Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 11 mars 2021, n° 19/07161

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 7, 11 mars 2021, n° 19/07161
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/07161
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 23 mai 2019, N° F16/00297
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le

 : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 11 MARS 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07161 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGLP

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F 16/00297

APPELANTE

SARL IVOLTALIS

75 avenue des Champs-Élysées

[…]

Représentée par Me Maxime BENOIST, avocat au barreau de PARIS, toque : F1

INTIMES

Monsieur Y X

[…]

[…]

Représenté par Me Sabine GUEROULT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1491

Organisme POLE EMPLOI DE L’OUEST FRANCILIEN

[…]

[…]

[…]

Représenté par Me Véronique DAGONET, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 3

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Février 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat, entendu en son rapport, a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour,

composée de :

Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de Chambre,

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseillère.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

—  CONTRADICTOIRE,

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE :

Selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er décembre 2010, M. X a été engagé en qualité de technicien par la société Ivoltalis, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils.

Afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 12 janvier 2016.

Suite à la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi par la Direccte le 02 février 2016, M. X a été licencié pour motif économique le 10 février 2016.

M. X a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Par jugement en date du 24 mai 2019, le conseil de prud’hommes a :

— prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur du contrat de travail liant M. X et la société Ivoltalis à la date du 10 février 2016 ;

— condamné la société Ivoltalis à payer à M. X les sommes suivantes :

*14.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— rappelé que les condamnations de nature contractuelle et/ou conventionnelle produisent intérêts à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et celles de nature indemnitaire à compter de la présente décision ;

— ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

— débouté M. X du surplus de ses demandes ;

— débouté la société Ivoltalis de ses demandes reconventionnelles ;

— condamné la société Ivoltalis aux entiers dépens de l’instance.

Pour statuer ainsi, le conseil a relevé que l’employeur avait cessé de fournir une prestation suffisante à M. X à compter du mois de janvier 2015, en ayant notamment commencé à réduire l’activité d’installation des boitiers d’effacement diffus qui lui était confiée, de sorte que ces manquements étaient d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de son contrat de travail.

Il a ajouté que les circonstances tenant à la recherche de nouveaux investisseurs et/ou partenaires financiers, dont les salariés n’avaient d’ailleurs pas connaissance, était sans aucune incidence de ce chef.

Le conseil a encore jugé que la résiliation judiciaire, ayant été demandée antérieurement au licenciement pour motif économique intervenu le 10 février 2016, avait produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 14 juin 2019, la société Ivoltalis a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 28 février 2020, la société Ivoltalis demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a :

— prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur du contrat de travail la liant à M. X à la date du 10 février 2016 ;

— condamné la société Ivoltalis à payer à M. X les sommes suivantes :

* 14.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

— débouté de ses demandes reconventionnelles ;

— condamné aux entiers dépens de l’instance.

— le confirmer pour le surplus ;

En conséquence, statuant à nouveau :

— débouter M. X de l’intégralité de ses demandes ;

— condamner M. X à verser à la société Ivoltalis la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner M. X aux entiers dépens de l’instance.

Pour conclure ainsi, la société Ivoltalis indique qu’elle s’est trouvée confrontée, au cours de l’année 2015, à une baisse puis une absence de commandes de son unique donneur d’ordre la société Voltalis, de sorte qu’elle a pris une décision de gestion à savoir la conservation de l’ensemble de ses collaborateurs techniciens en suspendant provisoirement l’exécution des contrats de travail tout en maintenant les rémunérations, de sorte que cette décision avait permis, in fine, le maintien des contrats de travail pendant toute l’année 2015 ainsi que les premiers mois de 2016 et permis l’aménagement pour ses collaborateurs d’un régime plus favorable que l’indemnisation chômage.

La société Ivoltalis ajoute qu’elle a pris la charge intégrale des coûts salariaux et a permis aux salariés de percevoir l’intégralité de leurs salaires sur l’année 2015 et ce, malgré la baisse d’activité.

