Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 19 novembre 2020, n° 18/08182

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 7, 19 nov. 2020, n° 18/08182
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/08182
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Bobigny, 30 mai 2018, N° F17/00684
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU I NOVEMBRE 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/08182 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B57OM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F17/00684

APPELANT

Monsieur B X

[…]

[…]

Représenté par Me Sabine GUEROULT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1491

INTIMEE

SASU GFI PROGICIELS

[…]

[…]

Représentée par Me Léa DUHAMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTERVENANTE VOLONTAIRE :

Syndicat SUD GROUPE GFI

[…]

[…]

Représentée par Me Sabine GUEROULT de la SELARL CABINET SGTR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1491

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, et Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargées du rapport.

Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE,

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat à durée indéterminée en date du 31 juillet 2006 M. X a été engagé en qualité d’ingénieur intégration, statut cadre, position 1.2, coefficient 100, par la société GFI progiciels qui exerce une activité dédiée aux services informatiques.

Depuis le 24 mai 2011, M. X bénéficie du statut de salarié protégé en raison de l’exercice de différents mandats.

M. X est également conseiller au conseil de prud’hommes de Paris.

Le 9 mars 2017, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny afin de faire reconnaître la situation de discrimination liée à ses mandats électifs, d’obtenir des dommages et intérêts à ce titre et de demander la fixation de sa moyenne de salaire à la somme de 3.153,85 euros.

Par jugement rendu en date du 31 mai 2018, le conseil de prud’hommes a :

— débouté M. X de l’ensemble de ses demandes ;

— débouté la GFI progiciels de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamné M. X aux entiers dépens.

Pour statuer ainsi le conseil a jugé que les parties étaient d’accord pour fixer la moyenne des rémunérations de M. X à la somme de 3.153,85 euros bruts et le conseil n’a pas constaté de responsabilité de l’employeur dans les arrêts de travail de M. X , ni de discrimination en raison de ses activités syndicales. Le conseil a également considéré que M. X ne rapportait pas d’élément permettant d’établir que la société GFI progiciels n’aurait pas exécuté son contrat de travail de bonne foi et ne démontrait pas le préjudice qu’il aurait subi.

M. X a interjeté appel du jugement le 28 juin 2018.

Le syndicat SUD Groupe GFI s’est constitué par intervention volontaire le H juin 2019.

PRETENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique en date du 31 août 2020, M. B X conclut à l’infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de dire qu’il a fait l’objet d’une discrimination liée à ses mandats électifs ;

Par voie de conséquence, il demande à la cour de :

— condamner la GFI progiciels à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

A titre subsidiaire,

— dire que la GFI progiciels a manqué à son obligation d’exécuter le contrat de travail de bonne foi ;

En conséquence,

— condamner la GFI progiciels à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1222-1 du Code du travail ;

En tout état de cause,

— condamner la GFI progiciels à lui verser la somme de 4.700 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du Code Civil ;

— ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l’article 1343-2 du Code Civil ;

— condamner la GFI progiciels aux entiers dépens y compris les frais d’exécution de la décision à intervenir.

Sur la discrimination syndicale, il rappelle que les articles L.1132-1 et L.2141-5 du Code du Travail prohibent les discriminations liées à une appartenance à un syndicat. Il fait valoir que d’autres salariés protégés de la société ont engagé des procédures devant le Conseil de prud’hommes, et que du fait de son statut de salarié protégé, il subit une diminution des missions en déplacement induisant une baisse de sa rémunération et qui ne saurait être motivée par le temps consacré à son mandat.

Il soutient avoir subi une suppression arbitraire de ses primes, et précise également avoir été mis à l’écart des missions les plus intéressantes, notamment par la diminution d’interventions chez les clients et la suppression de ses affectations aux prestations réalisées dans les DOM TOM.

Il soutient que depuis l’acquisition de son mandat électif, il fait régulièrement face à des difficultés dans l’organisation et l’exécution de ses missions.

Il soutient également que depuis qu’il a manifesté son engagement syndical, son évolution professionnelle est freinée et qu’il bénéficie de moins de formation, ce qui a des conséquences directement sur son employabilité.

