Cour d'appel de Poitiers, 2ème chambre, 1er avril 2014, n° 13/02499

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Poitiers, 2e ch., 1er avr. 2014, n° 13/02499
Juridiction : Cour d'appel de Poitiers
Numéro(s) : 13/02499
Décision précédente : Tribunal d'instance de La Roche-sur-Yon, 22 mai 2013
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET N°197

R.G : 13/02499

XXX

Y

C/

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA ROCHE MOLIERE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2e Chambre Civile

ARRÊT DU 01 AVRIL 2014

Numéro d’inscription au répertoire général : 13/02499

Décision déférée à la Cour : Jugement au fond du 23 mai 2013 rendu par le Tribunal d’Instance de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

Madame X Y

XXX, XXX

batiment 2

XXX

ayant pour avocat plaidant Me Jean-François ABADIE de la SELARL AV & A, avocat au barreau de TOULOUSE,

ayant pour avocat postulant Me Cedric ROBERT, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON

INTIMEE :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE LA ROCHE MOLIERE

représentée par son Président en exercice

XXX

XXX

ayant pour avocat plaidant Me Philippe CHALOPIN de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON,

ayant pour avocat postulant Me Bruno MAZAUDON de la SELARL JURICA, avocat au barreau de POITIERS,

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Elisabeth JOUVENET, Président

Monsieur Thierry RALINCOURT, Conseiller

Madame Catherine FAURESSE, Conseiller,

qui en ont délibéré

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— Signé par Mme Elisabeth JOUVENET, Président et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

Vu le jugement du Tribunal d’Instance de la Roche-sur-Yon en date du 23/05/2013 (instance n° 11-13-000013) qui a :

— constaté la privation du délai de rétractation légal concernant le prêt n° 21472009 009,

— condamné X Y à payer à la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière une somme de 31.394,82 € outre intérêts au taux légal à compter du jour du jugement,

— rejeté toutes autres demandes des parties,

— condamné X Y aux dépens,

— ordonné l’exécution provisoire du jugement,

Vu l’appel interjeté par X Y selon déclaration du 12/07/2013,

Vu les dernières conclusions du 14/01/2014 de X Y, demandant à la Cour de :

— à titre principal :

> constatant que l’appelante s’est vue priver des délais de rétractation légaux concernant les prêts n° 21472009 009 et n° 214720009 010, pour lesquels les offres préalables n’ont pu être signées aux dates indiquées dans lesdites offres préalables, et réformant le jugement entrepris,

> prononcer la nullité des prêts référencés n° 21472009 009 et n° 214 720009 010,

> faire application des maximes nemo auditur propriam turpitudinem alegans et in pari causa turpitudinis cessat repetitio, aux fins de s’opposer à la restitution du capital des prêts litigieux,

* à défaut,

> enjoindre à la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière de produire un décompte de restitution prenant en considération le capital initial déduction faite des sommes déjà versées à titre de capital et intérêts, des frais de dossier ainsi que de l’ensemble des frais et pénalités de retard engendrées par l’annulation des prêts,

> constatant que ladite caisse a manqué à son devoir de conseil envers l’appelante en lui ayant accordé deux prêts à la consommation qui ne pouvaient conduire qu’à l’endettement excessif de la requérante, abusant par là même de sa vulnérabilité,

> dire et juger que la caisse DE CREDIT MUTUEL de la Roche Molière a manqué à son devoir de conseil envers l’appelante,

> par conséquent, condamner ladite caisse à payer à l’appelante les sommes suivantes :

—  31.394,82 € en réparation du préjudice matériel causé par le manquement de l’établissement bancaire à son devoir de conseil, et à défaut le montant du décompte de restitution si les prêts devaient être annulés,

—  5.000 € en réparation du préjudice moral ,

— à titre subsidiaire,

> constatant que la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière a manqué à son devoir de mise en garde en omettant d’alerter X Y sur ses capacités financières et sur le risque d’endettement né de l’octroi des prêts litigieux, alors que X Y était une emprunteuse non avertie, reformant le jugement entrepris,

> dire et juger que ladite caisse a manqué à son devoir de mise en garde envers l’appelante,

> par conséquent, condamner la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière à payer à l’appelante les sommes de :

—  19.631,95 € en réparation du préjudice matériel causé par le manquement de l’établissement bancaire à son devoir de mise en garde,

—  5.000 € en réparation du préjudice moral,

— en tout état de cause :

* condamner la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière à verser une indemnité de 3.000 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu les dernières conclusions du 4/02/2014 de la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière (le CREDIT MUTUEL), demandant à la Cour de :

— ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture du 20/01/2014 et la reporter 17/02/2014,

— rejeter l’appel de X Y,

— sur appel incident, réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

> statué qu’il convient de prononcer la nullité du contrat n° 21472009 009 à défaut pour le prêteur d’avoir respecté le délai de rétractation,

> statué que la responsabilité de la Caisse de CREDIT MUTUEL la Roche Molière était engagée au titre du prêt n° 21472009 010 pour manquement à ses obligations de conseil et de mise en garde.