La concluante précise que les salariés ne se sont jamais plaints de cette situation au cours de l’année 2015, n’ont jamais saisi leur employeur de la faute d’une gravité suffisante, mais qu’ils ont en revanche attendu que le plan de sauvegarde de l’emploi soit établi et de connaître le montant de leurs indemnités avant de saisir le conseil de prud’hommes.

La société affirme encore que les pièces produites, notamment le procès-verbal de la réunion du 22 décembre 2015 ainsi que le courrier reçu de la Direccte le 5 janvier 2016, démontrent clairement que cette procédure de licenciement collectif avec élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi avait été engagée bien avant les assignations en résiliation judiciaire et que les salariés en avaient bien connaissance.

La société Ivoltalis soutient que la demande de résiliation judiciaire de M. X repose d’une part sur une erreur de qualification juridique, et d’autre part sur des affirmations erronées concernant ses obligations salariales alors qu’elle les a parfaitement respectées.

La concluante précise que M. X s’était notamment vu confier, sur le second semestre de l’année 2015, un certain nombre de travaux liés au déménagement de la société Ivoltalis dans de nouveaux locaux, de sorte qu’il avait pu recevoir une prime pour récompenser son implication.

En dernier lieu, la société Ivoltalis confirme le fait que M. X avait reçu la rémunération contractuelle fixe qui lui était due, un complément variable de rémunération ainsi que diverses primes et qu’il avait pu effectuer de nombreux stages de formation.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 04 janvier 2021, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail et condamné la société Ivoltalis à verser une indemnité de rupture ainsi qu’une indemnité au titre de l’article 700 ;

— l’infirmer pour le surplus et sur le quantum ;

— condamner la société Ivoltalis à lui verser les sommes suivantes en euros :

* moyenne des salaires : 2.219,49 € ;

* indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 26.700 € ;

* sur les dommages et intérêts en réparation des heures effectuées et non payées : 5.000 € ;

* dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation : 5.000 € ;

— condamner la société Ivoltalis à lui verser la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;

— condamner la société Ivoltalis aux entiers dépens.

Pour conclure ainsi, M. X fait valoir qu’il était chargé d’installer le boitier d’effacements diffus créés par la société Voltalis mais qu’il avait vu progressivement son activité réduite, ainsi que celle des autres techniciens de la société Ivoltalis, au point de ne plus avoir aucun travail à effectuer et de subir une perte importante de sa rémunération.

Il ajoute que la société lui avait même retiré son téléphone professionnel, tout comme ceux de ses collègues, ainsi que leurs véhicules de service dès le mois de février 2015, alors que ceux-ci constituaient leur outil de travail.

Le concluant soutient encore que la société ne leur a donné aucune information sur l’évolution de leur emploi et que ni lui ni les autres salariés, itinérants et en dispense d’activité, n’avaient eu connaissance des négociations recherchées par celle-ci au cours de l’année 2015, de sorte que si elle avait maintenu leurs emplois c’était seulement parce qu’elle avait besoin d’eux pour terminer l’activité de maintenance des boitiers électroniques au début de l’année 2015 ainsi que pour essayer de revendre son activité avec tous les actifs corporels (salariés) et incorporels nécessaires à son déploiement.

M. X indique que l’absence de fourniture de travail du mois de janvier 2015 au mois de février 2016 constitue un manquement suffisamment grave de l’employeur à ses obligations ayant empêché la poursuite des contrats de travail des salariés, et justifiant de ce fait la demande de résiliation judiciaire.

Le salarié affirme qu’il n’a jamais reçu aucune formation ni aucune proposition de formation au cours des cinq années d’exécution de son contrat de travail et que la société n’a organisé aucun entretien professionnel avec les salariés.

Le concluant rappelle que la résiliation judiciaire aux torts de son employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et prend effet au jour du licenciement, sans que le juge n’ait à se prononcer sur le bien-fondé du motif économique du licenciement lorsque celui-ci n’était pas contesté, ce qui était le cas, de sorte qu’il n’avait pas à rembourser le trop-perçu dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle.

M. X précise qu’il a effectué de nombreuses heures supplémentaires au cours des années 2013 et 2014 et que la société Ivoltalis a toujours refusé de communiquer le relevé du nombre d’heures effectuées.

