Cour d'appel de Rennes, 10 décembre 2014, n° 14/01976

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 10 déc. 2014, n° 14/01976
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 14/01976

Sur les parties

Texte intégral

9e Ch Prud’homale

ARRÊT N°222

R.G : 14/01976

M. P E

C/

Me T-U Y

CGEA AGS CENTRE OUEST

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 DECEMBRE 2014

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Gérard SCHAMBER, Président,

M. Pascal PEDRON, Conseiller,

Mme Laurence LE QUELLEC, Conseiller,

GREFFIER :

Mme F G, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Octobre 2014

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Décembre 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur P E

XXX

XXX

représenté par Me F LE GUILLOU-RODRIGUES, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMES :

Maître T-U Y, mandataire liquidateur de la SAS STEPHAN TRAITEUR

XXX

XXX

représenté par Me Jean-yves SIMON, avocat au barreau de QUIMPER substitué par Me Céline KAMINSKI, avocat au barreau de LORIENT

CGEA AGS CENTRE OUEST

XXX

XXX

XXX

représenté par Me Marie-Noëlle COLLEU, avocat au barreau de RENNES

FAITS ET PROCEDURE

La SAS Stephan Traiteur (la société), crée en 1973 et présidée depuis 2008 par M. N D exerçait l’activité de service de traiteurs, la Convention Collective applicable en son sein étant celle de la charcuterie de détail.

M. P E a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 04 janvier 2010, par la SAS Stephan Traiteur en qualité de cuisinier au restaurant « le Potager de Lanniron » ; il avait été antérieurement employé par la même société comme cuisinier dans le cadre d’emplois précaires (« extra » ou saisonnier), sans contrat écrit, du 10 janvier 2009 au 31 décembre 2009.

La société a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Quimper du 30 septembre 2011, Me T-U Y étant nommé es-qualités de mandataire liquidateur ; ce dernier a notifié le 13 octobre 2011 aux salariés bénéficiant d’un contrat de travail à durée indéterminée (dont l’appelant) leur licenciement pour motif économique ; l’appelant a accepté le contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail prenant fin le 31 octobre 2011.

M. E, a saisi le 10 mai 2012 (tout comme six autres salariés en contrat à durée indéterminée et deux salariés saisonniers ou « extra ») le Conseil de Prud’hommes de Quimper, pour sa part en demandes salariales et indemnitaires, le CGEA de Rennes pris en sa qualité de gestionnaire de l’ AGS étant appelé à la cause.

Par jugement du 29 mai 2013, cette juridiction a :

— ordonné la jonction des instances concernant les 09 salariés (dont l’appelant)

— jugé que le licenciement économique des 09 salariés (dont l’appelant) est justifié « dès lors que l’attitude frauduleuse de la société n’est pas démontrée et les difficultés économiques avérées »

— débouté les 09 salariés (dont l’appelant) de leur demande de dommages et intérêts sur le non respect du droit au DIF « au motif que le licenciement est justifié »

— débouté les 09 salariés (dont l’appelant) de leur demande de rappel de salaires sur les heures supplémentaires ;

— débouté en conséquence les demandeurs (dont l’appelant) au titre du travail dissimulé

— requalifié le contrat de M. E en contrat à durée indéterminée à compter du 10 janvier 2009, de M. H I à compter du 10 février 2010 et celui de Mme X à la date du 1 er avril 2010 « au motif que les règles applicables au CDD n’ont pas été respectées »

— ordonné l’inscription au passif de la liquidation de la société des sommes de

. 1 956,80 € pour M .E, 2 385,35 € pour M. H I et de 2 050 € pour Mme X au titre de la requalification des contrats d’extra en CDI et, par voie de conséquence, régularisé les indemnités de licenciement à hauteur de 415 € pour M. E, 3224,06 € pour M. H I et 596,37 € pour Mme X

— débouté les demandeurs de l’indemnité pour procédure irrégulière de licenciement;

