Cour d'appel de Riom, du 3 septembre 2003, 03/00182

  • Injures publiques·
  • Définition·
  • Diffamation·
  • Injure·
  • Journaliste·
  • Citoyen·
  • Service public·
  • Propos·
  • Publication·
  • Communication audiovisuelle

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

L’injure s’entend de toute expression outrageante, terme de mépris ou invective, qui ne renferme l’imputation d’aucun fait; elle est constituée par la phrase "je considère que A est un autocrate vénal à la tête d’un système mafieux ", dès lors que le substantif "autocrate" est indubitablement destiné à exprimer d’abord, à susciter ensuite chez le lecteur, le mépris, en tout cas dans un pays démocratique, et plus encore lorsque celui que vise ce mot est un élu du peuple, et la référence à un système "mafieux" ne peut pas non plus manquer de susciter une indépassable réprobation, parce qu’elle évoque la quintessence de la malhonnêteté, voire des méthodes sanglantes, du chantage ou du rackett, un réseau d’hommes de main et d’obligés

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Riom, 3 sept. 2003, n° 03/00182
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 03/00182
Importance : Inédit
Dispositif : other
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000006941817
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

DOSSIER N 03/00182

TF/AML ARRÊT DU 03 SEPTEMBRE 2003 N°

COUR D’APPEL DE RIOM

Prononcé publiquement le MERCREDI 03 SEPTEMBRE 2003, par la Chambre des Appels Correctionnels, Sur appel d’un jugement du T.G.I. DE CLERMONT-FERRAND du 13 FEVRIER 2003 PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

X, Prévenu, appelant, comparant, assisté de son avocat Y, Prévenu, appelant, comparant, assisté de son avocat Z, Prévenu, appelant, non comparant, assisté de son avocat LE MINISTÈRE PUBLIC appelant, A EN PRESENCE du MINISTÈRE PUBLIC RAPPEL DE LA PROCÉDURE : LE JUGEMENT :

Le tribunal, par jugement, a déclaré X Non coupable de DIFFAMATION ENVERS UN FONCTIONNAIRE, UN DEPOSITAIRE DE L’AUTORITE PUBLIQUE OU UN CITOYEN CHARGE D’UN SERVICE PUBLIC PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le 27/12/2001, infraction prévue par les articles 31 AL.1, 23 AL.1, 29 AL.1, 42 de la Loi DU 29/07/1881 et réprimée par les articles 31 AL.1, 30 de la Loi DU 29/07/1881 coupable d’INJURE PUBLIQUE ENVERS UN CORPS CONSTITUE, UN FONCTIONNAIRE OU UN CITOYEN CHARGE D’UN SERVICE PUBLIC, PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le 27/12/2001, infraction prévue par les articles 33 AL.1, 30, 31, 23 AL.1, 29 AL.2, 42 de la Loi DU 29/07/1881 et réprimée par l’article 33 AL.1 de la Loi DU 29/07/1881 Y non coupable de COMPLICITE DE DIFFAMATION ENVERS UN FONCTIONNAIRE, UN DEPOSITAIRE DE L’AUTORITE PUBLIQUE OU UN CITOYEN