Selon ses conclusions d’intervention volontaire transmises par la voie électronique le 26 août 2019, l’Organisme Pôle emploi demande à la cour de :

— le juger recevable et bien fondée en sa demande ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu’il qualifie le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

— condamner la société Ivoltalis à lui verser la somme de 4.472,64 euros en remboursement des allocations chômage versées au salarié ;

— condamner la société à lui verser la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner la société aux entiers dépens.

Pour conclure ainsi, l’Établissement public pôle emploi fait valoir que dans l’hypothèse où la cour viendrait à juger que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, il entendait solliciter l’application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail et de solliciter en conséquence le remboursement des allocations chômage versées à l’intéressé.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 13 janvier 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la résiliation judiciaire :

En application de l’En application de l’article 1224 du code civil, en cas d’inexécution de ses obligations par l’une des parties, l’autre partie peut demander au juge de prononcer la résiliation du contrat.

Lorsqu’un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur.

La résiliation judiciaire à la demande du salarié n’est justifiée qu’en cas de manquements de l’employeur d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

La résiliation judiciaire prend effet à la date de la décision judiciaire qui la prononce dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date. Si le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

A l’appui de sa demande, M. X fait valoir trois manquements de son employeur, à savoir :

— l’absence de fourniture de travail depuis le début de l’année 2015,

— la diminution de sa rémunération,

— l’absence de formation et d’adaptation à son poste de travail.

Sur l’absence de fourniture du travail :

M. X a été embauché le 1er décembre 2010 en qualité de technicien, ses missions étant selon son contrat de travail « le montage, l’installation et l’exploitation à distance d’un ensemble logiciel et matériel de terminaux de mesure et modulation de la consommation électrique sur place et sur sites ».

M. X indique que la société Ivoltalis ne lui a plus fourni de travail à compter du début de l’année 2015 et jusqu’au mois de février 2016, et verse aux débats pour en justifier :

— le courrier de la société Ivoltalis du 10 février 2016 dans lequel celle-ci indique qu’à compter du mois d’avril (2015), les activités de prise de rendez-vous et d’installation ont été suspendues, seule restant l’activité de gestion des adhérents déjà équipés d’un boitier Voltalis;

— le procès-verbal de la réunion DUP de la société Ivoltalis du 17 mars 2015 indiquant sous le titre « activité des salariés » qu’ « aucune nouvelle installation ne doit être faite, à part celles pour les adhérents jugés comme VIP. Seuls les dépannages urgents seront faits, par des techniciens les plus proches géographiquement.»

La société Ivoltalis ne conteste pas ne plus avoir fourni de travail aux salariés et notamment aux techniciens itinérants à compter d’avril 2015, mais soutient qu’il s’agissait d’une décision de gestion à caractère collectif rendue nécessaire par une baisse puis une absence de commandes de son unique donneur d’ordres, la société Voltalis, décision prise dans l’attente des négociations qu’elle menait avec de nouveaux partenaires financiers pour aboutir à un redémarrage de l’activité.

Toutefois, cette situation a perduré du mois d’avril au mois de décembre 2015, les seules informations données aux salariés étant les informations communiquées lors des réunions de la délégation unique du personnel (DUP), qui étaient très peu détaillées (« la situation de la société et des salariés n’a donc pas changé » lors des réunions d’avril et mai 2015).

Il est certes justifié par la société Ivoltalis que celle-ci a informé les représentants du personnel du projet de licenciement collectif pour motif économique et du plan de sauvegarde à la réunion du 22 décembre 2015, puis a présenté le plan aux réunions de la délégation unique du personnel des 8 et 14 janvier 2016, et que ce plan de sauvegarde de l’emploi a été homologué par la Direccte le 2 février 2016.

Il est également avéré que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail a été déposée devant le conseil de prud’hommes par M. X le 12 janvier 2016, soit postérieurement à l’annonce du plan de sauvegarde de l’emploi aux représentants des salariés.

Toutefois, il n’est pas contesté qu’à la date de la demande de résiliation judiciaire, l’employeur ne fournissait plus de travail au salarié depuis le mois d’avril 2015, soit plus de neuf mois, sans l’avoir informé précisément de la situation, jusqu’à l’annonce de la suppression d’emploi à la fin du mois de décembre 2015.

