Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 12 mars 2020, n° 19/09588

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 5, 12 mars 2020, n° 19/09588
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/09588
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Créteil, 8 février 2016, N° 13/00860
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 12 Mars 2020

(n° 2020/ , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 19/09588 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUYJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Février 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL RG n° 13/00860

APPELANT

Monsieur Z A

né le […] à […]

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Roger BISALU, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 85 substitué par Me Cheikhou NIANG, avocat au barreau de PARIS, toque : A0229

INTIMEE

La société GEOX RETAIL FRANCE

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Clémence COLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R156

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Février 2020, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Béatrice CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre

Madame Isabelle MONTAGNE, Conseillère

Greffier : Madame Marine BRUNIE , lors des débats

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Madame Marine BRUNIE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

Z A a été engagé par la société Geox Retail suivant un contrat de travail à durée déterminée à compter du 1er novembre 2004 pour une durée de six mois en qualité de vendeur.

Suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 mars 2005, il a été engagé par la même société en qualité de responsable de boutique statut cadre niveau 3 en référence aux dispositions de la convention collective nationale du commerce succursaliste de la chaussure applicable aux relations de travail.

Depuis le 1er octobre 2011, Z A exerçait ses fonctions au sein de la boutique Geox située au sein du centre commercial Belle Epine.

Par lettre du 11 janvier 2013, Z A a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à un licenciement fixé au 18 janvier 2013, et mis à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 22 janvier 2013, la société Geox Retail lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Le 19 mars 2013, Z A a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil afin d’obtenir des indemnités et rappel de salaire au titre du licenciement qu’il estime dénué de cause réelle et sérieuse.

Suivant jugement prononcé le 9 février 2016, auquel la cour renvoie pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, a condamné la société Geox Retail à verser à Z A les sommes suivantes :

* 1 831,32 euros au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied,

* 8 703,25 euros au titre du préavis,

* 870,32 euros au titre des congés payés y afférents,

* 6 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice financier,

* 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

a débouté Z A de ses autres demandes et a mis les dépens à la charge de la société Geox Retail.

Le 29 mars 2016, Z A a interjeté appel à l’encontre de ce jugement.

Suivant ordonnance du 14 février 2017, la cour, après avoir constaté l’accord des parties, a ordonné une mesure de médiation et a renvoyé l’affaire à l’audience du 20 mars 2018. Toutefois, les parties ne sont pas parvenues à un accord.

A l’audience du 20 mars 2018, l’appelant ne s’étant ni présenté, ni fait représenter, l’affaire a été, par ordonnance du 20 mars 2018, radiée du rôle des affaires de la cour.

Par acte d’huissier du 8 février 2019, Z A a fait signifier ses conclusions et pièces à la société Geox Retail.

Par demande reçue au greffe le 13 septembre 2019, Z A a sollicité le rétablissement de l’affaire au rôle et les parties ont été convoquées à l’audience de la cour du 4 février 2020.

Suivant conclusions d’incident visées par le greffier et soutenues oralement, sans ajout ni retrait à l’audience du 4 février 2020, Z A demande à la cour, vu le principe du contradictoire, de déclarer irrecevables les conclusions déposées par la société Geox Retail le 22 janvier 2020.

Suivant conclusions d’incident en réponse visées par le greffier et soutenues oralement, sans ajout ni retrait à l’audience du 4 février 2020, la société Geox Retail demande à la cour de déclarer recevables les conclusions notifiées le 22 janvier 2020 et de débouter Z A de sa demande d’irrecevabilité des conclusions d’appel en réponse n°2 notifiées le 22 janvier 2020.

Sur le fond, suivant conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, sans ajout ni retrait à l’audience du 4 février 2020, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Z A demande à la cour d’infirmer le jugement, de fixer le salaire moyen à 3 662,64 euros, de condamner la société Geox Retail au paiement des sommes suivantes :

* 43 951,68 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 10 987,92 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 098,79 euros à titre d’indemnité de congés payés sur préavis,

* 1 831,32 euros à titre de remboursement du salaire non perçu pendant la période de mise à pied conservatoire,

* 15 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 9 042,25 euros au titre du préjudice financier,

* 3 662,64 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 4 500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

de dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine, de condamner la société Geox Retail aux entiers dépens et de prononcer la capitalisation des intérêts.

