Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 2 juin 2021, n° 17/16997

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Chronologie de l’affaire

Commentaires4

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Jean-Michel Vertut · 20 janvier 2022

1. Faits. Une société française s'était vue concéder la distribution exclusive de ses produits dans l'Union Européenne et en Suisse par une société israélienne. Cette dernière invoquant le défaut d'atteinte d'objectifs par son distributeur met fin au contrat. Celui-ci l'assigne alors devant le Tribunal de commerce de Paris au titre de manquements contractuels et de rupture abusive. La lecture du jugement fait ressortir des demandes sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. La société israélienne soulève une exception d'incompétence du Tribunal de commerce de …

 

CMS · 19 octobre 2021

En matière de relations commerciales, la récurrence de certaines difficultés permet de dégager des réponses de principe. C'est ce qu'illustrent deux décisions récentes, l'une sur le caractère restituable du pas-de-porte en franchise, l'autre sur le caractère précaire des relations commerciales lorsque des appels d'offres sont régulièrement diligentés. A l'inverse, le droit commercial recèle des problématiques anciennes qui peinent à être résolues. C'est le cas lorsqu'il s'agit de qualifier des prix conseillés ou imposés dans le cadre de réseaux de distribution ou de déterminer si …

 

CMS · 8 septembre 2021

Quelle est la nature de l'action en responsabilité fondée sur l'article L.442-1, II du Code de commerce ? Les dispositions de cet article sont-elles une loi de police ? La cour d'appel de Paris se penche sur ces questions après avoir rappelé la nécessité d'établir un lien de rattachement entre le litige et la France pour appliquer une loi de police française (CA Paris, 2 juin 2021, n° 17/16997). Les faits : la rupture d'une relation de représentation et de services entre deux sociétés françaises et une société grecque Deux sociétés françaises exerçant l'activité de tour-opérateur avaient …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 4, 2 juin 2021, n° 17/16997
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/16997
Décision précédente : Tribunal de commerce de Bordeaux, 29 juin 2017, N° 2017F00302
Dispositif : Renvoi à la mise en état

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRET DU 02 JUIN 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 17/16997 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B4BL4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2017 -Tribunal de Commerce de bordeaux – RG n° 2017F00302

APPELANTE

SAS FRAM

prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Toulouse,

sous le numéro 814 154 134

[…]

[…]

Représentée par Me Jean-michel BONZOM de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L0276

Assistée de Me Florence GRACIE-DEDIEU, avocat plaidantdau barreau de TOULOUSE, toque : 324

INTIMEES

Société C A B

prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au registre des sociétés tourisme sous le numéro 1039 60000049700

[…]

[…]

Représentée par Me Sandra OHANA de l’AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Représentée par Me Félix RIQUELME, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS PLEIN VENT

prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’ANTIBES,

sous le n° 814 360 046

[…]

06700 Saint-Laurent du Var / France

Représentée par Me Jean-louis FOURGOUX de la SELARL FOURGOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0069

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 31 Mars 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre

M. Dominique GILLES, Conseiller

Mme Y Z, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Y Z dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sihème MASKAR

ARRET :

— Contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre et par Sihème MASKAR, Greffière présent à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Courant 2015, le groupe FRAM était composé de plusieurs entités juridiques, dont notamment :

— la société Voyages Fram qui était la holding du groupe FRAM, mais aussi l’entité portant l’activité opérationnelle 'tour opérateur’ ainsi que la marque 'FRAM',

— la société Plein Vent, filiale du groupe, ayant une activité spécifique de 'tour opérateur’ d’entrée de gamme ainsi que la marque 'Plein vent'.

En relation commerciale avec la société C A B, de droit grec, depuis plusieurs années, les société Voyages Fram et Plein Vent ont signé respectivement les 15 et 16 octobre 2015 un contrat de représentations et services pour la saison 2016 sur les destinations Crète et Corfou.

Dans ce cadre, la société C A B était chargée de l’accueil des clients de ces sociétés sur les sites de Crète et Corfou en Grèce, afin d’assurer notamment leurs transferts entre les aéroports et

leurs hôtels à destination.

