Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 1er février 2022, n° 20/03318

  • Collection·
  • Couture·
  • Sociétés·
  • Investissement·
  • Communication·
  • Vêtement·
  • Site internet·
  • Film·
  • Prêt-à-porter·
  • Parasitisme

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 1, 1er févr. 2022, n° 20/03318
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 20/03318
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 22 décembre 2019, N° 2018025628
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 29 septembre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRÊT DU 1er FEVRIER 2022

(n° 025/2022, 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/03318 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPZE

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Décembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018025628

APPELANTES

S.A.R.L. ZARA FRANCE,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 348 991 555

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP JEANNE BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque L 0034

Assistée de Me Muriel ANTOINE-LALANCE plaidant pour la SELARL AL AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque C 1831

S.A. INDITEX,

Société de droit espagnol,

Immatriculée au Registre du Commerce de A Coruna

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

La Corogne

[Adresse 4]

Edificio Inditex

[Localité 1]

ESPAGNE

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP JEANNE BAECHLIN, avocate au barreau de PARIS, toque L 0034

Assistée de Me Muriel ANTOINE-LALANCE plaidant pour la SELARL AL AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque C 1831

INTIMÉE

S.A. [L] [D] COUTURE,

Société au capital de 290 055 840 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 612 035 832

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Christophe CARON de l’AARPI CABINET CHRISTOPHE CARON, avocat au barreau de PARIS, toque C 500

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 7 décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport et Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente

Mme Françoise BARUTEL, conseillère,

Mme Déborah BOHÉE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Fondée par le couturier [L] [D] en 1946, la société [L] [D] COUTURE, (ci-après « [D] »), est une maison de mode française présente dans de nombreux domaines du luxe: haute-couture, prêt-à-porter femme, prêt-à-porter homme, sacs, chaussures, petite maroquinerie, accessoires, etc… La maison [D] expose posséder près de 200 boutiques à travers le monde et souligne que son succès tient au caractère novateur de ses collections et au maintien de ce qui fait sa réussite : des créations qui mettent en avant à la fois le style, la qualité, mais aussi l’originalité des coupes et des modèles.

Comme les autres maisons de mode, [D] présente deux collections par an haute-couture et plusieurs collections de prêt-à-porter, les collections Automne/Hiver et Printemps/Été, mais aussi la collection « croisière » dite « [D] CRUISE », toutes ces collections de prêt-à-porter faisant l’objet d’un défilé suivi, quelques mois après, d’une mise en vente en boutiques.

ZARA est une célèbre enseigne de prêt à porter du groupe espagnol INDITEX, la société ZARA France étant en charge de la commercialisation des vêtements de la marque ZARA en France, la société INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL, SA (ci-après « INDITEX »), la maison mère du Groupe, la société FASHION RETAIL, la société ayant édité le site internet de ZARA France et la société ZARA ESPAGNA, la filiale du groupe exploitant les magasins en Espagne.

La société [D] expose avoir lancé en 2017 une collection de prêt-à-porter Automne/Hiver articulée autour de deux thèmes combinés : le thème « bleu/total look denim/béret » et le thème « transparence/broderies/astres », puis une seconde collection « [D] CRUISE 2018 » créée autour du thème du rodéo, du désert et du Far-West, collections pour lesquelles elle explique avoir déployé des investissements conséquents, s’agissant des défilés les présentant en mars et mai 2017, mais aussi, des campagnes de communication et de publicité pour promouvoir leur commercialisation.

La société [D] ajoute avoir constaté les 7 septembre et 12 octobre 2017, sur le site internet de la société ZARA FRANCE, le lancement de deux collections ' [O]' et ' GO RODEO', faisant l’objet chacune d’un édito spécial, mis en avant sur la page d’accueil, copiant, selon elle, non seulement certains vêtements et accessoires mais, surtout, les éléments identifiants des deux collections et la communication déployée pour les promouvoir et avoir fait procéder à divers constats sur son site internet et à des procès-verbaux d’achat en septembre et octobre 2017.

Dénonçant des actes de concurrence parasitaire, la société [L] [D] COUTURE a fait assigner les sociétés ZARA France, INDITEX, FASHION RETAIL et ZARA ESPAGNA devant le tribunal de commerce de Paris le 22 janvier 2018.

Par jugement du 23 décembre 2019 dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :

— Débouté la société ZARA FRANCE de sa demande d’écarter des débats les constats d’huissier en pièces n°5, 18, 21-2, 21-3, 21-4, 22, 24, 26 et 27,

— Mis hors de cause les sociétés ZARA ESPANA SA et FASHION RETAIL et débouté la société INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL 'INDITEX’ de sa demande de mise hors de cause,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes tendant à la cessation de la communication contestée de la société ZARA FRANCE,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice matériel,

— Condamné in solidum les sociétés ZARA FRANCE et la société INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL « INDITEX » à payer à la société [L] [D] COUTURE la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes de publications,

— Débouté la société ZARA FRANCE de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

— Condamné in solidum les sociétés ZARA FRANCE et INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL «INDITEX» à payer à la société [L] [D] COUTURE la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ,

— Ordonné l’exécution provisoire,

— Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— Condamné in solidum les sociétés ZARA FRANCE et INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL «INDITEX» aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 137,86€ dont 22,76€ de TVA.

Les sociétés ZARA France et INDITEX ont interjeté appel de ce jugement le 14 février 2020.

Vu les dernières conclusions numérotées 3 signifiées le 9 novembre 2021, par lesquelles les sociétés ZARA France et INDITEX, appelantes et intimées incidentes, demandent à la cour de :

DECLARER les sociétés ZARA France et INDITEX SA recevables et fondées en leur appel ;

INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 23 décembre 2019 en ce qu’il a:

— débouté la société ZARA FRANCE de sa demande d’écarter des débats les constats d’huissier en pièce 5, 18, 21-2, 21-3, 21-4, 22, 24, 26 et 27,

— condamné in solidum les sociétés INDITEX SA et ZARA FRANCE à payer à la société [L] [D] COUTURE la somme de 200.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

— condamné in solidum les sociétés INDITEX SA et ZARA France à payer à la société [L] [D] COUTURE la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civil,

— débouté les sociétés INDITEX SA et ZARA France de leurs demandes de condamnation de la société [L] [D] COUTURE à des dommages et intérêts et à une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire et condamné in solidum les sociétés INDITEX SA et ZARA France aux dépens.

En conséquence,

— Écarter des débats les constats d’huissier communiqués en pièce 5, 18, 21- 2, 21-3, 21-4, 22, 24, 26 et 27 comme dénués d’objectivité et de force probante ;

— Mettre hors de cause la société INDITEX SA et débouter la société [L] [D] COUTURE de toutes ses demandes à son encontre ;

— Déclarer la société [L] [D] COUTURE irrecevable à tout le moins mal fondée en son action fondée sur le parasitisme et en son appel incident ;

DEBOUTER en conséquence la société [L] [D] COUTURE de l’ensemble de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent ;

En toute hypothèse,

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes d’interdiction,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice matériel,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes de publications.

— Débouter la société [L] [D] COUTURE de l’intégralité de ses moyens, fins et conclusions contraires aux présentes,

— CONDAMNER la société [L] [D] COUTURE à payer à chacune des appelantes la somme de 250 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral et pour procédure abusive.

