Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 27 janvier 2022, n° 19/01624

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Sur la décision

Référence :
CA Rennes, 7e ch prud'homale, 27 janv. 2022, n° 19/01624
Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro(s) : 19/01624
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Texte intégral

7ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°48/2022


N° RG 19/01624 – N° Portalis DBVL-V-B7D-PTC7

SA COCERTO ENTREPRISE

C/

Mme G Y


Copie exécutoire délivrée

le :

à :


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 27 JANVIER 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :


Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,


Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,


Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

GREFFIER :

Madame H I, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :


A l’audience publique du 07 Décembre 2021 devant Monsieur Hervé KORSEC, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial


En présence de Monsieur X, médiateur judiciaire

ARRÊT :


Contradictoire, prononcé publiquement le 27 Janvier 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE : SA COCERTO ENTREPRISE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]


Représentée par Me Florence SEYCHAL de la SELARL DIZIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de NANTES


Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame G Y

[…]

[…]


Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES


Représentée par Me Nadine PROD’HOMME SOLTNER de l’AARPI BMP AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE

Madame G Y a été embauchée par la SA COCERTO ENTREPRISE en qualité de collaboratrice débutante à Cesson Sévigné, suivant contrat du 10 août 2000, puis d’expert-comptable stagiaire à compter du 24 février 2005 ; elle occupait en dernier lieu le poste d’assistante confirmée à Lamballe'; elle a été licenciée le 11 octobre 2017 pour faute grave motivée par son refus réitéré de rejoindre son poste à Cesson-Sévigné, au mépris de la clause de mobilité contractuelle.


Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, Madame Y a saisi le Conseil de prud’hommes de Saint-Brieuc le 17 janvier 2018 afin de le voir, selon le dernier état de sa demande':


Dire qu’elle n’a commis aucune faute grave’et que son refus d’appliquer la clause de mobilité est justifié';


Dire à titre principal qu’elle a subi des faits de harcèlement moral et à titre subsidiaire que la société COCERTO n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail';


Dire que son licenciement s’analyse à titre principal en un licenciement nul et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse';


En conséquence,


Condamner la société COCERTO à lui payer, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et avec les intérêts de droit, les sommes suivantes ;


- 50.160,32 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
- 17.508,34 € à titre d’indemnité légale de licenciement,


- 7.165,76 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,


- 716,57 € au titre des congés payés y afférents,


- 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou manquement à l’exécution de bonne foi du contrat de travail,


- 292,93 € au titre des heures supplémentaires,


- 159,232 € bruts à titre de rappel de salaire pour la journée du 12 octobre 2017,


- 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile';


Dire que la société COCERTO devra remettre à Madame Y dans les 15 jours suivants la signification ou notification du jugement à intervenir une attestation Pôle-Emploi rectifiée’sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement et se réserver expressément la liquidation de l’astreinte.


La défenderesse s’opposait aux prétentions de la demanderesse dont elle sollicitait la condamnation à’lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


Par jugement rendu le 8 février 2019, le Conseil des prud’hommes de Saint-Brieuc statuait ainsi qu’il suit':

«'DIT que Madame G Y n’a pas commis de faute grave et que son refus de voir appliquée la clause de mobilité dans ces conditions était justifiée,


DIT que le licenciement de Madame G Y est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


DIT que les agissements de la société COCERTO ne caractérisent pas à l’encontre de Madame G Y des faits de harcèlement moral';


En conséquence,


CONDAMNE la société COCERTO Entreprise à verser à Madame G Y les sommes de :


- 28 663,09 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, correspondant à 8 mois de salaire,


- 17 508,34 € d’indemnité légale de licenciement en application de l’article R.1234-2 du code du travail,


- 7 165,76 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis en application de l’article 6.2 de la CCN,


- 716,57 € au titre des congés payés afférents,


- 292,93 € au titre des heures supplémentaires,


- 1500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
DEBOUTE Madame G Y de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,


DEBOUTE Madame G Y de sa demande au titre de la nullité du licenciement,


DEBOUTE Madame G Y de sa demande au titre de la journée du 12 octobre 2017,


ORDONNE l’exécution provisoire en ce qu’elle est de droit sur les salaires.


DIT que les sommes à caractère salarial et indemnitaire porteront intérêts légaux à compter de la notification du jugement,


ORDONNE le remboursement par la société COCERTO des indemnités chômage éventuellement perçues par Madame G Y du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de 6 mois.


DEBOUTE la société COCERTO Entreprise de ses demandes reconventionnelles.


CONDAMNE la société COCERTO Entreprise aux dépens et aux frais éventuels d’exécution de la présente décision.'»


Suivant déclaration de son avocat en date du 8 mars 2019 au greffe de la Cour d’appel, la société COCERTO faisait appel de la décision.


Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d’appel, la société COCERTO demande à la Cour de':


Réformer le Jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a :


Dit que Madame G Y n’a pas commis de faute grave et que son refus de voir appliquée la clause de mobilité dans ces conditions était justifié,


Dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,


Condamné la Société COCERTO ENTREPRISE à lui verser, sous le bénéfice de l’exécution provisoire les sommes de':

' 28.663,09 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 17.508,34 € d’indemnité légale de licenciement,

' 7.165,76 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis conventionnelle,

' 716,57 € au titre des congés payés afférents,

' 292,93 € au titre des heures supplémentaires,

' 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile';


Dit que les sommes à caractère salarial et indemnitaire porteront intérêts légaux à compter de la notification du Jugement';


Ordonné le remboursement par la Société COCERTO des indemnités chômage éventuellement perçues par Madame G Y du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de 6 mois';


Débouté la Société COCERTO ENTREPRISE de ses demandes reconventionnelles';


Condamné la Société COCERTO ENTREPRISE aux dépens';


Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Madame Y de ses autres demandes, en nullité du licenciement et dommages et intérêts pour harcèlement moral et au titre de la journée du 12 octobre 2017.


Statuant à nouveau,


Dire qu’en refusant la mise en 'uvre de la clause de mobilité figurant à son contrat de travail Madame G Y a commis une faute grave justifiant son licenciement';


Dire qu’elle ne peut pas prétendre, à défaut d’avoir respecté la possibilité de faire son préavis sur le nouveau site à Cesson Sévigné, objet de la mobilité, au paiement de son préavis et aux congés payés y afférents';


Débouter Madame Y de toutes ses demandes';


Condamner Madame Y au paiement de la somme de 2.000 € en application de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.


Au soutien de ses prétentions, l’appelante expose que dès l’origine, alors que le lieu de travail de l’intimée était fixé à Cesson-Sévigné, son contrat comportait une clause de mobilité qui a été rappelée et étendue par un avenant du 12 septembre 2013, lequel prévoyait en outre un aménagement du temps de travail à temps partiel jusqu’en septembre 2014, coïncidant avec un congé parental et fixait son lieu de travail à Lamballe'; elle fait valoir que l’intimée est la conjointe de Monsieur Z, expert-comptable à Lamballe, avec lequel la société COCERTO est en conflit au motif qu’il’a brutalement notifié une prise d’acte de la rupture de son contrat et quitté le cabinet de Lamballe en juillet 2017,'pour se réinstaller à Saint Grégoire, détournant la moitié de la clientèle du cabinet ; elle soutient qu’en conséquence, elle a dû procéder à une réorganisation du bureau de Lamballe, d’autant que Madame Y assurait le suivi d’une large part de la clientèle ayant quitté le cabinet'; elle a alors réaffecté l’intimée au bureau de Cesson-Sévigné, en respectant un délai de prévenance suffisant, dans le cadre de la mise en 'uvre d’une nouvelle organisation de l’entreprise après le départ de Monsieur Z,'visant à regrouper les travaux de comptabilité à Cesson-Sévigné'; elle estime que devant le refus réitéré de l’intimée, jusqu’au mois d’octobre 2017, de rejoindre son poste et son refus de toute concertation, elle était bien fondée à mettre en 'uvre une procédure de licenciement pour faute grave'; elle conteste par ailleurs que cette mutation engendrant un temps de trajet de une heure puisse constituer une atteinte disproportionnée au droit de la salariée à une vie personnelle ou familiale alors qu’elle a toujours effectué de nombreux déplacements en clientèle, notamment à Rennes et dans sa périphérie ; elle conteste enfin les heures supplémentaires alléguées et tout fait de harcèlement moral.

* * *


Par conclusions de son avocat présentées en cause d’appel, Madame Y demande à la Cour de :


Confirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes en ce qu’il a :


Dit qu’elle n’a pas commis de faute grave et que son refus de voir appliquée la clause de mobilité dans ces conditions était justifié,
Dit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse';


En conséquence,


Condamné la société COCERTO à lui verser les sommes de :


- 17.508,34 € d’indemnité légale de licenciement,


- 7.165,76 € d’indemnité compensatrice de préavis,


- 716,57 € au titre des congés payés y afférents,


- 292,93 € de rappels d’heures supplémentaires,


- 1.500 € d’article 700 du code de procédure civile';


Infirmer le jugement en ce qu’il a :


Dit que les agissements de la société COCERTO ne caractérisent pas à son encontre des faits harcèlement moral et l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre';


Débouté l’intimée de sa demande au titre de la nullité du licenciement,


Condamné la société COCERTO à lui payer la somme de 28.663,09 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


Débouté l’intimée de sa demande au titre de la journée du 12 octobre 2017'; Statuant à nouveau dans cette limite,


Dire que Madame Y a subi des faits de harcèlement moral et à titre subsidiaire que la société COCERTO n’a pas exécuté de bonne foi le contrat de travail';


Dire que son licenciement s’analyse, à titre principal en un licenciement nul, et à titre subsidiaire sans cause réelle et sérieuse,


En conséquence,


Condamner la société COCERTO à lui payer les sommes suivantes, avec les intérêts de droit :


- 50.160,32 € de dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,


- 159,232 € bruts de rappel de salaire pour la journée du 12 octobre 2017,


Dire que la société COCERTO devra lui remettre dans les 15 jours suivants la signification de l’arrêt à intervenir une attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement';


En tout état de cause,


Déouter la société COCERTO de l’ensemble de ses demandes';


La déclarer mal fondée en son appel';


Confirmer par conséquent pour le surplus le jugement dont appel';
Condamner la Société COCERTO à lui payer la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.