Le 30 octobre 2015, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice des sociétés Voyages Fram et de ses trois filiales, les sociétés Fram Agences, Fram Nature et Plein Vent.

Par jugement du 25 novembre 2015, le tribunal a ensuite ordonné la liquidation judiciaire de ces quatre sociétés avec cession partielle des actifs au profit de la société Voyages Invest et avec la reprise des deux contrats précités conclus avec la société C A B.

Pour le transfert des activités du groupe Fram, la société Voyages Invest a constitué quatre sociétés, Fram, Plein vent, Fram affaire et Fram Nature.

Courant janvier 2016, les sociétés Fram et Plein Vent ont échangé divers courriers sur la poursuite des contrats avec la société C A B.

Par actes des 3 et 6 mars 2017, la société C A B a assigné les sociétés Plein Vent et Fram pour obtenir leur condamnation à des dommages-intérêts pour inexécution contractuelle et rupture brutale des relations commerciales établies sur le fondement de l’article 1147 ancien du code civile et de l’article L.442-6, I 5° ancien du code de commerce.

Par jugement du 30 juin 2017, le Tribunal de Commerce de Bordeaux a :

S’est déclaré compétent pour connaître du litige,

Rejeté la fin de non-recevoir,

Condamné solidairement les sociétés Fram SAS et Plein Vent SAS à payer à la société C A B, Société de droit grec :

— la somme de 666 831, euros (six cent soixante six mille huit cent trente et un euros) au titre de l’article L 442-6-I-5 du Code de commerce,

— la somme de 10 000,00 euros (dix mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit ne pas y avoir lieu à1'exécution provisoire.

Condamné solidairement les sociétés Fram SAS et Plein Vent SAS aux entiers dépens.

Par acte du 30 août 2017 la société Fram a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 29 mars 2021, la société Fram demande à la Cour de :

A titre principal, vu les dispositions du règlement Rome II du 11 juillet 2007,

A titre subsidiaire, vu les dispositions du règlement Rome I, n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles,

A titre encore plus subsidiaire, vu les articles L.442-6, I, 5° du code de commerce, et 1147 du code civil pris dans leurs rédactions applicables aux faits de l’espèce,

Vu les articles 200 à 203 et l’article 564 du code de procédure civile Vu l’article 1343-5 du code civil

Infirmer le jugement rendu le 30 juin 2017 par le Tribunal de commerce de Bordeaux sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité contractuelle sollicitée par la société C A B sur le fondement de l’ancien article 1147 du code civil,

A titre principal,

Juger que les dispositions des articles L 442-6 du code de commerce et de l’article 1147 du code civil
- et plus généralement la loi française – ne sont pas applicables au litige opposant les parties, seule la loi grecque étant applicable,

Débouter la société C A B de l’ensemble de ses demandes fondées sur ces dispositions,

A titre subsidiaire,

Ecarter des débats les pièces comptables fournies au titre des pièces 16 à 21 ainsi que la 40, et 65 de la société C A B,

Juger irrecevable et en tout cas mal fondées et non justifiées les demandes formées par la société C A B à l’encontre de la société Fram,

Débouter la société C A B de l’ensemble de ses demandes,

A titre infiniment subsidiaire,

Constater que la société C A B ne fournit pas les éléments comptables sincères, certifiés et déposés suffisants pour effectuer ce calcul,

Juger qu’aucune indemnité ne saurait être due à la société C A B au titre d’une rupture brutale de relations commerciales établies,

Débouter la société C A B de l’ensemble de ses demandes,

Débouter la société C A B de sa demande d’expertise et de provision,

Si par extraordinaire la Cour estimait que la société C A B avait été victime d’une rupture brutale de relations commerciales établies, et estimait, en outre, devoir faire droit à la demande d’expertise formée par la société C A B :

Ordonner une expertise aux frais exclusifs de la société C A B et compléter la mission de l’expert de la manière suivante :

