Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 11 janvier 2024, n° 21/09637

  • Magasin·
  • Discrimination·
  • Grossesse·
  • Sociétés·
  • Congé parental·
  • Licenciement·
  • Contrat de travail·
  • Résiliation·
  • Harcèlement moral·
  • Contrats

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 5, 11 janv. 2024, n° 21/09637
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 21/09637
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 13 octobre 2021, N° 16/000946
Dispositif : Autre
Date de dernière mise à jour : 19 janvier 2024
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 11 JANVIER 2024

(n° 2024/ , 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09637 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWKA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Octobre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 16/000946

APPELANTE

Madame [B] [I]

[Adresse 2]

[Localité 4]

née le 11 Juillet 1980 à [Localité 7]

Représentée par Me Avi BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : P339

INTIMEE

S.A.S. CYRILLUS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Michel GUIZARD, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Catherine BRUNET dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

— CONTRADICTOIRE,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [B] [I] a été engagée par la société Cyrillus ( ci-après la société) par un contrat de travail à durée indéterminée du 24 novembre 2011 en qualité de responsable de magasin, statut cadre, ce à compter du 9 février 2012.

Ce contrat stipule une clause de mobilité.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d’habillement.

La société Cyrillus occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre du 16 août 2012, la société a demandé à Mme [I] de justifier de ses absences des 29 et 30 juin matin, des 7, 11, 14, 21, 24, 26, 27 et 28 juillet 2012.

Par courrier du 31 août 2012, Mme [I] a répondu à cette demande. Elle a indiqué dans ce courrier : ' Cela aurait-il un rapport avec le fait que ma Directrice ait justement été prévenue toujours pendant mon absence pour congés d’été que j’étais ' en état de grossesse ' alors que j’avais l’intention bien-sûr de lui dire également à mon retour (…).Je me permets de profiter de cette lettre pour vous signaler également, comme vous devez le savoir qu’ayant entamé mon 4ème mois de grossesse le 02/08 dernier, je peux récupérer 30 minutes par journée de 8 heures travaillées (…). '

Elle a été convoquée par lettre remise en mains propres le 18 septembre à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire, fixé au 26 septembre 2012.

Le 19 septembre 2012, Mme [I] a été victime d’un malaise sur son lieu de travail donnant lieu à l’établissement d’un certificat médical d’accident du travail mentionnant : ' Anxiété/malaise vagal chez patiente enceinte (…) '.

Mme [I] a été placée en arrêt de travail à compter du 20 septembre et jusqu’à son congé maternité.

Par lettre du 12 octobre 2012, la société lui a notifié un avertissement au motif d’absences injustifiées des 21, 24, 26, 27 et 28 juillet, 15 septembre 2012 ainsi que d’un non-respect des délais de prévenance en matière d’arrêt de travail.

A l’issue de son congé maternité, Mme [I] a bénéficié d’un congé parental d’éducation.

Par lettre du 14 décembre 2015, elle a avisé la société de sa reprise du travail le 17 janvier 2016 et a souhaité connaître les modalités de cette reprise.

Par courrier du 23 décembre, la société lui a communiqué un rendez-vous à la médecine du travail et lui a indiqué qu’elle serait reçue en entretien par la responsable régionale, le même jour lundi 18 janvier 2016, ' afin de partager les modalités de (son) retour. '

La société lui a soumis un avenant à son contrat de travail stipulant qu’elle exercerait dorénavant ses fonctions de responsable de magasin à [Localité 9].

Mme [I] a refusé de le signer.

Le 19 janvier 2016, Mme [I] a été placée en arrêt maladie jusqu’au 23 janvier suivant au motif notamment d’un ' stress au travail '. Cet arrêt a été prolongé à plusieurs reprises.

Le 28 janvier 2016, Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris aux fins de résiliation de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le 8 avril 2016, Mme [I] a informé la société de son état de grossesse. Elle a été placée en congé maternité puis a bénéficié d’un congé parental d’éducation.

Mme [I] a saisi le Défenseur des droits d’une réclamation. Par courrier du 31 juillet 2018, il a rappelé à la société les dispositions législatives en vigueur et lui a demandé de prendre toutes les mesures nécessaires pour les respecter à l’avenir.

Par courrier du 12 septembre 2018, la société a contesté l’analyse de la situation effectuée et a assuré le Défenseur des droits de son attention et de sa vigilance quant aux situations de harcèlement et de discrimination.