Sur le fond, suivant conclusions visées par le greffier et soutenues oralement, sans ajout ni retrait à l’audience du 4 février 2020, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société Geox Retail demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement en ce qu’il a écarté la faute grave

et l’a condamnée à verser les sommes suivantes :

* 1 831,32 euros au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied,

* 8 703,25 euros au titre du préavis,

* 870,32 euros au titre des congés payés y afférents,

* 6 000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice financier,

* 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et statuant à nouveau, de juger que le licenciement pour faute grave est fondé et de débouter Z A de l’ensemble de ses demandes.

MOTIVATION

Sur l’irrecevabilité des dernières conclusions de la société Geox Retail

Au soutien de son moyen d’irrecevabilité, Z A soutient d’une part qu’en signifiant ses conclusions le 22 janvier 2020, l’intimée a dépassé le délai prévu par l’article 909 du code de procédure civile pour conclure en réplique aux conclusions de l’appelant devant la cour d’appel et d’autre part, que le principe du contradictoire n’a pas été respecté, n’ayant pas eu le temps de répondre aux dernières conclusions de l’intimée.

La société Geox Retail réplique d’une part que l’article 909 du code de procédure civile n’est pas applicable aux conclusions d’appel après radiation et que dans la mesure où aucun calendrier de procédure n’a été fixé, ses conclusions notifiées le 22 janvier 2020 sont recevables, et d’autre part qu’elle dispose d’une prorogation de délai de deux mois pour conclure conformément à l’article 911-2 du code de procédure civile, en sa qualité de société de droit étranger.

En premier lieu, la cour constate que Z A a formalisé son appel à l’encontre du jugement le 29 mars 2016.

Il s’ensuit qu’en application des dispositions des articles 931 et suivants du code de procédure civile et R.1461-2 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l’appel en cause est soumis aux règles de la procédure sans représentation obligatoire, indépendamment de la radiation de l’affaire du rôle des affaires de la cour le 20 mars 2018 puis de son rétablissement au rôle sur demande de l’appelant du 13 septembre 2019.

Par conséquent, les dispositions de l’article 909 du code de procédure civile applicable à la procédure devant la cour d’appel avec représentation obligatoire, ne sont pas applicables au présent litige.

Par ailleurs, la cour constate que les conclusions de la société Geox Retail visées par le greffier à l’audience du 4 février 2020 dont Z A indique qu’elles lui ont été transmises le 22 janvier 2020 ne contiennent aucun moyen nouveau par rapport aux précédentes conclusions de l’intimée communiquées à l’appelant en vue de l’audience du 20 mars 2018 et ne font que répondre succinctement à de nouveaux arguments développés par l’appelant dans les conclusions signifiées le 8 février 2019 à l’appui de la demande de réintroduction de l’affaire au rôle de la cour suite à sa radiation.

Le délai de quatorze jours entre le 22 janvier 2020, date à laquelle les conclusions de la société Geox Retail ont été transmises à l’appelant, selon les indications des parties, et le 4 février 2020, date de l’audience, était suffisant pour permettre à l’appelant d’en prendre connaissance et d’y répliquer

éventuellement.

Il s’ensuit qu’aucune atteinte au principe de la contradiction n’est caractérisée.

Z A sera débouté de sa demande d’irrecevabilité des dernières conclusions de la société Geox Retail visées par le greffier à l’audience du 4 février 2020 et celles-ci seront déclarées recevables.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement qui circonscrit le litige est ainsi rédigée :

' (…) Le jeudi 10 janvier 2013, à leur arrivée sur la boutique «Geox» du centre commercial de Belle Epine dont vous êtes le responsable, vos supérieurs hiérarchiques, Madame X et Monsieur Y, ont constaté de nombreux manquements :

Un état déplorable de la réserve :

- des boîtes de chaussures jetées par terre, ou alors entassées les unes sur les autres en une pyramide déséquilibrée,

- des chaussures jonchant le sol,

- des détritus (papiers, mouchoirs usagés') recouvrant le sol des parties communes, ou débordant de la corbeille à papiers.