CHARGE D’UN SERVICE PUBLIC PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le 27/12/2001, infraction prévue par les articles 31 AL.1, 23 AL.1, 29 AL.1, 42 de la Loi DU 29/07/1881, Articles 121-6 et 121-7 du code pénal et réprimée par les articles 31 AL.1, 30 de la Loi DU 29/07/1881, Articles 121-6 et 121-7 du code pénal coupable de COMPLICITE D’INJURE PUBLIQUE ENVERS UN CORPS CONSTITUE, UN FONCTIONNAIRE OU UN CITOYEN CHARGE D’UN SERVICE PUBLIC, PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le 27/12/2001, infraction prévue par les articles 33 AL.1, 30, 31, 23 AL.1, 29 AL.2, 42 de la Loi DU 29/07/1881, Articles 121-6 et 121-7 du code pénal et réprimée par l’article 33 AL.1 de la Loi DU 29/07/1881, Articles 121-6 et 121-7 du code pénal Z non coupable de DIFFAMATION ENVERS UN FONCTIONNAIRE, UN DEPOSITAIRE DE L’AUTORITE PUBLIQUE OU UN CITOYEN CHARGE D’UN SERVICE PUBLIC PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le 27/12/2001, infraction prévue par les articles 31 AL.1, 23 AL.1, 29 AL.1, 42 de la Loi DU 29/07/1881 et réprimée par les articles 31 AL.1, 30 de la Loi DU 29/07/1881 coupable d’INJURE PUBLIQUE ENVERS UN CORPS CONSTITUE, UN FONCTIONNAIRE OU UN CITOYEN CHARGE D’UN SERVICE PUBLIC, PAR PAROLE, IMAGE, ECRIT OU MOYEN DE COMMUNICATION AUDIOVISUELLE, le 27/12/2001, infraction prévue par les articles 33 AL.1, 30, 31, 23 AL.1, 29 AL.2, 42 de la Loi DU 29/07/1881 et réprimée par l’article 33 AL.1 de la Loi DU 29/07/1881 Et par application de ces articles, a condamné X à Relaxe X du chef de diffamation et le déclare coupable d’injures envers un citoyen chargé d’un mandat de service public. Le condamne à la peine de 1000 euros. Ordonne la publication du jugement. Yà Relaxe Y du chef de complicité de diffamation et le déclare coupable de complicité d’injures envers un citoyen chargé d’un mandat de service public. Le condamne à la peine d’amende de 1000 euros. Ordonne la publication du jugement. Z à Relaxe du chef de diffamation. 1000

euros d’amende. Ordonne la publication du jugement. LES APPELS :

Appel a été interjeté par : Monsieur X, le 19 Février 2003 contre Monsieur A Monsieur Z, le 19 Février 2003 contre Monsieur A Monsieur Y, le 19 Février 2003 contre Monsieur A M. le Procureur de la République, le 20 Février 2003 contre Monsieur Z, Monsieur Y, Monsieur X M. A le 24 février 2003 DÉROULEMENT DES DÉBATS :

A l’audience publique du 02 JUILLET 2003, le Président a constaté la présence de MM. X et Y et l’absence de M. Z. Ont été entendus :

Monsieur le conseiller en son rapport ; X, Y en leurs interrogatoires et moyens de défense ; L’avocat de la partie civile en sa plaidoirie ; M. Le Substitut Général, en ses réquisitions ; Les avocats des prévenus en leurs plaidoiries ; Les prévenus ayant eu la parole en dernier ; Le Président a ensuite déclaré que l’arrêt serait prononcé le 03 SEPTEMBRE 2003. et à cette dernière audience , en application de l’article 485 du CPP modifié par la loi du 30.12.1985 le dispositif de l’arrêt dont la teneur suit a été lu par Mme Le Président. DÉCISION :

M. X, né en 1944, dont le casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation, préretraité aux revenus de 1524 euros par mois,

M. Z, né en 1944, dont le casier judiciaire porte trace d’une condamnation pour délit de presse à trois mille euros d’amende le 24 mai 2002

M. Y, né en 1967, dont le casier judiciaire ne porte trace d’aucune condamnation, grand-reporter, aux revenus de 1900 euros par mois, ont été cités devant la Cour les 3, 4 et 10 avril 2003, le Ministère Public, les trois prévenus et la partie civile ayant relevé appel par actes des 19, 20 et 24 février 2003 d’un jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand en date du 13 février 2003, qui : – relaxait les trois prévenus de la poursuite engagée contre eux du chef de DIFFAMATION envers un citoyen chargé d’un

mandat ou d’un service public ; – les condamnait, chacun à une amende de mille euros, pour INJURES envers un citoyen chargé d’un mandat ou d’un service public ; – ordonnait une mesure de publicité du jugement.

