Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 22 juillet 2020, n° 20/00167

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 1 - ch. 3, 22 juill. 2020, n° 20/00167
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/00167
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 2 décembre 2019, N° 19/10061
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 1 – Chambre 3

ARRÊT DU 22 JUILLET 2020

(n° 230 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00167 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBGKL

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Décembre 2019 -Président du TGI de PARIS – RG n° 19/10061

APPELANTE

Société TWITTER INTERNATIONAL COMPANY, société de droit irlandais, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège […]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA

- GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

INTIMÉE

Socité Y Z, représentée par son Directeur Général, Monsieur A B, domicilié en cette qualité audit siège […]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

COMPOSITION DE LA COUR :

Les parties étant représentées par un avocat, s’étant communiquées leurs écritures dans le respect de la contradiction et leurs conseils ayant consenti à la mise en œuvre de la procédure sans audience prévue par l’article 8 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, le président de la chambre a, conformément à cet article, décidé que la procédure se déroulerait selon une procédure exclusivement écrite.

M. Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre
Mme Christina DIAS DA SILVA, Conseillère
Mme Carole CHEGARAY, Conseillère

Qui en ont délibéré,

Greffier : Anaïs SCHOEPFER

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 22/07/2020 Pôle 1 – Chambre 3 N° RG 20/00167 – N ° Portalis 35L7-V-B7E-CBGKL – 1ème page



- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

- signé par Patrick BIROLLEAU, Premier Président de chambre et par Anaïs SCHOEPFER, Greffière.

La société Y Z est une société commerciale spécialisée dans la détention et la gestion d’actifs immobiliers de bureaux à Paris. Un conflit l’oppose à une partie de ses actionnaires minoritaires parmi lesquels figure M. X.

La société Twitter International Compagny anime le réseau social éponyme. Elle héberge le compte twitter @Vincenzobolléro.

Ce compte twitter a publié des commentaires que la société Y Z estime diffamatoires et injurieux.

Par requête du 11 juin 2019, la société Y Z a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile aux fins qu’il ordonne à la société Twitter de lui communiquer l’ensemble des données qu’elle détient de nature à permettre l’identification du titulaire du compte twitter

@Vincenzobolléro, sous astreinte.

Le magistrat saisi a fait droit à sa requête par ordonnance du 11 juin 2019, rejetant cependant la demande d’astreinte.

Considérant que les conditions permettant de déroger au principe du contradictoire n’étaient pas remplies et que le motif légitime invoqué pour obtenir ces pièces faisait défaut, la société Twitter a fait assigner le 17 septembre 2019 la société Y Z devant le juge des référés aux fins de rétractation de cette ordonnance sur requête.

Par ordonnance du 3 décembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

- débouté la société de droit irlandais Twitter International Company de ses contestations de l’ordonnance rendue le 11 juin 2019 par le président du tribunal de grande instance de Paris ;

- ordonné à la société de droit irlandais Twitter International Company de communiquer à la SA Y Z l’ensemble des données qu’elle détient de nature à permettre l’identification du titulaire du compte Twitter «@VincenzoBolléro ›› , et notamment les informations suivantes :

- les types de protocoles et l’adresse IP utilisés pour la connexion au service,

- au moment de la création du compte, l’identifiant de cette connexion,

- la date de création du compte,

- les nom et prénom ou la raison sociale du titulaire du compte,

- les pseudonymes utilisés,

- les adresses de courrier électronique ou de comptes associés ;

- ordonné que cette communication soit réalisée dans un délai de dix jours à compter de la signification de la présente ordonnance ;

- dit n’y avoir lieu à délivrance d”une astreinte ;

- condamné la société Twitter à payer à la société Y Z la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Twitter aux entiers dépens.

Par déclaration du 17 décembre 2019, la société Twitter International Company a interjeté appel de l’ensemble des chefs expressément énoncés de cette ordonnance.