De nombreux produits mis à la vente dans le cadre des soldes, et exposés sur la surface de vente n’étaient pas étiquetés.

Enfin, un stagiaire était présent, travaillait, alors même que sa présence n’était pas signalée sur les plannings affichés, ni sur le relevé de présence que vous adressez à votre hiérarchie pour faire faire les bulletins de salaire.

Nous vous rappelons qu’en tant que Responsable de boutique, vous devez veiller au quotidien à ce que vos salariés travaillent dans des conditions d’hygiène et de sécurité conformes. Or, l’état de la réserve ce jour était clairement en contradiction avec cette obligation. Les différents éléments jetés à même le sol ne faisaient qu’accroître les risques d’accidents pour toutes les personnes présentes.

Vous êtes, en outre, garant de la non-détérioration des produits stockés dans votre boutique. Or, les boîtes écrasées, les chaussures jetées sur le sol, caractérisent clairement ici un non-respect des biens de l’entreprise.

Le fait de mettre en surface de vente des produits soldés, sans que ces derniers ne soient justement étiquetés, est un manquement aux règles définies en matière de soldes. C’est pourquoi les consignes d’étiquetage vous sont toujours transmises en amont par la Direction.

En n’étiquetant pas justement les produits, vous faites encourir à la société un risque d’amende conséquent, voire de fermeture, pour non-respect de la législation en vigueur.

Enfin, en ne faisant apparaître à aucun endroit la mention concernant le stagiaire que vous aviez recruté, vous n’avez pas répondu à votre obligation en matière de déclaration et information de l’ensemble des personnes présentes sur votre boutique.

En cas d’accident, la responsabilité de la maison est alors engagée.

En tant que salarié «GEOX» depuis le mois de novembre 2004, promu «Responsable de boutique» depuis le mois de mai 2005, ayant vécu deux périodes de soldes par an depuis votre entrée dans la société, vous n’ignorez pas l’ensemble de ces modes de fonctionnement.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de l’entretien du 18 janvier ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur ces sujets.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible. Nous avons donc décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité de licenciement (…)'.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Contestant les faits qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement, Z A expose qu’il a informé en amont sa hiérarchie de la présence du stagiaire ; qu’il était en sous-effectif malgré le début de la période de soldes le 9 janvier, date à laquelle il était resté jusqu’à 22 heures 12 pour remettre en état le magasin ; qu’à sa reprise le 10 janvier 2013 à 13 heures 30, il ne lui a pas été signalé de difficultés par le responsable de l’équipe du matin ; que les photographies produites par l’employeur sont litigieuses ; que les conditions de la rupture ont été vexatoires ; qu’il n’a jamais fait l’objet d’observations antérieurement au licenciement et que la sanction est disproportionnée.

La société Geox Retail réplique que la faute grave est établie ; que les supérieurs hiérarchiques qui ont effectué le contrôle de la boutique le 10 janvier 2013 ont constaté de nombreux manquements ; que la réserve était dans un grand état de désordre et de manque d’hygiène ; que 20% des produits n’étaient pas étiquetés la veille et 50% le jour-même, ce qui la plaçait en infraction au regard de la législation applicable ; que le salarié lui a dissimulé la présence d’un stagiaire et a contrevenu sciemment à la politique de l’entreprise, et que l’argument du sous-effectif n’est pas pertinent car le salarié n’a pas utilisé son crédit d’heures de 123 heures correspondant au recrutement de 3,5 collaborateurs pendant les soldes.

Le contrat de travail du salarié stipule que Z A a notamment pour fonction de 'diriger, gérer et contrôler le personnel de vente de la boutique notamment par l’établissement d’un planning des présences selon les horaires d’ouverture définies par la Direction Générale' et 'assurer d’une manière générale le bon fonctionnement de la boutique' (article 2) et qu’il s’engage à 'observer toute les instructions et consignes générales ou particulières qui lui seront données dans l’exercice de ses fonctions par la Direction Générale' et 'respecter le concept de la boutique et la politique commerciale de Geox' (article 9).

