Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 4, 8 novembre 2023, n° 22/03606

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 4, 8 nov. 2023, n° 22/03606
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 22/03606
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 15 janvier 2020, N° 18/02665
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 13 novembre 2023
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Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 08 NOVEMBRE 2023

(n° /2023, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03606 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFNDX

Décision déférée à la Cour : Arrêt du 16 Janvier 2020 -Cour d’Appel de PARIS – RG n° 18/02665

APPELANTE

Madame [P] [B] épouse [I]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

INTIMEE

ASSOCIATION INTERCOMMUNALE DE PARENTS D’ENFANTS IN ADAPTÉS (AIPEI) représentée par son Président

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Arnaud DOUMENGE de la SELARL NERVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0131

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre

Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, greffier présent lors de la mise à disposition.

Rappel des faits, procédure et pretentions des parties

L’association intercommunale de parents d’enfants inadaptés (AIPEI) est une association à but non lucratif spécialisée dans la création et la gestion d’établissements localisés en Seine-Saint-Denis, destinés à l’accueil de personnes souffrant de handicap mental.

Une convention tripartite a été conclue le 5 octobre 1978 entre l’AIPEI, le ministère de l’Education nationale et le préfet du département de la Seine-Saint-Denis permettant la mise à disposition de personnels de l’éducation nationale pour assurer l’enseignement et la formation professionnelle au sein des établissements de l’AIPEI.

Mme [P] [B] épouse [I], née en 1953, fonctionnaire de l’Education nationale, a été affectée au sein de l’Institut médico-pédagogique (IMP) Le nid pour y exercer les fonctions de directrice d’établissement selon arrêtés ministériels des 8 juillet 1991 et 25 mai 1992.

Par courrier du 11 novembre 2002, le président de l’AIPEI a confié à Mme [P] [B] épouse [I] une mission complémentaire de directrice générale de l’association, parallèlement à ses fonctions de directrice de l’IMP Le nid.

A compter du 11 septembre 2012, elle s’est vu confiée une mission supplémentaire de remplaçante du directeur de la Maison d’accueil spécialisée durant son absence.

Par courrier recommandé du 28 juillet 2015, l’AIPEI écrivait à Mme [P] [B] épouse [I] avoir été avisée par le directeur académique adjoint qu’il lui avait notifié la fin de sa période d’affectation au sein de l’AIPEI à effet au 31 août 2015 au soir et que, dès lors que la cessation de sa mise à disposition résultait d’une décision de son administration d’origine, son départ ne s’inscrirait pas dans le cadre de licenciement.

Soutenant que son affectation au sein de l’AIPEI s’analysait en un contrat de travail de droit privé et que celui-ci avait été rompu abusivement, Mme [P] [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 8 décembre 2015 afin d’obtenir la condamnation de l’AIPEI à lui verser les sommes suivantes :

—  24.477,72 euros d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  2.447,72 euros d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

—  110.149,74 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

—  5.525,10 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires du 1er septembre 2014 au 31 août 2015 (210 heures) ;

—  5.525,10 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires du 1er septembre 2013 au 31 août 2014 (210 heures) ;

—  5.525,10 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires du 1er septembre 2012 au 31 août 2013 (210 heures) ;

—  94.829,28 euros au titre de la liquidation du compte épargne temps ;

—  3.643,10 euros au titre de la réévaluation de l’indemnité de logement :

—  110.149,74 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  36.716,58 euros au titre de la liquidation du compte épargne temps ;

—  95.701,83 euros d’indemnité pour travail dissimulé :

—  3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— les intérêts au taux légal de ces sommes.

Elle demandait en outre la remise du solde de tout compte rectifié, des bulletins de salaires conformes du 1er septembre 2012 au 31 août 2015, à peine d’une astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement

L’AIPEI s’est opposée à ces prétentions et a sollicité la condamnation de Mme [P] [B] à lui verser la somme de 3.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 17 octobre 2017, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Bobigny a débouté les parties de leurs demandes respectives et a condamné Mme [P] [B] aux éventuels dépens de la présente instance.