Le même jugement a, statuant sur la constitution de partie civile de M. A : – Reçu la victime en sa constitution ; – Déclaré les prévenus responsables du préjudice subi par la partie civile ; – Condamné les prévenus solidairement à payer la somme de 4500 euros à la victime à titre de dommages-intérêts; – Condamné le même à verser à la victime au titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale, la somme de 250 euros.

Devant la Cour, M. A, par son conseil, partie civile, a estimé qu’en étant traité, dans un article de journal signé Y et censé reproduire les propos de X, d'« autocrate etc… (termes visés à la prévention) », il avait été injurié ; et que l’assertion du même article selon laquelle le compte administratif présenté par M. A en 2001 était faux, était une diffamation, car sur ce compte repose la démonstration de la loyauté, de l’honnêteté et de la sincérité d’une équipe municipale. M. A a réclamé 15250 euros de dommages et intérêts, 1500 euros pour les frais de sa défense et la publication de l’arrêt à intervenir. En droit, il estime que cette condamnation doit être solidaire entre les trois prévenus même si les débats devant la Cour laissent apparaître que M. X est l’auteur principal de l’injure et de la diffamation, et que M. Y, comme son directeur M. Z, ont eu un rôle secondaire dans la commission de l’infraction et la survenance du préjudice.

Le représentant du Ministère Public a requis l’application de la loi. Le prévenu X assisté par son conseil, a soulevé avant tout débat au fond, et au visa exprès de l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881,

la nullité de la citation qui déférait la connaissance du dossier au tribunal et de la citation devant la Cour. Il a estimé notamment que M. A ou le Ministère Public ne précisent pas dans ces actes si l’injure prétendue et la diffamation prétendue ont été dirigées contre M. A en tant que secrétaire d’Etat ou M. A en tant qu’élu local, de sorte qu’il n’est pas possible à M. X de préparer complètement sa défense. Au fond et subsidiairement, M. X a fait plaider que le dossier traduisait une entreprise concertée entre le journal France-Soir et M. A et son avocat, M. A ne supportant pas les vérités que M. X révèle aux citoyens depuis 2001.

Entendu à la barre personnellement, puis interrogé par les parties selon leurs convenances, M. X a exposé qu’il n’était déjà plus conseiller municipal à l’époque de l’article de presse litigieux ; qu’il était en litige, politique et judiciaire, avec M. A depuis quelques temps ; qu’il avait découvert dans sa commune un fonctionnement de république bananière (sic) et n’a pas eu de réponse suffisante à un courrier adressé à M. A ; que le journaliste Y a d’ailleurs eu en main les pièces relatives à ce désaccord ; que le journaliste a néanmoins utilisé dans son article des termes que jamais M. X n’a prononcés, au motif fallacieux que M. X les aurait prononcés autrefois, ce qui n’aurait pas manqué de susciter une poursuite judiciaire de M. A ; que l’article est paru 17 jours après l’entretien entre MM. Yet X, que celui-ci était alors en voyage, que quand il a découvert l’article litigieux il était déjà tard pour y répondre et qu’un avocat, consulté à ce propos, n’a pas répondu, de sorte que M. X a négligé d’user de son droit de réponse et n’a même pas jugé utile d’adresser ses explications à M. A.

Les autres prévenus, MM. Z et Y, ont fait plaider en droit, l’absence d’injure et l’absence de diffamation, leur bonne foi, au sens particulier de la loi du 29 juillet 1881 et de la jurisprudence de la