S’agissant de 'l’état déplorable de la réserve'

Au soutien de ce grief, la société Geox Retail produit des photographies des locaux de la boutique en indiquant que celles-ci ont été prises le jour du contrôle et envoyées depuis le téléphone portable d’C Y, 'retail manager', qui a effectué le contrôle le jour-même, le jeudi 10 janvier 2013 à 16 heures 19, à E F, responsable des ressources humaines, ainsi qu’une attestation manuscrite d’C Y datée du 14 mars 2014, et une autre de G H, 'store manager' qui a pris la relève de Z A à compter du 12 janvier 2013, datée du 28 janvier 2013.

Z A relève le caractère non contradictoire des photographies produites, ce qui n’est pas contesté par la société Geox Retail. La cour retient que la valeur probante de ces photographies s’en trouve affaiblie.

C Y indique dans son témoignage : 'Notre tour s’est poursuivi par une visite de la réserve lorsque nous avons voulu entrer, il était pratiquement impossible de mettre un pied à l’intérieur. La réserve était un véritable chaos, les produits étaient à même le sol, les chaussures n’étaient plus dans leur boîte etc.'.

G H indique pour sa part dans son témoignage 'être arrivée en boutique (Belle Epine) le 12/01/13, soit le 3e jour des soldes et avoir constaté : (…) les vêtements dans la réserve, jamais étiquetés, jamais mis en rayon, une totale absence de rangement des réserves, pieds seuls posés partout, boîtes vides, boîtes au sol ouvertes (…) Les vestiaires et sanitaires étaient dans un état inacceptables'.

Ces deux témoins rapportent précisément avoir constaté un état de grand désordre de la réserve de la boutique dont Z A était le responsable, sans qu’aucun des éléments fournis par Z A ne permette de mettre en cause leurs constatations. En effet, aucune des attestations produites par le salarié ne contredit utilement les appréciations d’C Y et de G H sur l’état de la réserve.

Il s’ensuit que ce grief est établi.

S’agissant des articles non étiquetés dans la boutique

Au soutien de ce grief, la société Geox Retail produit un courriel d’W-AA X, 'District Manager Geox Spa' adressé à C Y le mardi 8 janvier 2013 et un courriel de la direction du 17 décembre 2012, ainsi que l’attestation d’C Y, déjà mentionnée et celle, manuscrite de I J, vendeur présent la veille du contrôle dans la boutique de Belle Epine et une liste du stock de la boutique Belle Epine au 10 janvier 2013.

Le courriel de la direction du 17 décembre 2012 informe notamment Z A des lignes directrices à suivre pendant les soldes et lui fournit un modèle type d’étiquettes à fixer sur les produits soldés.

Aux termes de son courriel ayant comme objet 'prépa soldes' qui a déclenché le contrôle de la boutique de Belle Epine le 10 janvier 2013, W-AA X indique à C Y ne pas avoir de nouvelles notamment de la boutique Belle Epine alors qu’elle avait demandé à être jointe à la fin de la préparation des soldes.

C Y indique dans son témoignage : 'Environ 50% du magasin avait un défaut d’affichage de prix'.

I J indique pour sa part dans son témoignage que si la plupart des chaussures d’exposition avaient été étiquetées, le mercredi 9 janvier, les chaussures enfants n’avaient pu être étiquetées notamment en raison du sous-effectif.

Il ressort de la liste non contestée du stock du magasin Belle Epine au 10 janvier 2013 que le boîtage enfants représentait près de 1 700 paires de chaussures sur un stock de 6 111 paires de chaussures, ce qui représente près de 20 % des marchandises du magasin.

Il n’est pas contesté par la société Geox Retail que le salarié a été présent dans la boutique le 9 janvier 2013 de 9 h 01 à 14 h et de 16 h à 22 h 12 et le 10 janvier 2013 de 13 h 30 à 17 h 09 et de 19 h 09 à 22 h 16, ce qui ressort des fiches horaires produites par le salarié.