A l’appui de ses prétentions, l’intimée fait valoir qu’elle a connu une progression constante au sein du groupe COCERTO, d’abord à l’agence de Cesson-Sévigné, puis à partir de janvier 2014 à Lamballe où elle travaillait avec son compagnon, Monsieur Z, expert-comptable'; elle expose que ce dernier a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 10 juillet 2017 et a saisi le Conseil de prud’hommes, ensuite de quoi, dès le 17 juillet 2017, elle a vu son accès au logiciel du cabinet bloqué, puis rétabli mais restreint à certains horaires'; puis le 4 août 2017, alors qu’elle était en congés, elle s’est vue notifier sa mutation au cabinet de Cesson-Sévigné, mutation qu’elle a refusée au motif qu’elle n’était pas justifiée par l’activité de la société, un poste vacant, similaire au sien, étant disponible à Lamballe suite au départ en retraite d’une collègue'; elle soutient en outre que l’employeur n’a pas respecté un délai de prévenance suffisant alors qu’elle a 2 jeunes enfants scolarisés à Plérin, outre qu’elle est suivie sur place pour le traitement de son cancer, qu’il n’était pas de bonne foi et a manqué au respect de sa vie privée et familiale'; c’est dans ces conditions qu’elle a refusé cette mutation et a été alors licenciée pour faute grave, la clause de non-concurrence contractuelle étant maintenue'; dans la mesure où cette mutation n’était motivée en réalité que par le conflit qui opposait son employeur à son compagnon, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris, mais critique cependant le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande au titre du harcèlement moral qu’elle prétend avoir subi, caractérisé par l’absence d’entretien annuel et d’augmentation depuis 2014, le défaut de paiement de ses heures supplémentaires alors qu’elles étaient payées aux autres salariés, ses restrictions d’accès au logiciel du cabinet et sa mise à l’écart progressive jusqu’à son licenciement'; elle estime enfin que son préjudice n’a pas été justement réparé par les premiers juges.


La clôture de l’instruction été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état le 30 novembre 2021 avec fixation de l’affaire à l’audience du 7 décembre 2021.


Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions adressées au greffe de la Cour, le 3 décembre 2019 pour la société COCERTO et le 26 décembre 2019 pour Madame G Y.

SUR CE, LA COUR

1. Sur la demande au titre des heures supplémentaires


S’il résulte de l’article L.3171-4 du code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties, il appartient au salarié de présenter au juge, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Au vu des éléments fournis, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.


Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe la créance salariale s’y rapportant.


A cette fin, Madame Y, qui réclame le paiement de 10 heures supplémentaires réalisées au mois de janvier et février 2017, produit une copie de la fiche de temps correspondante qu’elle avait à charge de renseigner quotidiennement, avec l’indication du nom du client et du libellé des travaux pour permettre la facturation, qui laisse apparaître un total de 42 heures par mois pour les 2 mois considérés'; elle produit en outre une lettre du 11 septembre 2017 par laquelle, outre la confirmation de sa décision de ne pas accepter la mutation qui lui était imposée, elle réclamait le paiement des heures supplémentaires exceptionnelles réalisées au mois de janvier février à raison d’un manque de personnel, rappelant que ces heures étaient mentionnées sur ses fiches de temps et que tous ses collègues avaient vu leurs heures supplémentaires payées, faisant valoir qu’elle faisait l’objet d’une discrimination'; elle produit à cet égard différents courriels de Monsieur Z, en sa qualité de directeur du bureau de Lamballe, adressés à la comptabilité reprenant les heures supplémentaires de janvier et février 2017 pour 4 salariés dont Madame Y, variant entre 10 heures et 35 heures, ainsi qu’un courriel des salariés concernés confirmant que leurs heures supplémentaires avaient bien été payées, fait encore confirmés par les attestations émanant des salariés en cause, Messieurs A et B, ainsi que Madame C .


Il s’ensuit que l’intimée produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l’employeur.


Pour sa part, l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées et à qui il incombe de répondre utilement aux éléments produits par la salariée en produisant ses propres éléments,'se borne à contester la réalité des heures supplémentaires alléguées au motif que la salariée n’a pas expliqué les raisons justifiant qu’elle aurait dépassé le temps de travail sur les dossiers en cause, faisant valoir inexactement qu’elle ne précise pas le nom de ces dossiers et les journées concernées'; il ne s’explique pas plus sur le motif pour lequel l’ensemble des salariés concernés ont vu leurs heures supplémentaires, validées au cours de la même période par Monsieur Z, payées à l’exception de Madame Y.


Dès lors, au vu des éléments produits, et sans qu’il soit besoin de mesure d’instruction, la Cour a la conviction au sens du texte précité que Madame Y a bien effectué les heures supplémentaires alléguées et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

2. Sur le harcèlement moral


Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.


En application de l’article L.1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.


Au soutien de sa demande, Madame Y caractérise le harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime par’l'absence d’entretien annuel de notation et le défaut d’augmentation de salaire depuis 2014, le défaut de paiement de ses heures supplémentaires, les restrictions d’accès au logiciel du cabinet l’empêchant d’exécuter ses missions, les conditions de sa mutation et sa mise à l’écart progressive, outre qu’elle n’a pu accéder à son lieu de travail le 11 avril, les serrures ayant été manifestement changées, sans qu’elle n’ait été rendue destinataire d’un nouveau trousseau.


