Cour d'appel de Rennes, 8 novembre 2013, n° 11/01497

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 8 nov. 2013, n° 11/01497
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 11/01497

Texte intégral

2e Chambre

ARRÊT N°381

R.G : 11/01497

Société Y EUROPE SA

C/

SA GELAGRI BRETAGNE

SAS A X

Société FIT INTERNATIONAL SARL

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 NOVEMBRE 2013

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Françoise LE BRUN, Conseiller, faisant fonction de Président

Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller,

Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 10 Septembre 2013, Madame LE BRUN, Conseiller faisant fonction de Président, entendue en son rapport,

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Novembre 2013 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Société Y EUROPE SA

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN -DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Godfried DUCHI, Plaidant, avocat

INTIMÉES :

Société FIT INTERNATIONAL SARL

XXX

XXX

Représentée par la SCP BREBION CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Angélique WENGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

SA GELAGRI BRETAGNE

XXX

XXX

Représentée par Me D-E C de la SELARL C D-E, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par la SCP GLOAGUEN & PHILY, Plaidant, avocat au barreau de BREST

SAS A X Prise en la personne de son Président domicilié audit siège

XXX

XXX

Représentée par la SELARL GOURVES/D’ABOVILLE & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par la Société MOUREU ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

I Faits et procédure :

La société Gelagri Bretagne (ci-après Gelagri), exploite une usine de transformation et de conditionnement de préparations culinaires surgelées. Elle y fabrique notamment des poêlées aux gésiers de canard, dans lesquelles sont mélangés divers légumes surgelés et des gésiers de canard émincés surgelés qu’elle achète auprès de la société A X (ci-après X).

La société X produit notamment des gésiers de canard cuits confits tranchés congelés, qu’elle fournit à Gelagri après avoir transformé des gésiers congelés, dégraissés, nettoyés et épluchés achetés, dans le cas présent, auprès de la société Fit International.

La société F.I.T. International est une société de négoce qui s’approvisionne auprès de divers producteurs ou négociants étrangers, pour l’achat notamment de gésiers de canard congelés qu’elle entrepose en magasins frigorifiques avant de les expédier, en l’état, à ses acheteurs.

Dans le cas présent, la société F.I.T. International s’est approvisionnée auprès de la société C.P. Belgium qui serait devenue C.P.F. Europe, filiale du groupe thaïlandais 'CP Ducks’ producteur de canards et de produits issus de cet élevage en Thaïlande.

Le 10 octobre 2001, lors de la fabrication d’une poêlée landaise sous la marque Argel, la société Gelagri a découvert une pièce métallique en forme d’épingle, d’une taille de l’ordre de 2 cm, sur la ligne de conditionnement équipée d’un détecteur de métaux. Les palettes de produits concernés ont été bloquées.

Le 17 octobre 2001, d’autres pièces métalliques d’une taille très inférieure ont été détectées dans une nouvelle fabrication de poêlée landaise. La société Gelagri a procédé à des contrôles sur l’ensemble des ingrédients de ce type de préparation. Et elle a notamment passé au détecteur de métaux une partie du stock de gésiers livrés par la société X, lors d’un constat d’huissier dressé le 19 octobre 2001, au contradictoire de ce fournisseur. Compte tenu du risque représenté par cette pollution métallique dans le produit fini destiné au consommateur, la société Gelagri a mis en oeuvre une procédure de retrait des produits fabriqués avec des gésiers livrés entre le 14/09/01 et le 12/10/01, étant observé que la fabrication de ces produits portait sur une quantité globale de 50.270 kg.

La société X a elle-même fait procéder à des constats d’huissier dans ses locaux, dès le 11 octobre 2011, sur la pièce métallique en forme d’épingle détectée la veille par la société Gelagri, puis le 23 et le 24 octobre 2001, pour mettre sous scellés des pains de gésiers congelés et faire établir après décongélation la présence de corps étrangers métalliques et notamment d’une extrémité d’aiguille entourée d’une gaine.