L’une des obligations principales de l’employeur est de fournir du travail au salarié. Aussi, le grief lié à l’absence de fourniture de travail est justifié par M. X.

Sur la diminution de la rémunération :

Le contrat de travail de M. X prévoyait une rémunération mensuelle brute de 1 700 € sur douze mois, outre un complément de rémunération variable pouvant atteindre un mois de rémunération mensuelle sous la forme d’une prime personnelle au vu des performances individuelles et des résultats de la société.

M. X soutient qu’à partir du début de l’année 2015, la société ne lui a plus versé l’intégralité de ses primes d’intervention, primes variables et primes de vacances, et qu’il a subi une perte importante de sa rémunération du fait de la diminution progressive de l’activité de la société.

Il verse aux débats :

— ses fiches de paie ;

— le procès-verbal de la réunion DUP de la société Ivoltalis du 17 mars 2015 indiquant sous le titre « activité des salariés » que «les techniciens itinérants sont dispensés de se déplacer en agence et percevront la totalité de leur salaire fixe + 80 % de la moyenne de leurs primes historiques. » ;

— le procès-verbal de la réunion DUP du 31 août 2015 indiquant : « la direction nous informe de son intention de réévaluer les primes mensuelles et trimestrielles ainsi que le retour des voitures de service » ;

— le procès-verbal de la réunion DUP du 24 septembre 2015 mentionnant : « la direction nous informe également que les primes pour les techniciens passeront de 80 % à 55 % sur les salaires d’octobre 2015 et que les primes trimestrielles ne seront plus versées en cas d’annonce de réduction d’effectif avant le 31 octobre 2015 ».

Toutefois, il résulte des fiches de paie et du bulletin d’acceptation de la CSP produits aux débats que la prime de vacances a été versée pour l’année 2015, et que la prime variable annuelle a été versée en juillet 2015 à hauteur de 1 171 €. De même, si les primes mensuelles, qui s’élevaient en moyenne de 400 à 450 € antérieurement aux difficultés (décembre 2014 à février 2015), ont été réduites à 80 % à compter d’avril 2015 (359,40 €), elles ont été versées pour une somme supérieure aux mois d’octobre et novembre 2015 (609 €). Aussi, globalement sur l’année 2015, aucune baisse des primes mensuelles n’est démontrée par le salarié, qui ne produit pas ses fiches de paie pour l’année 2014.

Ce grief n’est donc pas démontré.

Sur l’absence de formation et d’adaptation du salarié :

L’article L.6321-1 du code du travail, dans sa version applicable à l’époque, dispose que l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations.

L’article L.6315-1 du code du travail prévoit qu’à l’occasion de son embauche, le salarié est informé qu’il bénéficie tous les deux ans d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l’expérience. Cet entretien professionnel donne lieu à la rédaction d’un document dont une copie est remise au salarié.

M. X soutient qu’il n’a reçu aucune formation, ni aucune proposition de formation au cours des cinq années de son contrat de travail, et qu’il n’a bénéficié d’aucun entretien professionnel au cours des années 2014 et 2015, alors qu’il occupait un poste technique, susceptible d’évolution au vu des technologies mises en oeuvre.

La société Ivoltalis verse aux débats pour justifier du respect de son obligation les attestations de formation à la sécurité en matière électrique des 10 et 11 janvier 2011, et des 12 et 13 décembre 2013, ainsi que le suivi d’une formation de trois jours en mars 2015 ayant débouché sur l’obtention du Caces nacelle pour M. X.

M. X affirme que la formation d’habilitation électrique est obligatoire pour toute personne travaillant en qualité d’électricien, mais le fait que cette formation soit obligatoire n’empêche pas que son suivi justifie du respect de l’obligation de formation par l’employeur.

Aucun manquement à l’obligation de formation n’est donc établi, l’employeur justifiant que le salarié a suivi des formations régulières, y compris qualifiantes.

