations ont continué à être assurées par la société Livry Traiteur pour la société Vauban Santé jusqu’à fin septembre 2015.

Les tarifs de la convention de 2006 n’ont pas été appliqués dans la relation contractuelle entre les parties au vu des factures de juillet 2013 à janvier 2014 (pièces 22 de la société Vauban Santé), et le différend sur les tarifs est né à partir de février 2014 quand la société Livry Traiteur a été rachetée par la société Clinea appartenant au groupe ORPEA, concurrent de la société Vauban Santé, et a alors voulu appliquer les tarifs en se référant à la convention de 2006 conclue avec la société Vauban 2020 sans que les parties en aient convenu.

Les prestations fournies par la société Livry Traiteur à la société Vauban Santé depuis le rachat de la clinique le 9 juillet 2013 par cette dernière sont dues à hauteur des tarifs prévus entre les parties dans la convention de 2013, les seuls tarifs qui ont reçu l’adhésion des deux parties et qui ont d’ailleurs été appliqués même après le terme du 30 septembre 2013 initialement prévu par la convention , et ce jusqu’en janvier 2014.

La convention de 2013 prévoit :

1/ une redevance fixe de 8000.00 euros HT par semaine, laquelle sera versée d’avance,

2/ le coût matière des prestations alimentaires selon le barème annexé sur une base mensuelle.

Aucune des parties n’a versé aux débats le barème visé et il n’est justifié aucunement par la société Livry Traiteur de ce qui correspondrait au « coût matière des prestations alimentaire selon le barème annexé », les factures de juillet 2013 à janvier 2014 ne faisant pas apparaître ce poste et celles postérieures ne mentionnant que des sommes globales forfaitaires.

Seules sont justifiées les sommes correspondant à la « redevance 'xe de 8000.00 euros HT par semaine ». Il est donc dû par la société Vauban Santé à la société Livry Traiteur la somme de 8.000 euros par mois pendant toute la période de la relation entre les parties, du 9 juillet 2013 au 15 octobre 2015 (2 ans et 3 mois =117 semaines) , soit une somme globale de 936.000 euros HT.

La société Livry Traiteur a reconnu dans sa requête auprès du juge de l’exécution du tribunal de Bobigny en février 2016 (pièce 22 de la société Livry Traiteur) avoir reçu des acomptes de son client Vauban Santé à hauteur de 200.000 euros. Ces sommes se retrouvent dans l’état des comptes produit par la société Vauban Santé en pièce 18, détaillés comme suit : 30k le 25-08-13, 40K le 23-09-13, 30K le 26-03-14 et 100K le 11-04-15.

Il convient donc de déduire les acomptes versés avant le jugement de première instance pour un total de 200.000 euros.

La société Vauban Santé sera donc condamnée à payer à la société Livry Traiteur une somme de 736.000 euros (936.000-200.000 d’acomptes) au titre des prestations effectuées du 9 juillet 2013 au 15 octobre 2015.

Concernant les actes d’exécution forcée du jugement de première instance qui est infirmé en appel sur le quantum, la société Vauban Santé demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’elle a versées en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire. Cependant, le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande en restitution de la société Vauban Santé.

Sur l’indemnisation pour défaut de préavis et celle pour la rupture brutale

La société Livry Traiteur demande une indemnisation pour non respect de préavis prévu contractuellement à hauteur de 624.990 euros et une indemnisation pour rupture brutale à hauteur de 999.984 euros, outre 30.000 euros au titre du risque de restructuration, soit un total de 1.029.984 euros.

La société Vauban Santé réplique qu’elle n’est tenue par aucune obligation contractuelle concernant un délai de préavis, que de toute façon cette indemnité se confondrait avec l’indemnisation pour rupture brutale. Elle soutient qu’il n’ y a pas eu rupture brutale car la société Livry Traiteur était consciente du caractère précaire de leur relation et elle relève que cette dernière est en dépendance économique avec son autre client qui est la société Clinea appartenant au groupe Orpea, et non pas avec elle.

Sur ce ;

-le préavis contractuel

Il a été démontré que la convention de 2006 n’était pas opposable à la société Vauban Santé, la société Livry Traiteur ne peut donc s’en prévaloir pour invoquer le non respect du préavis prévu dans ladite convention.

Ce chef de demande sera rejeté et le jugement de première instance infirmé sur ce point.

-la rupture brutale

L’article L.442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

La relation commerciale, pour être établie au sens de ces dispositions, doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s’entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l’absence de préavis écrit ou l’insuffisance de préavis.

Le délai de préavis doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

En l’espèce, à défaut de reprise du contrat de 2006 lors de la cession de l’activité de la société Vauban 2020, la relation commerciale entre les parties a débuté le 9 juillet 2013 pour se terminer mi octobre 2015, elle a donc duré deux ans et 3 mois.

La relation commerciale était stable puisque le même niveau de prestations a été exécuté pendant toute la relation et que le flux d’affaires a perduré même après le terme de la convention qualifiée de temporaire entre les parties.