— dit que les demandeurs sont bien fondés à se voir appliquer les coefficients et la classification conventionnelle suivants, à savoir :

.M. Z, un coefficient 230 en qualité de traiteur organisateur de réception,

.M. C un coefficient 210 en qualité de second de cuisine,

.M. A un coefficient 210 en qualité de second de froid,

.M. H K un coefficient 230 en qualité de traiteur organisateur de réception,

.M. H I un coefficient 230 en qualité de chef traiteur ;

— ordonné la rectification des documents sociaux suivants: bulletins de paie et certificats de travail ;

— dit que c’est à juste titre que l’employeur a appliqué les cotisations sociales sur les indemnités forfaitaires de repas ;

— rappelé que l’exécution provisoire est de droit pour les mesures prononcées en vertu des dispositions des articles R.1245-1 et R 1454-28 du Code du travail et dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire pour le surplus des condamnations;

— déclaré le jugement opposable au CGEA de Rennes, pris en sa qualité de gestionnaire de l’ AGS, dans les conditions prévues aux articles L.3253-8 et suivants du Code du travail, et dans les plafonds prévus aux articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code ;

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

— condamné Me Y es qualités à verser la somme de 800,00 € à chaque demandeur au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

Pour se prononcer ainsi, la juridiction a essentiellement retenu que :

— « les résultats de l’exercice clos au 31 octobre 2010 laissent apparaître un résultat négatif de 216 237 € pour la société STEPHAN TRAITEUR, un résultat négatif de 205 182 € pour la SARL SEFRAVI et un résultat négatif de 163 854 € pour la société STEPHAN SAVEUR, et de moins 44 123 € pour l’EURL SLD. Les difficultés économiques rencontrées par le groupe perdureront et ce dernier sera mis en liquidation judiciaire le 30 septembre 2011 et aucune contestation de la liquidation judiciaire ne sera émise par les demandeurs »

— les demandes de rappel de salaire faites au titre des années 2006 et 2007 sont prescrites

— « les heures inscrites par les requérants sur les calendriers, agendas et différents supports qu’ils versent aux débats sont en contradiction avec les tableaux récapitulatifs joints ; qu’en l’absence de la totalité des bulletins de salaire, il n’est pas établi que les salariés aient effectué des heures de travail au-delà des horaires contractuels »

— par application des articles 25 de la Convention Collective de la Charcuterie de Détail, L 1234-9, L 1233-1 et suivants du Code du Travail, il apparaît que « M .E a travaillé depuis le 10 janvier 2009 en qualité de cuisinier et ce jusqu’au 31 décembre 2009; M. H I a travaillé du 10 février 2010 au 31 mars 2010 en contrat saisonnier, puis sur une période d’avril 2010 à mars 2011 en extra; quant à Mme X, du 1 er avril 2010 au 17 décembre 2010, 1 090 heures avaient été effectuées »

— « il ressort des pièces versées au débat que les fonctions exercées par M. Z correspondent au coefficient 230 en qualité de traiteur organisateur de réception, pour M. C correspondent au coefficient 210 en qualité de second de cuisine, pour M. A correspondent au coefficient 210 en qualité de second de froid, pour M. H K correspondent au coefficient 230 en qualité de traiteur organisateur de réception et pour M. H I correspondent au coefficient 230 en qualité de chef traiteur de la Convention Collective de la Charcuterie de Détail »

— sur la rupture de l’égalité de traitement entre M. E et M. C, le contrat de travail ne souffre d’aucune ambiguïté et stipule clairement le lieu d’affectation de chacun, soit pour le premier le restaurant Le Potager de Lanniron, et, pour le second, la société Stephan Traiteur, « que dès lors le volume d’activités apparaît nettement différent entre les deux affectations »

— la lettre ministérielle du 14 janvier 1988 qui précise le régime des avantages en nature dans la profession des hôtels, cafés, restaurants indique que l’indemnité compensatrice pour repas non fourni est un avantage en nature.