— CONDAMNER la société [L] [D] COUTURE à payer à chacune des appelantes la somme de 40 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— CONDAMNER la société [L] [D] COUTURE aux entiers dépens de la procédure.

Vu les dernières conclusions numérotées 4 signifiées le 8 novembre 2021, par lesquelles la société [L] [D] COUTURE, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

— CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 23 décembre 2019 en ce qu’il a :

— Débouté la société ZARA France de sa demande d’écarter des débats les constats d’huissier en pièces n° 5, 18, 21-2, 231-3, 21-4, 22, 24, 26 et 27,

— Débouté la société INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL « INDITEX » de sa demande de mise hors de cause,

— Condamné in solidum les sociétés ZARA FRANCE et la société INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL « INDITEX » à payer à la société [L] [D] COUTURE la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

— Débouté la société ZARA FRANCE de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts,

— Condamné in solidum les sociétés ZARA FRANCE et la société INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL « INDITEX » à payer à la société [L] [D] COUTURE la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du CPC,

— Condamné in solidum ZARA France et la société INDUSTRIA DE DISENO TEXTIL «INDITEX » aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe.

— INFIRMER le jugement du Tribunal de commerce de Paris en date du 23 décembre 2019 en ce qu’il a :

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice matériel,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes tendant à la cessation de la communication contestée de la société ZARA FRANCE,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes de publications.

STATUANT DE NOUVEAU ET Y AJOUTANT

— ORDONNER qu’il soit mis un terme aux actes de parasitisme par :

— L’interdiction de faire état, de quelque manière que ce soit, des spécificités de l’univers des collections prêt-à-porter « Automne/Hiver 2017 » et « [D] CRUISE 2018 » de la société [L] [D] COUTURE, ce qui implique notamment pour les appelantes la cessation de toute communication autour de ses collections « [O] EDITORIAL » et « GO RODEO », sur tous supports, y compris sur son site internet et sur ses réseaux sociaux ;

— La cessation de la diffusion des deux films publicitaires de ZARA, sur tous supports, initialement diffusés aux adresses et .

— DIRE ET JUGER que ces mesures d’interdiction et de cessation doivent être prononcées sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée, si elles ne sont pas effectives sous quinze jours à compter de la signification de l’arrêt.

— SE RESERVER la liquidation de l’astreinte conformément aux dispositions des articles L. 131-1 et L. 131-3 du Code des procédures civiles d’exécution.

— CONDAMNER les appelantes in solidum, à verser à l’intimée la somme de 5.272.000 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme actualisée et complémentaire de 4.800.000 euros en réparation de son préjudice moral.

— ORDONNER la publication de la décision à intervenir sous forme de communiqués dans cinq journaux français ou étrangers, au choix de l’intimée et aux frais des appelantes, sans que le coût de chaque publication n’excède la somme de 7 000 euros HT.

— ORDONNER la publication du dispositif de la décision à intervenir, en intégralité, pendant une durée de 90 jours consécutifs, à compter de la signification de la décision à intervenir, en partie supérieure de la page d’accueil et visible sur un tiers minimum de cette page d’accueil, du site internet à l’adresse suivante : , sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

— DEBOUTER les appelantes de l’intégralité de leurs demandes.

— DEBOUTER les appelantes de leurs demandes de dommages et intérêts en réparation de leur prétendu préjudice moral et pour procédure abusive.

— CONDAMNER les appelantes in solidum, à verser à la société [L] [D] COUTURE la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, qui pourront être recouvrés directement par le cabinet Christophe CARON, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2021.

MOTIFS DE L’ARRET

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non contestés

Il y a lieu de relever que le jugement n’est pas contesté en ce qu’il a mis hors de cause les sociétés ZARA ESPANA et FASHION RETAIL.

Sur la demande tendant à écarter des débats les procès-verbaux de constats

Les appelantes contestent la valeur probante des opérations de constats menées par l’huissier, leur reprochant un manque d’objectivité et une déloyauté, les recherches étant orientées et dictées par la société [D] au travers de liens précis et n’étant pas le reflet d’une recherche spontanée par l’internaute.

L’intimée soutient que la force probante de ces constats n’est pas diminuée par les recherches guidées qu’a menées l’huissier de justice en cliquant sur des liens indiqués, le contenu même des constats n’étant pas contesté.

En l’espèce, comme l’a rappelé le tribunal, il ne saurait être fait grief à l’huissier de justice, mandaté par la société [D], d’avoir procédé à des recherches et constats sur internet à partir de certaines informations ou liens mentionnés par elle et ce d’autant que les différentes phases de ces recherches «guidées» ont été clairement mentionnées par l’officier ministériel dans ses diligences, permettant ainsi aux appelantes de les critiquer: il ne peut en conséquence être fait aucun grief relatif à un défaut de loyauté ou à un manque d’objectivité de la part de l’huissier de justice, étant relevé que les sociétés ZARA et INDITEX ne justifient à ce titre d’aucun grief, ayant pu librement contester leur contenu.

Par ailleurs, la valeur probante de ces différents éléments dont les sociétés appelantes estiment que le contenu serait un montage «de toute pièce», a vocation à être examinée au fond par la cour en fonction des différents comportements allégués comme actes parasitaires par la société [D], de sorte qu’il n’y a pas lieu d’écarter, a priori, ces différentes pièces des débats.

En conséquence, il convient de débouter les sociétés ZARA France et INDITEX de leur demande et de confirmer le jugement dont appel de ce chef.

Sur la recevabilité de l’action à l’encontre de la société INDITEX SA

Les sociétés appelantes soutiennent que l’action dirigée contre la société INDITEX n’est pas justifiée car aucun fait l’impliquant n’est établi en France ou à l’étranger. Elles font valoir que sa seule qualité, tout comme la présence de la mention « Grupo Inditex » sur l’étiquette des produits, ne peuvent suffire à la rendre responsable des actes accomplis par sa filiale sur le territoire français tels qu’établis par les seuls constats communiqués.

La société [D] soutient le bien fondé de la mise en cause de la responsabilité de la société INDITEX, en sa qualité de maison mère du groupe ZARA, soulignant que toutes les décisions importantes, dont celles relatives aux conceptions des collections et modèles, sont prises à La Corogne son siège social, outre que les produits vendus en France sont estampillés «INDITEX».

Sur ce, il est constant que le nom de la société INDITEX, maison mère du groupe ZARA constitué notamment de la société ZARA France, est présent sur certaines des étiquettes des produits commercialisés faisant l’objet de la présente instance pour parasitisme, comme en justifie la société [D] par la production des procès-verbaux de constat d’achat. Il n’est au demeurant pas contesté par la société INDITEX, qu’elle est à l’origine de la conception des collections vendues par les autres sociétés du groupe, qu’elle fait par ailleurs fabriquer, ce qui ressort des pièces 17 versées par les appelantes.

En outre, la cour constate que ces dernières versent au débat afin de justifier de leurs investissements en matière de marketing et de communication pour promouvoir leurs modèles deux attestations des directeurs financiers de la société INDITEX et de son commissaire au compte relatant les montants des dépenses ainsi engagées, modèles et communication qui sont précisément mis en cause dans le présent litige.