Sur assignation lancée le 8 juillet 2002 par la société Gelagri, une expertise a été ordonnée en référé le 24 juillet 2002, au contradictoire des sociétés Gelagri, X et F.I.T. International, cette dernière étant appelée à la cause par la société X par assignation du 19 juillet 2002. Monsieur Z a été désigné comme expert et sa mission a été étendue à la société Y Europe par une ordonnance du 11 décembre 2002, à la demande de la société F.I.T. International.

L’expert a déposé son rapport le 31 août 2006, en concluant que les corps étrangers métalliques retrouvés dans les produits fabriqués par la société Gelagri étaient présents dans les gésiers de canard avant leur abattage par la société CP Ducks en Thaïlande.

La société Gelagri Bretagne a fait assigner la société A X le 21 février 2007, devant le tribunal de commerce de Lorient qui s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Brest. La société A X a fait assigner la société F.I.T. International, en intervention forcée et en garantie, par acte du 19 novembre 2007. Cette dernière a également assigné son cocontractant en garantie, par un acte du 22 janvier 2009 qui a été délivré à la société Y Europe.

Par jugement contradictoire rendu le 28 janvier 2011, le tribunal de commerce de Brest a :

— Condamné la société X au paiement au profit de la société Gelagri de la somme de 246.632 €, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et capitalisation des intérêts ;

— Condamné la société X au paiement de la somme de 6.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens y compris ceux de la procédure de référé ;

— Ordonné la jonction de la présente instance avec l’affaire n° 2008 000062 en garantie engagée par la société X à l’encontre de la société F.I.T. International ;

— Débouté la société X de toutes ses autres demandes ;

— Condamné en conséquence la société F.I.T. International à garantir la société X de toutes les condamnations prononcées à son encontre et l’a condamnée également au paiement de la somme de 6.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Ordonné la jonction de la présente instance avec l’affaire n° 2009 000383 en garantie engagée par la société F.I.T. International à l’encontre de la société Y Europe et condamné cette dernière à garantir à la société F.I.T. International l’intégralité des condamnations dont elle a été l’objet et l’a condamnée également au paiement de la somme de 6.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Débouté la société F.I.T. International de toutes ses autres demandes ;

— Condamné la société Y Europe aux entiers dépens et ordonné l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

— Liquidé au titre des dépens les frais de greffe à la somme de 127,49 € TTC.

La SA Y Europe a déclaré faire appel de ce jugement le 3 mars 2011, à l’encontre de la SA Gelagri Bretagne, la SAS A X et la S.A.R.L. F.I.T. International. La S.A.R.L. F.I.T. International a déclaré faire appel du même jugement le 11 mars 2011, à l’encontre de la SA Gelagri Bretagne, la SAS A X et la SA Y International. Les procédures ont été enrôlées sous les numéros RG 11/1497 et 11/1745 et jointes sous le numéro RG 11/1497.

La SA Y Europe a conclu le 4 juin 2013 et demande à la cour de :

— Déclarer l’appel de Y recevable et bien fondé, infirmer le jugement du 28/01/2011 et déclarer la demande originaire à l’encontre de la société X irrecevable et mal fondée ;

— Débouter toute demande contre la société Y Europe ;

— Déclarer la demande en intervention et garantie irrecevable et non fondée et condamner la partie F.I.T. International à payer la somme de 5.000 € en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile.

La S.A.R.L. F.I.T. International a conclu le 27 septembre 2011, au visa de l’article 56 du code de procédure civile, ainsi que des articles 1147, 1641, 1386 et suivants, 1382, 1640 et suivants du code civil, en demandant à la cour de :

— Déclarer recevable l’appel interjeté par la S.A.R.L. F.I.T. International ;

— Infirmer partiellement le jugement dont appel et statuant de nouveau ;

— Déclarer irrecevables car tardives les demandes formées par la société X à l’encontre de F.I.T. International sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

— A titre subsidiaire,

— Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a dit que X n’avait pas respecté ses obligations contractuelles à l’égard de Gelagri et était tenu d’indemniser Gelagri de l’intégralité de ses préjudices ;

— Constater que le non respect des obligations contractuelles par X est à l’origine du préjudice subi par Gelagri ;