Il précise avoir alerté sa hiérarchie sur le changement d’attitude à son égard depuis 2012 et sur les conséquences de ses conditions de travail sur sa santé sans aucune réaction en retour.

Il précise également que l’inspection du travail et le CHSCT ont constaté des dysfonctionnements

sans que l’employeur ne réagisse.

Sur les demandes consécutives à la discrimination, M. X sollicite 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination en précisant que la discrimination dont il fait l’objet a des conséquences diverses et notamment :

— l’exclusion délibérée de certaines missions ouvrant droit à des primes ;

— la dégradation de son état de santé.

Il fait valoir à titre subsidiaire que si la Cour ne relève pas la qualification de discrimination, elle ne pourrait que constater qu’il s’agit de la part de la société de graves manquement aux dispositions de l’article L.1222-1 du Code du travail relatif à l’exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique en date du 22 mars 2020, la société GFI progiciels sollicite la confirmation du jugement déféré et demande à la Cour de :

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions ;

— dire l’intervention volontaire du syndicat sud groupe GFI mal fondée ;

— débouter le syndicat SUD Groupe GFI de l’ensemble de ses demandes;

— condamner M. X au paiement d’une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Sur la discrimination, elle précise que la jurisprudence considère que le grief de discrimination syndicale est écarté lorsqu’aucun lien n’est établi entre les activités syndicales du salarié et les décisions prises par l’employeur le concernant.

Elle rappelle la jurisprudence constante selon laquelle, lorsqu’un salarié prétend être discriminé par rapport à ses collègues, il lui incombe de démontrer qu’il se trouve dans une situation identique ou similaire à celui auquel il se compare et ce n’est qu’une fois cette démonstration apportée qu’il incombe à l’employeur d’établir en quoi la disparité de situation est justifiée par des éléments objectifs et pertinents.

Elle précise se montrer particulièrement attentive à la situation des salariés protégés au sein de l’UES GFI informatique et que parmi les salariés protégés cités par M. X comme étant en contentieux contre le Groupe UES GFI informatique, deux ont été déboutés de leurs demandes.

Sur la diminution du nombre de placement sur des missions éloignées et la mise à l’écart de M. X, elle fait valoir que la limitation des déplacements en clientèle est une mesure collective, justifiée par des raisons objectives tenant à l’intérêt de l’entreprise et qu’il ressort d’une comparaison entre la situation du salarié et celle de ses collègues que ce dernier n’est nullement victime d’un traitement moins favorable.

Elle verse aux débats un tableau d’état des lieux «Les PLD chez GFI progiciels» permettant de démontrer que la diminution de bénéficiaires de la prime longue distance est liée à la réduction du nombre de missions éloignées pour tous les salariés.

Elle soutient qu’aucun écart majeur ne peut être constaté au niveau des rémunérations, des augmentations et de l’évolution professionnelle de M. X par rapport aux autres salariés.

Sur la rétention arbitraire des primes, elle soutient que les conditions de versement de la prime liée

au déplacement sont définies de manière parfaitement objective et transparente, et que les retards de versement de cette prime sont sans relation avec le statut de salarié protégé de M. X mais consécutifs au non-respect de ses propres obligations contractuelles.

Sur les agissements visant à rendre pénible le travail, elle précise qu’aucun élément produit par le demandeur ne permet de relever qu’elle aurait volontairement affecté M. X à des prestations mal préparées ou accentué la pénibilité de ses déplacements.

Elle précise qu’un accord sur le télétravail a été signé le 9 décembre 2011 au sein de l’UES GFI informatique précisant que le télétravail est volontaire pour les deux parties, conditionné à la compatibilité avec l’activité du salarié et que le salarié n’a jamais formulé la demande conformément à la procédure prévue par l’Accord télétravail.

Concernant les reproches injustifiés, elle fait valoir que le salarié a manqué de diligence dans la gestion des transports et dans sa gestion de planning ce qui justifie les remarques de ses supérieurs.