Ces éléments sont donc suffisants pour justifier sa qualité de défenderesse et l’intérêt à agir de la société [L] [D] à son encontre, l’imputabilité des actes de concurrence déloyale allégués ayant vocation à être examinée avec l’examen au fond des demandes.

En conséquence, il convient de débouter la société INDITEX de sa demande tendant à être mise hors de cause dans le présent litige et de confirmer le jugement dont appel sur ce point.

— Sur le parasitisme

La cour rappel que le parasitisme, fondé sur l’article 1240 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion. Il requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.

La notion de parasitisme doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique qu’un produit qui ne fait pas l’objet d’un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, en l’absence de faute résultant d’une captation parasitaire, notamment d’investissements, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.

La charge de la preuve incombe au cas présent à l’intimée qui doit donc démontrer à la fois que ses collections représentent une valeur économique individualisée, puis que ZARA s’en est inspirée à titre lucratif et de façon injustifiée, afin de se procurer un avantage concurrentiel, points qui seront examinés successivement.

Sur l’existence d’une valeur économique individualisée

La société [D] expose que chacune de ces deux collections a fait l’objet d’investissements très importants dont elle justifie à hauteur de la somme de 21 088 291 euros consacrés notamment aux défilés et aux campagnes publicitaires et de communication, montant ne prenant pas en compte les investissements relatifs à la création des vêtements.

Elle rappelle que la collection prêt-à-porter Automne/ Hiver 2017est axée autour de deux univers déterminés combinés: le «bleu/look total denim/béret» et l’univers «transparence/broderie/astres». Elle précise à cet égard que le denim n’était pas une tendance de l’Automne / Hiver 2017 et constitue une matière rare dans le domaine du luxe, et a été revisité par des iconiques uniformes, associés au béret de cuir noir, que portent tous les mannequins et qu’elle a remis au goût du jour à cette occasion. S’agissant de l’univers de la transparence et de la broderie sur le thème des astres, la société [D] rappelle que ce dernier a été choisi pour rendre hommage à la passion de son fondateur pour l’astrologie, ses vêtements étant décorés de constellations. Concernant la collection « [D] CRUISE 2018 », elle explique que celle-ci est centrée sur les thèmes parfaitement identifiés que sont le rodéo, les femmes cow-boys, le Far-West, les Etats-Unis, les champs de blé et le désert aride californien; les ponchos, chapeau de gaucho, larges gilets en laine, robes et jupes à motifs navajos et aux couleurs chaudes étant particulièrement mis en avant.

Elle décrit les investissements très conséquents engagés pour promouvoir ces collections d’abord pour les défilés les présentant et les mettant en scène, dans des lieux singuliers, soit le musée Rodin et les plaines du désert californien, puis, en terme de communication et de publicité dans la presse française et dans le monde entier ainsi que dans des lieux iconiques, tels les Galeries Lafayette et dans les vitrines de ses magasins.

Les appelantes soutiennent que les seuls investissements effectués par la société [D] pour ses défilés et sa communication ne justifient pas de la constitution d’une valeur économique individualisée, que les thèmes et codes en question appartiennent au fonds commun de la mode et ont déjà été développés par d’autres maisons de couture.

Elles font ainsi valoir que l’univers de la collection Automne Hiver 2017 est constitué d’éléments banals que l’intimée ne peut s’approprier et qui relevaient en 2017 d’une tendance générale pour le jean porté en « total look » adopté par de nombreuses marques. Elles estiment que les quelques modèles que ZARA a proposé à la vente ne sauraient suffire à caractériser les faits incriminés et que les pièces versées sont choisies et regroupées pour donner faussement un effet de collection aux éléments épars retenus. Ainsi, s’agissant du béret elles soutiennent qu’il s’agit d’un accessoire connu et diffusé depuis de nombreuses années dans d’autres collections et dont l’utilisation par ZARA a été limitée, ainsi que son association avec l’univers « denim ». Elles rappellent en outre avoir proposé une telle association de béret noir avec un total look denim à l’occasion d’une campagne précédente. S’agissant de l’univers spécifique de la transparence/broderie et astrologie, elles rappellent que le thème des astres appartient également au fonds commun de la mode et est adopté depuis de nombreuses années par divers créateurs concurrents, ce thème faisant, en outre, partie des thèmes préconisés par les cahiers de tendance de 2017. Concernant la collection «[D] CRUISE 2018», décrite selon elles comme inspirée par les motifs et couleurs de la grotte de Lascaux, elles font valoir que l’univers du Far-West et les termes listés par l’intimée sont aussi banals et au centre de nombreuses collections.

Par ailleurs, elles estiment que les visuels, codes publicitaires revendiqués ou vidéo sont banals et utilisés par d’autres sociétés pour communiquer de la même manière.

Elles concluent que le seul fait que la marque [D] jouit d’une notoriété et qu’elle procède à d’importants investissements pour promouvoir ses collections et surtout sa marque, ne saurait suffire à permettre à certains éléments éphémères et banals, aperçus à l’occasion de tel ou tel défilé, d’être qualifiés, de façon automatique, de valeur économique individualisée, sachant que ceux-ci ne sont que la reprise de ce qui a été fait par d’autres auparavant et qu’ils ne font l’objet d’aucune promotion ou investissement individualisé. Pour elles, aucun reproche ne peut donc être fait à la société ZARA FRANCE qui, sur un segment de marché aux antipodes de celui sur lequel l’intimée exerce son activité, a offert à la vente des produits différents, sous une marque identifiée, dans un univers de communication qui lui est propre.

En l’espèce, il convient d’abord de rappeler que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, la société [D] ne revendique nullement des «thèmes» mais deux collections de couture avec l’ensemble de leurs éléments identificateurs, au travers de la combinaison d’un univers, de codes de communication et de films publicitaires pour promouvoir des modèles de vêtements spécifiques, qui sont le fruit d’investissements, attestés par un commissaire aux comptes, d’un savoir faire et d’un travail indéniables.

À cet égard, la cour constate que la collection [D] automne/hiver 2017, telle que sa présentation ressort de la presse, est caractérisée notamment par deux univers spécifiques s’organisant autour du «bleu/ look total denim/ béret» d’une part, neuf silhouettes comportant des modèles en jean et quatre un look «total denim», avec un béret en cuir noir omniprésent et remarqué par les commentateurs, comme un accessoire insolite, et d’autre part, autour « de la transparence, de la broderie et du thème des astres».

Cette collection, en dehors des frais liés à sa création, non revendiqués par la société [D] dans la présente instance, a fait l’objet d’investissements très importants justifiés, à hauteur de plus de 6,7 millions pour le défilé organisé au musée Rodin,( avec 600m² de miroirs et 150 mètre de linéaires pour le défilé), offrant une scénographie particulièrement étudiée autour d’une lumière bleue nuit, et de plus de 4,7 millions d’euros s’agissant des investissements média, de communication et publicitaires, au travers de larges parutions de photographies dans la presse, et sur de nombreux supports, abribus, vitrines et corners des Galeries Lafayette, mais aussi sur la devanture de la boutique [D] à [Localité 5] et dans d’autres grandes boutiques du monde entier, contribuant d’autant à la notoriété de cette collection.