— Dire et juger que la responsabilité de la société F.I.T. International ne peut être retenue, F.I.T. ayant parfaitement respecté les obligations mises à sa charge ;

— Dire que F.I.T. International ne peut être tenu à la garantie des vices cachés;

— En conséquence,

— Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné F.I.T. International à garantir X et débouter la société X de l’ensemble de demandes formulées à l’encontre de F.I.T. International ;

— A titre encore plus subsidiaire,

— Dire et juger que les sociétés Gelagri et X ont commis des fautes à l’origine des préjudices ;

— Condamner en conséquence solidairement la SAS A X et la SA Gelagri à relever et garantir F.I.T. International de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

— Condamner la société Y Europe à relever et garantir F.I.T. International de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

— A titre infiniment subsidiaire, sur les préjudices :

— Infirmer le jugement en ce qu’il a estimé que F.I.T. International devait être tenu de garantir X de l’ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

— Dire et juger que F.I.T. International ne pourrait être tenu d’indemniser que dans la limite de 23.492,53 € ;

— Condamner solidairement la SAS A X et la SA Y Europe à relever et garantir F.I.T. International de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

— Débouter Y, X et Gelagri de toutes les demandes formulées à l’encontre de F.I.T. International ;

— Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné F.I.T. International à verser 6.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner SA X à payer à F.I.T. International la somme de 8.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— La condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP J.Brebion-JD.Chaudet conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La SAS A X a conclu le 28 juillet 2011, au visa des articles 1147, 1641, 1642, 1643 et 1648 du code civil, en demandant à la cour de :

— Recevoir la société A X en son appel incident et l’y déclarer bien fondée

— Statuant à nouveau,

— Infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société A X à payer à la société Gelagri la somme de 246.632 € en principal, outre intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci, outre encore la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Débouter la société Gelagri de toutes ses demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l’encontre de la société A X ;

— Subsidiairement,

— Condamner la société F.I.T. International à garantir et relever indemne la société A X de toutes condamnations en principal, intérêts, frais de l’article 700 du code de procédure civile et dépens qui viendraient à être prononcées contre cette dernière sur la demande de la société Gelagri ;

— En tout état de cause,

— Condamner les sociétés Gelagri et F.I.T. International, ou l’une qui mieux le devra, à payer à la société A X la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner les sociétés Gelagri et F.I.T. International aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP d’Aboville de Moncuit Saint Hilaire, avoués, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La SA Gelagri Bretagne a conclu le 7 juin 2013, en demandant à la cour de:

— Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

— Y ajoutant, condamner la SAS X et/ou les sociétés F.I.T. International et Y Europe au règlement d’une somme de 8.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP C D-E, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est en date du 5 septembre 2013.

***

II Motifs :

La société Gelagri agit sur le fondement du vice caché et en tout état de cause sur le non respect des stipulations du cahier des charges signé par la société X le 26 octobre 2000, prévoyant notamment la fourniture d’un produit exempt de tout corps étranger nuisible et devant être conditionné en octobins. Elle évoque également une clause stipulant l’origine française de la viande à compter de 1998.

La société Gelagri reproche à la société X l’absence de tout contrôle de sa marchandise pour respecter ses engagements contractuels, en ne procédant à aucun contrôle de ses produits ni à la réception, ni après transformation, avant de les livrer dans un conditionnement en octobins qu’elle a agréé en signant le cahier des charges, sans pouvoir se retrancher désormais derrière une impossibilité de contrôle, d’ailleurs non retenue par l’expert et sur la base d’une lettre datant de 1997. La société Gelagri précise qu’elle a mis en place un système de contrôle de ses produits finis qui a d’ailleurs permis la détection des pièces métalliques dont la présence indue est imputable à son fournisseur, la société A X.