Par courrier du 28 août 2019, Mme [I] a informé la société de la reprise de son travail au 30 septembre 2019.

Par lettre du 9 septembre 2019, la société lui a indiqué qu’elle allait être convoquée par le service de santé au travail et lui a fixé un rendez-vous avec M. [F], responsable régional, le 20 septembre. Elle lui a également précisé qu’elle lui proposait d’occuper en binôme le poste de responsable de magasin dans un magasin à [Localité 6] ou dans un magasin sur le site de [Localité 5] à [Localité 8].

Mme [I] a été placée en arrêt de travail pour maladie le 19 septembre 2019 jusqu’au 17 octobre 2019.

A l’issue d’une visite de reprise le 16 mars 2020, le médecin du travail a déclaré Mme [I] inapte en un seul examen et a précisé : ' une activité similaire, à temps partiel, sur le magasin le plus proche de son domicile pourrait constituer une piste pour un éventuel reclassement. La salariée peut bénéficier d’une formation compatible avec ses capacités restantes sus-mentionnées .'

Par courrier du 30 juin 2020, la société Cyrillus a indiqué à Mme [I] qu’aucun poste de responsable de magasin n’était disponible et lui a transmis plusieurs propositions de reclassement sur d’autres postes dans différents magasins qui ont été refusées par la salariée.

Mme [I] a été convoquée le 17 juillet 2020 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement fixé au 5 août 2020.

Elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre du 10 août 2020.

Par jugement du 14 octobre 2021 rendu en formation de départage auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme [I] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 19 novembre 2021.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 28 juillet 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [I] demande à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, l’a condamnée aux dépens et a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

— prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société ;

— dire et juger que la résiliation produit les effets d’un licenciement nul et subsidiairement, d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

— condamner la société à lui verser :

* 7 929 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 792 euros pour les congés payés afférents,

* 31 716 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (12 mois de salaire), ou subsidiairement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

A titre subsidiaire,

— requalifier son licenciement pour inaptitude en licenciement nul ;

En conséquence,

— condamner la société à lui verser :

* 7 929 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 792 euros pour les congés payés afférents,

* 31 716 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul (12 mois de salaire) ;

A titre infiniment subsidiaire,

— requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

— condamner la société à lui verser :

* 7 929 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 792 euros pour les congés payés afférents,

* 31 716 euros au titre de l’indemnité légale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause,

— condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour discrimination,

* 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des manquements à l’obligation de sécurité,

* 3 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure ivile ;

— condamner la société aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels de signification et d’exécution ;

— condamner la société à lui verser les intérêts au taux légal sur ces sommes, à compter de l’acte introductif d’instance et ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 août 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Cyrillus demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté Mme [I] de l’ensemble de ses demandes,

* condamné Mme [I] aux dépens ;

— infirmer le jugement en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence,

— juger que Mme [I] n’a été victime d’aucune discrimination sur quelque fondement que ce soit ;

— juger que Mme [I] n’a été victime d’aucune situation de harcèlement moral ;

— juger que la société n’a jamais exécuté le contrat de travail de Mme [I] de façon déloyale et n’a jamais manqué à son obligation de sécurité ;

— juger qu’elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement ;

— juger qu’aucun grief grave ne peut être reproché à l’employeur qui justifierait d’accueillir une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

— débouter Mme [I] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes ;

— juger que le licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de reclassement de Mme [I] est parfaitement fondé ;

— débouter Mme [I] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

— condamner Mme [I] aux entiers dépens d’instance ;

Statuant à nouveau,

— condamner Mme [I] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures tant de première instance que d’appel.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2023.

MOTIVATION

Sur la discrimination

Mme [I] soutient qu’elle a été victime d’une discrimination en raison de son état de grossesse et de son congé parental d’éducation au cours de deux périodes disctinctes.