Par ailleurs, la société [D] démontre avoir présenté sa collection «[D] Cruise 2018», centrée sur les thèmes de la «femme sauvage», «femme shamman», ou «femme cow-boy» revêtues de chapeaux de gauchos, dans des tons ocres et noirs, avec des imprimés inspirés de peintures rupestres, dans un décor de Far-West d’une plaine du désert californien, au travers d’un défilé remarqué ayant coûté plus de 6,1 millions d’euros, l’ensemble donnant indéniablement une identité particulière à cette collection, qui a, par ailleurs, fait l’objet d’une importante campagne promotionnelle, le défilé et la collection étant relayés dans la presse, l’ensemble des dépenses en terme d’investissements publicitaires et de communication étant justifiées à hauteur de 3,5 millions d’euros.

La cour estime que les sociétés appelantes soutiennent à tort que le tribunal aurait procédé à une confusion entre la notion de valeur économique individualisée et celle d’investissements dans la mesure où, au-delà des sommes effectivement très importantes consenties pour la promotion de ces collections, c’est une stratégie commerciale, publicitaire et marketing qui est ainsi initiée par la société [L] [D] pour tout à la fois se démarquer de ses concurrents, mettre en valeur ses collections, et, donc sa réputation de maison de haute couture et promouvoir une image haut de gamme spécifique de son univers, destinée également à surprendre et séduire sa clientèle.

Par ailleurs, il ne peut être reproché à la société [D] une présentation biaisée ou parcellaire de ses collections dans la mesure où elle n’a jamais affirmé, notamment, que l’ensemble de sa collection automne/hiver 2017 était en total denim, sa description mettant uniquement en avant ses spécificités marquantes telles que par ailleurs relevées dans la presse, comme l’illustrent au demeurant les articles versés par les appelantes elles-mêmes (par exemple, la pièce 27 extraite du site Vogue, qui titre «Défilé [D] : le fantastique rêve bleu de [U] [T] [I]», puis, « le défilé [D] représente sans aucun doute l’une des plus grosses surprises de cette Fashion week parisienne. Un fantastique rêve éveillé signé [U] [T] [I], qui vient de faire du bleu la couleur de l’automne-hiver 2017-2018. (…) Au menu de cette collection de prêt à porter: du bleu sous toutes ses coutures et un goût très prononcé pour les astres, que [L] [D] affectionnait tout particulièrement.»

S’agissant de la collection [D] Cruise, les articles relatant sa sortie et le défilé la présentant versés par ZARA ( pièces 25-1 et suivantes) mentionnent «une collection qui nous emmène au contact de la nature, avec des influences multiples: le western et le safari (…)», «féminité sauvage» (…) «bien que le thème du défilé s’inspirait de la culture Western, les imprimés de certaines silhouettes reprenaient en réalité les peintures préhistoriques de la grotte de Lascaux», (…) « devant cette escadrille de modèles tendance Nouveau Western qui ponctuent le défilé en file indienne (…)» « les filles portent des chapeaux de gauchos ornementés de turquoises ou de motifs archaïques, (…) Les sangles des sacs reprennent les dessins de couverture mexicaines. On invente les puissances chamaniques sur des jupes brodées. Le denim est brut, la soie ou la dentelle frôlent le sol comme à l’époque des premiers colons arrivant dans l’ouest.»

Ses seuls extraits de presse, corroborés par les nombreux autres articles produits par la société [D], démontrent également, contrairement à ce que soutiennent les sociétés ZARA et INDITEX, que ces collections ne peuvent être qualifiées de «reprise d’éléments banals issus du fonds commun de la mode» ou comme s’inscrivant dans la tendance de la saison en cause, outre que les thèmes revendiqués par [D] sont également clairement ceux qui ont été identifiés par la presse spécialisée pour les présenter à destination du public.

En outre, si comme le soulignent à juste titre les sociétés ZARA et INDITEX l’utilisation du denim ou même la présence de bérets, dans le prêt-à-porter du luxe ne sont pas propres à la société [D], d’autres grandes maisons les ayant déjà mis en avant dans le passé, la cour constate que l’intimée ne revendique aucun monopole spécifique sur ces matière et accessoire mais définit uniquement ce qui a été l’essence de ses deux collections et revendique les inspirations qui ont guidé à la création de certains des modèles, étant en outre rappelé que le présent litige ne s’inscrit pas dans un contexte de contrefaçon de droit d’auteur.

Enfin, la société [D] ne revendique pas davantage une exclusivité quant aux codes visuels et publicitaires mis en avant pour promouvoir ses collections, au travers de films publicitaires, de l’usage de photos polaroïds, évidemment déjà connus et utilisés, mais se contente de décrire l’ensemble des moyens spécifiques qu’elle a mis en oeuvre afin que ses collections soient mises en valeur et largement diffusées auprès du grand public.

Ainsi, la cour retient que l’ensemble des éléments ainsi caractérisés attestent non seulement d’investissements conséquents consacrés par la société [D] à la promotion de ses collections, mais aussi d’un travail particulier et d’un savoir-faire tendant à promouvoir la spécificité de cette maison de luxe, et ainsi caractérisent, sans conteste, une valeur économique individualisée, qui ne peut se résumer à un simple «univers purement marketing», comme tentent de le soutenir les appelantes, le fait que ces investissements participent également à promouvoir sa marque n’étant pas de nature à remettre en cause ce constat objectif.

Sur les actes parasitaires commis par les sociétés ZARA

Les appelantes récusent toutes les accusations de comportement parasitaire et reprochent à la société [D] d’avoir sélectionné de manière partisane certains éléments épars de ses collections afin de les faire correspondre à des éléments dont elle entend leur reprocher la reprise.

Elles contestent par ailleurs toute imitation de l’univers spécifique « bleu /look total denim/ béret en cuir » et l’existence même d’une collection '[O] ZARA', les internautes s’étant rendus sur le site www.ZARA.com/fr/ n’ayant pu en identifier l’existence, mais, uniquement, des produits variés, échos d’une tendance, présente chez de nombreuses autres marques, au travers d’un simple support visuel dit «Édito [O]» diffusé sur son site dans une rubrique en présentant de nombreux autres, l’intimée ayant, selon elles, extrait de manière partiale des visuels isolés, afin de créer l’illusion d’une collection reprenant l’univers revendiqué. Elles dénient, de même, toute reprise de l’univers spécifique «broderies/transparence et astrologie», précisant que l’intimée ne démontre pas que l’offre à la vente de trois vêtements composés d’un imprimé «lune » ou «cosmos», dont il n’est pas démontré qu’ils seraient similaires à un quelconque imprimé [D], et qui ne présentent ni broderie, ni « transparence », ajoutant que ces produits relèvent tous d’un genre banal et ont été déclinés de façon distincte, par l’apposition de motifs différents. S’agissant de la reprise des prétendus visuels et codes publicitaires de [D], les appelantes font valoir que la société [D], qui ne peut revendiquer de monopole quant aux films promotionnels ou à l’emploi de polaroïds, a également sélectionné opportunément quelques visuels extraits de ses propres films pour accréditer sa thèse, alors que ses propres visuels sont très différents. Concernant la collection [D] CRUISE 2018, les appelantes soutiennent qu’il existe de nombreuses différences entre leur édito «Go rodeo » et les visuels du défilé [D] et que l’intimée rattache artificiellement au thème « Far West » cinq modèles épars et sans rapport les uns avec les autres.