Elle précise également qu’aucune alerte spécifique à M. X n’a été émise.

Concernant les demandes formulées par M. X, elle fait valoir que celles ci sont excessives, non étayées et que le salarié ne démontre pas l’existence d’un préjudice.

Sur l’intervention du syndicat en cause d’appel, elle précise que l’intervention est particulièrement tardive, que le syndicat ne dénonce aucun fait précis en lien avec le mandat de M. X et qu’aucun préjudice n’a été porté à l’intérêt collectif de la profession.

Dans des conclusions d’intervention transmises par RPVA le H juin 2019, le syndicat Sud Groupe GFI s’est constitué, et a sollicité qu’il soit déclaré recevable et bien fondé en son intervention volontaire et qu’il soit ;

— fait droit à l’intégralité des demandes de M. B X ;

— que la société soit condamnée à verser au syndicat SUD GROUPE GFI la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession ;

— que la société soit condamnée à verser au syndicat SUD GROUPE GFI la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Il soutient que l’existence d’un tel comportement à l’encontre de ses militants porte un préjudice particulier au syndicat dans la mesure où il fait obstacle à l’adhésion d’un certain nombre de salariés à leur engagement dans l’activité syndicale et plus encore à leur prise de responsabilité dans les mandats.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 septembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’intervention volontaire :

L’article L 2132-3 du Code du Travail dispose que les syndicats professionnels ont le droit d’agir en justice et peuvent devant toutes les juridictions exercer ce droit réservé à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent.

M. X soutenant qu’il est victime d’une discrimination liée à son appartenance au syndicat Sud Groupe GFI, l’intervention volontaire de celui-ci est recevable, puisqu’il est directement concerné par

ces faits, qui s’ils sont constitués, portent un préjudice direct à l’intérêt collectif qu’il représente.

L’intervention volontaire du syndicat Sud Groupe GFI sera donc déclaré recevable.

Sur la discrimination syndicale :

En application de l’article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l’article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de son appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L’article L 2141-5 du même code dispose quant à lui qu’il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail.

Conformément aux dispositions de l’article L 1134-1 du code du travail, en cas de litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il n’est pas contesté que M. X a été élu délégué du personnel suppléant sur la liste Sud CFI CGT le 24 mai 2011, puis le 26 février 2015, il a été réélu délégué du personnel titulaire, le 25 mai 2016, il a été désigné représentant syndical au CHSCT et a ensuite été élu représentant du personnel au CHSCT.

M. X invoque une discrimination liée à son appartenance syndicale et à ses mandats depuis l’élection de 2011, caractérisée par une diminution des missions en déplacement, ce qui a des conséquences sur sa rémunération, une suppression arbitraire de ses primes, sa mise à l’écart avec la diminution du nombre d’interventions chez les clients, des agissements visant à rendre pénible l’exécution de son travail et une évolution de carrière freinée.

Au soutien de ses allégations, M. X produit :

— trois tableaux établis par le salarié sur l’évolution du nombre de jours ouvrés affectés à la télémaintenance entre 2009 et 2018 et sur l’évolution du nombre de jours durant lesquels les salariés ont été affectés à l’assistance technique au cours de la même période (non valorisée en primes), ainsi que sur l’évolution du nombre d’affectations à des prestations éloignées ;

— un tableau établi par le salarié relatif à l’absence de versement des primes liées aux déplacements (PLD) au cours des années 2013 et 2014 ;

— un échange de courriels en mai 2015 sur le paiement de primes dues depuis le mois de janvier 2015 ;

— un tableau établi par M. X indiquant le nombre d’interventions chez les clients pour la période 2009 à 2018 ;

— un courriel de décembre 2013 indiquant que les clients souhaiteraient avoir M. X pour la mission en Guadeloupe, et un tableau récapitulant le nombre de jours affectés aux prestations dans les DOM TOM ;

— des courriels de mars 2014 et juin 2015 lui refusant de pratiquer le télétravail et lui enjoignant de venir au bureau ;

— un courriel du 9 septembre 2015 lui demandant de s’expliquer sur son retard, et le rapport d’intervention du client indiquant qu’il ne devait intervenir qu’à 14h00 ;

— un graphique sur l’évolution de carrière entre lui et ses collègues.