Il ne sera donc pas fait droit à sa demande de dommages intérêts pour non respect de l’obligation de formation, M. X n’invoquant par ailleurs aucun préjudice particulier. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Seul un grief est donc démontré par le salarié pour justifier de sa demande de résiliation judiciaire.

Toutefois, en ne fournissant plus de travail au salarié depuis le mois d’avril 2015, l’employeur a commis un manquement suffisamment grave à son obligation principale pour empêcher la poursuite du contrat de travail, de sorte que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée, la date de résiliation judiciaire étant fixée au jour de l’envoi de la lettre de licenciement, soit le 10 février 2016.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur à la date du 10 février 2016.

Il y a lieu également de le confirmer en ce qu’il a accordé à M. X la somme de 14 000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l’article L.1235-3 du code du travail, eu égard à l’ancienneté du salarié (5 ans), de son âge (40 ans), de son salaire moyen (2 219,49 €) et de sa situation économique et professionnelle, celui-ci ayant retrouvé un emploi en contrat à durée indéterminée en janvier 2017 pour une rémunération semblable.

Les sommes perçues par le salarié en exécution du plan de sauvegarde de l’emploi doivent lui rester acquises, puisque la résiliation judiciaire, demandée antérieurement au licenciement, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et que la présente juridiction ne se prononce pas sur le bien-fondé du licenciement, le salarié ayant été licencié pour motif économique dans le cadre d’un licenciement collectif ayant donné lieu à un plan de sauvegarde de l’emploi, et qu’il n’est pas contesté qu’il remplissait les conditions pour bénéficier des mesures prévues par le plan.

Sur les heures supplémentaires :

De manière générale, selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

En l’occurrence, M. X indique qu’il a réalisé de nombreuses heures supplémentaires au cours des années 2013 et 2014, puisqu’il travaillait environ 38 à 39 heures par semaine, alors que son contrat de travail prévoyait un nombre d’heures égal à 36h45 par semaine.

Il produit les pièces suivantes :

— la demande de communication des relevés de badgeage justifiant des heures effectuées au cours des années 2013 et 2014 par courrier officiel de son conseil du 19 septembre 2016 ;

— un courriel de M. X du 1er décembre 2011 demandant à son employeur si les heures supplémentaires effectuées étaient autorisées, et de quelles manières elles seraient prises en compte, détaillant les heures effectuées au cours des semaines 41 à 49 de l’année 2011 ;

— le planning réalisé pour les semaines suivantes : 16 au 22 janvier 2012, 6 au 19 février 2012, 5 au 11 septembre 2011, 19 au 25 septembre 2011, et 10 au 16 octobre 2011.

Il s’en déduit que M. X ne présente pas, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies en 2013 et 2014 afin de permettre à l’employeur d’y répondre utilement. En effet, les éléments produits ne concernent que la période 2011-2012, et le seul fait d’avoir sollicité la communication des relevés de badgeage pour les années 2013 et 2014 ne peut suffire à étayer sa demande, en l’absence de toute autre pièce versée aux débats pour la période demandée.

En outre, si l’employeur n’a pas déféré à la demande du salarié de production des relevés de badgeage, il verse aux débats la saisie des temps de travail par le salarié lui-même sur le logiciel Optitime de janvier 2013 à décembre 2014, jour par jour, dont il ressort que le salarié ne dépassait pas la durée légale de travail.

Aussi, il ne sera pas fait droit à sa demande de dommages intérêts au titre des heures supplémentaires. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de Pôle Emploi :

L’article L.1235-4 du code du travail dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Conformément aux dispositions de cet article, la résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Ivoltalis sera condamnée à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées au salarié par Pôle Emploi à hauteur de 4.472,64 euros, en remboursement des allocations chômage.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. X la totalité des frais qu’il a dû supporter au cours de la présente instance.

Il lui sera donc accordé la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’apparaît pas inéquitable de rejeter la demande de Pôle Emploi au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

DÉCLARE la présente décision opposable à Pôle Emploi ;

ORDONNE à l’employeur de rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées au salarié à hauteur de 4.472,64 euros ;

CONDAMNE la société Ivoltalis à verser à M. Y X la somme de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Ivoltalis au paiement des dépens d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 11 mars 2021, n° 19/07161