M. E a interjeté appel de ce jugement le 12 juin 2013 .

Par arrêt du 05 mars 2014, l’affaire a fait l’objet d’un retrait du rôle avant d’être rétablie à la diligence de l’appelant.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses écritures auxquelles s’est référé et qu’a développées son avocat à l’audience, M. E, appelant, demande à la cour de :

— dire, par voie d’infirmation du jugement déféré, son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en conséquence inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société les sommes suivantes:

.11 740,02 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

.3 913,60 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

.391,36 € bruts au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

.1 000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect du droit au DIF

.1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

.à titre subsidiaire, concernant les demandes de préavis et de congés payés sur préavis : 1 956,80 € bruts, outre 195,68 € bruts

— dire, par voie d’infirmation du jugement déféré qu’il rapporte la preuve de l’existence d’heures supplémentaires non réglées, et en conséquence inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société les sommes de 19 397,26 € outre 193,97 € à titre de congés payés

— juger caractérisée l’infraction de travail dissimulé et en conséquence inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 11 740,80 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé;

— dire, par voie d’infirmation du jugement déféré que l’employeur a appliqué à tort des cotisations sociales sur les indemnités forfaitaires de repas, faisant subir aux salariés un préjudice financier et en conséquence inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société la somme de 1000€ pour M. E

— dire, par voie d’infirmation du jugement déféré que la société n’a pas respecté le principe d’égalité de traitement entre lui-même et M. C, et en conséquence inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société les sommes de 11 882, 13€ bruts à titre de rappel de salaire et 188,21€ bruts au titre des congés payés afférents

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée depuis le 10 janvier 2009 et en conséquence inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société les sommes suivantes:

.1 956,80 € à titre d’indemnité de requalification

.1119,64 € à titre de solde d’indemnité de licenciement, à parfaire en fonction de la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires

— ordonner à Me Y, ès qualités la remise des bulletins de paie rectifiés et des certificats de travail rectifiés et ce sous astreinte de 50 € à compter de la notification de la décision à intervenir;

— dire que les sommes brutes à caractère salarial porteront intérêts légaux à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes.

— condamner Me Y, ès qualités de mandataire-liquidateur à la somme de 1000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre aux entiers dépens.

— juger la décision à intervenir opposable au CGEA de Rennes.

L’appelant fait notamment valoir en substance que :

— il y a eu légèreté blamable de l 'employeur à l’origine des difficultés économiques de la société, tenant à une volonté insatiable, démesurée, incohérente et suicidaire d’un point de vue économique par éloignement géographique des sites, donc fautive, de M. D de se diversifier en passant par des montages juridiques douteux, la faute de gestion, et le comportement frauduleux de ce dernier avec augmentation de son salaire, le remplacement de son véhicule, l’achat de costumes de luxe, le recours à des coachs et à des cours d’italien ayant entrainé sa condamnation le 07 novembre 2013 pour abus de biens sociaux par le tribunal correctionnel de Quimper devant lequel Me Y s’était constitué partie civile tout en refusant de lui communiquer dans le cadre de l’affaire prud’homale ses conclusions de partie civile et la copie du jugement pénal

— il verse des planning et attestations permettant d’établir et de comptabiliser ses heures supplémentaires sur 2010 et 2011 alors que l’employeur, auquel il avait réclamé le paiement d’heures supplémentaires qui ne lui les a payées que pour 03 mois en 2009 ne fournit aucun élément de contradiction en la matière

— le conseil de prud’hommes de Quimper, dans des litiges jugés séparément concernant deux autres salariés de la société qui ont produit strictement les mêmes éléments de preuve qu’en l’espèce a fait droit aux demandes d’heures supplémentaires

— l’employeur ne pouvait pas ignorer au regard d’un dépassement horaire régulier et significatif l’existence d’heures supplémentaires non règlées