Elles en déduisent l’absence d’intention parasitaire faisant valoir que les éditos '[O]' et 'GO RODEO’ publiés en même temps que 22 autres, ne constituent pas des collections à part entière, une seule collection globale «Automne/hiver 2017» ayant existé à l’occasion de laquelle la clientèle s’est vue simplement proposer des vêtements de divers styles connus, dans une présentation propre à la marque ZARA. Elles insistent en outre sur le fait que les thèmes revendiqués par l’intimée relevaient des tendances de la saison automne/hiver 2017 et printemps/été 2018 et ont été, avant elle, exploités par d’autres.

Les sociétés INDITEX et ZARA France décrivent également les investissements qu’elles ont consacrés à la création, à la production et à la communication de la collection Automne / Hiver 2017, témoignant, selon elles, de leurs efforts consentis pour la réalisation et au style des produits ZARA ainsi qu’à la promotion de leur image de marque auprès des clients. Elles font valoir que les investissements ainsi dédiés au cours de l’année 2017 à la communication, à savoir l’élaboration des éditos, l’exploitation du site internet et des réseaux sociaux relatifs à la marque ZARA se sont élevés à la somme de 6.891.388 euros, comprenant notamment le budget consacré à la campagne ZARA Woman automne/hiver 2017, soit la somme de 2.541.680 euros, et que l’élaboration des éditos [O] et GO RODEO ont respectivement représenté des investissements à hauteur de 170.927,89 euros et 157.215,03 euros.

La société [L] [D] COUTURE répond que ne sont pas reprochés des actes de contrefaçon ou la copie de modèles pris individuellement mais la multiplicité et la répétition des reprises et emprunts de tous les éléments d’identification et de communication de ses deux collections [D] successives, et la concomitance de la mise en vente des produits incriminés avec celle de ses propres modèles.

Elle soutient que les appelantes ont capté et utilisé la valeur économique ainsi créée afin de se procurer un avantage concurrentiel. À ce titre, elle expose que le pillage par les sociétés ZARA France et INDITEX des spécificités de sa collection prêt à porter Automne/ Hiver 2017 a été multiple et a consisté notamment en une collection complète «denim », accessoirisée du béret en cuir noir, béret qui n’était pas auparavant commercialisé par ZARA, outre la communication spécifique déployée pour les promouvoir et notamment un film publicitaire, conçu par le même réalisateur que celui qu’elle avait choisi, et les visuels exposés dans ses éditos, avec, de surcroît l’utilisation d’une campagne de photos au format polaroïd, précisant que contrairement à ce qu’affirment les appelantes, la campagne polaroïd de Maripol a été réalisée et diffusée bien avant celle de ZARA. L’intimée ajoute que les spécificités de l’univers de la collection «CROISIERE 2018» sont également totalement parasitées par ZARA, qui a repris les univers de la collection (femmes cow-boys, ponchos, tons ocres etc…), certains modèles emblématiques [D] (robe bustier à rayures, robe longue voile orange, manteaux jacquard, pull à motifs), rappelant qu’il n’est pas reproché à ZARA de commercialiser certains modèles en lien avec cet univers, mais de se placer dans son sillage en multipliant les reprises.

La société [D] soutient que les sociétés ZARA France et INDITEX sont coutumières de cette politique systématique de pillage des maisons de mode, lequel ne peut être qu’intentionnel compte tenu de la notoriété de la marque [D], de la proximité de ces deux collections, des promotions et ventes associées, outre que les caractéristiques de ces deux collections n’étaient pas «tendance» avant les défilés [D]. Elle ajoute que ZARA a ainsi réalisé des économies en limitant ses coûts de création et de promotion, qu’elle a bénéficié d’un transfert d’image et de notoriété à son détriment, tout en limitant l’aléa commercial en adoptant une position de suiveur et, ce, d’autant plus que la commercialisation dans les boutiques ZARA est antérieure ou concomitante à la vente des produits concernés dans les magasins [D] qui intervient plusieurs mois après les défilés.

En l’espèce, s’agissant de la collection automne/hiver 2017, la société [D] démontre, au travers de procès-verbaux de constat réalisés les 7 et 15 septembre 2017, que les sociétés ZARA France et INDITEX ont présenté à l’occasion d’un édito «[O]» sur la page d’accueil du site internet ZARA, puis dans un film diffusé sur le même site, constaté dans un procès-verbal du 17 octobre 2017, présentant donc une visibilité certaine, une série de mannequins, pour certaines habillées en «total denim», arborant en outre notamment un béret en simili cuir identique à celui omniprésent dans le défilé [D], alors que la société ZARA France ne commercialisait pas à l’origine ce béret, et un jean avec un rebord largement retroussé, très similaire à celui mis en avant dans le défilé [D], jean ensuite proposé à la vente. Si, comme le soulignent les sociétés ZARA et INDITEX, la totalité des modèles exposés ne reprennent pas ces codes, il n’en demeure pas moins que ceux les revêtant sont particulièrement mis en avant, notamment sur la première page, ou en gros plan ensuite. Et si les appelantes justifient avoir déjà présenté des éditos denim ou avoir présenté un cliché présentant deux mannequins portant un jean, coiffées d’un béret, il n’en demeure pas moins que les modèles présentés dans l’édito critiqué présentent une troublante ressemblance avec les pièces mises en avant dans le défilé déjà décrit. Il importe peu, à cet égard, que la société ZARA ne revendique pas avoir commercialisé à cette occasion une «collection» [O], dans la mesure où aucun fait de contrefaçon ne lui est reproché, mais uniquement d’avoir défini sa communication en s’inspirant de l’univers singulier choisi par la société [D], tout en proposant à la vente quelques modèles très proches de produits phares mis en avant par la maison de luxe et signalés par la presse spécialisée.

En outre, dans le cadre de cette même collection automne/hiver 2017, les sociétés ZARA et INDITEX ont proposé à la vente une série de vêtements (robe, tee-shirt, jupe marine et foulard) portant des imprimés s’inspirant des astres ou avec des tissus présentant pour certains un aspect transparent. De même, pour présenter leur collection automne/hiver au grand public, les appelantes ont mis en ligne un autre édito mettant en scène des clichés de mannequins vêtus de couleur sombre déambulant dans un univers blanc, dans une mise en scène très proche de celle d’un film réalisé par la société [D] pour promouvoir sa collection autonome/hiver, ayant donné lieu à des commentaires d’internautes soulignant la ressemblance de ces campagnes. Et, comme le relève la société [D], qui dans le cadre de sa campagne de publicité avait publié une vidéo réalisée par la styliste et photographe Maripol, à partir de clichés polaroïds pris dans les coulisses du défilé en mars 2017, l’édito [O] publié par la société ZARA est également composé d’une série de photos polaroïds illustrant certains des modèles [O] de sa collection.

Parallèlement à ces publications, les sociétés ZARA France et INDITEX ont également mis en ligne à la même époque que l’édito [O], un autre édito intitulé «GO RODEO» (constaté par procès-verbal du 22 septembre 2017) présentant une série de photographies avec des mannequins habillées de tenues inspirées du Far West, et portant des chapeaux caractéristiques, dans un décor de plaine désertique inspiré de l’ouest américain. La société [D] démontre que certains des modèles proposés à la vente dans la collection automne/hiver 2017 de ZARA, soit une robe à rayure, une robe en lin, un manteau Jacquard noir et blanc, un sweat-shirt orange/ocre à motif de type imprimé navajo avec une forme très singulière, outre un sac à main présentant des couleurs primitives, même s’ils n’en constituent évidemment pas une copie servile, présentent des ressemblances manifestes avec certaines des pièces iconiques ou des imprimés remarqués et mis en avant dans son défilé et dans sa communication pour les promouvoir.