Pour établir la matérialité de ces faits constituant selon elle un harcèlement, l’intimée verse aux débats, outre les pièces déjà évoquées, un courriel du 17 juillet 2017 adressé à son employeur par lequel elle expose que, de retour de clientèle à 14 heures, elle a constaté que sa session Citrix était désactivée, qu’elle a alors interrogé le service informatique qui lui a indiqué que le PDG, Monsieur D, a demandé que lui soit supprimés ses accès au logiciel ; elle indique qu’elle était donc dans l’impossibilité de travailler et d’assurer le suivi courant des dossiers qui lui sont attribués, observant que cette privation d’accès intervient moins d’une semaine après que Monsieur Z, son conjoint, ait pris acte de la rupture de son contrat de travail'; elle produit une copie d’écran du 17 juillet 2017 à 14h02 sur laquelle apparaît la mention que son compte Citrix est désactivé, puis une copie d’écran du même jour à 18h05 laissant apparaître que l’accès à son compte comporte des restrictions d’heures qui l’empêche de se connecter, outre une copie d’écran du 31 juillet 2017 confirmant les restrictions d’accès'; elle justifie avoir encore interrogé son employeur sur ces restrictions d’accès par une lettre recommandée avec accusé de réception du 21 août 2017, demeurée sans réponse'; Messieurs A et B et Madame C confirment dans le cadre de leurs attestations précédemment évoquées, avoir personnellement constaté que le 17 juillet 2017, à son retour de congé Madame Y n’avait plus accès à Citrix, puis qu’il a été mis en place des restrictions d’accès entre 12h et 14h, ainsi qu’après 18h, alors que l’ensemble du personnel est en accès illimité.


Elle produit par ailleurs un courriel de convocation à un séminaire groupe les 12 et 13 octobre 2017 a d r e s s é à l ' e n s e m b l e d u p e r s o n n e l , a v e c l e p r o g r a m m e p r é v o y a n t , p o u r e x e m p l e , u n perfectionnement sur Excel avec la constitution de 10 groupes de 12 personnes, elle-même n’ayant pas été invitée à ce séminaire et ne figurant pas dans les groupes constitués.


Pour sa part l’employeur, aux fins d’établir que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, produit':


- s’agissant du défaut d’entretien et d’éventuelles augmentations salaire, une attestation de Madame C indiquant qu’elle a été embauchée par Monsieur Z en décembre 2013, qu’il réalisait les entretiens d’embauche, les départs, les entretiens annuels, et les augmentations jusqu’en juin 2017, année où les entretiens ont été réalisés par le PDG Monsieur D, alors que Monsieur Z était en déplacement'; l’employeur produit en outre des courriels émanant de Monsieur Z transmettant les synthèses des entretiens annuels en juin 2015, en ce compris celui de Madame Y, avec les demandes d’augmentation de salaire et les propositions de prime, outre les demandes de formation, avec pour proposition, notamment de porter le salaire de Madame Y de 3.200€ à 3.450 € et l’allocation d’une prime de 1.500 € compte tenu de la réalisation de 100 vacations, étant observé que la même prime était proposée pour deux autres salariés ayant réalisé 90 à 100 vacations';


- s’agissant des restrictions d’accès au logiciel du cabinet, l’employeur soutient que l’impossibilité d’accès s’est limitée à la seule journée du 17 juillet 2017 à la suite d’une panne, son poste ayant été désactivé pendant ses congés, un temps de réactivation de quelques heures n’ayant rien d’anormal'; il indique encore que Madame Y n’était pas autorisée à travailler à domicile, ni à effectuer des heures supplémentaires et ne peut, dès lors se plaindre d’une déconnexion en dehors de son temps de travail';


- s’agissant de sa mutation, l’employeur produit le contrat de travail de l’intimée prévoyant une clause de mobilité et soutient qu’il a respecté un délai de prévenance suffisant et qu’il n’y avait pas d’atteinte disproportionnée aux droits de la salariée';


- s’agissant du changement des serrures, l’employeur indique qu’il y a fait procéder par mesure de sécurité le 11 octobre, l’intimé ayant reçu sa lettre de licenciement le 12 octobre de sorte qu’elle n’avait pas être destinataire d’un nouveau trousseau.


Il ressort de ces éléments que jusqu’en 2017, l’intimée n’établit aucun élément permettant de caractériser un prétendu harcèlement moral, étant observé qu’il est suffisamment démontré que les entretiens annuels ont bien eu lieu en 2015 et que son conjoint, Monsieur Z en avait la charge jusqu’en 2017.


Il est par contre établi que dans les temps de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail le 10 juillet 2017 par Monsieur Z, expert-comptable responsable du bureau de Lamballe, l’intimée, à son retour de congés le 17 juillet 2017 n’a pu accéder au logiciel lui permettant de réaliser ses fonctions ; à cet égard l’employeur qui fait valoir tout à la fois un temps de remise en service «'parfaitement normal'» de son poste déconnecté pendant ses congés et une panne dont il ne justifie pas, a manifestement envisagé la transmission d’informations par Madame Y à Monsieur Z, tel qu’en atteste la restriction de ses conditions d’accès hors ses horaires de travail, ou encore le changement des serrures de l’établissement à la date de l’envoi de la lettre de licenciement.