— confirmer le jugement sur tous les autres points,

— rejeter l’ensemble des demandes de X Y,

— à titre principal :

> dire et juger que le délai de rétractation et les dispositions des articles L.311-15 et L. 311-17 du Code de la consommation ont été observés concernant les contrats de prêt n° 21472009 009 et n° 21472009 010,

> dire et juger que le CREDIT MUTUEL n’était pas tenu d’une obligation de conseil et d’un devoir de mise en garde envers X Y concernant le prêt n° 21472009 010, celui-ci n’étant pas excessif,

> dire et juger que le CREDIT MUTUEL n’a pas manqué à son obligation de conseil et de mise en garde envers X Y,

— à titre subsidiaire :

> dire et juger que le défaut de délai de rétractation et l’inobservation des articles L.311-15 et L.311-17 du Code de la consommation n’entraînent pas la nullité des contrats de prêt n° 21472009 009 et n° 21472009 010, mais seulement la déchéance du droit aux intérêts conventionnels,

> en conséquence, condamner X Y à payer les sommes suivantes :

—  18.910,28 € selon décompte arrêté au 24/12/2013 au titre du prêt n° 3903121472009,

—  9.302,02 € selon décompte arrêté au 24/12/2013 au titre du prêt n° 3903121472010,

> dire et juger que ces sommes produiront intérêt au taux légal,

— à titre plus subsidiaire,

> ordonner, en conséquence de la nullité des prêts n° 21472009 009 et n° 21472009 010, la restitution par X Y du capital emprunté pour chacun de ces prêts,

> dire et juger que ce capital produira intérêts au taux légal,

> dire et juger que les maximes « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » et « in pari causa turpitudinis cessat repetitio » sont inapplicables en l’espèce,

— en tout état de cause, condamner X Y au paiement d’une indemnité de 2.500 € par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Vu l’ordonnance de clôture du 20/01/2014 ;

O O O

Selon offre préalable portant la date d’acceptation du 8/07/2010, le CRÉDIT MUTUEL a consenti à X Y un prêt n° 21472009 009 de 20.000 € remboursable en 60 mensualités de 392,85 € (assurance comprise).

Selon autre offre préalable portant la date d’acceptation du 13/07/2010, le CRÉDIT MUTUEL a consenti à X Y un prêt n° 21472009 010 de 10.000 € remboursable en 60 mensualités de 196,43 € (assurance comprise)

.

Par assignation du 6/04/2012 introductive de l’instance dont appel, X Y a agi à l’encontre du CRÉDIT MUTUEL en responsabilité professionnelle pour manquements de la banque à ses obligations de conseil et subsidiairement de mise en garde.

MOTIFS de la DECISION

A l’audience, avant l’ouverture des débats, à la demande des parties et selon leur accord, l’ordonnance de clôture du 20/01/2014 a été révoquée, et la clôture a été prononcée par mention au dossier.

1 – sur le moyen tiré par X Y de la nullité des contrats de prêt.

1.1 – concernant le prêt n° …009 de 20.000 €.

X Y soutient que la date d’acceptation apposée sur l’offre préalable dudit prêt (8/07/2010) aurait été antidatée, que le prêt n’aurait été accordé et débloqué que le 20//07/2010, de sorte qu’elle aurait été privée de son droit légal de rétractation.

Le relevé du compte bancaire de X Y ouvert au CREDIT MUTUEL comporte :

— à la date du 19/07/2010 : une écriture créditrice de 15.000 € sous l’intitulé « déblocage prêt n° …008 » (prêt dont aucune des parties n’a produit l’offre préalable) ;

— à la date du 20/07/2010 : une écriture créditrice de 20.000 € sous l’intitulé : « déblocage prêt n° …009 » (prêt dont l’offre préalable est produite et comporte la date d’acceptation du 8/07/2010) ;

— à la date du 20/07/2010 : une écriture débitrice de 15.000 € sous l’intitulé : « RBT. ANT. TOT. …008 ».