— dire si, durant les 3 dernières années, la société C A B réalisait ou non une partie de son chiffre d’affaires avec d’autres prestataires que les sociétés Voyages Fram et Plein Vent,

— calculer la marge brute réalisée par la société C A B sur la base de son chiffre d’affaires moyen réalisé sur les 3 dernières années, en tenant compte des frais suivants devant venir en déduction :

* Leasing des bus avec paye des chauffeurs ou règlement des sous-traitants mettant à disposition bus et chauffeurs,

*Totalité des consommations d’essence utilisées pour la réalisation de ses prestations,

*Achat pour revente des excursions,

*Salaires des collaborateurs assurant le rôle de « représentants » et ayant différentes missions : accueil aéroport/présence lors des transferts en bue / vente des excursions dans l’hôtel, etc…

*Frais de structure : loyers locaux (bureaux/garage pour les bus).

— distinguer le chiffre d’affaires et la marge brute réalisée par la société C A B avec la société Voyages Fram, du chiffre d’affaires et la marge brute réalisée par la société C A B avec la société Plein Vent,

— déterminer le chiffre d’affaires et la marge réalisés par la société C A B sur les années 2016 et 2017, tous prestataires confondus,

Et dans cette hypothèse, débouter la société C A B de sa demande de provision à valoir sur son éventuel préjudice.

A titre infiniment subsidiaire,

Juger dans l’hypothèse d’une condamnation, que la société Fram bénéficiera d’un report de 18 mois à compter, de la présente décision à intervenir et des délais de paiements de 6 mois à compter du terme du report, par un paiement de 6 mensualités égales et successives payables le 10 de chaque mois,

Juger que faute pour la société Fram de payer à bonne date une seule des mensualités, et un mois après l’envoi d’une lettre de mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, le tout deviendra immédiatement exigible.

En tout état de cause

Condamner la société C A B à payer à la société Fram la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour abus du droit d’ester en justice ;

Condamner la société C A B à payer à la société Fram la somme de 50 000 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société C A B aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 22 mars 2021, la société Plein Vent demande à la Cour de :

Vu l’article L.442-6, I 5° du code de commerce,

Vu l’arrêt de la CJUE du 14 juillet 2016 aff 196/15,

Vu le règlement n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I),

Vu les règlements de Bruxelles I et C des 22 décembre 2000 et 12 décembre 2012,

A titre liminaire :

Recevoir Plein Vent en ses demandes,

Infirmer le jugement en ce qu’il a retenu sa compétence et fait application de la loi française au contrat du 16 octobre 2016 entre les parties et plus précisément de l’article 1147 ancien du Code civil et de l’article L.442-6.I.5° du Code de commerce au présent litige ,

A titre subsidiaire :

Juger irrecevable l’action indifférenciée fondée tant sur l’ancien article 1147 du code civil que sur l’article L.442-6.I.5° du Code de commerce et effectuant une confusion entre des faits relatifs à des personnes morales distinctes,

A titre, encore plus subsidiaire :

Infirmer le jugement rendu le 30 juin 2017 par le Tribunal de Commerce de Bordeaux, sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnité contractuelle de la société C A B fondée sur l’ancien article 1147 du code civil ;

Et statuant à nouveau :

Ecarter des débats l’attestation du 29 novembre 2017 de Madame X (pièce C A B n°40),

Ecarter des débats et déclarer irrecevables les documents comptables fournies au titre des pièces 16, 20 et 50 produites par C A B, ainsi que la pièce n°65,

Débouter la société C A B de l’ensemble de ses demandes notamment celle fondée sur une rupture des relations commerciales prétendument établie entre les sociétés Plein Vent et C A B au sens de l’article L.442-6.I.5° du Code de commerce au présent litige,

En tout état de cause :

Condamner la société C A B à payer à la société Plein Vente la somme de 45 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Condamner la société C A B aux entiers dépens de la première instance et de l’appel ;

En tout état de cause :

Condamner la société C A B à payer à la société Plein Vent la somme de 45 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la société C A B aux entiers dépens de la première instance et de l’appel ;