Par déclaration du 8 février 2018, Mme [P] [B] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 16 janvier 2020, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement, sauf en ce qu’il a débouté Mme [P] [B] de ses demandes de paiement d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé, a dit que la relation contractuelle entre Mme [P] [B] et l’AIPEI s’analysait comme un contrat de travail relevant du droit commun et a condamné l’AIPEI à payer à Mme [P] [B] épouse [I] les sommes suivantes :

—  40.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  115.368 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  25.637 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 2.563,70 euros d’indemnité de congés payés sur préavis ;

—  76.551,58 euros brut au titre de la liquidation du compte épargne temps,

—  3.643,10 euros au titre de l’indemnité de logement,

—  1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d’appel.

— avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation s’agissant des condamnations de nature salariale et à compter du présent arrêt s’agissant des condamnations de nature indemnitaire,

La cour a ordonné à l’AIPEI de remettre à Mme [P] [B] un reçu pour solde de tout compte, des bulletins de salaire pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015 et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision.

Elle a condamné l’AIPEI à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [P] [B] dans la limite de 3 mois,

Elle a condamné l’AIPEI aux entiers dépens et autorisé la SCP Saidji et Moreau à recouvrer contre la partie condamnée ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Sur pourvoi de l’AIPEI, la Cour de cassation a par arrêt du 2 février 2022, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a cassé et annulé l’arrêt du 16 janvier 2020, mais seulement

1) en ce qu’il a condamné l’AIPEI à payer à Mme [P] [B] les sommes de :

—  40.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  115.368 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  25.637 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  2.563,70 euros à titre de congés payés afférents.

2) en ce qu’il a ordonné à l’AIPEI de remettre à Mme [P] [B] un reçu pour solde de tout compte, des bulletins de salaire pour la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015 et une attestation Pôle emploi rectifiés,

3) en ce qu’il a condamné l’AIPEI à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [P] [B] dans la limite de trois mois

4) et en ce qu’il a débouté Mme [P] [B] de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé,

Par déclaration du 1er mars 2022, la cour d’appel de Paris a été saisie comme cour de renvoi.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 janvier 2023, Mme [P] [B] épouse [I] demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau, de condamner l’AIPEI à payer à Mme [P] [B] les sommes suivantes :

—  115.368 euros indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

—  115.368 euros indemnité conventionnelle de licenciement

—  25.637 euros d’indemnité de préavis ;

—  2.563,70 euros d’indemnité de congés payés sur préavis

—  16.575 euros d’arriérés d’heures supplémentaires non payés ;

-38.456 euros indemnité pour travail dissimulé ;

—  6 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

—  6 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel ;

— avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2015, date de la saisine du conseil de prud’hommes de Bobigny pour les sommes ayant la nature de salaires et à compter du prononcé de l’arrêt d’appel du 6 janvier 2020 pour les sommes ayant une nature indemnitaire,

La salariée prie la cour de condamner l’AIPEI, sous astreinte de 100 euros, par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l’arrêt à intervenir, à lui remettre une attestation Pôle Emploi faisant mention du «licenciement» comme motif de rupture, un reçu pour solde de tout compte et les bulletins de paie rectifiés sur la période du 1er septembre 2012 au 31 août 2015,

Elle demande le rejet des demandes de l’AIPEI et sa condamnation aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Maître Francine HAVET, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses uniques conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juin 2022, l’AIPEI demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, de débouter Mme [P] [B] épouse [I] de toutes ses demandes et de la condamner au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 14 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 : Sur la rupture

Mme [P] [B] épouse [I] soutient que la rupture s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que c’est bien l’AIPEI qui en est à l’origine, car elle a manoeuvré auprès de l’administration pour mettre fin à la mise à disposition de son agent, afin de faire l’économie d’un licenciement à son initiative.

L’AIPEI répond que le directeur académique devait mettre fin à mise la déposition en ce que l’Agence Régionale de Santé désignée sous le sigle ARS lui avait demandé de mettre fin à l’affectation de la salariée à la direction de l’IMP Le Nid, ce qui impliquait la fin de la mission complémentaire de la salariée de direction générale. Elle en déduit que dès lors qu’elle n’a pas pris l’initiative de la fin de la mise à disposition, il ne s’agissait pas d’un licenciement.