Il y a lieu de relever enfin que si Madame Z n’a pas été conviée au séminaire des 12 et 13 octobre de 2017, elle avait déjà refusé sa mutation par lettre du 21 août 2017, refus confirmé par une lettre du 11 septembre 2017 et avait déjà été convoquée à un entretien préalable en vue d’une sanction disciplinaire le 21 septembre 2017 pour le 4 octobre 2017.


Il résulte de ces éléments, qu’au-delà du défaut de paiement de 10 heures supplémentaires en janvier et février 2017 et de la défiance de l’employeur qui s’est manifestée entre juillet et septembre 2017 à l’égard de Madame Y à raison du conflit l’opposant à son conjoint, l’intimée ne caractérise pas d’agissements répétés de harcèlement moral.


Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté Madame Y de de ses demandes à ce titre.


Ces éléments ne permettent pas plus de caractériser un manquement de l’employeur à son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail, outre que Madame Y ne justifie pas du préjudice qui en serait résulté et le jugement déféré sera tout autant confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par l’intimée à ce titre.

3. Sur la faute grave et le bien-fondé du licenciement


La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et impose son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve et les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. Il résulte enfin de l’article L.1234-1 et de l’article L.1234-9 du code du travail en sa rédaction alors applicable, que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.


Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 octobre 2017, Madame Y était licenciée pour faute grave ainsi caractérisée':

«'Je fais suite à notre entretien préalable qui a eu lieu le 04 octobre 2017 auquel vous n’étiez pas assistée.


Je vous notifie par la présente votre licenciement pour faute grave.


Vous trouverez ci-après les motifs de ce licenciement.


Votre contrat de travail du 12 septembre 2014 prévoit que votre secteur d’activité est délimité par les Départements d’Ille et Vilaine (35) et Côtes d’Armor (22).


Après une première affectation à CESSON SEVIGNE, vous avez été affectée à LAMBALLE en janvier 2014, votre contrat prévoyant que « le lieu de travail ne constitue pas un élément déterminant du contrat et peut être déplacé à tout moment dans le même secteur géographique».


Par ma lettre du 4 août 2017, je vous ai informé de votre déplacement de votre lieu de travail de LAMBALLE (22) à CESSON SEVIGNE (35) à compter du 30 septembre 2017 et vous ai invité à vous mettre en relation avec notre Bureau de CESSON SEVIGNE pour les modalités pratiques.
Par lettre du 21 août 2017, vous vous êtes opposée à ce déplacement de lieu de travail car vous n’auriez pas été préalablement informée.


J’ai tenu par ma lettre du 6 septembre 2017 à vous inviter à reconsidérer votre décision et à vous proposer un rendez-vous à CESSON SEVIGNE dans le cadre de l’organisation mise en place à compter du 30 septembre 2017, ce qui vous permettait de prendre contact avec vos collègues de travail.


Par lettre du 11 septembre 2017, vous avez contesté ma décision de mise en 'uvre de la clause prévoyant votre déplacement au sein du même secteur géographique en refusant tout entretien et en adoptant un discours polémique à l’issue duquel vous m’avez rappelé que vous êtes la conjointe de Monsieur J Z et vous considériez être l’objet d’une sanction consécutive au départ sans préavis de ce dernier.


Vous avez développé des contestations de tous ordres qui n’ont pas la moindre réalité dans la perspective évidente de tenter de justifier votre insubordination tenant à un refus réitéré de mise en 'uvre de ladite clause que vous avez acceptée contractuellement, et ceci pour confirmer votre refus qui est ainsi exprimé une deuxième fois.


Je dois déplorer votre attitude peu constructive et votre obstruction à toutes solutions amiables proposées par ma lettre du 6 septembre 2017, confirmée par la lettre de convocation à l’entretien préalable.


Vos propos tenus lors de celui-ci confirment que vous n’aviez pas d’autre explication à donner que ce que vous aviez écrit le 11 septembre 2017.


En conséquence, je suis contraint compte tenu de votre décision de refuser l’application d’une clause de votre contrat de travail et de votre défiance à l’égard de notre Société de vous licencier.


La faute grave est caractérisée.


En effet, malgré mes efforts pour vous inviter à une solution qui préserve votre emploi, vous avez choisi de vous situer dans une opposition systématique alors que votre contrat prévoyait de manière claire et précise les modalités du transfert de votre contrat de travail au sein du même secteur d’activité incluant notamment les Départements d’Ille et Vilaine et des Côtes d’Armor.


Vous n’avez fait aucune proposition concernant une autre date qui aurait pu éventuellement tenir compte de considérations personnelles pour la prise d’effet de ce transfert de contrat, alors que cette disposition de votre contrat a déjà été mise en 'uvre en janvier 2014 lorsque vous êtes venue de CESSON SEVIGNE à LAMBALLE, ce que vous reconnaissez vous-même.


Vous avez inventé un grief de défaut d’accès au système d’informatique du Bureau, alors que vous avez toujours eu accès à tous les outils de travail à partir de votre PC en ce compris à la connexion CITRIX à partir de votre lieu de travail, à l’exception seulement d’un jour de panne qui n’a duré que 24 heures en août dernier.


