Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 11 janvier 2022, n° 19/07918

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 5, 11 janv. 2022, n° 19/07918
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/07918
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 20 mars 2019, N° 17/02998
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 5

ARRET DU 11 JANVIER 2022

(n° , 5 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/07918 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7XBZ


Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris – RG n° 17/02998


APPELANT

Monsieur X Y né le […] à Z A (Algérie),

[…]

[…]

représenté par Me Abderrazak BOUDJELTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D0094


INTIME

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de Monsieur LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE CIVIL

[…]

[…]

représenté à l’audience par Mme Marie-Daphné PERRIN, substitut général

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 novembre 2021, en audience publique, l’avocat de l’appelant et le ministère public ne s’y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE ARRET :


- contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.


- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.


Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 mars 2019 qui a constaté que les formalités de l’article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, déclaré que M. X Y, se disant né le […] à Z A (Algérie), est irrecevable à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française, dit que celui-ci est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012, ordonné la mention prévue par l’article 28 du code civil et condamné M. X Y aux dépens ;


Vu la déclaration du 13 avril 2019 et les conclusions, notifiées le 29 octobre 2019, de M. X Y qui demande à la cour de dire que l’appel est recevable, le dire fondé, infirmer le jugement, juger qu’il est français par filiation en application de l’article 17 du code de la nationalité, ordonner les mentions prévues par la loi et condamner le ministère public aux dépens ;


Vu l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 septembre 2021 qui a jugé irrecevables les conclusions du ministère public notifiées les 8 octobre 2019 et 13 avril 2021 ;

MOTIFS


Il est justifié de l’accomplissement de la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile par la production de l’accusé de réception, daté du 6 mai 2019, du courrier transmis par le conseil de M. X Y au ministère de la Justice.

M. X Y, se disant né le […] à Z A (Algérie), soutient que son arrière-grand-père, B Y, a été admis à la qualité de citoyen français par un jugement du tribunal civil d’Alger du 17 janvier 1930, que son grand-père, C Y, figurait sur le jugement d’admission, que son père, M. D Y, né le […] à […], a été jugé français par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 13 septembre 2013, et qu’il est donc lui-même français.


A la demande du ministère public, le jugement du 21 mars 2019 a retenu, en application de l’article 30-3 du code civil, que M. X Y est irrecevable à faire la preuve qu’il a la nationalité française par filiation. Le jugement a notamment retenu que M. X Y et son père, M. D Y, sont nés en Algérie et y ont toujours résidé, qu’il n’est pas allégué que ses ascendants auraient eu une résidence en France, que le délai cinquantenaire de fixation à l’étranger de M. D Y est échu le 3 juillet 2012, soit antérieurement au jugement du 13 septembre 2013, et qu’il n’est pas rapporté d’éléments d’une possession d’état de français de M. X Y et de son père acquise antérieurement à l’échéance du délai de cinquante ans visé par l’article 30-3.

M. X Y critique ce jugement du 21 mars 2019 en faisant valoir que son père a introduit son action déclaratoire de nationalité française devant le tribunal de grande instance de
Paris par un acte du 8 juin 2012 soit avant l’expiration, le 3 juillet 2012, du délai de cinquante ans visé par l’article 30-3. Il ajoute qu’il a effectué ses études en France et obtenu un master de l’université de Nice en 2018 et qu’il travaille régulièrement en France. Il indique par ailleurs que le priver de sa nationalité française constituerait une violation des articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.


Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler que :


- L’article 30-3 du code civil dispose que : « Lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera plus admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français » ;


- Le tribunal doit dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l’article 23-6 du code civil en déterminant la date à laquelle la nationalité française a été perdue ;


- Le délai d’un demi-siècle de résidence à l’étranger s’apprécie au jour de l’introduction de l’action déclaratoire de nationalité française ;


- La présomption irréfragable de perte de la nationalité française par désuétude édictée par l’article 30-3 du code civil suppose que les conditions prévues par le texte précité soient réunies de manière cumulative. L’application de l’article 30-3 du code civil est en conséquence, subordonnée à la réunion des conditions suivantes : l’absence de résidence en France pendant plus de 50 ans du parent français, l’absence de possession d’état de l’intéressé ou de son parent, non seulement de l’enfant lui-même mais également de son parent français, le demandeur devant en outre résider ou avoir résidé habituellement à l’étranger ;


- L’article 30-3 du code civil interdit, dès lors que les conditions qu’il pose sont réunies, de rapporter la preuve de la transmission de la nationalité française par filiation, en rendant irréfragable la présomption de perte de celle-ci par désuétude. Edictant une règle de preuve, l’obstacle qu’il met à l’administration de celle-ci ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l’article 122 du code de procédure civile, de sorte qu’aucune régularisation sur le fondement de l’article 126 du même code ne peut intervenir ;


- La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a dit, dans son arrêt rendu le 13 juin 2019 (pourvoi n°18-16.838, publié), que « la solution retenue par l’arrêt du 28 février 2018 (1ère Civ., pourvoi n° 17-14.239) doit, donc, être abandonnée ».


En l’espèce, M. X Y n’allègue pas que lui ou son père, né le […], à Alger ont résidé en France ou ont joui d’une possession d’état de Français. Il se borne à soutenir qu’il y aurait lieu de tenir compte, à propos de son père, de la date du 8 juin 2012 à laquelle il a saisi le tribunal de grande instance de Paris d’une action déclaratoire de nationalité, cette date étant antérieure à l’expiration le 3 juillet 2012 du délai cinquantenaire de l’article 30-3.


Toutefois, la circonstance que son père ait été déclaré français le 13 septembre 2013 par un jugement définitif est sans incidence sur l’acquisition de la désuétude, peu important qu’il ait saisi le tribunal le 8 juin 2012 avant l’expiration du délai de 50 ans. En effet, un tel jugement, qui constitue un titre de nationalité, ne suffit pas à caractériser une possession d’état de Français durant la période antérieure au 4 juillet 2012.


Les conditions de l’article 30-3 sont donc remplies concernant M. X Y ainsi que l’ont constaté à juste titre les premiers juges.
Par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. X Y, la détermination par un Etat de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination même au sens de l’article 14 de la convention européenne des droits de l’homme, dans la mesure où le droit à une nationalité est assurée, et les articles 8 et 14 de cette convention ne peuvent pas faire échec au droit de chaque Etat de déterminer les conditions d’accès à sa nationalité. De surcroît, M. X Y invoque ces dispositions sans indiquer concrètement en quoi l’application de l’article 30-3 du code civil porterait atteinte aux droits que lui garantit la convention, M. X Y n’indiquant pas les éléments qui porteraient selon lui atteinte à sa vie privée et familiale, faute de fournir d’éléments sur sa vie autres que ceux relatifs à l’obtention d’un diplôme et d’un travail en France, ou des éléments qui démontreraient l’existence d’une discrimination.


Le jugement sera cependant infirmé en ce qu’il a déclaré M. X Y irrecevable à faire la preuve, qu’il a par filiation, la nationalité française, l’article 30-3 du code civil n’édictant pas une fin de non-recevoir.


Il y a lieu de juger que M. X Y n’est pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française, qu’il est réputé l’avoir perdue à la date du 4 juillet 2012 et de constater son extranéité.


Les dépens seront supportés par M. X Y qui succombe en ses prétentions.

PAR CES MOTIFS


Constate que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,


Confirme le jugement en ce qu’il a constaté que les conditions de l’article 30-3 du code civil sont remplies à l’égard de M. X Y,


L’infirme pour le surplus,


Statuant à nouveau,


Dit que M. X Y, né le […] à Z A (Algérie), n’est pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française,


Dit que M. X Y est réputé avoir perdu la nationalité française le 4 juillet 2012,


Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil,


Condamne M. X Y aux dépens.


LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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