Le salarié indique que malgré l’insuffisance du personnel affecté par la direction, il a organisé le travail de telle manière que le magasin soit en ordre et que les produits soient étiquetés pour le 10 janvier 2013 à l’ouverture de la boutique à 10 heures, lui-même n’ayant repris son service qu’à 13 h

30 et qu’il s’est fondé sur l’organisation mise en place par l’équipe du matin c’est-à-dire un roulement du personnel devant ranger la réserve et un ré-étiquetage après chaque vente et que si la direction avait affecté un nombre suffisant de vendeurs pour faire face à la très forte affluence du début de la période des soldes, il n’aurait pas eu à servir la clientèle dès sa prise de fonction l’après-midi et aurait pu s’assurer des informations du responsable de l’équipe du matin qui lui-même avait été débordé.

Au soutien de son argumentation relative au sous-effectif susceptible d’expliquer cette absence d’étiquetage d’une partie conséquente des articles soldés le 10 janvier 2013, Z A produit les attestations de K L, M N, […], O P, Q R, S T, employés au moment des soldes ; ces personnes indiquent avoir été occupées de manière générale à ré-étiqueter les produits dont les étiquettes avaient été arrachées en raison de la forte affluence en boutique les 9 et 10 janvier 2013 ; cependant celles-ci ne précisent pas quels sont les produits qui avaient été étiquetés ; aucune ne se réfère aux chaussures enfants, de sorte que ces attestations ne contredisent pas utilement les constats effectuées le 10 janvier 2013 lors du contrôle.

En outre, Z A ne conteste pas qu’il disposait d’un crédit de 123 heures pour recruter des salariés en contrat à durée déterminée durant la première semaine des soldes de janvier 2013, ainsi qu’il ressort du tableau des crédits d’heures, qu’il n’a pas utilisé en intégralité. L’argument du sous-effectif imputable à la direction n’est donc pas pertinent.

Il s’ensuit que ce grief est établi.

S’agissant de la présence occulte d’un stagiaire

Au soutien de ce grief, la société Geox Retail produit l’attestation de G H, déjà mentionnée, ainsi que celles d’E F, responsable des ressources humaines, et de Nesredine Kaiboue, directeur de magasin.

G H indique qu’à son arrivée dans la boutique le 12 janvier 2013, le registre du personnel, n’était pas à jour.

E F indique que la politique de la société était de ne pas accepter de stagiaire dans la mesure où les responsables des boutiques devaient se dédier à la formation des vendeurs et ne pouvaient donc former de stagiaires.

Nesredine Kaiboue confirme n’avoir jamais pris de stagiaire depuis son entrée dans la société Geox en août 2009 et avoir effectué une demande auprès de sa direction régionale qui s’est soldée par une réponse négative.

Z A produit la convention signée entre le lycée U V et lui-même en qualité de 'chef d’entreprise' et de 'tuteur' datée du 15 décembre 2012, au bénéfice de l’élève K L aux fins de stages et périodes de formation en milieu professionnel dans le cadre de l’enseignement professionnel, pour la période du 7 janvier au 3 février 2013.

Z A ne conteste pas que K L, présent le jour du contrôle dans la boutique, ne figurait pas sur les plannings affichés, mais indique avoir informé sa hiérarchie de la présence de ce stagiaire. Il ne fournit cependant aucun élément de nature à établir cette allégation.

Il en résulte que le grief tiré de la dissimulation du stagiaire est établi.

Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des reproches énoncés dans la lettre de licenciement sont matériellement établis et imputables à Z A.

Au regard en particulier des responsabilités du salarié, ces griefs constituent une cause réelle et

sérieuse de licenciement.

Toutefois, ces manquements aux obligations contractuelles du salarié, s’ils constituent une faute, ne revêtaient pas une importance telle qu’ils rendaient impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, ce dont il s’ensuit que la faute grave n’est pas établie.

La période de mise à pied à titre conservatoire n’était donc pas justifiée.

C’est à bon droit que le jugement a retenu que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse mais pas sur une faute grave et a consécutivement condamné la société Geox Retail à payer à Z A une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de trois mois de salaire, une indemnité compensatrice de congés payés incidents et un rappel de salaire pour la période de mise à pied à hauteur des montants retenus, non contestés en cause d’appel.