— il a subi pendant plusieurs mois, voire années, un préjudice lié au fait que l’employeur a soumis à cotisations de sécurité sociale les indemnités forfaitaires de repas versées aux salariés alors qu’elles sont présumées être d’utilisation conforme à leur objet dès lors qu’elles restaient comme en l’espèce dans les limites de l’exonération, alors que les lettre ministérielle et circulaire dont se prévaut Me Y ne sont pas applicables à l’espèce et que le contrat de travail du salarié ne précise pas que le repas sera compté comme avantage en nature

— M. C et M. E, classés au même niveau et au même coefficient exerçaient un travail de valeur égale alors que le premier bénéficiait pourtant depuis 2010 d’un taux horaire supérieur, et ce bien que M. E s’était vu confier depuis août 2010 des responsabilités accrues au sein du restaurant, co-gérant la partie cuisine de celui-ci après y avoir été simplement cuisinier

— l’emploi qu’il a exercé en contrat saisonnier non écrit et en « extra » courant 2009 avant d’être embauché à durée indéterminée sur ledit emploi, répondait dès début 2009 à un besoin permanent de l’entreprise de sorte que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée depuis le 10 janvier 2009.

Par ses écritures auxquelles s’est référé et qu’a développées son avocat à l’audience, Me Y, es qualité de liquidateur de la société Stephan Traiteur, intimé et appelant incident demande à la cour :

— sur les licenciements, de confirmer le jugement déféré ayant débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes et de condamner ce dernier à lui verser, ès qualités, la somme de 1000 € au titre des frais irrépétibles, outre aux dépens

— sur les demandes attachées à l’exécution du contrat de travail, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes afférentes aux heures supplémentaires et aux indemnités de repas, d’infirmer le jugement sur la reclassification du salarié et la requalification des CDD en CDI, et de condamner le salarié à lui verser, ès qualités, la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles, outre aux dépens.

Me Y fait siens les motifs retenus par le conseil de Prud’hommes au regard des demandes dont a été débouté le salarié tout en précisant que :

— les autres sociétés du groupe ont également fait l’objet d’une liquidation

— le dirigeant n’a commis aucune erreur de gestion, subissant de plein fouet la crise économique

— la liquidation judiciaire n’a nullement été contestée

— le contrat de travail des salariés précise que l’indemnité de repas est un avantage en nature inclus comme élément de la rémunération alors que les bulletins de paie dénomment cette allocation d’ « indemnités de repas non pris » qui ne peuvent être assimilées à des frais professionnels

— MM. C et E n’étaient pas dans une situation objectivement comparable, le premier ayant une expérience plus élevée, une polyvalence plus importante et exerçait ses fonctions sur l’ensemble de l’activité du réseau traiteur

— le salarié ne verse au soutien de sa demande d’heures supplémentaires qu’un planning et des tableaux qu’il a réalisés de façon unilatérale et après la rupture du contrat de travail, sa demande n’étant étayée par aucun autre élément objectif alors que la seule attestation produite présente un caractère subjectif comme émanant de son épouse.

Par ses écritures auxquelles s’est référé et qu’a développées son avocat à l’audience, le CGEA de Rennes, pris en sa qualité de gestionnaire de l’AGS, demande à la cour de :

— confirmer le jugement déféré et de débouter le salarié de ses autres demandes

— en tout état de cause,débouter le salarié de ses demandes dirigées contre l’AGS

— décerner acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au représentant des créanciers que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L 3253-6 et suivants du code du travail.

— dire que l’indemnité éventuellement allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale.

— dire que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L 3253-17 et suivants du code du travail.