La société X renvoie la responsabilité première à la société Y Europe, en tant que premier maillon de la chaîne contractuelle et elle renvoie à la société Gelagri la responsabilité des contrôles devant être effectués, selon elle, dès la livraison des gésiers et non en aval du processus de fabrication, avec des méthodes plus performantes pour garantir la sécurité du consommateur. Elle se retranche derrière une impossibilité de contrôle des gésiers compte tenu de leur conditionnement en octobins, emballages octogonaux de grande contenance destinés aux produits industriels conditionnés en vrac. Elle précise avoir averti la société Gelagri de cette difficulté en 1997, en dégageant ainsi toute responsabilité. Elle précise que l’origine thaïlandaise des produits est sans effet sur la présence d’éléments métalliques dans les gésiers.

La société X demande à titre subsidiaire la garantie de la société F.I.T. International qui lui a vendu les gésiers de canard litigieux et dont la responsabilité se trouve engagée quand bien même elle n’aurait pas eu connaissance des vices affectant les gésiers, car se trouvant astreinte à fournir une marchandise exempte de défaut.

La société F.I.T. International invoque sa mise en cause tardive sur le fondement des vices cachés, par des conclusions du 10 avril 2010. Elle demande la confirmation du jugement déféré en ses dispositions retenant la responsabilité de la société X, d’abord parce qu’elle s’est engagée à fournir des gésiers d’origine française et qu’elle connaissait l’origine thaïlandaise des gésiers fournis par la société F.I.T. International, ensuite parce qu’elle n’a procédé à aucun contrôle sur la qualité des produits livrés. Elle décline toute responsabilité, en se présentant comme un simple intermédiaire chargé de l’acheminement de la marchandise, sans procéder à son contrôle. Elle fonde son argumentation sur un arrêt de cette cour en date du 21 septembre 2007, dont elle prétend à la transposition directe, en estimant que la société X ne pouvait ignorer qu’il existait un risque de corps étranger dans les gésiers de canard.

La société F.I.T. International en appelle en tout état de cause à la garantie de la société Y Europe, en tant que nouvelle dénomination de la société C.P. Belgium, filiale du groupe thaïlandais CP Ducks, producteur et éleveur de canards en Thaïlande, ainsi que l’indique l’expert, sans avoir été jusqu’à présent contredit.

La société F.I.T. International se fonde sur le rapport de l’expert pour établir la provenance de la marchandise litigieuse, achetée à C.P. Belgium, en provenance de Thaïlande. Elle oppose à son vendeur la garantie des vices cachés du fait de la présence de métaux qu’elle ne pouvait pas déceler, alors que la société Y s’est engagée à lui fournir de la marchandise 'saine, loyale et marchande', tandis que Y a admis en cours de procédure que des particules métalliques pouvaient être ingérées par les animaux et se retrouver dans les gésiers, de sorte qu’elle aurait dû mettre en place des procédures de contrôle adaptées et de nature à prévenir le risque qui s’est de fait réalisé.

Elle invoque à titre subsidiaire la garantie des produits défectueux, sur le fondement de l’article 1386-1 du code civil. Elle s’oppose à l’application de la convention de Vienne, réclamée tardivement devant la cour et que la société Y a manifestement entendu exclure, en n’y faisant aucune référence jusqu’alors. Elle prétend que cette convention ne saurait trouver application dans le cadre de contrats en chaîne, mettant en cause des sociétés françaises.

La société Y Europe fait valoir que la livraison des gésiers défectueux est imputable à la société C.P. Belgium qui est une société de droit belge, toujours existante et distincte de la société Y Europe qui elle-même n’existe que depuis le mois de juillet 2002 alors que les livraisons défectueuses datent de 2001. Elle se fonde sur les factures établies au nom de C.P. Belgium, désignée par l’expert comme une filiale de CP DUCKS, se trouvant être le producteur des gésiers litigieux. Elle dément toute implication de la société Y Europe dans cette affaire, en tant que simple société de négoce, ni producteur, ni éleveur, s’approvisionnant auprès d’une société thaïlandaise pour la fourniture de produits qu’elle vend congelés.