La société Geox Retail demande l’infirmation de la disposition du jugement qui a alloué une indemnisation à Z A en réparation de son préjudice financier.

Z A indique tout d’abord qu’après son licenciement, il a été contraint de multiplier les demandes par mail pour que l’employeur applique la loi pour lui délivrer les documents de fin de contrat et que ce retard de délivrance des documents notamment de l’attestation destinée à Pôle emploi a retardé conséquemment l’instruction de son dossier et son indemnisation.

Cependant, aucun élément du dossier n’établit un manquement de l’employeur dans la délivrance des documents de fin de contrat.

Par ailleurs, Z A indique que, ayant contracté un prêt immobilier, le licenciement pour faute grave lui a fait perdre le bénéfice de l’assurance souscrite en cas de perte d’emploi, celle-ci ne s’appliquant pas en cas de licenciement pour faute grave.

La société Geox Retail réplique que Z A ne justifie pas du montant mensuel payé au titre de l’assurance chômage contractée à l’occasion du prêt immobilier.

Le jugement a constaté que depuis le 5 juin 2013, date d’achèvement de sa maison, Z A paye tous les mois une prime de 108,61 euros pour l’assurance chômage contractée à l’occasion du prêt immobilier, et qu’il n’a pas pu bénéficier de cette assurance puisque celle-ci ne couvrait pas le licenciement pour faute grave ou lourde, ce qui ressort par ailleurs des documents contractuels produits en pièce 17 par Z A ; les parties ne critiquent pas ces constatations.

Il en résulte que le licenciement pour faute grave a causé au salarié un préjudice financier au titre de l’assurance chômage contractée dans le cadre du prêt immobilier dont il n’a pu bénéficier au regard des risques exclus, alors que le licenciement pour faute grave n’est pas justifié.

L’évaluation du préjudice financier par les premiers juges n’étant pas contestée, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Geox Retail à indemniser Z A de son préjudice financier à hauteur de 6 000,00 euros de dommages et intérêts.

S’agissant de la procédure de licenciement, Z A demande une indemnisation au motif de l’absence de mention quant à la possibilité de se faire assister lors de l’entretien préalable au licenciement par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise.

Toutefois, la société Geox Retail justifie de ce qu’elle dispose d’institutions représentatives du personnel, ce dont il s’ensuit que l’employeur n’avait pas l’obligation, ainsi qu’il résulte des dispositions de l’article L.1232-4 du code du travail, de mentionner que le salarié pouvait se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise, soit par un

conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l’autorité administrative.

Par ailleurs, le salarié a été assisté par un délégué syndical durant l’entretien préalable.

Il en résulte que la demande au titre du non-respect de la procédure de licenciement n’est pas fondée.

Le jugement qui a débouté Z A de cette demande, sera confirmé sur ce chef.

Sur les intérêts au taux légal

Ajoutant au jugement, il sera rappelé que, conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, le rappel de salaire, l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés incidents produiront des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Geox Retail de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, et que la créance de dommages et intérêts produira des intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur la capitalisation

Ajoutant au jugement, il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge de la société Geox Retail.

Au regard de la solution du litige, en cause d’appel, chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

Sur les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société Geox Retail à verser à Z A la somme de 1 200,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Z A sera débouté de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition des parties au greffe,

DEBOUTE Z A de son moyen d’irrecevabilité des dernières conclusions de la société Geox Retail visées par le greffier à l’audience du 4 février 2020,

DECLARE RECEVABLES les dernières conclusions de la société Geox Retail visées par le greffier à l’audience du 4 février 2020,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

RAPPELLE que le rappel de salaire, l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés incidents produiront des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Geox Retail de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation

du conseil de prud’hommes, et que la créance de dommages et intérêts produira des intérêts au taux légal à compter du jugement,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

DEBOUTE Z A de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DIT que chaque partie conservera à sa charge les dépens qu’elle a exposés.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 12 mars 2020, n° 19/09588