Il fait siens les motifs retenus par le conseil de Prud’hommes, précisant notamment

par ailleurs que :

— s’il s’en rapporte à l’appréciation de la cour quant à la requalification des contrats du salarié, celui-ci ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle et bénéficié de l’indemnité spécifique de sécurisation ne peut prétendre à dommages-intérêts

— le salarié ne justifie pas avoir accompli des heures supplémentaires en sus de celles qui lui ont été réglées comme apparaissant aux bulletins de salaire, alors que les calendriers, attestations croisées que se font les anciens salariés en litige avec la société et les décomptes fournis sont insuffisants à établir la réalité des heures alléguées.

SUR QUOI, LA COUR

Sur le licenciement économique

M. E s’est vu notifier le 13 octobre 2011 par courrier RAR son licenciement pour motif économique dans les termes suivants: « Monsieur, je vous rappelle que par jugement en date du 30 septembre 2011, le tribunal de commerce de Quimper a prononcé la liquidation judicaire de la SAS Stephan Traiteur sis lieu-dit Corroach à Combrit et m’a nommé en qualité de liquidateur

La SAS Stephan Traiteur n’a pas été autorisée à poursuivre son activité, et à ce jour aucune reprise de la société n’est finalisée.

Par autres jugements du 30 septembre 2011, le tribunal de commerce de Quimper a également prononcé les liquidations judicaires des autres sociétés du groupe: (…)

Votre reclassement en interne s’avère donc impossible

Dans le cadre des dispositions de l’article L641-4 du code du commerce, une procédure de licenciement économique est engagée à l’encontre de l’ensemble du personnel pour la raison suivante:

Cessation d’activité ordonnée par le tribunal de commerce, entrainant suppression de tous les postes

En conséquence, après information de M. l’inspecteur du travail, et accomplissement des formalités légales et réglementaires, je me trouve dans l’obligation, au moyen de la présente lettre recommandée avec accusé de réception, de vous notifier votre licenciement pour motif économique

Cette mesure prendra effet au jour de la première présentation de la lettre (')

Votre préavis ne sera pas exécuté (…) »

Le licenciement économique des salariés est intervenu en conséquence de la liquidation judiciaire de la société prononcée par jugement du Tribunal de Commerce de Quimper du 30 septembre 2011 suite aux difficultés économiques et financières insurmontables tant de la société employeur que des autres sociétés du groupe, conduisant à la cessation de l’activité sans reprise et donc à la suppression de tous les emplois ; dans ces conditions, le motif économique des licenciements autorisés en conséquence du jugement prononçant la liquidation est réel et justifié ; si le salarié invoque la faute de gestion de l’entreprise, les comportements frauduleux et les agissements infractionnels de son dirigeant comme étant à l’origine des difficultés économiques de la société générant les licenciements, il ne rapporte pas la preuve de tels manquements rendant les licenciements dépourvus de cause réelle et sérieuse ; en effet, le contenu (énoncé au jugement du tribunal correctionnel de Quimper du 07 novembre 2013, frappé d’appel) des poursuites pénales exercées à l’encontre de M. B, à savoir des faits d’abus de biens sociaux, à supposer les délits poursuivis établis, permet à la cour de s’assurer en raison du caractère ponctuel et limité dans leur montant des infractions poursuivies (abus de biens sociaux par compte courant débiteur de 3 290,07 euros à l’été 2011 et de 9 946,34 euros entre fin 2010 et septembre 2011), que ces faits en tout état de cause ne sont pas à l’origine des difficultés économiques de la société conduisant à sa liquidation ; les comportements frauduleux dont fait état le salarié ne sont pas plus établis par les pièces versées aux débats; de même aucune légéreté blamable dans le choix de l’employeur d’étendre à partir de 2007 son activité et ses implantations géographiques, qui pouvait alors répondre à une logique économique et commerciale cohérente et réalisable, puis dans sa mise en oeuvre, n’est rapportée au delà de ses dires par le salarié à travers ses productions.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a retenu justifié le licenciement économique du salarié et l’a débouté de ses demandes formulées au titre d’un licenciement non causé.