Sur la discrimination en raison de son état de grossesse

S’agissant d’une discrimination en raison de son état de grossesse, Mme [I] soutient que la chronologie est éloquente dès lors que jusqu’à l’annonce de son état de grossesse, elle était félicitée pour son travail et percevait des primes et qu’après cette annonce, elle a fait l’objet d’une mise en demeure s’agissant d’absences, sa supérieure hiérarchique n’a pas cessé de lui faire des reproches, de formuler des remarques infondées ce qui a créé un climat délétère ce dans le but de la pousser à la faute ou à la démission, la présence d’un tiers lui a été imposée pendant plusieur jours, elle a été empêchée de recruter des vendeuses, l’écran de video surveillance placé dans son bureau a été déplacé et un avertissement lui a été notifié. Elle fait valoir que dans son avis, le Défenseur des droits a considéré que la société avait manqué à ses obligations.

La société conteste toute discrimination en raison de l’état de grossesse de Mme [I] et fait valoir qu’elle n’a été avertie de cet état que le 31 août 2012.

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son sexe, de sa situation de famille ou de sa grossesse.

L’article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Mme [I] affirme que la société était informée de son état de grossesse car elle en a fait part à ses collègues peu avant ses congés estivaux et que ceux-ci en ont informé sa hiérarchie.

A l’appui de cette affirmation, elle produit aux débats deux attestations de Mme [U] [K], conseillère de vente, qui relate les circonstances du malaise dont a été victime Mme [I] le 19 septembre 2012 et qui indique : ' (…) elle était mal à cause de la pression qu’elle subissait en magasin depuis que sa grossesse avait été révélée alors qu’elle était absente (…) '. Outre que ces attestations ont été établies six et neuf ans après les faits, ces écrits sont insuffisamment circonstanciés pour retenir que la société a été informée de l’état de grossesse de Mme [I] pendant ses congés.

Si Mme [I] affirme dans un mail du 19 septembre 2012 avoir adressé à la société le 18 août une lettre recommandée réceptionnée le 21 août contenant une attestation de grossesse, elle n’en justifie pas dans le cadre du présent contentieux.

Dès lors, il convient de retenir comme l’ont fait les premiers juges que la société a été informée de son état de grossesse par sa lettre du 31 août 2012.

Sur la lettre du 16 août 2016

A cette date, la société n’avait pas connaissance de son état de grossesse de sorte que ce fait ne peut pas être en lien avec une discrimination à ce titre.

Au surplus, la cour remarque qu’il s’agit d’une demande de justifier d’absences ce qui relève du pouvoir de direction de l’employeur.

Sur les reproches et remarques de Mme [A]

Mme [I] ne produit aucun élément à ce titre hormis la lettre du 16 août 2016. Dès lors, ce fait n’est pas établi.

Sur le fait de lui imposer un tiers

Mme [I] allègue que la société a imposé la présence d’une personne prénommée [O] pendant plusieurs jours. Elle produit à ce titre un mail du mardi 11 septembre 2012 de Mme [A] l’informant que ' [O] ' sera présent sur le magasin le lendemain matin, le vendredi et le samedi ainsi qu’un mail qu’elle a adressé le 19 septembre 2012 à Mme [G], responsable des ressources humaines, dans lequel elle indique : ' Ce matin [E] était encore une fois sur mon magasin avec [O] auquel j’ai demandé ce qu’il faisait là. Celui-ci m’a répondu que [E] lui avait demandé hier soir d’être présent aujourd’hui parce que [H] n’était pas là. Or elle est en RH. Quand j’ai demandé à [E] pourquoi [O] était là et s’il allait rester, celle-ci m’a répondu que oui parce que l’enjeu de notre promotion en cours (qui a officiellement démarré ce matin) était trop important. (…) '. Elle ajoute : ' Est ce pour me pousser à partir ' Suis-je devenue incompétente en l’espace d’un mois ' Comment se fait-il qu’on ne m’ait jamais envoyé de renfort comme cela pendant nos promotions passées ' Est ce que leur enjeu n’avait pas la même importance ' '.

La présence de cette personne est constante. La cour retient en conséquence que ce fait est établi.

Sur le fait de l’avoir empêchée de recruter des vendeuses

Mme [I] affirme que Mme [A] l’a empêchée de recruter certaines vendeuses. Elle produit à ce titre un ' SMS ' d’une personne dénommée Tania qui indique ' Oui… Je ne sais pas Pk elle vous perde du temps a passer des entretiens si elle ne veut pas prendre les gens que vous choisissez.' Cet écrit n’est pas suffisamment circonstancié et la cour retient en conséquence que ce fait n’est pas établi.