À cet égard, il importe peu, comme le soutiennent les sociétés ZARA et INDITEX que le nombre de vêtements en cause soit modeste, au regard du très grand nombre d’autres pièces mises en vente sur leur site ou des autres éditos publiés, ou de leur mise en vente éphémère, puisqu’il n’en demeure pas moins que l’ensemble de ces pièces a été commercialisé à la même époque que les vêtements [D] et a fait l’objet d’une communication particulière et plus longue que celle déployée pour d’autres modèles, l’intention parasitaire se déduisant du cumul ainsi établi.

Si les sociétés ZARA et INDITEX reprochent à la société [D] d’avoir procédé à un montage autour de leur communication pour établir de toute pièce un comportement parasitaire de leur part, la cour constate que les deux éditos spécifiques «[O]» et «GO RODEO», qui, certes, ne constituent pas une «collection» en tant que telle et ne sont pas les seuls éditos mis en ligne, puisque d’autres ont également été présentés sur le site à la rentrée 2017, ont été cependant publiés ensemble sur une des pages du site internet ZARA en octobre 2017, immédiatement accessible pour le consommateur incité à les consulter dans la rubrique «Femme Editorial», un extrait de l’édito [O] apparaissant même sur la page de garde du site ZARA le 7 septembre 2017, donc de manière très visible pour le grand public, de sorte qu’ils ne peuvent être qualifiés de «supports visuels accessoires» comme le prétendent les intimées, qui précisent, en outre, avoir consacré de coûteuses dépenses pour leur réalisation.

Par ailleurs, si évidemment l’ensemble des modèles et les éditos ainsi incriminés des sociétés ZARA et INDITEX ne reproduit pas à l’identique les modèles [D] ou sa communication, il n’en demeure pas moins, que comme déjà mentionné, certaines des pièces particulièrement mises en avant sur ces supports sont très largement inspirées par les modèles phares des deux collections décrites. Et, en tout état de cause, la présentation de ces modèles dans le cadre de deux éditos spécifiques démontre que les sociétés ZARA et INDITEX ont entendu leur donner une audience particulière, en les faisant figurer en onglet en première page du site internet, sur son compte instagram, de même que la campagne publicitaire y afférente.

Ces constats permettent donc d’écarter le grief ainsi formulé par les sociétés appelantes quant au fait que la société [D] aurait procédé à des constats orientés et déloyaux.

De plus, les appelantes ne peuvent, pour contester les accusations de parasitisme et plus précisément la concomitance des actes en cause relevée par les premiers juges, soutenir de bonne foi, tout à la fois, que la communication de la société [D] autour de ses défilés et de ses collections serait bien antérieure aux agissements reprochés, et que ses éditos auraient été mis en ligne bien avant que la société [D] ne lance ses propres campagnes de communication pour la commercialisation de ses modèles, alors qu’il découle de cette chronologie que c’est d’abord la société [D] qui a présenté en mars et en mai 2017 ses deux collections de prêt-à-porter, et donc les modèles destinés à la vente pour la rentrée 2017, en communiquant déjà largement au travers des livres consacrés aux défilés, puis en lançant sa campagne de publicité dès juillet 2017, comme l’illustre son plan média du second semestre 2017, les éditos et modèles des appelantes ayant fait l’objet de procès-verbaux de constats postérieurs en septembre 2017, de sorte qu’il est incontestable que ce sont les sociétés ZARA qui se sont placées dans le sillage de la société [D].

En effet, comme l’ont souligné les premiers juges, il ressort de cette description chronologique que les sociétés ZARA ont profité d’abord de la présentation des collections, en amont de leur commercialisation, au printemps 2017, puis des campagnes de communication précédant et accompagnant leur mise en vente dans les boutiques [D], pour d’abord s’inspirer de certaines des tenues exposées, puis mettre en avant leurs propres vêtements inspirés de ces collections s’agissant tant des intentions, que des thèmes et du style, et les commercialiser à des prix plus bas, en boutique et sur le site internet, cette concomitance ne pouvant être considérée comme fortuite mais bien comme une stratégie intentionnelle des appelantes démontrant leur volonté de s’inscrire ainsi dans le sillage des investissements et de la communication réalisés par la maison [D].

La cour ne peut davantage suivre les sociétés ZARA et INDITEX lorsqu’elles affirment que les éléments versés par l’intimée n’attestent pas de la notoriété des défilés ou des collections en cause ou encore de leur rattachement aux yeux du public à la société [D], l’ensemble des éléments de preuve versés aux débat, et notamment les articles de la presse spécialisée, mais aussi généraliste ou encore les commentaires d’internautes attestant au contraire de leur retentissement et de leur importance dans le monde de la mode, auquel la société ZARA appartient également.

Par ailleurs, si, dans leurs écritures, les sociétés ZARA se livrent à une analyse isolée en détaillant un par un les agissements dénoncés par la société [D] pour les critiquer, les minimiser ou les banaliser, la cour rappelle que le parasitisme résulte d’un ensemble d’éléments pris dans leur globalité, de sorte qu’il ne peut être reproché au tribunal de commerce de s’être livré à une «appréciation d’ensemble» pour caractériser l’éventuel comportement fautif des appelantes.

Or, les faits dénoncés par la société [D] ne se limitent pas à des agissements isolés mais attestent de la reprise par les sociétés ZARA et INDITEX des caractéristiques mises en avant de deux de ses collections de mode successives portant sur la même saison automne/Hiver 2017 s’agissant de leur thématique singulière, de certains modèles de vêtements emblématiques, avec une communication et des codes visuels extrêmement proches, pour proposer leurs vêtements à la vente à la même période que la commercialisation de ces deux collections successives de prêt à porter [D]. En conséquence, les sociétés ZARA et INDITEX ne sont pas fondées à faire valoir que l’intimée s’arrogerait des droits privatifs sur des collections banales ou revendiquerait un monopole quant à certains vêtements ou mode de communication, seule l’accumulation telle que précisément décrite et portant sur deux collections distinctes mais présentées à la même période étant en cause en l’espèce.

Par ailleurs, le fait que la société ZARA justifie d’investissements pour créer ses vêtements et promouvoir ses collections ne saurait suffire à établir un comportement s’inscrivant dans le jeu de la libre concurrence, le parasitisme n’excluant pas, en soi, l’existence de dépenses effectuées par le parasite.

Ainsi, comme l’a justement rappelé le tribunal, si aucune de ces reprises, prise individuellement n’est en soi fautive, leur accumulation, qui ne peut être fortuite s’agissant de sociétés aguerries et reconnues du monde de la mode, caractérise la volonté manifeste des sociétés ZARA et INDITEX de s’inscrire dans le même univers que celui singulier, créé et renouvelé à l’occasion de ces deux collections, par la société [D] dont la notoriété est établie en France et dans le monde entier, comme synonyme du luxe et de l’élégance.