Sur les heures supplémentaires

En application de l’article L.3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies , l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n’incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l’employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l’espèce, le salarié fait valoir avoir été payé d’ heures supplémentaires uniquement courant 2009 , son employeur ne le rétribuant plus de celles-ci par la suite; M. E verse des tableaux (transmis en appel sous cote L et M, 172 et 173) précis et détaillés récapitulant ses heures de travail effectuées sur 2010 et 2011, lesdites pièces faisant apparaître la réalisation par le salarié d’heures supplémentaires hebdomadaires, non prises en compte aux bulletins de paie des années 2010 et 2011 et donc non règlées; le salarié par ces pièces, ainsi que par les attestations (pièces 179 et 232) qu’il verse aux débats rendant compte de la réalisation de nombreux et importants dépassements horaires en 2010 et 2011 alors qu’aucun paiement d’heures supplémentaires n’apparait sur les bulletins de paie des années en cause, étaye ainsi sa demande.

Pour sa part la société ne produit aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié , ni contester utilement le décompte visé dans ses écritures.

Au regard de ces éléments il convient d’infirmer le jugement déféré et de faire droit à la demande de M. E au titre des heures supplémentaires et des congés payés y afférents pour les montants sollicités et dans la limite de ceux-ci, dont le calcul n’est pas discuté.

Sur le travail dissimulé

L’article L 8223-1 du code du travail dispose : « En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire »; il en résulte que le versement de l’indemnité forfaitaire de l’article L 8223-1 du code du travail, peut intervenir dès lors qu''il est établi que l’employeur a sciemment recouru, de manière intentionnelle, au travail dissimulé du salarié.

L’employeur ne pouvait pas ignorer au regard d’un dépassement horaire régulier et significatif l’existence d’heures supplémentaires qu’il faisait réaliser par son salarié, heures supplémentaires qu’il a sciemment décidé d’ignorer pour ne pas les rémunérer; il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré et de faire droit à la demande de M. E au titre du travail dissimulé.

Sur les cotisations sociales sur indemnités forfaitaires de repas

Le contrat de travail du salarié fait apparaître « un repas par jour travaillé » comme constituant un élément de la rémunération du salarié, les bulletins de salaire mentionnant celle-ci comme « indemnités de repas non pris »; dans ces conditions, ladite indemnité de repas est un avantage en nature inclus comme élément de la rémunération et ne peut pas être assimilée à des frais professionnels; en conséquence, quelque soit le montant de cette indemnité (4,35 puis 4,40 euros), celle-ci devait être soumise à cotisations sociales de telle sorte qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. E de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice financier à ce titre.

Sur le non-respect du principe d’égalité de traitement

L’appréciation du respect ou du non respect du principe d’égalité de traitement nécessite une analyse comparée de la situation, des fonctions, et des responsabilités des salariés afin de déterminer si les fonctions respectivement exercées ont une valeur égale.

En l’espèce, M. E, né en 1979, a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 04 janvier 2010, par la SAS Stephan Traiteur en qualité de cuisinier principalement au restaurant « le Potager de Lanniron », bénéficiant d’un taux horaire de 12,63 euros, après avoir travaillé en extra dans les mêmes fonctions depuis janvier 2009 pour un taux horaire de 10 euros ;

M. C, né en 1972, a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 10 juin 2008, par la SAS Stephan Traiteur en qualité de cuisinier sans affectation particulière, bénéficiant d’un taux horaire de 11,30 euros comme cuisinier, puis de 15,82 euros à compter d’août 2009 comme second de cuisine.

Il résulte des pièces du dossier que MM. C et E n’étaient pas dans une situation objectivement comparable, le premier ayant une polyvalence plus importante, pouvant exercer ses fonctions sur l’ensemble de l’activité du réseau traiteur, étant au surplus devenu second de cuisine dès 2009, alors que M. E, embauché postérieurement ne l’est devenu que courant 2011 au vu de ses bulletins de paie

Les fonctions respectivement exercées par les deux salariés n’ayant pas une valeur égale en considération de ces éléments objectifs matériellement vérifiables, l’employeur pouvait dès lors pratiquer une différence de rémunération entre les deux salariés sur la période invoquée par M. E.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. E de sa demande au titre de l’égalité salariale.