Sur le retrait de l’écran de vidéo surveillance

Mme [I] produit à ce titre un mail de sa part du 19 septembre 2012 demandant des explications et indiquant que cet écran lui était utile pour procéder à des licenciements.

Ce fait est constant et reconnu par la société.

Sur l’avertissement

Mme [I] fait valoir qu’elle a justifié de ses absences par son courrier du 31 août ainsi que par un mail du 19 septembre 2012 qu’elle produit aux débats et qu’elle a transmis le certificat médical initial d’accident du travail le 21 septembre 2012.

La cour retient qu’hormis pour ce qui concerne la lettre du 16 août 2012, l’existence de reproches et de remarques de Mme [A] et le fait de l’avoir empêchée de recruter des vendeuses, Mme [I] présente des éléments de fait qui pris dans leur ensemble laissent supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte en raison de son état de grossesse. Au vu de ces éléments, il incombe à la société de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Sur le fait d’imposer un tiers à Mme [I]

La société reconnaît cette présence pendant trois jours. Elle indique qu’il s’agit de M. [O] [X], directeur des magasins de commerce, et expose que le seul but de sa présence était d’assurer un management permanent à l’occasion d’une opération commerciale à fort enjeu liée à la période de rentrée des classes. Elle fait valoir que compte tenu de l’importance de ce magasin pour l’enseigne, la présence de M. [X] pour renforcer les équipes n’était pas anormale.

La cour constate que la société ne produit aucun élément de nature à justifier la présence du directeur des magasins dans le magasin pendant trois jours comme des éléments chiffrés sur l’importance de la phase commerciale, le chiffre d’affaires du magasin comparativement aux autres magasins et surtout, l’existence d’une pratique quant à la présence de ce directeur dans les autres magasins de l’enseigne.

Dès lors, la cour retient que la société ne justifie pas par des éléments objectifs le fait qu’elle ait imposé à la salariée la présence d’un directeur alors qu’elle avait la responsabilité du magasin.

Sur le retrait de l’écran de vidéo surveillance

La société reconnaît que cet écran a été retiré mais ne fournit pas d’explication à ce titre. Elle fait valoir que cela ne peut pas constituer une discrimination.

Cependant, il est établi que Mme [I] disposait dans son bureau d’une écran lui permettant de surveiller le magasin ce qui relevait de ses attributions de responsable de cette boutique.

La cour constate que la société ne justifie pas de cette décision de retrait par des éléments objectifs.

Sur l’avertissement

Aux termes de cette sanction, la société reproche à Mme [I] des absences injustifiées les 21, 24, 26, 27 et 28 juillet, 15 septembre 2012 ainsi qu’un non-respect des délais de prévenance en matière d’arrêt de travail.

Elle fait valoir que ces absences sont avérées au vu de la lettre du 31 août et du mail du 19 septembre 2012 de la salariée ce qui est exact, Mme [I] reconnaissant ne pas être venue sur son lieu de travail et ne pas avoir sollicité d’autorisation d’absence auprès de son employeur.

La cour relève que la société n’évoque pas dans ses écritures le non-respect d’un délai de prévenance en matière d’arrêt de travail et ne produit aucun élément objectif à ce titre de sorte que sur ce point, elle ne justifie pas de sa décision par des éléments objectifs.

En conséquence, la cour constate qu’immédiatement après l’annonce de son état de grossesse, Mme [I] a fait l’objet de mesures de la part de son employeur (présence d’un directeur pendant trois jours dans le magasin, retrait d’un outil de travail, avertissement pour un fait non avéré) que la société ne justifie pas par des éléments objectifs.

Dès lors, la cour retient qu’elle a été victime d’une discrimination en raison de son état de grossesse.

Sur la discrimination en raison de son congé parental d’éducation

Mme [I] soutient qu’elle a fait l’objet d’une discrimination en raison de son congé parental d’éducation à la reprise de son travail à l’issue de celui-ci soit au mois de janvier 2016. Elle fait valoir que sans délai de prévenance, la société lui a demandé de signer un avenant à son contrat de travail stipulant comme lieu de travail un magasin à [Localité 9] pour un emploi d’adjointe à la responsable de magasin ce qui constitue selon elle une rétrogradation. Elle affirme que la société n’a pas justifié de ce que son poste initial n’était plus disponible de sorte que la clause de mobilité ne pouvait pas être mise en oeuvre. Elle ajoute que cette affectation ne lui aurait pas assuré une rémunération équivalente dans la mesure où les différentes primes variables qu’elle percevait auparavant liées à la taille du magasin et au volume des ventes, n’auraient pas été équivalentes. Elle soutient également que la société a mis en oeuvre de manière abusive la clause de mobilité en ne respectant pas un délai de prévenance pour un poste situé à 1h30 de son domicile et incompatible avec sa vie de famille alors qu’elle était mère de deux enfants en bas âge dont un atteint d’une pathologie impliquant qu’elle puisse venir le chercher rapidement à l’école en cas de difficulté, situation dont la société était informée.