Il s’en déduit que le salarié présente des éléments précis et concordants, de nature à laisser supposer une discrimination en rapport avec ses mandats syndicaux survenus en 2011.

Dès lors que les faits évoqués par le salarié sont établis, il incombe à l’employeur de démontrer que les décisions prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

S’agissant du nombre de jours ouvrés affectés à l’assistance technique, mission qui ne donne pas droit à la prime de déplacement et qui a donc un impact direct sur la rémunération du salarié, M. X justifie qu’il est passé de 53 jours en 2009, à 41 jours en 2014, 95 jours en 2016 et 45 jours en 2017.

Ainsi que le soutient l’employeur, il n’y a pas lieu de prendre en compte la situation de M. D E, dont il est justifié par les pièces versées aux débats qu’il est chef de projet technique au sein du pôle IT, et référent principal KMV5, et que ses fonctions sont très différentes de celles de M. X. Les autres salariés pris en compte dans le tableau (M. Y, M. Z, M. A et M. F G) ont connu des évolutions semblables à celle de M. X, avec des variations importantes du nombre de jours, trois salariés ayant un nombre de jours semblable ou supérieur à M. X en 2014, deux salariés en 2015 et deux salariés en 2017.

De même, il ressort du tableau des jours de télémaintenance, qui n’ouvrent pas droit à prime, que M. X a effectué plus de jours que les autres au cours des années 2012 et 2013, et moins de jours de télémaintenance que les autres salariés en 2014, 2015, 2016 et 2017.

Toutefois, le nombre de prestations éloignées, qui ouvrent droit à des primes de 40 € par jour, a beaucoup diminué pour M. X, qui est passé de 64 affectations en 2009, à 3 en 2016 et 0 en 2017, alors que les autres salariés sont passés de 72 à 30 et 16, de 103 à 58 et 68, et de 73 à 55 et 33. Si tous ont effectivement connu une baisse du nombre de ces missions, M. X est le seul à avoir perdu ce type de missions en 2016 et 2017, alors que les autres salariés ont continué à en effectuer, à l’exception de M. Z qui a demandé expressément à ne plus se déplacer.

De même, M. X n’a eu aucune affectation pour une mission dans les DOM-TOM en 2013, 2014, 2016 et 2017, alors qu’en 2014 par exemple, il y avait 44 jours pour l’ensemble des consultants, et qu’en 2015, sur 95 jours pour l’ensemble des consultants, il n’a effectué que 10 jours. (50 et 35 jours pour les deux autres salariés).

Cette baisse du nombre de jours de déplacement a entraîné une baisse équivalente des primes dites PLD, M. X ne percevant que la somme de 120 € en 2016 et de 0 € en 2017, les autres salariés en percevant 1200 € à 2 500 € en 2016, et 765 € à 3000 € en 2017.

Contrairement à ce que soutient l’employeur, cette diminution drastique ne peut s’expliquer

uniquement par le nombre d’heures de délégation effectuées par M. X, celui-ci ne bénéficiant d’aucune heure de délégation jusqu’en février 2015, puis ayant obtenu 15 heures par mois jusqu’en mai 2016, et 35 heures par mois de mai 2016 à décembre 2016.

Cette diminution du nombre d’interventions chez les clients est également visible dans le tableau relatif au nombre de prestations facturables établi par M. X, qui démontre que celui-ci, depuis l’année 2013, a nettement moins de missions chez les clients que les autres salariés (34 en 2016, à comparer avec un nombre de missions de 103 à 167 pour les autres salariés).

L’employeur se contente d’affirmer qu’aucune différence n’est établie entre les salariés, et échoue ainsi à démontrer que ces écarts sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur le retard ou la suppression des primes dues, M. X verse aux débats un tableau d’août 2013 à novembre 2014 mentionnant que de nombreuses PLD ne lui ont pas été versées durant cette période, ou de manière très tardive.