Ces données comptables conduisent à accueillir le moyen tiré par X Y de l’antidatation de l’acceptation de l’offre de prêt n° …009 de 20.000 € et du déblocage du prêt avant l’expiration du délai de rétractation de 7 jours légalement ouvert à l’emprunteur, pour les motifs pertinents retenus par le premier Juge et que la Cour adopte, en ce que :

Le CREDIT MUTUEL a admis, dans ses conclusions de première instance, que le contrat de prêt de 20.000 € a été conclu non pas le 8/07/2010 mais le lendemain du 19/07/2010, soit le 20/07/2010, suite à « l’annulation » du précédent contrat de prêt n° …008 de 15.000 € ; le contrat n° …009 comporte donc une date d’acceptation (8/07/2010) nécessairement antidatée, de sorte que X Y n’a pas pu bénéficier, pour ce prêt, du délai légal de rétractation auquel la banque ne pouvait déroger puisqu’il est d’ordre public en vertu de l’article L.313-16 du Code de la Consommation dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2010-737 du 1/07/2010.

En vertu de la deuxième phrase de l’article L.311-15 ancien du même code, l’emprunteur peut, dans un délai de sept jours à compter de son acceptation de l’offre (de prêt), revenir sur son engagement.

En vertu de la première phrase de l’article L.311-17 ancien du même code, tant que l’opération n’est pas définitivement conclue, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l’emprunteur.

Le CREDIT MUTUEL soutient à tort que le non-respect du délai de rétractation ouvert à l’emprunteur et le déblocage du capital prêté avant l’expiration de ce délai seraient sanctionnés par la déchéance du prêteur du droit aux intérêts contractuels, alors que l’article L.311-33 ancien du même code n’édicte cette sanction que pour la violation, par le prêteur, des articles L.311-8 à L.311-13 du même code.

Ainsi que l’a exactement retenu le premier Juge dans la motivation du jugement entrepris – en l’ayant omis dans le dispositif -, la méconnaissance des dispositions de l’article L.311-17 ancien du Code de la Consommation est sanctionnée par la nullité du contrat de prêt en vertu de l’article 6 du Code Civil, laquelle entraîne le remboursement, par chacune des parties, des sommes respectivement versées par elles.

En l’occurrence, il incombe à X Y de rembourser au CREDIT MUTUEL le capital de 20.000 € crédité sur son compte le 20/07/2010.

Ainsi que le fait exactement valoir la banque intimée, X Y ne saurait se prétendre exonérée de ce remboursement sur le fondement des adages qu’elle invoque, sauf à bénéficier d’un enrichissement sans cause.

Corrélativement, il incombe au CREDIT MUTUEL de rembourser à X Y les sommes payées par elle et/ou prélevées sur son compte au titre de ce prêt.

Il résulte du décompte produit par le CREDIT MUTUEL (pièce n° 6) qu’à la date du 24/12/2013, sa créance s’élevait à la somme de 16.738,23 € correspondant, en vertu du tableau d’amortissement du prêt, au capital restant dû après la 11e mensualité, outre un arriéré correspondant à 7 mensualités échues impayées.

Il s’en déduit que X Y avait effectivement honoré 4 mensualités, pour un montant cumulé de 1.571,40 €.

Après compensation, la créance du CREDIT MUTUEL doit être liquidée à la somme de 18.428,60 €.

Après compensation avec la créance indemnitaire de X Y (cf. infra § 2), le reliquat de cette somme sera productif d’intérêts au taux légal à compter du jour du jugement, conformément au dispositif de ce dernier dont le CREDIT MUTUEL demande la confirmation.

1.2 – concernant le prêt n° …010 de 10.000 €.

En vertu de l’article 1315 alinéa 2 du Code Civil, celui qui se prétend libéré d’une obligation doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

Il incombe donc à X Y de rapporter la preuve de la nullité de ce prêt, et donc la preuve de son allégation selon laquelle son acceptation aurait été antidatée.

L’offre préalable de prêt (pièce n° 3 de l’appelante) comporte la date de présentation par le CREDIT MUTUEL du 13/07/2010 et la date d’acceptation par X Y du même jour (13/07/2010).