En procédant de la sorte, les sociétés ZARA et INDITEX se procurent indéniablement un avantage concurrentiel au détriment de la maison [D], puisqu’elles ont pu mettre sur le marché des modèles de vêtements et d’accessoires, en limitant leurs frais et le temps passé sur leurs créations, s’inspirant des thèmes abordés, des matières, des modèles, des imprimés, mais également de la communication déployée par la maison de haute couture, leur procurant ainsi des économies d’investissements substantielles et leur permettant de vendre leurs propres produits à moindre frais, tout en limitant l’aléa commercial, les appelantes bénéficiant, pour ce faire, d’un calendrier de commercialisation et de communication leur étant favorable, au détriment de la société [D], comme déjà relevé, leur permettant de créer ainsi un lien entre leurs collection et l’univers du luxe.

En conséquence, la cour retient, comme le tribunal, que l’ensemble de ces agissements caractérise, de la part des sociétés ZARA et INDITEX, un comportement parasitaire démontrant qu’elles ont voulu s’inscrire dans le sillage de l’intimée, à titre lucratif et injustifié, en se procurant un avantage concurrentiel, puisque bénéficiant tant des efforts de création de l’univers des produits de la société [D] que des investissements très importants consacrés par celle-ci pour faire connaître et promouvoir ses produits dans le créneau haut de gamme du luxe.

Le jugement dont appel doit dès lors être confirmé de ce chef.

Sur le préjudice et les demandes en cessation des actes

Sur la cessation de l’usage illicite

La société [D] sollicite l’obligation pour ZARA de cesser toute communication autour de ses collections « [O] EDITORIAL » et « GO RODEO », sur tous supports, y compris sur son site internet et ses réseaux sociaux ainsi que l’obligation de cesser la diffusion des deux films publicitaires sur tous supports. Elle fait valoir qu’il s’agit d’une demande très précise et que rien ne prouve que les films publicitaires litigieux ont été retirés du site de ZARA.

Les appelantes contestent ces demandes et soutiennent que ces mesures sont générales, les films publicitaires ne figurant, au demeurant plus aux adresses sur lesquelles elles étaient initialement diffusées: et .

Sur ce, s’il n’est plus justifié d’une commercialisation des produits mis en avant dans les éditos «[O] EDITORIAL» et «GO RODEO», l’intimée démontre cependant que certains des visuels y afférents et directement inspirés des campagnes de communication de la société [D] sont encore utilisés par les sociétés ZARA et INDITEX sur certaines pages internet ou sur leurs réseaux sociaux.

Il convient en conséquence d’ordonner la cessation de ces usages dans les conditions posées au dispositif, mesure proportionnée et non générale, puisque se référant uniquement à ces deux éditos, la cour rejetant en revanche la demande de la société [D] concernant la diffusion des deux films publicitaires de la société ZARA dont il n’est justifié d’aucun usage postérieur au jugement de première instance.

Sur le préjudice matériel de la société [L] [D] COUTURE:

Les appelantes contestent l’existence du moindre préjudice matériel subi par la société [D]. Elles font valoir que ne pouvant justifier ni de perte, ni d’un préjudice, la société [L] [D] COUTURE persiste à présenter un calcul de son préjudice virtuel en prenant en considération un pourcentage de 25% de ses investissements pour la promotion de ses collections, qu’elles auraient prétendument économisés, méthode nullement validée par les professionnels de la matière selon elles.

La société [L] [D] COUTURE soutient que, contrairement à ce qu’a décidé le tribunal, le préjudice matériel subi est réel et très important du fait du pillage massif dont elle a été victime, accentué par l’intensité de la communication et de la commercialisation litigieuse et la vaste implantation des sociétés ZARA en France et à l’étranger. Ce pillage entraîne, selon elle, une désaffection d’une partie de sa clientèle, qui associe le luxe à la rareté, et se détourne des produits copiés, qui font l’objet d’une commercialisation massive, au bénéfice de ZARA qui a, dans le même temps, limité ses investissements. Elle souligne que ce sont ces économies d’investissements qui constituent le fondement de ses demandes.

En l’espèce, s’il est constant que les collections de vêtements conçues par la société INDITEX puis commercialisées par la société ZARA France sont éphémères, n’étant proposées au public que sur une courte période de un à deux mois, et que les produits incriminés ne représentent que certains articles en nombre limité, parmi des milliers d’autres produits commercialisés par les sociétés appelantes, il n’en demeure pas moins qu’il est établi que celles-ci ont, de manière délibérée et concertée, profité de la valeur économique individualisée constituée par ces deux collections [D] successives et l’ensemble des investissements consentis pour les mettre en valeur, les promouvoir et les commercialiser, afin de communiquer selon les mêmes codes et thèmes, puis mettre en vente, de manière concomitante, des articles ciblés s’en inspirant directement, la cour rappelant que la preuve du préjudice subi en lien avec les agissements parasitaires n’est pas conditionnée à la diminution corrélative du chiffre d’affaires, au détournement caractérisé de la clientèle, ni même à la preuve d’un risque de confusion, élément au demeurant indifférent en matière de concurrence parasitaire.

Ces éléments sont confortés par la stratégie des sociétés ZARA et INDITEX de mettre en avant, de manière intense et ciblée, la communication autour de ces deux univers, alors qu’elles disposent d’une forte présence sur internet mais aussi d’un vaste réseau de magasins.

Par ailleurs, comme le souligne la société [D], ses clientes s’orientent vers ses produits à la fois pour leur qualité, la renommée de la marque mais aussi pour se distinguer, en arborant un vêtement original et rare, de sorte que l’offre à la vente massive des articles ZARA les détournera sans conteste des modèles [D] concernés offerts à la vente concomitamment comme déjà vu, faisant ainsi perdre à la société [D] le bénéfice d’une partie des investissements consentis pour les promouvoir.

De même, en s’inscrivant dans le sillage de la vaste campagne de publicité organisée par la société [D], les sociétés ZARA et INDITEX ont indûment profité d’un avantage concurrentiel, en mettant en scène et proposant à la vente des articles dont elles savaient qu’ils rencontreraient un succès auprès du public, limitant l’aléa économique et le risque d’échec de commercialisation inhérents à l’industrie saisonnière du textile, et ce d’autant plus que seuls certains articles phares ont été ciblés, et en minimisant également les dépenses en principe obligatoires pour les créer et les promouvoir.

Il n’appartient cependant pas à la cour, comme l’y incite la société [D] en versant aux débats des articles ou reportages stigmatisant la stratégie commerciale du groupe ZARA/INDITEX, de porter un jugement sur celle-ci ou de la prendre en compte pour fixer le quantum du préjudice subi, seuls les agissements précis démontrés et limités aux deux collections en cause, étant en débat dans la présente instance.

Dans ce contexte, la société [D] justifie d’investissements engagés à hauteur de 11.461.678 euros pour promouvoir sa collection Automne/Hiver 2017 et 9.626.613 euros pour la collection [D] CRUISE 2018, ne comprenant pas les frais de création et de conception des collections en elles-mêmes, comme déjà mentionné.

De leur côté, les sociétés ZARA et INDITEX justifient avoir investi 170.928 euros pour l’édito [O] et 157.215 euros pour l’édito GO RODEO, s’inscrivant dans une somme globale de 6.891.388 euros représentant les investissements consacrés à la communication au cours de l’ensemble de l’année 2017 pour l’ensemble de la collection ZARA Femme.