Non sans contradiction, vous admettez d’ailleurs que vous avez été restreinte dans l’accès au système en dehors des heures d’ouverture du Cabinet, ce qui établit que vous avez une parfaite connexion pendant votre temps de travail.


Aucune disposition de votre contrat de travail, ni de la convention collective ne prévoit un travail à domicile et tout cas en dehors de votre temps de travail et votre grief est donc ainsi d’une totale mauvaise foi, alors que la réglementation impose de plus une déconnexion du salarié en dehors du temps de travail.
Vous avez contesté l’organisation mise en place à compter de septembre 2017 en vous arrogeant le droit d’écrire que votre transfert de contrat n’était pas indispensable au motif que la clientèle n’était pas attachée à un collaborateur mais à un expert-comptable, et contesté que la clientèle sur laquelle vous avez travaillé ne se situait pas en Région Rennaise.


L’examen des temps de travail affectés sur les dossiers établit que vous avez effectivement travaillé sur les dossiers de notre clientèle située autour de RENNES et l’état des déplacements que vous avez réalisés avec votre véhicule sont là pour vous rappeler que vous avez effectué au moins un déplacement par semaine à partir du Bureau de LAMBALLE à destination de RENNES ou sa périphérie CHANTEPIE, LA GRAVELLE, etc…, et que vous avez travaillé essentiellement sur cette clientèle depuis 2014.


Vous avez également contesté ma décision de rattacher la clientèle de RENNES au Bureau de CESSON SEVIGNE pour centraliser les services réalisés par le Bureau de CESSON SEVIGNE et assurer un service de proximité à cette clientèle.


Vous affirmez que la mission sociale est faite depuis 2013 à LAMBALLE en sorte qu’il n’y aurait pas nécessité de centralisation des services.


Au-delà du fait qu’il ne vous appartient pas de substituer votre appréciation d’organisation de l’entreprise à la mienne, je dois rectifier vos affirmations.


Le service juridique est rattaché à CESSON SEVIGNE.


L’assistance en matière sociale est traitée de manière informatique au niveau global pour tous les Bureaux et sa base est située à Nantes depuis 2017. Le support technique pour cette activité sociale est basé à CESSON SEVIGNE, référent technique de LAMBALLE.


La réalisation de la paye est effectuée sur site lorsqu’il n’y a pas de désorganisation du Bureau comme cela s’est produit par suite de nombreuses démissions en 2016 et 2017.


Ma décision d’assurer une proximité entre le service assuré par notre Cabinet sur tous les aspects de la prestation de l’expertise-comptable et la clientèle est ainsi pour le moins légitime.


Vous avez égaiement évoqué le défaut de paiement d’heures supplémentaires car vous auriez accompli un temps de travail non rémunéré dû « essentiellement au manque de personnel».


Je n’ai reçu de votre part aucune demande d’heures supplémentaires et votre grief concernant une discrimination quant au paiement desdites sommes est parfaitement malvenu étant rappelé que le temps de travail au sein de la Société COCERTO est de 37 heures par semaine, qu’il doit se réaliser sur le lieu de travail ou pendant le temps de visite en clientèle mais à l’exclusion des heures de déplacement qui ne sont pas des heures de travail effectives suivant la convention collective.


Vous n’avez pas davantage été privée d’une augmentation de salaire qui vous aurait été promise, ce qui relève également d’un reproche illégitime au même titre que tous vos griefs basés sur la discrimination dont vous n’avez d’ailleurs jamais fait état auparavant.


Concernant votre entretien annuel, je ne vois pas que vous en ayez été privée et vous n’en avez d’ailleurs jamais fait état antérieurement.


Enfin, la baisse significative du portefeuille-clients sur LAMBALLE (perte de 70 vacations au moins) entre 2016 et 2017, suivie de la récente réception de lettres de résiliation de mission dont résultera nécessairement une baisse d’activité ne nous permet pas d’envisager le remplacement du personnel partant à la retraite comme vous l’évoquez.
A compter de la notification de la présente, vous ne faites plus partie du personnel.


Vous voudrez bien restituer tous les moyens de travail qui vous ont été confiés pour la réalisation de vos fonctions en ce compris votre ordinateur notamment.


Je vous rappelle également que vous êtes tenue d’une interdiction conventionnelle de non concurrence mentionnée en page 5 de votre contrat.


Je vous prie de bien vouloir vous y conformer strictement, en vous abstenant notamment de rentrer en relation directement ou indirectement avec la clientèle dont vous avez eu connaissance pendant l’exécution de vos travaux,


Je limite cependant l’application de cette clause à une durée de 18 (dix-huit) mois à compter de la cessation de votre contrat de travail.


Durant cette période, vous serez indemnisée dans les conditions contractuelles. Vos documents de fin de contrat vous parviendront par voie postale''»


Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en l’état du droit applicable aux faits de l’espèce, que le licenciement repose sur l’insubordination de la salariée, tenant à un refus réitéré d’application d’une clause de mobilité contractuelle.