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 19 mars 2021, la société C A B demande à la Cour de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les dispositions des articles 1147 ancien et suivants du Code Civil, L 442-6-1-5 ème du Code de Commerce,L 642-11 du Code de Commerce,

vu l’article D 442-3 du Code de Commerce,

Vu le principe de l’Estoppel,

Vu le règlement de Rome II du 11 juillet 2007,

Vu les articles 464 et suivants du Code de Procédure Civile,

Rejeter la demande d’inapplicabilité de la loi française au présent litige comme nouvelle en cause d’appel et comme mal fondée au regard de la nature de loi de police des dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce et au regard de l’application de la loi française voulue par les parties,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que les sociétés Fram et Plein Vent avaient rompu brutalement la relation commerciale établie les ayant liées à la société C A B et en ce qu’il a arrêté le principe d’une condamnation solidaire des sociétés Fram et C A B à indemnisation des préjudices découlant de ladite rupture brutale,

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation solidaire de l’inexécution par les sociétés Plein Vent et Fram des contrats réceptifs de l’année 2016,

Y ajoutant au surplus et réformant en tant que de besoin des chefs du jugement contraires aux demandes ci-après :

Condamner solidairement les sociétés Fram et Plein Vent à verser à la société « C A B » à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions des contrats réceptifs 2016 pour la Crète et pour Corfou dont le transfert a été ordonné par jugement du tribunal de commerce de Toulouse en date du 25 Novembre 2015, la somme de 388 985 euros outre intérêt au taux légal à compter de l’assignation avec capitalisation des intérêts dès lors qu’ils sont dus pour une année entière,

Dire et juger que la rupture brutale des relations commerciales établies aurait dû être accompagnée de l’observation d’un préavis de 24 mois (et non 18 mois comme retenu par les premiers juges),

Condamner solidairement les sociétés Fram et Plein Vent sur le fondement des dispositions de l’article L 442-6-1-5e du Code de Commerce à verser à la société « C A B », à titre de dommages et intérêts, la somme de 1 111 385,74 euros correspondant à deux années de préavis,

A titre subsidiaire sur le quantum des indemnisations :

Si par extraordinaire, la Cour s’estimait insuffisamment éclairée par les études financières produites aux débats pour apprécier le préjudice,

Désigner tel expert financier qu’il plaira au Tribunal avec mission d’auditer le calcul de marge brut réalisé par le cabinet Grant Thornthon tel que produit aux débats et de dire si ledit calcul doit être sujet à critiques et dans l’affirmative de dire lesquelles, d’éclairer la Cour sur le montant de la marge brute perdue par la société C A B du fait de la rupture brutale des relations commerciales établies existant entre les parties,

Et d’allouer, avant dire droit sur le quantum du préjudice qui sera alors fixé en lecture du rapport d’expertise, à la société C A B, une provision à valoir sur l’indemnisation à venir de son préjudice d’un montant de 600 000 euros,

En tout état de cause,

Débouter les sociétés Fram et Plein Vent de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

Ordonner la capitalisation des intérêts dès lors qu’ils sont dus pour une année entière,

Condamner solidairement les sociétés Fram et Plein Vent à verser à la société « C A B » la somme de 20 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure

Civile, en sus de la somme allouée par les premiers juges,

Condamner solidairement les sociétés Fram et Plein Vent aux entiers dépens de première instance et d’appel.

***

La cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la loi applicable au litige opposant les parties

La société Fram soutient qu’en application des dispositions de l’article 4.1 du Règlement (CE) n°864/2007 du 11 juillet 2007 dit « Rome II », la loi applicable à l’action en réparation du préjudice subi en raison d’une rupture brutale des relations commerciales établies, qui revêt un caractère délictuel, est la loi du pays de réalisation du dommage. Elle en déduit que la loi applicable au litige est la loi grecque, l’ensemble des liens de rattachement avec le fait dommageable étant relatif à la Grèce, le préjudice n’ayant en tout état de cause aucun lien de rattachement avec la France. Elle conteste la qualification de loi de police des dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, et en toute hypothèse, la situation ne présente pas de lien étroit avec le territoire français dès lors que l’ensemble des prestations étaient réalisées en dehors de la France. Elle relève en outre, qu’en application de l’article 4 du règlement CE n°593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicables aux obligations contractuelles dit 'Rome I’ , il y a lieu d’appliquer la loi du pays dans lequel le prestataire de service a sa résidence habituelle, ce qui conduit à appliquer la loi grecque puisque la société C A B a son siège social en Grèce où elle y exerce son activité.