La société Y Europe demande à titre subsidiaire l’application de la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationaux, convention qui a été ratifiée et est entrée en vigueur en Belgique le 1er novembre 1997, tandis qu’elle s’applique en France depuis le 1er janvier 1988. Elle invoque notamment l’article 39 de cette convention pour conclure à la forclusion de l’action engagée par la société F.I.T. International plus de 2 ans après la livraison de la marchandise. Elle s’oppose à l’application de l’article 1386 du code civil alors qu’elle n’est pas producteur et que la société F.I.T. International n’est pas une victime au sens de ce texte, prévoyant un délai de 3 ans pour agir, après le dommage, ce qui est largement dépassé.

La société Y Europe pointe enfin les fautes commises par la société X en fournissant des gésiers qui n’étaient pas d’origine française et dont elle ne pouvait garantir l’absence de corps étranger contrairement à ses engagements dans le cahier des charges, faute de contrôle et notamment depuis la modification du conditionnement des produits livrés en octobins depuis 1998. Elle pointe aussi l’acceptation par Gelagri des gésiers d’origine thaïlandaise dont elle connaissait les risques mais sur lesquels elle n’a procédé à aucun contrôle à la réception, en menant des contrôles aléatoires en aval du processus de fabrication des plats cuisinés, cette détection tardive ayant aggravé le préjudice en retardant la découverte du vice.

Y Europe fait valoir enfin l’absence de document contractuel entre la société X et la société F.I.T. International qui n’avait à ce titre aucune obligation de contrôle de la marchandise qu’elle devait simplement stocker et expédier dans des cartons fermés, eux-mêmes dressés sur des palettes filmées aux fins de livraison en l’état à la demande du client.

Le préjudice se chiffre, selon le rapport d’expertise, à 180.746 € en perte de produits, frais de stockage, de transport et de destruction et frais divers, outre 57.769€ de perte d’exploitation et une somme de 8.117 € facturée à titre de pénalités par les clients mécontents, soit au total 246.632 €. Ce chiffre est discuté à titre subsidiaire par la société F.I.T. International qui prétend restreindre le préjudice indemnisable en fonction des quantités de gésiers livrées par elle et effectivement incorporées dans les préparations litigieuses. Elle limite, en conséquence, sa garantie à la somme de 23.492,23 €.

Sur le vice caché :

Les relations commerciales sont anciennes entre la société Gelagri et la société X. Elles sont définies sur la base de fiches techniques et d’un cahier des charges dont le dernier a été signé le 26 octobre 2000. Ce document détermine les prescriptions contractuelles en vigueur pour la commande et la livraison des émincés de canard confits faisant l’objet de la présente affaire. Il spécifie bien l’absence de corps étranger, à l’instar d’une fiche technique datée du 29 mai 1998 et signée des deux parties. Cette fiche technique et les bons de commande spécifient en outre l’origine française des produits.

Des corps étrangers métalliques ont été identifiés dans des émincés de gésier de canard provenant des livraisons effectuées par la société X le 14 septembre 2001 et le 12 octobre 2001. Les livraisons ont porté sur des émincés de gésier de canard congelés, livrés en vrac et conditionnés en octobins, conformément au cahier des charges et aux bons de commande. La société Gelagri a incorporé les émincés dans des poêlées qu’elle a contrôlées après leur fabrication, avant leur envoi à sa clientèle, ce qui a permis d’éviter la diffusion auprès des consommateurs.

Les opérations d’expertise ont permis de découvrir des corps étrangers métalliques plantés dans des gésiers livrés à la société X, ces gésiers présentant une nette réaction inflammatoire, proche de l’enkystement, ce qui établit que les particules métalliques ont été ingérées par les animaux de leur vivant.

Les produits analysés étaient estampillés avec les références de la société F.I.T. International, fournisseur de la société X. Plus précisément, la référence 'F.I.T. TH 18 Thaïlande’ établit la provenance de l’abattoir n° 18 géré par le groupe CP Ducks en Thaïlande.

L’expert a ainsi conclu que les corps étrangers métalliques retrouvés dans les lamelles de gésiers confits entrant dans la composition des poêlées fabriquées par la société Gelagri étaient présents dès l’abattage des canards à l’abattoir de la société CP Ducks en Thaïlande.

