Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 14 novembre 2018, n° 18/01046

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. com., 14 nov. 2018, n° 18/01046
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 18/01046
Décision précédente : Tribunal de commerce de Clermont-Ferrand, 23 avril 2018, N° 2018-001769
Dispositif : Désigne un expert ou un autre technicien

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 14 Novembre 2018

RG N° : N° RG 18/01046

FR

Arrêt rendu le quatorze Novembre deux mille dix huit

Sur APPEL d’une ORDONNANCE DE REFERE rendue le 24 avril 2018 par le Président du tribunal de commerce de CLERMONT-FERRAND (RG n° 2018-001769)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. François RIFFAUD, Président

M. François KHEITMI, Conseiller

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La société dénommée SARL PERRE ET Y

SARL immatriculée au RCS du PUY-EN-VELAY sous le n° 424 653 236

[…]

43700 ARSAC-EN-VELAY

Représentant : la SELARL OGMA, avocat au barreau de HAUTE-LOIRE

APPELANTE

ET :

Syndicat Intercommunal à Vocation Multiple de la région d’ISSOIRE et des Communes de la Banlieue Sud Clermontoise (SIVOM)

[…]

[…]

Non représenté – non assigné ordonnance de caducité de la déclaration d’appel à l’égard du SIVOM en date du 20/09/2018

La société SUEZ EAU FRANCE

SAS immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 410 034 607

[…]

[…]

Représentants : Me Sophie X, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

(postulant) et Me Hugues de METZ-PAZZIS, avocat au barreau de PARIS (plaidant)

INTIMÉS

DEBATS : A l’audience publique du 26 Septembre 2018 Monsieur RIFFAUD a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 14 Novembre 2018.

ARRET :

Prononcé publiquement le 14 Novembre 2018, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige :

Suivant une ordonnance réputée contradictoire rendue le 24 avril 2018, le juge des référés du tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a rejeté la demande d’expertise formée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile par la SARL PERRE et Y à l’égard de la SAS SUEZ EAU FRANCE (la société SUEZ) et du Syndicat intercommunal à vocation multiple de la région d’Issoire et des communes de la banlieue sud clermontoise (le SIVOM), à la suite de la facturation d’une consommation anormale d’eau consécutive à une fuite et il a fait droit à la demande en paiement d’une provision de 11 413,59 euros présentée par la société SUEZ au titre du solde de ses factures. Il a également condamné la société PERRE et Y aux dépens et à payer à la société SUEZ une indemnité de 800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe le 18 mai 2018, la société PERRE et Y a relevé appel de cette ordonnance et a intimé la société SUEZ et le SIVOM.

Suivant une décision rendue le 31 mai 2018 le président de la 3e chambre civile et commerciale a, au visa des dispositions des articles 905-1 et 905-2 du code de procédure civile prévu l’examen de l’affaire à l’audience du 26 septembre 2018 et que son instruction serait close le 13 septembre de la même année.

Suivant une ordonnance rendue le 20 septembre 2018, le président de la 3e chambre civile et commerciale a, au visa des dispositions des articles 905 à 905-2 du code de procédure civile, prononcé la caducité de la déclaration d’appel formée par la société PERRE et Y à l’égard de l’intimé Syndicat intercommunal à vocation multiple de la région d’Issoire et des communes de la banlieue sud clermontoise et a dit n’y avoir lieu à caducité de la déclaration d’appel à l’égard de la

société SUEZ.

A la suite de cet incident, le président a prononcé la clôture de l’instruction le 26 septembre 2018 et les plaidoiries ont été entendues le même jour.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées et remises au greffe le 30 juin 2018 au moyen de la communication électronique, la SARL PERRE ET Y, appelante, demande à la cour, au visa des articles 145, 146 et 873 du code de procédure civile, de réformer la décision entreprise et de :

— ordonner une expertise technique destinée à déterminer l’origine de la fuite et de la surconsommation d’eau, la mission du technicien étant énoncée dans le dispositif de ses écritures ;

— débouter la société SUEZ de sa demande de provision, l’obligation n’étant pas manifestement exigible eu égard à la contestation ;

— condamner la même aux dépens.

Elle soutient que c’est à tort que, pour rejeter sa demande d’expertise, le juge des référés s’est fondé sur l’utilité et la faisabilité de cette mesure en retenant notamment qu’il aurait été difficile pour un expert de reproduire l’effet de coup de bélier dans les canalisations pour en déterminer les conséquences plusieurs mois après les faits et qu’une expertise ou a minima un constat d’huissier auraient dû être réalisés plus tôt.

Elle rappelle les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile et considère qu’il n’est pas contestable qu’elle possède un motif légitime à rechercher, avant toute saisine au fond, les causes de la rupture de la canalisation ayant entraîné une importante consommation d’eau.

Elle ajoute qu’il n’appartenait pas au juge des référés de trancher le fond du futur litige mais de s’interroger sur le fait de savoir si l’action était manifestement irrecevable et, qu’en lui reprochant l’absence d’un constat ou d’une expertise antérieurs, ce juge s’est fondé sans le dire sur l’article 146 du code de procédure civile alors que ce texte ne peut s’appliquer à une mesure d’instruction ad futurum.