La société conteste toute discrimination en soutenant en premier lieu que le congé parental d’éducation n’est pas un motif de discrimination dicté par les dispositions de l’article L. 1132-1 du code du travail. Elle fait valoir en second lieu que la salariée devait retrouver soit son emploi précédent soit un poste similaire ; que le poste antérieur était pourvu par une nouvelle responsable de magasin et que le poste de responsable de magasin à [Localité 9] constituait un emploi similaire.

Aux termes de l’article L. 1225-55 du code du travail, à l’issue du congé parental d’éducation ou de la période de travail à temps partiel ou dans le mois qui suit la demande motivée de reprise de l’activité initiale mentionnée à l’article L. 1225-52, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente.

Le fait de ne pas fournir à une salariée au retour d’un congé parental d’éducation, un emploi similaire à celui qu’elle occupait précédemment peut laisser supposer l’existence d’une discrimination indirecte en raison du sexe.

En l’espèce, à l’appui de son allégation à ce titre, Mme [I] produit :

— la lettre qu’elle a adressée le 14 décembre 2015 à la société afin de savoir quelles étaient les modalités de son retour le 17 janvier 2016 ;

— la lettre en réponse de la société du 23 décembre 2015 la convoquant à un entretien avec Mme [A], responsable régionale, le 18 janvier 2016 afin de fixer les modalités de reprise du travail ;

— l’avenant au contrat de travail qui lui a été soumis, daté du 15 janvier 2016 et stipulant son affectation dans un magasin à [Localité 9].

La salariée présente ainsi des éléments de fait qui laissent supposer l’existence d’une discrimination indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la société de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

La société ne conteste pas l’absence d’information préalable dispensée à Mme [I] sur le poste proposé et la remise de l’avenant au cours du rendez-vous. Elle ne conteste pas non plus que ce poste est situé à 1h30 du domicile de la salariée. Elle fait valoir que le poste antérieur de Mme [I] était pourvu, que le poste proposé était bien celui de responsable de magasin et se situait dans la zone de la clause de mobilité

La société justifie par des éléments objectifs que le poste antérieur de Mme [I] était pourvu.

Si la clause de mobilité stipulée par le contrat de travail prévoit des mutations en région parisienne ce qui est le cas de l’affectation proposée, sa mise en oeuvre doit être fondée sur des éléments objectifs et avec bonne foi.

La société souligne à juste titre qu’elle n’était pas informée de l’état de santé d’un des enfants de Mme [I], celle-ci ne l’en ayant informée que par lettre du 19 février 2016.

Cependant, elle indique qu’une responsable formatrice était rattachée au magasin de [Localité 9], qu’il s’agit d’une salariée qui cumule la fonction de responsable de magasin et de formatrice au sein d’autres magasins de l’enseigne. Elle en déduit que cette responsable est régulièrement absente et qu’une seconde responsable est souvent également en poste sur le magasin.

D’une part, il se déduit de ces indications que Mme [I] n’aurait pas eu seule la responsabilité du magasin de [Localité 9], responsabilité qu’elle exerçait au sein d’un magasin avant son congé parental d’éducation ce dont il résulte que ses responsabilités auraient été moindres. La cour relève à cet égard que la société a présenté à la salariée un avenant alors que la seule mise en oeuvre de la clause de mobilité n’impliquait pas l’établissement d’un document contractuel.

D’autre part, la cour constate que la société ne produit aucun élément objectif concernant la structure des emplois dans ce magasin, les fonctions réellement exercées par cette responsable formatrice et la fréquence de ses déplacements non plus que sur la rémunération sous forme de primes qu’aurait pu percevoir Mme [I] dès lors que ses responsabilités auraient été partagées.