La société Plein Vert soutient qu’il importe de retenir la qualification autonome de contractuelle retenue par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) de l’action indemnitaire d’une rupture brutale des relations commerciales établies. Dès lors que l’action en réparation initiée par la société C A B, société de droit grec prestataire en Grèce, fondée sur un contrat ne faisant pas référence au droit français, la loi applicable est celle du lieu du siège social du prestataire en application de l’article 4. b) du règlement Rome I relatif aux obligations contractuelles. Elle conteste la qualification de loi de police des dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, et en toute hypothèse, la situation ne présente pas de lien étroit avec le territoire français y compris dans le cadre d’une action délictuelle, dès lors que l’ensemble des prestations étaient réalisées en dehors de la France ainsi que le dommage invoqué.

La société C A B fait valoir en premier lieu que la règle de l’estoppel, interdisant à un plaideur de se contredire au détriment d’un autre plaideur, s’oppose donc à ce que, après avoir revendiqué l’application de l’article L 442-6 du Code de Commerce et les règles spécifiques de compétence qui s’y attachent en première instance, les sociétés appelantes viennent, pour la première fois en cause d’appel, prétendre ce texte inapplicable et soutenir que le litige se rattacherait à la loi grecque. De plus, la société C A B soutient que cette demande d’inapplicabilité de la loi française est présentée pour la première fois en cause d’appel, ce qui la rend irrecevable sur le fondement des articles 564 et suivants du Code de Procédure Civile. Elle ajoute que les sociétés Fram et Plein Vent auraient clairement manifesté leur intention d’assujettir la relation à la loi française dans les projets de contrats soumis par la société Fram. En toute hypothèse elle soutient que l’action fondée sur les dispositions de l’article L.442-6 du code de commerce serait une action de nature délictuelle de sorte qu’il y aurait lieu de faire application du règlement Rome II sur les obligations non-contractuelles qui prévoit en son article 16 qu’à supposer même que la règle de conflit de loi aboutisse à la désignation d’une loi, la loi de police française, tel que les dispositions de l’article L.442-6 du commerce, doit s’appliquer. Au surplus, il est soutenu qu’en application de

l’article 6 du règlement précité, dès lors que les relations de concurrence se sont nouées avec les sociétés Fram et Plein Vent établies en France où elles commercialisent des voyages pour les voyageurs français, la loi de ce pays est applicable.

Sur ce,

En application des articles 72 et 563 du code de procédure civile, les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause et, pour justifier les prétentions qu’elles ont soumises au premier juge, les parties peuvent, en cause d’appel, invoquer des moyens nouveaux.

Dès lors, les sociétés FRAM et Plein Vent sont recevables, à invoquer en cause d’appel, le moyen nouveau tiré de l’application de la loi grecque au présent litige, étant observé qu’il n’existe en l’espèce aucune atteinte au principe de l’estoppel interdisant à une partie de se contredire au détriment d’autrui.

*S’agissant de la demande de la société C A B en réparation de la rupture brutale des relations commerciales

Il convient de rechercher si l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce est applicable à titre de la loi de police et à défaut de mettre en oeuvre la méthode conflictuelle prévue par le règlement du 17 juin 2008 n°593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ('Rome I') ou le règlement n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ('Rome II').

Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ( CJUE, 31 janvier 2019, C-149/18, da Silva Martinsles) les « dispositions impératives dérogatoires », au sens de l’article 16 du règlement Rome II, répondent, à la définition des « lois de police », au sens de l’article 9 du règlement Rome I . Aux termes de ce texte, 'une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement'.