Le relevé du compte bancaire de X Y fait apparaître : que le capital prêté a été crédité à la date du 21/07/2010 (soit après l’expiration du délai de rétractation de 7 jours) ; qu’il n’a pas été employé au remboursement anticipé d’un autre prêt souscrit antérieurement ; qu’il a été utilisé par X Y le jour même (21/07/2010) par virement de 10.000 € au profit d’Elijah HERARD.

X Y ne rapporte aucune preuve de son allégation du caractère prétendument antidaté de son acceptation de ce prêt.

Elle soutient de manière inopérante que « le doute doit profiter au consommateur », alors qu’en vertu de l’article L.133-2 du Code de la Consommation ce principe ne régit que l’interprétation des contrats proposés par un professionnel à un consommateur, mais qu’il est inapplicable en l’occurrence dès lors que le contrat de prêt n° …010 n’est ni obscur ni ambigu, et ne donne donc pas matière à interprétation.

Concernant la liquidation de la créance du CREDIT MUTUEL, ce dernier conclut à la confirmation du jugement entrepris qui a liquidé les créances de la banque à la somme globale de 31.394,82 € au titre des deux prêts n° …009 et …010, ce montant correspondant à la somme arithmétique des deux décomptes ventilés de créance produit par le CREDIT MUTUEL (pièces n° 5 et 6 : 21.072,94 € au titre du prêt n° …009 et 10.321,88 € au titre du prêt n° …010).

La demande du CREDIT MUTUEL doit donc être accueillie à hauteur de ladite somme de 10.321,88 €, laquelle est productive d’intérêts au taux légal selon les modalités exposées supra (cf. § 1.1 in fine).

2 – sur les demandes indemnitaires de X Y pour manquement du CREDIT MUTUEL à ses devoirs de mise en garde et de conseil.

En droit, le banquier dispensateur de crédit est tenu, envers l’emprunteur non averti, d’un devoir de mise en garde à raison des capacités financières de ce dernier et des risques de l’endettement né de l’octroi du crédit.

Le préjudice résultant d’un tel manquement au devoir de mise en garde consiste en la perte d’une chance de ne pas contracter.

2.1 – Le CREDIT MUTUEL ne conteste pas que X Y, agent de l’Education Nationale, était une emprunteuse non avertie.

Le relevé de compte bancaire de X Y ouvert au CREDIT MUTUEL a permis à ce dernier de constater qu’en Juin 2010, mois précédant la conclusion des prêts litigieux :

— X Y avait perçu un revenu total de 1.327 € (salaire de 1.074 € + versements CAF de 253 €),

— elle avait assumé, par prélèvements, les charges de crédit suivantes :

> prêt CREDIT MUTUEL n° …006 : 57 €

> prêt CREDIT MUTUEL n° …007 : 45 €

> banque ACCORD : 30 €

> carte PASS : 30 €

> carte PASS : 112 €

> total : 274 €

— au 1/06/2010, son compte présentait un solde débiteur de -200,88 €,

— au cours de ce mois de Juin, la banque avait prélevé 4 commissions d’intervention,

— au 30/06/2010, le compte présentait un solde de 776,70 € rendu artificiellement créditeur grâce à un crédit COFINOGA de 1.500 € crédité le 17/06/2010, sans lequel le solde aurait été débiteur de -723,30 €, en sensible dégradation par rapport au début du même mois.

En premier lieu, les éléments qui précèdent constituaient, pour un banquier professionnel normalement vigilant, un faisceau d’indices d’une situation installée d’endettement, et potentielle de surendettement (étant observé que la charge nette de logement de X Y était quasi-nulle, son loyer étant presque intégralement couvert par l’APL).

En second lieu, l’adjonction de la charge de remboursement du prêt n° …010 de 10.000 € (mensualités de 196,43 €) allait avoir pour effet de porter la charge mensuelle de crédit à 470 € – et même davantage compte tenu du crédit COFINOGA de 1.500 € souscrit au cours du mois de Juin -, représentant un taux d’endettement de 35 % et laissant un disponible mensuel de 857 € pour 2 personnes (X Y ayant la charge d’un enfant âgé de 4 ans en 2010).

Il résulte des éléments qui précèdent que le prêt n° …010 de 10.000 € induisait pour X Y un risque d’endettement au regard de ses capacités financières et de ses charges précédemment contractées, de sorte que le CREDIT MUTUEL était tenu envers elle d’un devoir de mise en garde dont il ne justifie pas s’être acquitté.