En dernier lieu, elle ne produit aucun élément objectif sur la recherche de postes qu’elle a pu effectuer afin d’assurer à la salariée un poste similaire, sur l’absence de poste de responsable de magasin à part entière et sur l’absence de poste dans un périmètre plus proche du domicile de la salariée.

En conséquence, la cour retient que Mme [I] a été victime d’une discrimination indirecte en raison de son congé parental d’éducation.

La salariée a subi du fait de la discrimination dont elle a été victime en raison de son état de grossesse et en raison de son congé parental d’éducation, un préjudice moral qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 5 000 euros au paiement de laquelle la société sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

Sur le harcèlement moral

Mme [I] soutient qu’elle a été victime d’un harcèlement moral caractérisé selon elle par :

— les pressions exercées à son encontre suite à l’annonce de sa grossesse ;

— les reproches et sanctions injustifiés ;

— le fait de lui imposer subitement la présence d’un tiers non justifiée dans le magasin ;

— le fait de l’empêcher de recruter des vendeuses ;

— la tentative de mutation abusive et de rétrogradation au retour de son congé parental.

Elle fait valoir que ces agissements ont eu pour effet la dégradation de son état de santé, une surveillance renforcée de sa grossesse et en 2016, une situation de stress et d’anxiété traitée par des calmants et nécessitant un arrêt de travail.

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable en la cause, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, il appartient au candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

La cour a précédemment retenu que Mme [I] présentait des éléments de faits concernant le fait de lui imposer subitement la présence d’un tiers non justifiée dans le magasin, l’existence d’une sanction partiellement injustifiée et sa mutation au retour de son congé parental d’éducation, ces éléments laissant supposer l’existence d’un harcèlement. Mme [I] produit en outre des éléments concernant la dégradation de son état de santé :

— un certificat médical initial d’accident du travail pour un malaise survenu le 19 septembre 2012 mentionnant ' Anxiété/malaise vagal ' ;

— un arrêt de travail du 19 janvier 2016 mentionnant ' stress au travail ';

— une prescription médicamenteuse.

Il incombe dès lors à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La société conteste tout harcèlement moral et fait valoir que les faits sont soit à l’origine d’une discrimination soit d’un harcèlement moral.

La cour a précédemment retenu que la société ne produisait pas d’élément objectif quant aux faits retenus ci-dessus et les mêmes faits peuvent être à la fois constitutifs d’une discrimination et d’un harcèlement moral et générer des préjudices distincts.

Contrairement à ce que soutient la société, le fait que le médecin a indiqué ' stress au travail ' ne constitue pas une appréciation des conditions de travail de la salariée mais de son état de santé psychique.

En conséquence, la cour retient que Mme [I] a été victime d’un harcèlement moral et qu’elle a subi à ce titre un préjudice distinct qui sera réparé par l’allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle la société sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce chef de demande.

Sur le manquement à l’obligation de sécurité

Mme [I] soutient qu’elle a alerté à plusieurs reprises la société sur la situation à laquelle elle était confrontée en vain.

La société conteste tout manquement de sa part à ce titre et soutient que les mails adressés par la salariée ne l’alertaient pas sur sa santé ou sa sécurité mais démontraient qu’elle ne supportait pas d’être reprise sur ses absences et la présence de la responsable régionale, Mme [A], et de M. [X] dans le magasin.

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Selon l’article L. 1152-4 du code du travail, l’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.

En l’espèce, Mme [I] verse aux débats :

— un mail du 19 septembre 2019, date de son accident du travail, dans lequel elle indique à Mme [A], Mme [G], responsable des ressources humaines, étant en copie : ' J’en profite pour vous manifester un ressenti qui je vous l’avoue devient très pesant ' ;

— un mail du même jour adressé plus tard dans la journée à Mme [G] dans lequel évoquant Mme [A], elle précise : ' Ce serait donc bien qu’elle arrête de me harceler. ';

— une lettre du 19 février 2016 dans laquelle elle dénonce notamment des pressions répétées.

Il en résulte qu’elle a alerté l’employeur sur la situation qu’elle subissait.