L’employeur justifie que ces primes ne peuvent être perçues tant que les rapports d’intervention ne sont pas signés et remis par le salarié, ainsi qu’il est stipulé dans les avenants au contrat de travail, mais ne démontre l’existence de retards de la part de M. X que pour quatre missions au cours de l’année 2013, et échoue donc à justifier des retards de paiement dans les autres missions des années 2013 et 2014.

Concernant l’absence d’évolution de carrière de M. X, celui-ci justifie qu’il est resté neuf années à la même position à compter de juillet 2006, date de son embauche, jusqu’à octobre 2015, date à laquelle il lui a été attribué la position 2.1 coefficient 115, et que son salaire a été augmenté régulièrement en 2006, 2007, 2010 et 2011 avant de stagner jusqu’en octobre 2015, alors que ses collègues ont bénéficié d’augmentations en 2012, 2014 et 2017.

Toutefois, l’employeur justifie que deux des salariés ont une ancienneté bien plus importante que celle de M. X (M. Y H ans et 6 mois ' M. Z I ans et 7 mois), et qu’ils ont obtenu la position de M. X (2.1 coefficient 115) dans des périodes semblables. Par ailleurs, l’employeur démontre que les salaires sont équivalents, M. X percevant un salaire égal à celui de M. A et M. Y, et M. Z ayant un salaire supérieur d’environ 300 € par mois, mais une ancienneté supérieure (6 ans de plus).

L’employeur justifie que l’évolution de carrière et de rémunération de M. X est semblable à celle de ses collègues.

Concernant l’absence de formation, M. X justifie dans l’historique des formations qu’il a suivi deux formations en 2011, avant son mandat, une en 2012, puis une en 2019.

L’employeur conteste et verse aux débats une formation supplémentaire sur Oracle, en septembe 2014.

Il est donc justifié que M. X a suivi des formations en 2011, 2012, 2014 et 2019, mais aucune formation entre septembre 2014 et septembre 2019, soit durant cinq années consécutives.

L’employeur ne démontre pas que cette absence de formation durant une période relativement longue est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société GFI Progiciels échoue donc à démontrer que la diminution des missions ouvrant droit à PLD, le retard de paiement dans les primes, et l’absence de formation sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

L’existence d’une discrimination liée à l’activité syndicale de M. X depuis 2011 est donc démontrée, et le préjudice subi par M. X est évalué au regard de la durée des faits (2012-2019), des conséquences sur ses primes, et sur son état de santé, à la somme de 10 000 € de dommages intérêts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur la demande du syndicat Sud Groupe GFI :

Le syndicat Sud Groupe GFI soutient à juste titre que les directions qui se rendent responsables de pratiques discriminatoires vis-à-vis des salariés syndiqués ou titulaires d’un mandat électif font obstacle au développement du syndicalisme et à des relations normales entre la direction et les syndicats, et freinent l’adhésion des salariés aux organisations syndicales.

Il justifie donc d’un préjudice distinct.

Il y a donc lieu de lui accorder la somme de 1 000 € à titre de dommages intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité commande que M. X ne conserve pas la charge des frais irrépétibles qu’il a engagés, et la société GFI Progiciels sera condamnée à lui verser une indemnité de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

De même, elle sera condamnée à verser au syndicat Sud Groupe GFI la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société intimée sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REÇOIT l’intervention volontaire du syndicat Sud Groupe GFI ;

CONSTATE que M. B X a fait l’objet d’une discrimination fondée sur son appartenance syndicale ;

CONDAMNE la société GFI Progiciels à lui verser la somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts pour discrimination ;

CONDAMNE la société GFI Progiciels à verser au syndicat Sud Groupe GFI la somme de 1 000 € à titre de dommages intérêts ;

RAPPELLE que les sommes de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation au bureau de conciliation, que les autres sommes portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

CONDAMNE la société GFI Progiciels à verser à M. B X la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et au syndicat Sud Groupe GFI la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société GFI Progiciels aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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