Aux fins de rapporter la preuve des faits allégués, l’employeur produit le contrat de travail signé avec l’appelante le 29 août 2000, définissant son secteur d’activité, fixant son lieu de travail à Cesson-Sévigné et prévoyant qu’elle accepte dès à présent tout changement du lieu de travail sur l’ensemble du secteur géographique où le groupe exerce son activité, ainsi qu’un détachement à l’étranger dans le cadre des missions temporaires que le groupe pourrait être amené à réaliser'; cette clause a été modifiée par l’avenant au contrat de travail du 12 septembre 2013 disposant que le lieu de travail ne constitue pas un élément déterminant du contrat et qu’il pourra être déplacé à tout moment dans le même secteur géographique (7 départements, de l’Ille-et-Vilaine à la Gironde, outre l’Ile-de-France), clause reprise en ces termes dans le cadre de l’avenant du 9 janvier 2014 fixant le lieu de travail à Lamballe.


Il résulte des éléments déjà rappelés et des écritures des parties que l’employeur rapporte la preuve de ce que l’intimée s’est vu notifier une mutation à Cesson-Sévigné et que de façon réitérée, elle a refusé de rejoindre sa nouvelle affectation.


La bonne foi contractuelle étant présumée, il incombe à la salariée de démontrer que cette décision était en réalité étrangère à l’intérêt de l’entreprise ou mise en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.


A cette fin, elle produit la requête déposée par Monsieur Z devant le Conseil des prud’hommes à l’encontre de la société COCERTO le 29 septembre 2017, de laquelle il ressort que son conjoint et supérieur hiérarchique, responsable de l’agence de Lamballe, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 10 juillet 2017 dans un contexte conflictuel'; elle produit par ailleurs le courriel du président de la société, Monsieur D, adressé à l’ensemble des salariés de l’agence du bureau de Lamballe le 19 juillet 2017 leur indiquant que le responsable technique du bureau sera désormais Monsieur E et que lui-même poursuivra la gestion administrative et sociale'; elle produit en outre la lettre recommandée qui lui a été adressée par son employeur le 6 août, dont elle ne prendra connaissance qu’à son retour de congé, l’informant de son intention de mettre en 'uvre la clause de mobilité en fixant son lieu de travail à Cesson à Cesson Sévigné, «'idéalement à compter du 6 septembre 17 et au plus tard le 30 septembre 2017'»'; elle produit encore sa lettre du 11 septembre 2017 par laquelle elle explique qu’elle avait accepté une première mutation de Cesson-Sévigné à Lamballe en janvier 2014 qui lui avait été proposée pour des raisons familiales, lorsque son conjoint Monsieur Z avait pris la direction de ce bureau en 2013 ; elle justifie avoir été absente pendant 20 mois, suite à un congé maternité, suivi d’un arrêt maladie de longue durée pour traitement d’un cancer’et observe que depuis sa reprise, elle suivait, en sa qualité de collaboratrice, les clients’de Monsieur Z, se déplaçant fréquemment à Rennes pour répondre aux besoins des clients, sans que cela ne remette en cause son lieu de travail fixé contractuellement à Lamballe'; elle produit encore l’état des mouvements des personnels de l’agence de Lamballe, observant que le poste occupé par Madame F, similaire au sien, qui suivait elle aussi des clients rennais, était vacant depuis le 31 juillet 2017, suite à son départ en retraite, outre que cette agence était en sous-effectif chronique, faisant valoir qu’elle a été, en définitive, la seule salariée à se voir imposer cette mutation';

elle tire enfin du changement des serrures de l’agence, sans que ne lui soit remis un jeu des nouvelles clés et de ce qu’elle n’a pas été intégrée au séminaire programmé à compter du 12 octobre 2017, que la mutation qui lui était imposée n’avait pour seul objet que de légitimer un licenciement déjà programmé.


Pour justifier que la clause de mobilité a bien été mise en 'uvre dans l’intérêt de l’entreprise, l’appelante produit, outre le jugement du Conseil des prud’hommes ayant débouté Monsieur Z de ses demandes et l’ayant condamné au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, l’état des déplacements de Madame Y dans la région rennaise, de l’ordre de deux fois par semaine'; l’employeur produit encore diverses lettres de résiliation émanant de clients qui auraient rejoint le cabinet de Monsieur Z à compter du mois d’octobre 2017 ainsi que 5 lettres de démission de salariés du bureau de Lamballe contre novembre 2017 et mars 2018, soit toutes postérieures au licenciement de l’intimée.


Il résulte de ces éléments que dans le contexte de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par Monsieur Z et de la défiance manifestée par l’employeur à l’intimée qui s’en est suivie, caractérisée notamment par les restrictions d’accès au logiciel Citrix, le défaut de remise d’un double des clés, puis son défaut d’intégration au séminaire du 13 octobre, l’employeur ne justifie pas que la mise en 'uvre de la clause de mobilité était légitime au regard de l’intérêt de l’entreprise'; ainsi il ne s’explique pas précisément sur le motif pour lequel Madame Y ne pouvait occuper, notamment le poste laissé vacant par Madame F au bureau de Lamballe'; en outre, à supposer même que l’employeur ait entendu réorganiser le bureau de Lamballe en septembre 2017, ce dont il n’est pas précisément justifié, il ne s’explique pas plus sur le fait que l’intimée ait été la seule salariée concernée par cette réorganisation à cette période, alors qu’il n’ignorait pas qu’elle était suivie pour un cancer à Lamballe et qu’elle avait deux enfants scolarisés à Plérin, outre qu’en informant la salariée de cette décision au mois d’août, l’employeur ne lui a manifestement pas laissé un délai suffisant au regard de sa situation personnelle, pour s’organiser.