La société Y Europe a participé aux opérations d’expertise pour fournir toutes informations sur les processus de fabrication et de contrôle en Thaïlande, et notamment préciser le type de détecteur de métaux utilisé par la société CP Ducks. Les sociétés CP Europe et F.I.T. International ont précisé qu’aucun contrôle de type détection de métaux n’était effectué au cours de leurs opérations de simple négoce.

La société X n’a elle-même justifié d’aucun contrôle de ce type au cours de son processus de transformation des gésiers congelés reçus de Thaïlande, transformés en émincés après décongélation, cuisson, confit, tranchage, recongélation et conditionnement avant livraison à la société Gelagri, envers laquelle elle s’est engagée par contre sur l’absence de corps étranger nuisible, dont les métaux.

Les tests menés en expertise ont montré les limites des méthodes de détection des métaux, impliquant souvent plusieurs passages du produit avant détection. Mais la détection mise en place par la société Gelagri a permis de repérer une pièce métallique dans le produit de sa fabrication, dont la taille était de nature à mettre en danger la sécurité du consommateur.

La présence des pièces métalliques dans les émincés de gésiers de canard constitue un vice caché les rendant impropres à leur usage prévu par la société Gelagri, qui avait pris la précaution de spécifier l’absence de corps étranger dans ce produit, devant être incorporé dans des préparations culinaires. A ce titre, la société X ne peut lui faire reproche d’une absence de contrôle dès l’arrivée des marchandises qu’elle-même devait avoir contrôlées au cours de son processus de fabrication.

La découverte de la pollution métallique affectant les émincés de gésiers de canard fournis par la société X date de la mi-octobre 2001 et l’action engagée par la société Gelagri se trouve soumise au bref délai prévu par l’article l’article 1648 du code civil alors en vigueur.

Aucun accord n’a pu être trouvé entre les parties, de sorte que la société Gelagri a demandé la désignation d’un expert par assignation du 7 juillet 2002, pour faire évaluer son préjudice. La société X s’est associée à la demande d’expertise, en revendiquant l’existence d’un vice caché et faisant évoluer la mission d’expertise pour en déterminer l’origine et mettre en cause son fournisseur, la société F.I.T. International.

L’assignation du 7 juillet 2002 a été délivrée à bref délai, en interrompant le délai prévu par l’article 1648 du code civil alors en vigueur et en faisant un courir un nouveau délai de droit commun, dans lequel a été délivrée l’assignation du 21 février 2007.

L’action de la société Gelagri Bretagne se trouve recevable et bien fondée à l’encontre de la société A X sur le fondement du vice caché, ainsi d’ailleurs que sur le fondement contractuel.

Sur les dommages-intérêts :

L’expert judiciaire a examiné les préjudices évalués par les parties et leurs experts à la suite de deux réunions contradictoires. Écartant les réserves émises par la société X, il a validé les préjudices tels que repris dans la demande de la société Gelagri et non contestés par la société X devant la cour.

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions condamnant la société X à payer la somme de 246.632 € à la société Gelagri Bretagne, cette somme produisant intérêts au taux légal, à compter de l’assignation avec capitalisation des intérêts.

Sur la garantie de la société F.I.T. International :

Pour la fabrication des émincés litigieux, la société X s’est fournie en gésiers de canard auprès de la société F.I.T. International dont elle prétend obtenir la garantie intégrale, en application de l’article 1147 du code civil, sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Il ressort effectivement de l’expertise que des gésiers ont été livrés à la société X par la société F.I.T. International, en provenance de Thaïlande et porteurs de corps étrangers métalliques.

Néanmoins, la société X est un professionnel de l’industrie agro-alimentaire, se chargeant de la transformation des gésiers de canard en émincés qu’elle vend congelés à l’issue d’un processus de décongélation, cuisson, confit, tranchage et congélation.