Sur ce

Vu les articles L. 121-1 et L. 1231-1 du Code du travail et les articles 41, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991 et 44 dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-148 du 2 février 2007, de la loi n° 84-16 frais irrépétibles 11 janvier 1984 portant diverses dispositions statutaires à la fonction publique de l’Etat :

Il résulte de ces textes que lorsque l’organisme privé, auquel le fonctionnaire a été mis à sa disposition pour y accomplir un travail lié par un contrat de travail, prend l’initiative de mettre fin à la mise à disposition, cette rupture s’analyse comme un licenciement.

Postérieurement aux arrêtés ministériels des 8 juillet 1991 et 25 mai 1992, Mme [P] [B] épouse [I] a été affectée dans le cadre d’une mise à disposition par le ministère de l’Education Nationale au sein de l’AIPEI, comme directrice de l’Institut médico-pédagogique Le Nid.

Cela vaut contrat de travail entre l’AIPEI et Mme [P] [B] épouse [I].

Dans ce cadre, par lettre du 11 novembre 2002, il lui était confié 'parallèlement’ à la direction de l’IMP, une mission de direction générale. Par note cosignée par la salariée et l’AIPEI le 11 septembre 2012, il était convenu que :

— 'Durant l’absence du directeur de la Maison d’accueil spécialisée la directrice générale assure, en plus des autres tâches définies ci-avant, la responsabilité générale de la MAS, la coordination de l’équipe des cadres, l’ensemble des tâches administratives, le contrôle des dépens et la préparation des budgets’ ;

— en contre partie de ce surcroît de travail, Mme [I] percevra une indemnité de 300 points de la convention collective'.

Par courrier de l’Agence Nationale de Santé auquel se réfère la lettre du 22 juin 2015 adressée à Mme [P] [B] épouse [I] par l’inspecteur d’académie, ladite agence a demandé de mettre fin à l’affectation de la salariée à l’IMP Le Nid.

Ladite lettre du 22 juin 2015, a notifié en conséquence à la salariée la fin de sa mise à disposition et lui a proposé des missions d’encadrement et de direction en milieu scolaire.

Dés lors que l’Administration à mis fin à la mise à déposition, ce n’est pas l’AIPEI qui a pris l’initiative de la rupture de la salariée et celle-ci ne saurait par suite s’analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il n’est pas démontré que l’administration a manoeuvré pour mettre fin de la mise à disposition, ce qui en tout état de causes est sans effet sur la solution du litige.

Mme [P] [B] épouse [I] sera donc déboutée de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis et d’indemnité de congés payés y afférents.

Par conséquent, il n’y a pas lieu d’ordonner la délivrance d’une attestation Pôle Emploi et d’un solde de tout compte, qui doivent être remis à l’issue d’un licenciement, ni le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi.

Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires

Mme [P] [B] épouse [I] sollicite l’allocation de la somme de 16 575 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires effectuées entre le 1er septembre 2012 et le 31 août 2015 correspondant à 210 heures de moyenne annuelle.

L’AIPEI oppose que la salariée ne fournit aucun élément précis à l’appui de sa demande, qu’elle n’a déclaré qu’un faible nombre d’heures supplémentaires au cours de l’exécution du contrat de travail et qu’elle calcule son nombre moyen annuel d’heures supplémentaires de 210 heures sans tenir compte des congés et des d’absences non déclarées.

Sur ce

En application des articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L’article L.3121-36 du même code prévoit que, à défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l’article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et 50% pour les suivantes.

Aux termes de l’article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu’ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.

Par ailleurs, même en l’absence d’accord exprès, les heures supplémentaires justifiées par l’importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l’accord tacite de l’employeur, qui ne pouvait en ignorer l’existence et qui ne s’y est pas opposé, doivent être payées.

L’absence de réclamation par la salariée de ses heures supplémentaires pendant l’exécution de son contrat de travail ne permet pas de déduire qu’elle n’en a pas effectuées au-delà des quelques heures qui lui ont été payées.