La société ne justifie pas avoir mis en oeuvre de mesure de prévention et au contraire, en réponse aux mails de la salariée du 19 septembre 2012, la société lui a répondu par mail du même jour : ' Je découvre vos quatre mails datant de ce 19/09/2012 matin. Je vous prie dès à présent de cesser tout propos diffamatoire ainsi que toute interprétation fallacieuse à l’encontre de votre hiérarchie ou de l’entreprise. Dans la suite de mon mail d’hier, j’ai appris que vous étiez convoquée à un entretien préalable pouvant aller jusqu’à un éventuel licenciement, le mercredi 26/09/2012 à 12 h. Je vous laisse donc le soin de préparer tous vos commentaires pour cet entretien, à supposer qu’ils soient opportuns en l’état. Vous souhaitant une bonne journée. Bien cordialement '.

Il résulte de ces éléments que la société a manqué à son obligation de sécurité et que la salariée a subi de ce fait un préjudice moral certain qui sera indemnisé par l’allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle la société sera condamnée.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Mme [I] sollicite la résiliation de son contrat de travail aux torts de la société en invoquant une discrimination en raison de son état de grossesse et de son congé parental d’éducation, un harcèlement moral et un manquement à l’obligation de sécurité.

La société soutient ne pas avoir commis de manquement. Elle fait valoir que les faits sont anciens et que Mme [I] n’a effectué aucune démarche pendant ce laps de temps.

Le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. Dans ce cas, la résiliation du contrat produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour apprécier la gravité des manquements reprochés à l’employeur, le juge prend en compte l’ensemble des événements survenus jusqu’à l’audience ou jusqu’à la rupture du contrat de travail si celle-ci est antérieure.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d’autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l’employeur ; la date de la rupture est fixée à la date d’envoi de la lettre de licenciement

Seuls peuvent être de nature à justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur des faits, manquements, ou agissements de ce dernier d’une gravité suffisante de nature à empêcher la poursuite du travail

Les manquements de la société retenus s’agissant d’une discrimination, d’un harcèlement moral et d’un manquement à l’obligation de sécurité sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société, étant observé que Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes le 28 janvier 2016 aux fins de résiliation de son contrat de travail et que son contrat de travail a été ultérieuremet suspendu.

En conséquence, la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 10 août 2020.

Sur les conséquences de la résiliation judiciaire

Par application des dispositions des articles L. 1132-4 et L. 1152-3 du code du travail, la résiliation judiciaire prononcée produit les effets d’un licenciement nul.

Mme [I] soutient que la moyenne de ses salaires à prendre en compte est de 2 643 euros soit la moyenne des trois derniers mois.

La société soutient qu’elle est de 2 400 euros soit le salaire de base.

La cour constate sur les bulletins de paie produits aux débats, que Mme [I] a perçu au cours de la période d’emploi une prime exceptionnelle, une prime ' CA ' et une prime efficacité commerciale, le tout intégré dans son salaire brut. Elle fixe en conséquence le montant de son salaire à retenir pour le calcul de l’indemnité compensatrice de préavis à la somme de 2 513,23 euros.

Par application des dispositions de l’article 13 de la convention collective applicable, il est dû à Mme [I] la somme de 7 539,69 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 753,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents.

Selon l’article L. 1235-3-1 du code du travail, l’article L. 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes notamment à un harcèlement moral et à une discrimination dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1152-3 et L. 1153-4.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [I], de son âge, 40 ans, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies étant précisé que Mme [I] ne justifie pas de sa situation postérieurement à son licenciement, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L. 1235-3-1 du code du travail, une somme de 17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul au paiement de laquelle la société sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ces chefs de demande.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner à la société de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [I] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du même code.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante, la société sera condamnée au paiement des dépens. Le jugement sera infirmé en ce qu’il a mis les dépens à la charge de la salariée.

La société sera condamnée à payer à Mme [I] la somme de 3 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre.

La société sera déboutée de sa demande à ce titre, la décision des premiers juges étant confirmée à cet égard.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société Cyrillus de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 10 août 2020,

Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul,

Condamne la société Cyrillus à payer à Mme [B] [I] les sommes suivantes :

—  5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;

—  3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

—  3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

—  7 539,69 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

—  753,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

—  17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;

—  3 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Cyrillus de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés afférents et à compter de la présente décision pour les autres sommes de nature indemnitaire et capitalisation de ceux-ci dès lors qu’ils seront dus pour une année entière ;

Ordonne à la société Cyrillus de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [B] [I] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Cyrillus aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 11 janvier 2024, n° 21/09637