Cour E.D.H., étant incontestable. Présent à l’audience pour se conformer à l’arrêt avant-dire-droit du 14 mai 2003, M. Y a exposé que son sujet d’article n’était certes pas le parti radical dans la région, spécialement pas la personne de M. X, mais bien le comportement de M. A, qui avait alors rang de ministre ; qu’il y avait donc matière à informer le grand public ; que l’avocat de M. A l’a préalablement invité à respecter le principe contradictoire dans les articles à paraître ; que la correspondante locale du journal a suggéré à M. Y de rencontrer M. X, connu pour « en vouloir à mort » à M. A ; que la rencontre entre M. Y et M. X a eu lieu dans un café ; que M. Y a pris abondance de notes, qu’il a retrouvées et qu’il met à la disposition de la Cour ; que M. X a d’abord parlé du CERES, puis a très vite tenu les propos relatés ensuite dans l’article litigieux et visés à la prévention, en indiquant à M. Y que la publication ne susciterait aucune réaction de M. A qui, en d’autres circonstances, « s’était déjà dégonflé » ; qu’il a aussi avancé d’autres propos, qui n’ont pas été publiés, soit parce qu’ils ne présentaient pas un degré suffisant de crédibilité, soit parce que M. X a demandé le « off » (secret) ; qu’ainsi, M. X a évoqué un ou des chèques envoyés par M. A vers les Iles Anglo-Normandes, a évoqué un rackett d’entreprises quand M. A était député, a évoqué aussi le fait que la ville aurait été mise en coupe réglée par la Lyonnaise des Eaux, a insinué enfin que M. A aurait fait travailler des ouvriers de la Ville dans son appartement privé.

L’avocate de MM. Z et Y a précisé qu’elle n’intervenait plus pour la S.A. Presse-Alliance, celle-ci n’ayant pas été citée comme civilement responsable. SUR QUOI LA COUR, Recevabilité ; validité de la saisine Attendu que les appels des prévenus, de la partie civile et du Ministère Public, interjetés dans les forme et délai légaux, sont

réguliers et recevables ;

Attendu qu’il convient de statuer par arrêt contradictoire, en application de l’article 411 du Code de procédure pénale, à l’égard de M. Z, qui ne comparait pas mais qui a, par lettre jointe au dossier de la procédure, demandé à être jugé contradictoirement en son absence, son conseil étant entendu ;

Attendu, sur la nullité des citations soulevée par M. X, que la Cour, saisie comme le tribunal de première instance par l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, ne saurait annuler lesdites citations à comparaître qui, étant seulement indicatives de date, n’ont pas à satisfaire à l’article 53 de la loi du 29 juillet 1881, dont le prévenu croit pouvoir déceler la violation ; Sur les faits matériels Attendu que M. Z est directeur de la publication d’un journal ; que M. Yest journaliste dans ce même organe de presse ; que M. X mène une carrière politique dans la commune précitée, dans un parti politique; que M. A, est ancien secrétaire d’Etat et adjoint au maire de la commune, et appartient à un autre parti ;

Attendu que le jeudi 27 décembre 2001, le journal a fait paraître, sous la signature de Y, une pleine page intitulée « Municipal Mic Mac, … est au centre de multiples affaires politico-judiciaires mettant en cause le secrétaire d’Etat A, le maire adjoint » ;

Que cette page était ensuite divisée en trois textes de taille sensiblement égale, le premier relatant le « reportage » de M. Y, le deuxième constitué d’une interview en réponse de M. A, le troisième décrivant la personne et les intentions du procureur de la République ;

Attendu que, pour s’en tenir aux termes de la prévention dont est saisie la Cour, Y transcrivait dans le premier de ces trois articles, des propos qu’il prêtait à Monsieur X, membre du conseil municipal,

et ainsi libellés : « Je considère que A est un autocrate vénal à la tête d’un système mafieux. Je suis tombé à bras raccourcis sur le compte administratif, où tout était faux et je n’ai jamais eu d’explications » ; Sur la qualité des prévenus

Attendu que la citation qui saisit la Cour vise Messieurs Z et X comme co-auteurs de diffamation et injure et M. Y comme complice ;

Attendu qu’il s’agit d’une mention erronée qui n’entraîne pas la nullité de la citation mais que la Cour doit rectifier d’office, avant d’examiner l’imputabilité des infractions éventuelles ;

Qu’en effet, selon ce qu’énonce l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, l’auteur du délit de presse est exclusivement le directeur de la publication, à moins qu’il n’ait pu être identifié ou retrouvé ; que tout autre, y compris le journaliste auteur de l’écrit incriminé, ne peut être qu’un complice ; Sur l’élément matériel des infractions