Aux termes de ses conclusions communiquées par voie électronique le 12 mai 2020, elle demande à la cour de :

Cour d’Appel de Paris Cour d’Appel de Paris ARRET DU 22/07/2020

N° RG 20/00167 – N° Portalis Pôle 1 – Chambre 3 N° RG 20/00167 – N ° Portalis 35L7-V-B7E-CBGKL – 2ème page



Vu les articles 14 à 17, 493 et 496 du code de procédure civile, Vu les articles 145 et 812 du code de procédure civile, Vu la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique,

- infirmer dans toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 3 décembre 2019 par le président du tribunal de grande instance de Paris ; statuant à nouveau ; A titre principal :

- dire et juger que la société Y Z ne justifiait pas de la nécessité de déroger au principe du contradictoire ;

- dire et juger que la société Y Z ne justifiait pas d’un motif légitime ; Par voie de conséquence :

- débouter la société Y Z de sa demande de confirmation de l’ordonnance du 3 décembre 2019 ;

- infirmer l’ordonnance du 3 décembre 2019 ;

- rétracter dans toutes ses dispositions l’ordonnance rendue 11 juin 2019 sur requête de la société Y Z à l’encontre de la société Twitter ; A titre subsidiaire :

- débouter la société Y Z de sa demande de condamnation pour procédure abusive et de sa demande d’astreinte ; En tout état de cause :

- condamner la société Y Z au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 15 mai 2020, la société Y Z demande à la cour de : Vu les articles 32-1, 145 et 493 du code de procédure civile, Vu les articles 10 et 1240 du code civil, Vu l’article 6 de la loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique,

- rejeter la demande d’infirmation de l’ordonnance du 3 décembre 2019 présentée par la société Twitter International Company ;

- confirmer l’ordonnance de référé-rétractation du 3 décembre 2019 en ce qu’elle a ordonné à la société Twitter International Company de communiquer à la société Y Z l’ensemble des données qu’elle détient de nature à permettre l’identification du titulaire du compte Twitter « @VincenzoBolléro », et notamment, les informations suivantes :

- Les types de protocoles et l’adresse IP utilisés pour la connexion au service ;

- Au moment de la création du compte, l’identifiant de cette connexion ;

- La date de création du compte ;

- Les nom et prénom ou la raison sociale du titulaire du compte ;

- Les pseudonymes utilisés ;

- Les adresses de courrier électronique ou de compte associées ; mais sauf en ce qu’elle a dit n’y avoir lieu à délivrance d’une astreinte, Et, y ajoutant :

- assortir la communication des données à fournir par la société Twitter International Company à la société Y Z d’une astreinte de 2.000 euros par jour de retard dans la communication desdites données à compter de la signification de l’arrêt à intervenir,

- condamner la société Twitter International Company à verser à la société Y Z la somme de 100.000 euros à titre de dommages intérêts procédure abusive sur le fondement des articles 32-1 du code de procédure civile et 1240 du code civil ;

- condamner la société Twitter International Company à verser à la société Y Z la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance.

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

Cour d’Appel de Paris Cour d’Appel de Paris ARRET DU 22/07/2020

N° RG 20/00167 – N° Portalis Pôle 1 – Chambre 3 N° RG 20/00167 – N ° Portalis 35L7-V-B7E-CBGKL – 3ème page


MOTIFS DE LA DÉCISION

Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L’article 493 prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci. Il doit ainsi apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.

Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit, date à laquelle la cour se situe pour apprécier la validité de la saisine.

Il importe de préciser que ces circonstances ne peuvent se justifier a posteriori lors de la demande de rétractation. Dès lors, le moyen invoqué par l’intimée selon lequel le contradictoire a été rétabli devant le juge de la rétractation est inopérant tout autant que celui de l’estopel, l’intimée ne pouvant sérieusement soutenir que la société Twitter ne peut sans se contredire contester l’absence de dérogation au principe du contradictoire et avoir pris l’engagement devant le juge de la rétractation d’exécuter l’ordonnance dans les délais requis alors qu’en agissant en rétractation de la requête elle a, à titre principal, contesté la mesure ordonnée à son insu.

La société Y Z ne peut pas non plus valablement soutenir que l’article 6.1.8 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui prévoit que l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête toutes mesures propres à prévenir un dommage ou faire cesser un dommage occasionnel par le contenu d’un service en ligne, visé par sa requête, s’inscrit dans le cadre du premier alinéa de l’article 812 du code de procédure civile et qu’à ce titre elle était dispensée de justifier de la nécessité de déroger au principe du contradictoire. En effet lorsque la loi aménage la possibilité d’agir en référé ou par requête, le recours à la procédure non contradictoire exige que le requérant justifie de la nécessité de déroger au principe du contradictoire.