La perte de chance de X Y de ne pas contracter ce prêt et de ne pas supporter la charge financière des intérêts et des frais de dossier (1.585,64 € selon l’offre préalable) sera appréciée à hauteur de 30 %, et l’indemnisation de l’appelante sera liquidée à la somme à 475 €.

2.2 – Au vu des éléments relevés supra, l’octroi par le CREDIT MUTUEL du prêt n° …009 de 20.000 €, moyennant des mensualités de 392,85 €, a eu pour effet de porter la charge mensuelle de crédit de X Y à 863 €, et son taux d’endettement à 65 %, et de réduire son disponible mensuel à 465 € pour 2 personnes.

En admettant, pour les besoins du raisonnement, que ce prêt ait été susceptible d’être employé partiellement au remboursement par anticipation des deux prêts n° …006 et …007, la charge mensuelle de crédit de X Y aurait néanmoins atteint 760 €, son taux d’endettement aurait été porté à 57 %, et le disponible mensuel n’aurait atteint que 567 € pour 2 personnes.

Eu égard au risque de surendettement manifestement induit par ce prêt (X Y a été défaillante dans le remboursement du prêt dès la 5e mensualité – cf. supra § 1.1), le devoir de mise en garde incombait au CREDIT MUTUEL plus impérativement encore que pour l’octroi du prêt n° …010 de 10.000 €, et la banque ne justifie pas y avoir satisfait.

Le CREDIT MUTUEL ne rapporte pas valablement la preuve de son allégation (qui ne résulte que d’une déclaration de l’un de ses agents) selon laquelle X Y aurait fait part de l’obtention imminente d’une donation de sa mère, la vraisemblance de cette allégation étant d’autant plus douteuse que le bénéfice d’une donation aurait été de nature à dispenser X Y de recourir au crédit bancaire.

La perte de chance de X Y de renoncer à la souscription de ce crédit et, corrélativement, de renoncer à l’acquisition d’un véhicule de 25.000 € (pièce n° 2 de X Y) incompatible avec ses moyens financiers, et d’éviter la moins-value subie lors de la revente de ce véhicule, sera appréciée à hauteur de 80 %.

Il résulte d’une correspondance téléphonique rapportée par un agent du CREDIT MUTUEL (pièce n° 4 de ce dernier) que, de manière vraisemblable, X Y, déjà défaillante dans le remboursement du prêt de 20.000 €, avait fait état d’une possibilité de revente de son véhicule en Janvier 2011 (6 mois après son acquisition) au prix de 19.000 €, avec une décote de 6.000 €.

L’indemnisation de la perte de chance d’éviter cette dévalorisation, subie par X Y, sera liquidée à la somme de 4.800 €.

2.3 – La réalité du préjudice moral invoqué par X Y et imputé au CREDIT MUTUEL du fait de son surendettement, n’est pas établie.

Ce chef de demande indemnitaire doit être écarté.

3 – sur les dépens et les frais de procédure.

Chacune des parties, partiellement succombante, conservera la charge de ses dépens de première instance et d’appel.

En conséquence, les demandes indemnitaires réciproques fondées sur l’article 700 du Code de Procédure Civile doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Confirme le jugement du Tribunal d’Instance de la Roche-sur-Yon en date du 23/05/2013, mais seulement en ce qu’il a constaté la privation, subie par X Y, du délai de rétractation légal concernant le prêt n° 21472009 009.

Infirme ledit jugement en ses autres dispositions et, statuant à nouveau,

Prononce la nullité du prêt n° 21472009 009 de 20.000 € conclu en Juillet 2010 entre la caisse du CREDIT MUTUEL de la Roche Molière et X Y.

Condamne X Y à payer à la caisse de CREDIT MUTUEL la Roche Molière les sommes suivantes :

—  18.428,60 € (dix-huit mille quatre cent vingt-huit euros soixante centimes) au titre du prêt n° …21472009.

—  10.321,88 € (dix mille trois cent vingt et un euros quatre-vingt-huit centimes) au titre du prêt n° …21472010.

Condamne la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière à payer à X Y une somme de 5.275 € (cinq mille deux cent soixante-quinze euros) à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues.

Ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties.

Dit que la créance subsistante de la caisse de CREDIT MUTUEL de la Roche Molière porte intérêts au taux légal à compter du 23/05/2013, date du jugement entrepris.

Rejette toutes demandes autres, plus amples ou contraires.

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance et d’appel exposés par elle.

En conséquence, dit n’y avoir lieu à application des articles 700 et 699 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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