Attendu que la phrase « Je considère que A est un autocrate vénal à la tête d’un système mafieux » constitue l’élément matériel d’une injure, et la phrase « Je suis tombé à bras raccourcis sur le compte administratif, où tout était faux et je n’ai jamais eu d’explications » , celui d’une diffamation ;

Attendu en effet, sur l’injure, que celle-ci s’entend de toute expression outrageante, terme de mépris ou invective, qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ; que le substantif « autocrate » est indubitablement destiné à exprimer d’abord, à susciter ensuite chez le lecteur, le mépris, en tout cas dans un pays démocratique, et plus encore lorsque celui que vise ce mot est un élu du Peuple ; que la référence à un système « mafieux » ne peut pas manquer non plus de susciter une indépassable réprobation, parce qu’elle évoque la quintessence de la malhonnêteté, voire des méthodes sanglantes, du chantage ou du rackett, un réseau d’hommes de main et d’obligés ;

Attendu, s’agissant maintenant de la diffamation, que celle-ci tient à l’allégation ou à l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ;

Que la mise en cause de la sincérité d’un compte administratif d’une collectivité locale porte atteinte à l’honneur, dans la mesure où ce compte est, non pas un instrument de la politique municipale susceptible d’une critique sans conséquence, mais l’exposé purement comptable des dépenses et des recettes de la collectivité, en sorte que sa fausseté ne peut procéder que de maladresses considérables aux dépens des citoyens, ou pire d’une malhonnêteté avérée ;

Que cette imputation est suffisamment précise pour constituer une diffamation au sens de la loi du 29 juillet 1881, car elle vise expressément un document bien déterminé, et implicitement un processus de détournement frauduleux ;

Que là encore, le fait que le destinataire de l’allégation soit un élu ou une équipe d’élus et de fonctionnaires territoriaux, mis au service de la collectivité et normalement étrangers à tout souci d’enrichissement, renforce le caractère diffamatoire de l’imputation ;

Qu’enfin, et pour répondre à la thèse de certains des prévenus selon laquelle l’allégation aurait été trop impersonnelle pour constituer une diffamation au sens de la loi, il faut faire observer qu’elle était proférée dans le même groupe de phrases que l’injure nommément adressée à M. A et examinée plus haut, de sorte que c’est bien cet homme politique, et non pas une équipe indistincte, qui a été diffamé ;

Attendu que M. X tente de démontrer qu’il n’a pas tenu les propos litigieux ;

Mais attendu que les débats devant la Cour ont au contraire parfaitement démontré que M. X a bien tenu les propos en question

devant M. Y, pour que celui-ci les insère dans son reportage ; que notamment, les souvenirs du journaliste ont été, ainsi qu’il a été indiqué plus haut, d’une précision totale, les notes dont il s’est aidé à la barre de la Cour n’ayant guère pu être fabriquées pour les besoins de la cause ; que M. Y a bien distingué ce que M. X a entendu voir publier, et ce qu’au contraire, il n’a confié qu’à titre de secret, ou encore ce que M. Y a pris sur lui de ne pas publier ;

Qu’au contraire, M. X ne dissimule pas que son combat contre M. A était ancien et virulent ; qu’il utilise à la barre des termes (« république bananière ») qui, pour être différents de ceux visés à la prévention, rendent ces derniers parfaitement plausibles ; qu’enfin, M. X fait vainement plaider que le sujet du reportage était non pas « le cas de M. A, secrétaire d’Etat et maire adjoint », mais « les radicaux de … dans la région », si bien que ses propos sur M. A étaient marginaux, sans doute anodins et n’étaient pas destinés à la publication ; qu’en effet, le sort du P.R.G. dans un département sans doute injustement méconnu était peu susceptible d’intéresser le lecteur de ce journal ; Sur l’élément moral des infractions concernant MM. Z et Y

Attendu, s’agissant de la diffamation, que les professionnels de presse, en l’occurrence le directeur Z et le journaliste Y, peuvent opposer à l’accusation leur bonne foi ;