En l’espèce, la rupture de la relation a été annoncée par la société Vauban Santé à effet immédiat, sans préavis formalisé par courriel du 12 octobre 2015, et même s’il existait un différend entre les parties sur le montant de la facturation depuis plusieurs mois, cela ne justifiait pas une dispense de préavis. Une rupture brutale de la relation est donc imputable à la société Vauban Santé.

Au vu de l’intensité et de la durée de la relation, un préavis de deux mois était nécessaire et suffisant pour permettre à la société Livry Traiteur de se réorganiser.

L’indemnisation de la rupture brutale sera fixée à hauteur du gain manqué pendant 2 mois soit la somme de 40% de 2 mois de chiffres d’affaires tiré de la relation avec la société Vauban Santé : 40% de (8000 euros x 8 semaines) = 25.600 euros.

Il n’est pas justifié en l’espèce du risque de restructuration, la société Livry Traiteur ayant un autre client plus stable et situé dans le même immeuble, la clinique gérée par la société Clinea.

L’indemnisation sera limitée à hauteur de 25.600 euros en réparation du caractère brutal de la rupture.

La décision de première instance sera infirmée en ce qu’elle a rejeté la demande en indemnisation de la rupture brutale.

Sur le non respect de l’obligation de reprise des salariés

La société Vauban Santé demande l’application de la convention de 2006 qui prévoyait une reprise de salariés, cependant cette convention ne s’appliquant pas dans les relations entre les parties, ce chef de demande ne sera pas accueilli. Le rejet de ce chef de demande par les premiers juges sera donc confirmé.

Sur les demandes reconventionnelles de la société Vauban Santé en paiement pour l’utilisation sans contrepartie du matériel de cuisine et des fluides

-sur le matériel de cuisine

La société Vauban Santé fait valoir que la société Livry Traiteur a utilisé le matériel de cuisine lui appartenant au titre de mise à disposition dudit matériel au cours de la période de juillet 2013 à février 2020 et lui demande à ce titre de lui payer la somme totale de 1.404.000 euros, cette utilisation devant être qualifiée d’enrichissement sans cause.

Durant toute la période de la relation commerciale entre les parties, il n’a jamais été facturé à la société Livry Traiteur des frais au titre de l’utilisation du matériel de cuisine, il apparaît donc que la volonté des parties était une mise à disposition gratuite de ce matériel comprise dans le cadre des prestations délivrées par la société Livry Traiteur pour la société Vauban Santé.

Il est constant que ce matériel a été restitué à ce jour à la société Vauban Santé.

Ce chef de demande doit donc être rejeté, à l’instar de ce qu’ont décidé les premiers juges.

-sur les fluides

La société Vauban Santé sollicite en outre à l’encontre de la société Livry Traiteur la condamnation en paiement à la somme de 329.525,18 euros pour la consommation d’eau et d’électricité.

Cependant, il n’était pas entré dans la volonté des parties la facturation de la consommation d’eau et d’électricité de la société Vauban Santé à la société Livry Traiteur durant leur relation commerciale, et il apparaît que la détermination d’une clé de répartition entre les deux cliniques (celle de Vauban Santé et celle de Clinea du groupe Orpea qui a racheté la société Livry Traiteur) situées dans le même immeuble fait l’objet d’un litige parallèle devant le tribunal judiciaire de Bobigny dans lequel un expert judiciaire a été désigné à cet effet et a rendu son rapport le 20 février 2020. (pièce 54 de la société Livry Traiteur).

L’existence d’un enrichissement sans cause subi par la société Vauban Santé n’est donc pas démontré.

La décision de rejet de ce chef de demande reconventionnelle par les juges de première instance sera donc confirmée.

Les demandes reconventionnelles ayant été rejetées, il n’ y a pas lieu à statuer sur la demande en compensation.

Sur les frais et dépens

Les parties succombant successivement dans leurs prétentions, elles conserveront à leur charge leurs frais respectifs et les entiers dépens seront partagés entre elles, et ce pour toute la procédure en 1re instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf sur le quantum dû au titre des factures impayées par la société Vauban Santé, sur la condamantion au titre du non respect du préavis et sur le rejet de

l’indemnisation au titre de la rupture brutale, ainsi que sur les frais et dépens de première instance,

Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés,

CONDAMNE la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur la somme de 736.000 euros HT au titre des prestations de restauration assurées du 9 juillet 2013 au 12 octobre 2015,

DÉBOUTE la société Livry Traiteur de sa demande au titre du non respect du préavis contractuel,

CONDAMNE la société Vauban Santé à payer à la société Livry Traiteur la somme de 25.600 euros au titre de la rupture brutale des relations commmerciales,

Y ajoutant,

DIT n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour,

REJETTE les demandes au titre des frais irrépétibles,

CONDAMNE la société Vauban Santé et la société Livry Traiteur à payer chacune la moitié des dépens de première instance et d’appel.

X Y-Z A-B C

Greffière Présidente

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 17 décembre 2020, n° 18/09104