Mme [P] [B] épouse [I] produit :

— des courriels qui lui ont été envoyés mais surtout qu’elle a écrits elle-même, entre février et juin 2015, tard le soir voire les fins de semaine pour les besoins du travail ;

— trois attestations de salariés de l’AIPEI qui témoignent de sa présence à l’établissement fréquemment après 19 heures voire 22 heures, ou les fins de semaine et sa disponibilité pour intervenir en cas d’urgence sur place, du fait de la proximité de son domicile.

Ainsi elle donne des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Celui-ci objecte à juste titre que selon ses 'suivis de congés’ elle a bénéficié de ceux-ci à hauteur de 62 jours de congés en 2013 et de 29 jours en 2015.

Le cumul des tâches de la salariée, qui s’est vu ajouter à ses fonctions initiales de directrice de l’IMP une mission de direction générale, impliquait nécessairement qu’elle effectuât des heures supplémentaires.

Il résulte de l’ensemble des pièces du dossier, qu’il doit être retenu des heures supplémentaires à hauteur d’une rémunération, majoration comprise, de 10 000 euros.

Il lui sera donc alloué ce montant outre 1 000 euros d’indemnité de congés payés y afférents.

Il sera ordonné la remise d’une feuille de paie conforme à cette décision, dans les conditions déterminées au dispositif, sans qu’il soit nécessaire de fixer une astreinte.

Sur l’indemnité de travail dissimulé

Mme [P] [B] épouse [I] sollicite la condamnation de la partie adverse à lui payer la somme de 38 456 euros d’indemnité de travail dissimulé, au motif que l’AIPEI connaissait les heures de travail de la salariée et leur amplitude.

L’AIPEI objecte qu’elle ignorait ses heures supplémentaires, que la salariée n’en avait pas demandé le paiement au cours de l’exécution du contrat de travail et que la salariée elle-même ne les mentionnait pas sur les préparations de salaires qu’elle établissait mensuellement.

Sur ce

L’article L8221-5 du code du travail dispose qu’est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L’article 8223-1 du code du travail dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Le montant de cette indemnité doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six mois précédant la rupture du contrat.

En l’absence d’information sur le fonctionnement administratif de l’association, il ne peut être déduit des seules heures supplémentaires l’intention de l’employeur de se soustraire à ses obligations de déclaration, notamment en ne les mentionnant pas sur les bulletins de paie.

Par suite la demande d’indemnité en question sera écartée.

Sur les intérêts, l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.

Il est équitable au regard de l’article 700 du code de procédure civile de condamner l’employeur qui succombe partiellement à payer à Mme [P] [B] épouse [I] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour les mêmes motifs, l’AIPEI sera déboutée de ces chefs et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Statuant sur les demandes de Mme [P] [B] épouse [I] : en paiement d’une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’une indemnité conventionnelle de licenciement, d’une indemnité de préavis et d’une indemnité de congés payés y afférents ; aux fins de remise d’un solde de tout compte, de bulletins de salaire et d’une attestation Pôle Emploi ; et enfin sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi, de rappel de salaire pour heures supplémentaires et sur l’indemnité de congés payés y afférents ;

INFIRME le jugement déféré sur ces points, sauf sur les demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et de délivrance d’un bulletin de paie.

CONDAMNE l’AIPEI à payer à Mme [P] [B] épouse [I] la somme de 10 000 euros de rappel de salaire pour heures supplémentaires, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’AIPEI de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes ;

ORDONNE la délivrance par l’AIPEI dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt d’un bulletin de paie conforme à celui-ci, sans fixation d’une astreinte ;

Y ajoutant ;

CONDAMNE l’AIPEI à paye à Mme [P] [B] épouse [I] la somme 1 000 euros d’indemnité de congés payés afférents à la rémunération sur heures supplémentaires, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l’AIPEI de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes ;

CONDAMNE l’AIPEI à paye à Mme [P] [B] épouse [I] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande l’AIPEI au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de délivrance d’une attestation Pôle Emploi ;

DIT n’y avoir lieu à remboursement par Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à Mme [P] [B] épouse [I] à la suite de la rupture ;

CONDAMNE l’AIPEI aux entiers dépens ;

Le greffier Le président de chambre

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