Il s’ensuit que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la mise en 'uvre de la clause de mobilité à l’égard de Madame Y n’était pas justifiée par l’intérêt de l’entreprise, procédait d’un abus de droit’et portait une atteinte disproportionnée à son droit à une vie personnelle et familiale, de sorte que le jugement déféré qui a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sera en conséquence également confirmé sur ce point.

4. Sur les conséquences de l’absence de cause réelle et sérieuse


Au jour du licenciement, Madame Y avait une ancienneté de 17 ans et 2 mois et percevait un salaire mensuel brut moyen de 3.582,88 €.

a L’indemnité compensatrice de préavis


En application de l’article L.1234-1 du code du travail puisque le licenciement n’est pas motivé par une faute grave, le salarié qui compte au moins deux ans d’ancienneté a droit à un préavis ; aux termes de l’article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit à une indemnité compensatrice.


Dans la mesure où l’indemnité équivalente à deux mois de salaire allouée par les premiers juges est conforme aux dispositions de l’article 6.2.0 de la convention collective nationale des experts-comptables et qu’elle n’est pas contestée en son montant, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a été alloué à l’intimée la somme de 7.165,76 € à ce titre, outre celle de 716,57 € au titre des congés payés afférents.

b L’indemnité de licenciement


Conformément aux dispositions de l’article L.1234-9 du code du travail, lorsque le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée est licencié alors qu’il compte 8 mois d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, il a droit, par application des dispositions de l’article R.1234-2 du même code, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour 10 premières années et un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté à partir de 10 ans.


L’indemnité allouée par les premiers juges à hauteur de la somme de 17.508,34 € n’étant pas contestée en son montant, il y a lieu de confirmer encore la décision déférée sur ce point.

c Les dommages et intérêts’pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse


Dans la mesure ou Madame Y, avait lors de la rupture du contrat de travail une ancienneté de plus de 17 années dans l’entreprise qui emploie de manière habituelle plus de 10 salariés, en l’espèce plus de 180 salariés, elle peut prétendre, conformément aux dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, à une indemnité comprise entre 3 et 14 mois de salaire brut.


Si Madame Y ne justifie pas précisément de sa situation après son licenciement et ne produit pas de pièces, compte tenu de son ancienneté, des circonstances de son licenciement et de ce qu’elle était âgée de 40 ans et avait deux enfants à charge, c’est par une juste appréciation de son préjudice que les premiers juges lui ont alloués la somme de 28.663,09 € à titre de dommages-intérêts et le jugement querellé sera encore confirmé sur ce point.

5. Sur le rappel de salaire


L’intimée expose que son licenciement lui a été notifié le 12 octobre 2017 même si la lettre de licenciement est datée du 11 octobre 2017 et qu’en conséquence son contrat de travail a pris fin le 12 octobre, journée qui ne lui a pas été payée tel qu’il résulte du reçu pour solde de tout compte.


Dans la mesure où le licenciement prend effet à la date de première présentation de la lettre recommandée notifiant la rupture du contrat, ce que la lettre de licenciement rappelle d’ailleurs expressément et que Madame Y justifie que la lettre de licenciement datée du 11 octobre 2017 lui a été présentée le 12 octobre 2017, elle est bien fondée à solliciter le paiement de la journée du 12 octobre.


Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande et la société COCERTO sera condamnée à verser à Madame Y la somme de 159,23 € bruts à ce titre.


Il y a lieu de condamner en outre l’appelante à délivrer à l’intimée les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux termes du présent arrêt dans un délai de 1 mois à compter de sa notification ou de sa signification, sans qu’il soit utile d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
6. Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail


L’article L.1235-4 du code du travail dispose que, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois.


Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance où n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.


Ces dispositions ont vocation à recevoir application de la présente espèce et il y a lieu de confirmer le jugement déféré qui a condamné la société COCERTO à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Madame G Y dans la limite de six mois.

7. Sur les dépens et l’application de l’article 700 du Code de procédure civile


Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de l’intimée les frais irrépétibles non compris dans les dépens et la société COCERTO sera condamnée à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, le jugement devant être confirmé en ce qu’il a fait droit à cette demande pour la somme de 1.500 € première instance.


La SA COCERTO ENTREPRISE qui succombe sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du Conseil des prud’hommes de Saint-Brieuc, sauf en ce qu’il a débouté Madame G Y de sa demande en paiement du salaire de la journée du 12 octobre 2017';

STATUANT à nouveau sur ce point, et Y AJOUTANT':


-Condamne la SA COCERTO ENTREPRISE à payer à Madame G Y la somme de 159,23 € bruts de rappel de salaire pour la journée du 12 octobre 2017,


-Condamne la SA COCERTO ENTREPRISE à délivrer à Madame G Y les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux termes du présent arrêt dans un délai d’un mois à compter de sa notification,


-Condamne la SA COCERTO ENTREPRISE à payer à Madame G Y la somme de 3.000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,


-Déboute la SA COCERTO ENTREPRISE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SA COCERTO ENTREPRISE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
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Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 27 janvier 2022, n° 19/01624