La société X est réputée connaître les vices susceptibles d’affecter la marchandise qu’elle reçoit et qu’elle vend. Elle s’est d’ailleurs engagée envers la société Gelagri à lui fournir des émincés de gésiers de canard exempt de corps étrangers. Et elle a même émis des réserves sur le conditionnement en octobins qui nuisait, selon elle, à la détection des métaux. Mais elle a entériné ce conditionnement dans le nouveau cahier des charges et elle a poursuivi ses livraisons à la société Gelagri, sans mettre en place un contrôle approprié dans son processus d’approvisionnement et de fabrication. En particulier, elle n’a émis aucune spécification dans ses commandes passées auprès de la société F.I.T International qui oppose à bon droit les manquements professionnels et contractuels de la société X comme se trouvant à l’origine du préjudice subi par la société Gelagri.

Il convient, dès lors, de débouter la société X de sa demande en garantie formée à l’encontre de la société F.I.T. International.

Sur la garantie de C.P.F. Europe :

Les gésiers de canard ont été facturés par la société C.P. Belgium à la société F.I.T. International qui par contre a fait assigner la société C.P.F. Europe, aux fins de participer aux opérations d’expertise et se défendre sur le fond de l’affaire.

En cours d’expertise, la société Y Europe a fourni toutes indications sur l’origine des produits livrés par la société C.P. Belgium à la société F.I.T. International, ainsi que sur les conditions de production des gésiers de canard en Thaïlande. Mais la société C.P.F. Europe a contesté sa mise en cause sur le fond de l’affaire, en déniant sa qualité de co-contractant et par suite sa responsabilité dans cette affaire.

Il résulte d’un extrait du Moniteur Belge que la société anonyme Y Europe a été constituée entre la société Anonyme C.P. Merchandising Compamy Limited et Monsieur F De-Yi, selon un acte notarié en date du 3 juillet 2002, soit postérieurement aux commandes litigieuses. Son siège social est établi à la même adresse que la société anonyme C.P. Belgium qui constitue cependant une autre société, toujours active et identifiée sous un numéro différent de celui de C.P.F. Europe.

Les factures des gésiers litigieux établies par la société C.P. Belgium constituent les seuls documents contractuels fondant l’action en garantie engagée par la société F.I.T. International à l’encontre de la société C.P.F. Europe, sans fournir d’élément de nature à fonder un transfert de relations et notamment de responsabilité contractuelles, en dehors d’une simple mention nominative 'C.P.F. Europe anciennement C.P. Belgium'.

La participation aux opérations d’expertise ne vaut pas reconnaissance de responsabilité et les premiers éléments d’une défense au fond ne font pas obstacle à la découverte tardive d’une erreur sur la personne, rendant irrecevable l’action engagée par la société F.I.T. International à l’encontre de la société C.P.F. Europe.

Sur les frais et dépens :

La société X qui succombe au principal est condamné aux entiers dépens de première instance et d’appel, sauf les dépens de la société C.P.F. Europe qui sont laissés à la charge de la société F.I.T. International.

La société A X est condamnée à payer la somme de 6.000€ à la SA Gelagri et la somme de 3.000 € à la S.A.R.L. F.I.T. International, au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu à plus ample condamnation notamment au profit de la société C.P.F. Europe, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

***

Par ces motifs :

LA COUR :

Infirme le jugement déféré en ses dispositions portant condamnation à garantie à l’encontre des sociétés F.I.T. International et C.P.F. Europe, et condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déboute la société A X de ses demandes formées à l’encontre de la S.A.R.L. F.I.T. International ;

Déclare irrecevable l’action engagée par la S.A.R.L. F.I.T International à l’encontre de la société C.P.F. Europe ;

Condamne la SAS A X à payer à la SA Gelagri Bretagne la somme de 6.000 € et à la S.A.R.L. F.I.T. International la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel;

Dit n’y avoir lieu à condamnation au profit de la SA C.P.F. Europe en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Confirme pour le surplus le jugement déféré ;

Condamne la SAS A X aux dépens de première instance et d’appel, comprenant les frais de référé et d’expertise, à l’exception des dépens exposés par la SA C.P.F. Europe qui sont laissés à la charge de la S.A.R.L. F.I.T. International, recouvrés en appel selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le greffier Le Président

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Rennes, 8 novembre 2013, n° 11/01497