S’il ne peut évidemment être mis en perspective les dépenses nécessairement sans commune mesure engagées par la maison de haute couture [D] pour financer et promouvoir ses défilés et collections et en faire des événements spectaculaires contribuant, par ailleurs, à renforcer sa notoriété et sa marque, avec celles effectuées par les sociétés ZARA et INDITEX, appartenant au monde de la mode grand public avec des prix accessibles au plus grand nombre, il n’en demeure pas moins qu’en adoptant cette stratégie parasite pour sa saison de la rentrée 2017, et comme déjà relevé, les appelantes ont profité, au moins en partie de l’ensemble des dépenses ainsi consenties.

Au vu de cet ensemble d’éléments, il y a lieu de retenir que le préjudice matériel incontestablement subi par la société [D] du fait des agissements parasitaires des appelantes sera justement réparé par l’octroi d’une somme de 200.000€ au paiement de laquelle les sociétés ZARA France et INDITEX sont condamnées in solidum.

En conséquence, le jugement dont appel doit être infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société [D] relative à son préjudice matériel.

Sur le préjudice moral de la société [L] [D] COUTURE

Les appelantes soutiennent que neuf articles, sans rapport avec un modèle [D] identifié, pour un total HT de 298 euros, achetés uniquement entre le 7 septembre 2017 et le 17 octobre 2017, parmi des milliers d’articles de différents styles, dans un environnement commercial dédié à la marque ZARA, que le public connaît, sur le segment de marché qui est le sien, ne pouvaient conduire le tribunal à allouer une indemnité de 200 000 euros qui constitue, selon elles, un véritable enrichissement sans cause au regard des faits en cause et qu’il n’est pas explicité que ces neufs produits auraient pu porter atteinte à l’un quelconque des modèles [D] relevant de l’une ou l’autre des collections revendiquées. Elles insistent sur le fait que le tribunal ne peut, tout à la fois faire la démonstration du caractère anecdotique des faits reprochés, de leur durée particulièrement brève et de l’absence de toute mise en avant particulière sur le site www.ZARA.com/fr et, ensuite, condamner les sociétés ZARA FRANCE et INDITEX à réparer une prétendue banalisation.

L’intimée soutient que les actes parasitaires de la société ZARA entraînent nécessairement une dilution, un ternissement et une banalisation de la collection Automne/Hiver 2017 de [D], et de sa collection « [D] CRUISE 2018 », ainsi qu’une atteinte certaine à son image, ce qui lui cause un préjudice moral important. Elle sollicite à ce titre une somme de 5 millions d’euros.

Sur ce, il y a lieu de retenir que les agissements parasitaires déjà décrits ont nécessairement entraîné une dilution, un ternissement et une banalisation des deux collections [D] en cause, dont certains des modèles ont été en partie copiés, avec une moindre qualité, et vendus à bas coût et à grande ampleur par les sociétés ZARA France et INDITEX, présentées comme spécialistes de la «fast fashion». Ces agissements ont eu également des conséquences préjudiciables pour l’image de marque de la société [D], associée à l’univers du luxe, proposant des modèles rares et uniques, portant ainsi atteinte à sa réputation commerciale, aggravée par la campagne marketing et de communication orchestrée par les appelantes pour s’inscrire dans son sillage.

Ce préjudice est cependant à relativiser au regard des agissements qui ont été limités dans le temps et qui n’ont porté, selon les constatations opérées par la société [D], que sur neuf articles commercialisés par ZARA, et qui ont fait l’objet de deux éditos parmi d’autres mis en ligne à la même époque.

L’appréciation de l’ensemble de ces éléments, outre les données chiffrées déjà mentionnées, ne peuvent en conséquence conduire les appelantes à dénoncer une évaluation arbitraire déconnectée de toute réalité financière objective.

Le tribunal de commerce doit en conséquence être suivi lorsqu’il a reconnu que les agissements parasitaires des sociétés intimées ont causé un préjudice moral à la société [D] justement évalué à la somme de 200.000€.

Sur la demande de publication

Il convient de retenir que si les faits en cause sont désormais anciens puisque remontant à l’année 2017, ils portent néanmoins sur deux collections successives pour lesquelles la société [D] a consacré des sommes très conséquentes et que c’est une grande partie de sa stratégie de communication qui a été parasitée par les appelantes, qui, elles-mêmes, l’ont exploitée nécessairement à grande échelle sur leur site internet très consulté.

Il convient en conséquence de faire droit à la demande de publication présentée par la société [D] mais uniquement sur le site internet utilisé par les sociétés ZARA et INDITEX pour promouvoir et commercialiser leurs produits.

Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement dont appel de ce chef.

Sur la procédure abusive

Les appelantes sollicitent la condamnation de la société [D] en réparation de leur préjudice moral, suite à la procédure abusive qu’elles estiment avoir subi, soutenant qu’il s’agit de sanctionner la « présentation fallacieuse », les propos indélicats et l’intention de nuire de leur adversaire.

La société [D] conteste toute intention fautive de sa part et, ce, d’autant que le tribunal de commerce lui a donné partiellement raison.

La cour rappelle que l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’agir en justice est susceptible de constituer un abus. Or, les sociétés ZARA ne démontrent pas la faute commise par la société [D] qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, et ce d’autant qu’elle prospère en ses demandes.

Il convient en conséquence de débouter les sociétés ZARA France et INDITEX de leur demande et de confirmer le jugement dont appel de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les sociétés ZARA France et INDITEX, qui succombent, seront condamnées aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés directement par le cabinet Christophe CARON, en application de l’article 699 du code de procédure civile et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’elles ont exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge des sociétés INDITEX et ZARA France au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société [L] [D] en appel peut être équitablement fixée à 30.000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 23 novembre 2019, sauf en ce qu’il a :

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes tendant à la cessation de la communication contestée de la société ZARA FRANCE,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de sa demande de condamnation à des dommages et intérêts en réparation d’un préjudice matériel,

— Débouté la société [L] [D] COUTURE de ses demandes de publications,

Statuant à nouveau,

Condamne les sociétés ZARA France et INDITEX in solidum à verser à la société [L] [D] COUTURE la somme de 200.000€ en réparation du préjudice matériel subi,

Fait interdiction aux sociétés ZARA France et INDITEX de faire état, de quelque manière que ce soit, des visuels tels que figurant dans les présentations des éditos« [O] EDITORIAL » et « GO RODEO », sur tous supports, y compris sur son site internet et sur ses réseaux sociaux, passé le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée, et pendant une période de six mois,

Dit qu’il n’y a pas lieu à ce que la cour se réserve la liquidation de l’astreinte,

Ordonne la publication de l’extrait suivant « par arrêt du 1er février 2022, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris qui a condamné les sociétés INDITEX et ZARA France pour des faits de parasitisme commis au détriment de la société [L] [D] COUTURE et à leur verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis de ce chef» pendant une durée de 30 jours consécutifs, à compter de la signification du présent arrêt, en partie supérieure de la page d’accueil et visible sur un tiers minimum de cette page d’accueil, du site internet à l’adresse suivante: , sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

Y ajoutant,

Condamne les société INDITEX et ZARA France aux dépens d’appel, dont distraction au profit du cabinet Christophe CARON, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement à la société [L] [D] COUTURE de la somme de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 1, 1er février 2022, n° 20/03318