En l’espèce la requête présentée au président du tribunal de grande instance de Paris par la société Y Porperties fait état de l’existence d’un litige avec ses actionnaires minoritaires. Elle explique qu’elle sollicite par voie de requête qu’il soit ordonné à “Twitter de lui communiquer toutes les informations de nature à permettre l’identification du titulaire du compte @VincenzoBollero dont le contenu des publications laisse entendre qu’il aurait agi de concert avec certains actionnaires minoritaires de la société Y pour obtenir illégalement un prix de rachat d’actions dans des conditions hors marché, après avoir faire pression sur Y et ses dirigeants. Afin de faire valoir ses droits et obtenir la réparation du préjudice subi devant les juridictions compétentes, Y doit être en mesure de connaître l’identité du titulaire du compte « @VincenzoBollero ›› que seul Twitter peut lui communiquer.”.

Cour d’Appel de Paris Cour d’Appel de Paris ARRET DU 22/07/2020

N° RG 20/00167 – N° Portalis Pôle 1 – Chambre 3 N° RG 20/00167 – N ° Portalis 35L7-V-B7E-CBGKL – 4ème page



L’éviction du contradictoire, principe directeur du procès, nécessite que le requérant justifie de manière concrète, les motifs pour lesquels, dans le cas d’espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise.

Afin de motiver la nécessité de recourir à une mesure non contradictoire destinée à contraindre la société Twitter à lui fournir l’identité du titulaire du compte twitter

@VincenzoBollero, la société Afficiis Z indique dans sa requête qu’elle “est fondée à déroger au principe du contradictoire et à solliciter les mesures de communication d’informations du titulaire du compte par voie de requête. En effet :

- le différend n’oppose pas Y à Twitter mais l’oppose au titulaire du compte ;

- ce dernier apparaissant sur le site internet de Twitter sous un pseudonyme ne permettant pas de l’identifier, tout débat contradictoire est impossible ;

- Twitter et le titulaire du compte litigieux ont eux-mêmes accepté que les demandes de communication de données personnelles soient faites par une autorité judiciaire sans exigence de débat contradictoire ;

- la loi elle-même impose cette communication sur réquisition de l’autorité judiciaire.”

Ces considérations sont d’ordre général et ne contiennent aucune circonstance exigeant que la demande de communication du titulaire du compte soit prise à l’insu de la société Twitter en dehors de tout débat contradictoire. La société Y Z n’explique pas en quoi il est nécessaire pour l’efficacité de la mesure sollicitée d’agir par surprise ni surtout la raison pour laquelle la mesure n’aurait pas pu être obtenue par une assignation en référé alors qu’elle indique elle même que le litige potentiel ne concerne nullement la société Twitter.

Vainement la requérante indique qu’en raison de l’impossibilité d’identifier l’auteur des commentaires la nature même de la demande ne permettait pas d’engager une procédure contradictoire dès lors que la requête n’est pas dirigée contre l’auteur desdits commentaires mais contre la société qui héberge le compte et qui est parfaitement identifiée.

Faute de motivation contenue dans la requête, comme dans l’ordonnance, de circonstances particulières de nature à autoriser une dérogation au principe du contradictoire, l’ordonnance sur requête du 11 juin 2019 doit être rétractée sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’existence du motif légitime.

En conséquence l’ordonnance entreprise doit être infirmée en toutes ses dispositions et toutes les demandes de la société Y Z rejetées.

L’équité commande de faire bénéficier l’appelante des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après.

La société Y Z qui succombe supportera les dépens de première instance et d’appel et ne peut prétendre à une indemnité de procédure.

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance rendue le 3 décembre 2019 par le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance de Paris ;

Statuant à nouveau ;

Rétracte l’ordonnance sur requête rendue le 11 juin 2019 par le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance de Paris ;

Rejette les demandes de la société Y Z ;

Cour d’Appel de Paris Cour d’Appel de Paris ARRET DU 22/07/2020

N° RG 20/00167 – N° Portalis Pôle 1 – Chambre 3 N° RG 20/00167 – N ° Portalis 35L7-V-B7E-CBGKL – 5ème page



Condamne la société Y Z à payer à la société Twitter International Company la somme de 3.000 euros au titre des dispositions prévues par l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Y Z aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière, Le Président,

Cour d’Appel de Paris ARRET DU 22/07/2020 Pôle 1 – Chambre 3 N° RG 20/00167 – N ° Portalis 35L7-V-B7E-CBGKL – 6ème page

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