Elle considère par ailleurs qu’il ne pouvait y avoir lieu au paiement d’une provision dès lors que la facture de la société SUEZ est contestée et qu’il importe peu de considérer que la canalisation qui s’est rompue est située après le compteur mais, au contraire, de déterminer la cause de cette rupture.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées et remises au greffe le 25 septembre 2018 au moyen de la communication électronique, la société SUEZ, demande à la cour, au visa des articles 145 et 873 du code de procédure civile, de débouter la société PERRE et Y de son appel et de ses demandes, de confirmer l’ordonnance entreprise et de condamner la société adverse aux dépens, dont distraction au bénéfice de Me X et à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle précise que si, en première instance, elle ne s’était pas opposée à l’organisation de l’expertise, elle approuve les motifs par lesquels le premier juge a débouté la société appelante de sa demande. Et elle fait valoir que l’organisation d’une mesure d’instruction ne pourrait confirmer ou infirmer l’hypothèse formulée par la société appelante quant à la cause de la fuite d’eau.

Elle soutient, par ailleurs, que sa demande de provision repose sur un arriéré non contestable. Elle fait valoir à cet égard que le fait que la société appelante veuille connaître l’origine d’une fuite sur une canalisation située en aval du compteur ne justifie aucunement l’arriéré puisque les factures doivent être honorées avant toute éventuelle contestation ; qu’au demeurant aucune faute ne lui est reprochée car le compteur n’a pu être relevé le 28 juillet 2016 le regard étant encombré de laine de

roche ce qui a été notifiée à la société adverse à l’occasion de la facture émise le 30 septembre suivant et que l’expertise n’a pas pour objet de démontrer une quelconque faute.

Elle précise que la société PERRE et Y n’est pas éligible au dispositif de dégrèvement pour fuite comme n’occupant pas un local d’habitation.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de mesure d’instruction

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Pour la mise en 'uvre de ces dispositions il appartient au juge d’apprécier la perspective d’un litige futur ou éventuel et de caractériser l’existence d’un motif légitime de rechercher ou de conserver des éléments de preuve. Et le caractère légitime d’une demande de mesure d’instruction in futurum suppose que soit établie l’existence d’éléments rendant plausible le bien-fondé de l’action en justice envisagée et que la mesure sollicitée présente une utilité.

En l’espèce, au soutien de sa demande d’expertise la société PERRE et Y produit les factures qui établissent sa surconsommation d’eau potable, une lettre d’information adressée par le SIVOM aux usagers qui fait état de la réalisation d’une étude générale pour déterminer les travaux nécessaires sur son périmètre « afin de supprimer les points noirs : les casses, les fuites…» et qui fait état de dépenses prévisionnelles d’investissements, sa demande de remise pour surconsommation adressée à la société SUEZ, les échanges de courrier entre son conseil et la société SUEZ qui réfute toute imputabilité de la rupture de la canalisation à la construction de la station d’épuration de Moriat, une facture de réparation de l’entreprise CHASTANG faisant état de son intervention des 3 et 4 août 2017 au titre d’une « réparation canalisation eau de ville suite à endommagement occasionné par de probables vibrations…» et les attestations établies par M. B A et M. E-F Z.

Le point de desserte en eau potable de la société PERRE et Y se trouve, selon les indications portées sur les factures de la société SUEZ lieu-dit « les Paillots » route de LEMPDES à Moriat.

M. Z, qui réside au même lieu, atteste avoir été victime de l’explosion du dispositif de comptage, d’une première explosion de la conduite d’eau entre son compteur et son domicile et d’une seconde explosion survenue dans les mêmes conditions.

Il incrimine la réalisation de travaux sur le réseau général et des phénomènes de surpression survenant à l’occasion des remises en service.

M. A, qui demeure également route de Lempdes à Moriat, a rédigé un témoignage moins circonstancié. Il fait néanmoins état de coupures d’eau à l’occasion de la construction de la station d’épuration de Moriat et de la survenue de coups de bélier dans les canalisations.

La société CHASTANG, qui a opéré la réfection de la canalisation, met en cause la survenue de vibrations dans les canalisations et le SIVOM a lui-même informé les usagers de la nécessité de consentir d’importants investissements pour assurer la qualité du réseau.

Il résulte de la conjugaison de ces éléments que la société PERRE et Y, qui supporte les conséquences d’une importante surconsommation d’eau et qui indique avoir conservé l’élément défectueux de la canalisation, est fondée à rechercher les causes de son bris. Et il n’est pas, en l’état de la procédure, démontré qu’un technicien ne pourra pas déterminer l’origine de la rupture, de sorte qu’il n’est pas démontré qu’une mesure d’instruction serait, en tout état de cause, inutile.

L’ordonnance critiquée sera, en conséquence, infirmée de ce chef et une expertise technique sera ordonnée aux frais avancés de la société PERRE et Y. La mission du technicien sera énoncée dans le dispositif du présent arrêt.