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée de la relation de travail suivie en 2009 dans le cadre de contrats précaires

Il résulte de l’analyse des certificats de travail et bulletins de paye que l’emploi que M. E a exercé pour la société comme cuisinier de façon continue dans le cadre de contrats précaires (« extra » ou saisonnier), non écrits, du 10 janvier 2009 au 31 décembre 2009 avant d’être engagé par celle-ci par contrat à durée indéterminée à compter du 04 janvier 2010, correspond à un besoin permanent de l’entreprise pour cette période de 2009, de sorte que la relation de travail doit être requalifiée en contrat à durée indéterminée pour ladite période ;

Il convient par application des dispositions des articles L 1245-1 et L1242-1 du code du travail, de confirmer le jugement en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 10 janvier 2009; le jugement sera également confirmé en conséquence sur l’indemnité de requalification de l’article L 1245-2 du code du travail et l’indemnité de licenciement due au titre des articles L1233-67 et L1234-9 du Code du Travail; en effet, la circonstance que les parties aient conclu un contrat à durée indéterminée postérieurement aux contrats précaires ne prive pas le salarié du droit de demander l’indemnité spéciale de requalification, et le fait qu’il ait bénéficié d’une indemnité dans les conditions des articles L1233-67 et L1234-9 du Code du Travail ne le prive pas de son droit à régularisation de cette indemnité; qu’au regard du montant de celle-ci, il sera fait droit, par réformation du jugement déféré, à la demande du salarié au titre du solde de cette indemnité après régularisation à hauteur de 1119,64 euros, non discuté dans son quantum et méthode de calcul par les autres parties, somme à parfaire en fonction du rappel de salaire pour heures supplémentaires ordonné par la présente décision.

Sur les autres demandes

L’employeur sera tenu de remettre à M. E les documents de rupture rectifiés et ce dans les quinze jours à compter de la notification de l’arrêt sans qu’il soit besoin de prévoir d’astreinte.

Succombant en partie, et tenue comme telle aux dépens tant de première instance que d’appel, la société sera condamnée à verser à l’appelant une somme supplémentaire de 1 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant contradictoirement, par arrêt mis a’ disposition du greffe,

— Infirme le jugement de’fe’re’ en ses dispositions relatives aux heures supplémentaires, au travail dissimulé et au montant de l’indemnité des articles L1233-67 et L1234-9 du Code du Travail ;

Et statuant a’ nouveau sur les points infirmés,

Ordonne l’inscription au passif de la liquidation de la société Stephan Traiteur des sommes de :

—  19 397,26 € au titre des heures supplémentaires non payées

— outre 193,97 € au titre des congés payés afférents,

-11 740,80 € au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

-1119,64 € au titre du solde d’indemnité des articles L1233-67 et L1234-9 du Code du Travail, à parfaire en fonction du rappel de salaire pour heures supplémentaires ordonné par la présente décision.

— Ordonne la remise du certificat de travail rectifié et des bulletins de paie rectifiés

dans les quinze jours à compter de la notification de l’arrêt.

— Décerne acte à l’AGS de ce qu’elle ne consentira d’avance au représentant des créanciers que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L 3253-6 et suivants du code du travail.

Dit que l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile n’a pas la nature de créance salariale.

Dit que l’AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles L 3253-17 et suivants du code du travail.

— Confirme le jugement déféré pour le surplus s’agissant de M. E

— Condamne Me Y, es qualités de liquidateur, à payer à M. E la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles d’appel.

— Condamne Me Y, es qualités de liquidateur, aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

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Cour d'appel de Rennes, 10 décembre 2014, n° 14/01976