Que cependant, cette excuse leur est strictement personnelle et ne bénéficie pas au complice de droit commun qu’est M. X ;

Attendu que la bonne foi requiert cumulativement un intérêt légitime poursuivi par l’information, une enquête sérieuse, une absence d’animosité personnelle et une prudence dans l’expression ; que dans le cadre d’une interview, la bonne foi ne s’apprécie pas de la même façon pour le journaliste et pour la personne qui fait des déclarations ; que le journaliste se charge d’une mission d’intérêt

public que n’a pas l’interviewé ; qu’en outre un contrôle juridictionnel exercé sur les méthodes d’un journaliste, précisément même le fait d’exiger d’un journaliste qu’il censure les déclarations qu’il recueille ou qu’il en endosse la responsabilité solidaire, entraverait gravement, selon l’expression de la Cour E.D.H., la contribution de la presse aux discussions de problèmes d’intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses ;

Qu’ainsi, et pour reprendre tour à tour les quatre éléments constitutifs de la bonne foi au sens de la loi du 29 juillet 1881, le journaliste a le droit, sinon le devoir, de diffuser des informations sur les sujets d’actualité, parmi lesquels figure indubitablement les agissements d’un ministre dans sa circonscription provinciale ; que le sérieux de l’enquête consiste alors à poser des questions pertinentes puis à relater exactement, entre guillemets et objectivement les propos tenus par la personne interrogée, dont le journaliste ne saurait bien entendu endosser la responsabilité comme il le ferait dans un reportage de son crû, enfin à prendre l’avis ou relater la riposte de la personne éventuellement mise en cause ; que le grief d’animosité personnelle ne résulte jamais de ce que le journaliste a répercuté des propos peu aimables tenus par l’interviewé contre telle ou telle personnalité ; qu’enfin, la prudence dans l’expression n’empêche pas, notamment par le choix des titres ou dans la mise en page, la nécessaire provocation, destinée à faire réagir une personne mise en cause, ou les termes accrocheurs ou réducteurs, qui doivent être tolérés dans le cadre du débat démocratique;

Que les circonstances de fait de la cause, telles que la Cour les a rappelées plus haut, démontrent que M. Y s’est soigneusement inscrit dans ce cadre, de sorte que M. Z échappe à la poursuite comme auteur

principal et M. Y comme complice ;

Attendu en ce qui concerne l’injure, que l’élément moral concernant le professionnel de presse, n’est pas affecté par une improbable bonne foi ; qu’en revanche, il n’est pas établi dans l’espèce que le directeur de publication et le journaliste aient voulu nuire à M. A ; que leur volonté a simplement été d’informer le public sur l’état d’un contexte politique local et qu’en prenant la précaution d’entourer les propos injurieux de M. X de guillemets, ils ont échappé à tout reproche ;

Attendu que du tout il résulte que ni M. Y ni M. Z n’ont violé la loi du 29 juillet 1881 et qu’ils doivent donc être relaxés de tous les chefs de la poursuite ; Sur l’élément moral des infractions concernant M. X

Attendu que la complicité est punissable lorsque l’auteur principal n’échappe à la répression que par le jeu d’une excuse personnelle ;

Que l’auteur principal, et exclusif selon l’article 42 de la loi du 29 juillet 1881, de l’injure échappe à la répression faute d’élément moral de l’infraction, ce qui doit bénéficier aussi à M. X ; mais que s’agissant de la diffamation, l’excuse de bonne foi ne bénéficie qu’au professionnel de presse, de sorte que M. X demeure punissable comme complice, par application de l’article 121/7 du Code Pénal;

Attendu que l’intention délictueuse de M. Coudray à ce sujet est avérée ; que l’amplification et la généralisation systématique de faits ou de croyances, sans vérification préalable suffisante, de même que le manque d’objectivité dû à une animosité ancienne et notoire, sont les circonstances les plus habituellement exclusives de la bonne foi de l’interviewé ; que dans le cas de joutes politiques, le partage est fait, en doctrine et en jurisprudence, entre l’opinion libre sur la marche des affaires publiques, ou encore le souci légitime d’avertir l’opinion de faits certains, et l’attaque

personnelle destinée à éliminer l’autre ;