A supposer même l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce comme étant une loi de police, la Cour doit déterminer en tout état de cause, s’il existe un lien de rattachement de l’opération avec la France au regard de l’objectif de protection poursuivi par le texte précité qui garantit à toute entreprise française établie en France un préavis suffisant lorsque son partenaire, qu’il soit français ou étranger, décide de rompre les relations établies.

Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que les contrats signés entre les parties sur lesquels la société C A B fonde ses demandes (pièces n°2 et 3) ne comportaient aucune clause sur la loi applicable entre les parties, ces contrats portaient sur des prestations de services exécutées en Grèce par la société C A B établie en Grèce et qui revendique la réparation d’un dommage subi en Grèce du fait de la rupture brutale de la relation commerciale.

Les dispositions de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce n’ont dès lors pas, en l’espèce, vocation à s’appliquer dans les relations entre les parties en tant que loi de police.

Il convient en conséquence de déterminer la loi applicable au présent litige par application des règles de conflit de lois résultant des règlements Rome I et II.

Concernant les règles de compétence judiciaire au sens du règlement de Bruxelles I, la CJUE a dit pour droit que l’action en réparation du préjudice lié à la rupture brutale des relations commerciales établies de longue date révélant une relation contractuelle tacite relève de la matière contractuelle, et ce indépendamment de sa qualification en droit national ( arrêt Granarolo, C- 196/15 du 14 juillet

2016 et Com., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-14.812, Bull. 2017, IV, n° 127 ). Cependant, la CJUE ne s’est pas prononcée sur la nature contractuelle ou délictuelle de l’action précitée en matière de conflit de loi.

Toutefois en l’espèce, il n’est pas contesté que les contrats signés entre les parties ne comportaient aucune clause sur la loi applicable entre les parties, ces contrats portaient sur des prestations de services exécutées en Grèce par la société C A B établie en Grèce et qui revendique la réparation d’un dommage subi en Grèce du fait de la rupture brutale de la relation commerciale.

Dès lors, quelque soit le fondement, contractuel ou délictuel, de l’action en responsabilité pour rupture brutale d’une relation commerciale établie exercée par la société C A B, la loi grecque est applicable, soit en tant que lieu de résidence du prestataire de service C A B à défaut de loi choisie par les parties au sens de l’article 4 §1 b) du règlement Rome I, soit en tant que loi du pays où le dommage est survenu, au sens de l’article 4 §1 du règlement Rome II.

Il est en outre observé que l’article 6§2 du règlement Rome II prévoit que 'lorsqu’un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé, l’article 4 est applicable'.

* s’agissant de la demande de la société C A B en réparation d’un manquement contractuel

A défaut de choix de la loi exercé par les parties conformément à l’article 3, l’article 4, du règlement Rome I prévoit que la loi applicable au contrat est déterminée comme suit :

'b) le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle.'

Il n’est pas contesté que les contrats signés entre les parties ne comportaient aucune clause sur la loi applicable entre les parties, en sorte que la société C A B étant établie en Grèce, la loi grecque est applicable.

***

Dès lors que la loi applicable aux demandes de la société C A B est la loi grecque, il y a lieu d’ordonner la réouverture des débats et inviter les parties à l’instance à communiquer la loi grecque applicable et à conclure sur les demandes au regard de ladite loi.

Les dépens et les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS:

Déclare recevables les sociétés Fram et Plein Vent à invoquer en cause d’appel, le moyen nouveau tiré de l’application de la loi grecque au présent litige,

Dit que la loi grecque est applicable aux demandes formulées par la société C A B à l’encontre des sociétés Fram et Plein Vent,

Ordonne la réouverture des débats et renvoi l’examen de l’affaire à l’audience de mise en état du 21 SEPTEMBRE 2021 pour production par la partie la plus diligente, le cas échéant avec l’aide de la Cour, de la loi grecque applicable et que les parties concluent sur les demandes présentées au regard de ladite loi.

Surseoit à statuer sur les demandes présentées.

Réserve les dépens.

La Greffière, La Présidente,

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 4, 2 juin 2021, n° 17/16997