Sur la demande de provision

En application de l’article 873 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce peut dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

En l’espèce, l’existence d’une surconsommation d’eau n’est pas contestée et la fuite est survenue sur la partie de la canalisation appartenant à la société PERRE et Y et soumise à sa surveillance.

Contrairement à ce qui est soutenu par la société appelante, la facturation de la société SUEZ n’est pas, en l’état des pièces versées aux débats, sérieusement contestable, même si la société PERRE et Y est fondée à faire rechercher l’origine de la fuite qui peut ne pas être imputable au distributeur d’eau potable. Il lui appartiendra de rechercher la responsabilité de la société SUEZ si des éléments de preuve de nature à la caractériser viennent à être établis.

Le juge des référés a justement rappelé que les dispositions de l’article L. 2224-12-4 III bis du code général des collectivités territoriales, relatives au traitement de la constatation d’une augmentation anormale du volume d’eau consommé par l’occupant d’un local d’habitation, n’ont pas vocation à s’appliquer en l’espèce dès lors qu’il s’agit de la desserte d’une installation professionnelle gérée de surcroît par une société commerciale.

Il a également justement considéré que le dégrèvement, qui a été accordé par le SIVOM le 31 août 2017 sur sa part syndicale, n’a pas pour effet de contraindre le distributeur à, lui-même, consentir un dégrèvement.

Il s’est, par ailleurs, livré à une analyse de la consommation de la société PERRE et Y qui tend à démontrer que la fuite s’est produite après que le relevé annuel du 28 juillet 2016 n’a pu être effectué, ce qui rend sans objet le débat sur cette absence de relevé.

En conséquence, l’ordonnance critiquée sera confirmée en ce qu’elle a accordé une provision à la société SUEZ.

* *

*

Chacune des parties conservera la charge des dépens qu’elle a dû exposer à l’occasion de la procédure d’appel et les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, en matière de référé par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Infirme l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a rejeté la demande d’expertise formée par la société PERRE et Y et la confirme pour le surplus ;

Ordonne une expertise et commet pour y procéder M. C D : […], expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Riom, qui aura pour mission de :

— se rendre sur les lieux : route de Lempdes – […] ;

— prendre connaissance des pièces produites par les parties et de tout document contractuel les liant ;

— décrire les dommages ayant affecté l’installation de desserte en eau potable, décrire l’état d’entretien de la canalisation affectée par la fuite ;

— rechercher si les désordres ont eu pour cause une surpression, le mauvais état de la canalisation ou toute autre cause ;

— dire si à son avis, des travaux effectués sur le réseau de desserte en eau potable ou à sa proximité, et en particulier à l’occasion de la construction de la station d’épuration de MORIAT, ont pu se traduire par des surpressions ou tout autre phénomène de nature à provoquer la dégradation des canalisations ;

— donner son avis sur le volume de surconsommation d’eau potable consécutif à la fuite ;

— donner son avis sur toute question de nature technique qui lui paraîtra utile à la solution du litige ;

Dit qu’en cas de refus de l’expert, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance du magistrat chargé du contrôle de l’expertise ;

Dit que l’expert commis pourra sur simple présentation du présent arrêt requérir la communication soit par les parties, soit par des tiers de tous documents relatifs à cette affaire et recueillir des informations écrites ou orales de toutes personnes dans les conditions prévues par l’article 242 du code de procédure civile ;

Dit que l’expert commis pourra recueillir l’avis d’un autre technicien mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ;

Dit qu’il sera procédé aux opérations d’expertise en présence des parties ou celles-ci et leur avocat, dûment convoqués ;

Dit que l’expert devra déposer :

— un pré-rapport, en impartissant un délai de rigueur aux parties pour déposer leurs dires et fournir leurs pièces justificatives, répondre aux dires des parties déposés dans les délais impartis par l’expert. A l’expiration dudit délai l’expert devra passer outre, poursuivre ses opérations et conclure sur les éléments en sa possession ;

— et un rapport définitif de ses opérations, au greffe de la 3e chambre civile et commerciale en double exemplaire (original et copie) avant le 31 mai 2019, délai de rigueur, sauf prorogation des opérations autorisée par le magistrat chargé du contrôle de l’expertise, sur demande de l’expert ;

Rappelle que l’expert devra mentionner dans son rapport qu’il a adressé une copie de celui-ci aux parties ou à leurs conseils ;

Dit que la société PERRE et Y devra consigner à la régie d’avances et de recettes de la cour avant le 15 janvier 2019, la somme de 2 000 euros à valoir sur les honoraires de l’expert ;

Dit qu’à défaut de consignation avant le délai impératif, et sans rappel de notre part, la désignation de l’expert sera caduque et privée d’effet ;

Désigne le président de la 3e chambre civile et commerciale pour assurer le suivi de l’expertise ;

Rejette les demandes présentées sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés à l’occasion de la procédure d’appel.

Le Greffier, Le Président,

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