Qu’en l’espèce, M. X ne peut pas disconvenir de ce qu’il nourrissait l’ambition de nuire politiquement à M. A ; qu’à cette fin, et sans mesure ni certitude, il a grossi dans son interview ce qu’il avait cru déceler individuellement dans les comptes de la Ville ; que loin d’exprimer une idée politique ou d’alerter ses concitoyens sur des inquiétudes sérieuses, il a voulu attaquer M. A à titre personnel ;

Attendu qu’ainsi, M. X a bien commis le fait de diffamation qui lui est reproché ; Sur la peine

Attendu, sur la peine, que celle-ci a été justement quantifiée par les premiers juges, en considération des revenus de M. X ; Sur l’action civile

Attendu que M. A, dont la position est très exposée comme celle de tout élu, et l’est plus encore lorsqu’il s’agit d’un homme politique d’envergure nationale, subit un indéniable préjudice en cas de diffamation, dont il peut subsister des traces longtemps après les faits ;

Que ce préjudice est d’autant plus important en l’espèce, que l’atteinte a été l’oeuvre d’un ancien ami et allié ;

Attendu par suite, qu’en accordant à la victime une indemnisation substantielle, les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice de M. A ;

Que celui-ci recevra répétition des frais de sa défense devant la Cour ; Sur la publication de l’arrêt

Attendu que les articles 31, 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, qui répriment la diffamation envers un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, permettent à la juridiction d’ordonner la diffusion par voie de presse de la décision de condamnation, dans les conditions de l’article 131-35 du Code pénal ;

Attendu qu’en l’espèce, il faut faire application de ces

dispositions, le prévenu n’ayant pu consommer les délits qu’en utilisant la presse, et précision étant donnée que le montant maximum de l’amende encourue par M. X est de 45000 euros, cette somme constituant le coût maximal de l’insertion ;

Attendu qu’il appartient à la juridiction, selon ce qu’énonce l’article 131-35 alinéa 5 du Code pénal, de désigner les publications qui assureront la diffusion ; qu’en l’espèce, le choix du journal, en raison de sa vaste diffusion dans cette région, et de l’autre journal, pour atteindre les lecteurs qui avaient pu prendre connaissance de l’article litigieux, paraît nécessaire et suffisant ; Attendu enfin qu’il est loisible à la juridiction de fixer les termes de l’extrait à diffuser, ce qu’elle fera en l’espèce pour prévenir tout litige ultérieur, dans les termes du dispositif ci-après ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et après en avoir délibéré conformément à la loi, EN LA FORME, Reçoit MM. A, X, Y, Z et le Ministère Public en leurs appels, Dit que MM. Y et X comparaissent devant le Cour comme complice de M. SERAFINI. AU FOND, Confirme le jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand en date du 13 février 2003, en ce qu’il a : – relaxé MM. Y et Z de la poursuite engagée contre eux pour DIFFAMATION envers un citoyen chargé d’un mandat de service public et complicité; – statuant sur la constitution de partie civile de M. A, reçu la victime en sa constitution ; Déclaré M. X responsable du préjudice subi par la partie civile ; Condamné le même à payer la somme de 4500 euros à la victime à titre de

dommages-intérêts; Condamné le même à verser à la victime au titre de l’article 475-1 du Code de Procédure Pénale, la somme de 250 euros pour frais de sa défense en première instance ; Infirme le dit jugement rendu par le Tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand en date du 13 février 2003, en ce qu’il a : – condamné MM. Y et Z à la peine de mille euros d’amende des chefs d’INJURES et de COMPLICITE et à payer à M. A 4500 euros de dommages et intérêts et 250 euros pour frais de sa défense solidairement avec M. Coudray ; – ordonné une mesure de publicité du jugement dans les journaux . – déclaré M. X coupable d’injure, et l’a relaxé pour la diffamation, le tout comme auteur principal ; Statuant à nouveau, Relaxe MM. Y et Z de la poursuite engagée des chefs d’injures et de complicité Relaxe M. X de la poursuite du chef de complicité d’injure; Déclare M. X coupable d’avoir sur le territoire national, le 27 décembre 2001, en tout cas depuis temps non prescrit, – en fournissant la matière d’un écrit, en l’espèce un article publié en page 9 du quotidien signé par Y intitulé « Municipal Mic Mac – … est au centre de multiples affaires politico-judiciaires mettant en cause le secrétaire d’état A, le Maire Adjoint – été complice d’allégations ou imputation de faits portant atteinte à la considération et à l’honneur de M. A, citoyen chargé d’un mandat de service public en ses qualités de Secrétaire d’Etat et maire- adjoint en tenant les propos suivants : »je suis tombé à bras raccourcis sur le compte administratif où tout était faux et je n’ai jamais eu d’explications". Infraction prévue et réprimée par les articles 23, 29 al 1, 31, 42, 43, 48 de la loi du 29 juillet 1881et 121/7 du Code Pénal. Condamne M. X à la peine de mille euros (1000) d’amende pour les deux infractions qui lui sont reprochées ; Condamne le même à payer à M. A la somme de 1000 euros pour frais de sa défense devant la Cour ; Ordonne la publication du présent arrêt dans les journaux , du communiqué suivant, aux frais de

M. X, sans que ces frais puissent excéder la somme de 45.000 euros :

Il résulte d’un arrêt de la Cour d’appel de RIOM en date du 3 septembre 2003, 1° Chambre des appels correctionnels, que le jeudi 27 décembre 2001, le journal a fait paraître, sous la signature de Y, grand-reporter, une pleine page intitulée « Municipal Mic Mac, … est au centre de multiples affaires politico-judiciaires mettant en cause le secrétaire d’Etat A, le maire adjoint » ; que Y transcrivait dans un de ses articles, des propos qu’il prêtait à Monsieur X, membre du conseil municipal, et ainsi libellés : « Je considère que A est un autocrate vénal à la tête d’un système mafieux. Je suis tombé à bras raccourcis sur le compte administratif, où tout était faux et je n’ai jamais eux d’explications » ; que la première de ces deux phrases constitue une injure, et la seconde une diffamation que les débats devant la Cour ont parfaitement démontré que M. X a bien tenu les propos en question devant M. Y, pour que celui-ci les inscrive dans son reportage ; que le journaliste Y ett parfaitement démontré que M. X a bien tenu les propos en question devant M. Y, pour que celui-ci les inscrive dans son reportage ; que le journaliste Y et le directeur Z ont fait devant la Cour la preuve d’un intérêt légitime poursuivi par l’information, d’une enquête sérieuse, d’une absence d’animosité personnelle et d’une suffisante prudence dans l’expression ; qu’en revanche, l’intention maligne de M. X résulte de ce que sans mesure ni certitude, il a grossi dans son interview ce qu’il avait cru déceler individuellement dans les comptes de la Ville ; que loin d’exprimer une idée politique ou d’alerter ses concitoyens sur des inquiétudes sérieuses, il a voulu attaquer M. A à titre personnel. En conséquence, la Cour relaxe M. Y et M. Z, qui n’ont pas violé la loi du 29 juillet 1881 , relaxe M. X du chef de complicité d’injure mais le condamne pour diffamation à mille euros d’amende, quatre mille cinq cents euros de dommages et intérêts au profit de M.

A, et mille deux cent cinquante euros au total pour les frais de la défense de M. A en première instance et devant la Cour, outre les frais de la présente publication.

Dit que la présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d’un montant de cent vingt euros dont est redevable le prévenu et que l’éventuelle contrainte par corps s’exercera selon les dispositions légales.

Le tout en application des articles susvisés, des articles 749 – 750 du code de procédure pénale – 1018 A du code général des impôts. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Riom, du 3 septembre 2003, 03/00182