Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 3 juillet 2019, n° 17/02308

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Riom, ch. com., 3 juill. 2019, n° 17/02308
Juridiction : Cour d'appel de Riom
Numéro(s) : 17/02308
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Cusset, 3 septembre 2017, N° 10/00617
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE RIOM

Troisième chambre civile et commerciale

ARRET N°

DU : 03 Juillet 2019

N° RG 17/02308 – N° Portalis DBVU-V-B7B-E3V6

FR

Arrêt rendu le trois Juillet deux mille dix neuf

Sur APPEL d’une décision rendue le 4 septembre 2017 par le Tribunal de grande instance de CUSSET (RG n° 10/00617)

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

M. François RIFFAUD, Président

M. François KHEITMI, Conseiller

Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller

En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

La COOPERATIVE SYSTEME U CENTRALE REGIONALE EST

SA coopérative de commerçants détaillants immatriculée au RCS de Mulhouse sous le […]

[…]

[…]

Représentants : Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et SELARL CABINET TESSLER, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

APPELANTE

ET :

La société Y

SA immatriculée au RCS de Nanterre sous le […]

12 place des Etats-Unis CS 30002

[…]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et SELARL SIGRIST & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

La société C D

SA immatriculée au RCS de Paris sous le […]

[…]

[…]

Représentants : la SELARL LEXAVOUE, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et SELARL SIGRIST & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS (plaidant)

La société CEVEDE

SA immatriculée au Rcs de Cusset sous le […]

[…]

[…]

Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Cabinet d’Avocats Chrystelle VALLEE, avocat au barreau de DIJON (plaidant)

La société X

SCI immatriculée au RCS de Cusset sous le […]

[…]

[…]

Représentants : Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (postulant) et Cabinet d’Avocats Chrystelle VALLEE, avocat au barreau de DIJON (plaidant)

INTIMÉES

DEBATS : A l’audience publique du 29 Mai 2019 Monsieur RIFFAUD a fait le rapport oral de l’affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l’article 785 du CPC. La Cour a mis l’affaire en délibéré au 03 Juillet 2019.

ARRET :

Prononcé publiquement le 03 Juillet 2019, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par M. François RIFFAUD, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé des faits et de la procédure :

Après avoir été adhérents du groupement INTERMARCHE pendant plus de 20 ans, M. et Mme LE

DIOURIS ont déposé l’enseigne INTERMARCHE pour prendre celle de SUPER U le 6 juin 2002 pour les deux supermarchés qu’ils dirigeaient, l’un, situé à Cusset (03) et exploité via la société CEVEDE et l’autre, implanté à Saint-Georges-de-Mons (63) exploité via la société MOCRIXA.

C’est dans ces conditions que les 6 et 7 juin 2002, les sociétés MOCRIXA et CEVEDE ont régularisé un bulletin d’adhésion et de souscription auprès de la société coopérative SYSTEME U-EST comprenant notamment adhésion aux statuts et règlement intérieur de la Coopérative, de souscrire des parts de la Coopérative et de régulariser des offres préalables de ventes (OPV) au profit de la Coopérative SYSTEME U-EST portant sur les droits sociaux des sociétés ainsi que sur leur fonds de commerce.

La société CEVEDE a ainsi consenti le 6 juin 2002 à la société SYSTEME U-EST une offre préalable de vente sur son fonds de commerce, M. E B ayant pour sa part consenti une offre préalable de vente sur ses droits sociaux.

Seul le magasin exploité à Cusset par la société CEVEDE fait l’objet de la présente instance.

Jusqu’au prononcé d’une sentence arbitrale du 6 décembre 2010, le capital social de la société CEVEDE était détenu comme suit :

— à 50 % par la société YABE, holding familiale détenue à 99,99% par M. F B, fils de M. E B et Mme G B, son épouse, détenant une action ;

— à 49,91 % par la société civile de placements MOBERD détenue par M. E B et Mme K-L B ;

— les autres actions étant réparties entre les différents membres de la famille B.

Dans le cadre d’un projet d’une extension du supermarché de Cusset afin de créer un important hypermarché, le magasin a fait l’objet d’un transfert de site avec agrandissement, sur une parcelle située à proximité, après autorisation de la Commission départemental d’équipement commercial (CDEC), le 11 septembre 2003, de porter sa surface de vente de 2 347 m² à 4 250 m² et le 4 novembre 2005 pour la station-service.

L’immobilier accueillant cette implantation commerciale était, à l’origine, principalement détenu par la société CEVEDE (à l’exception de trois parcelles possédées par une société familiale, la SCI X, elle-même détenue par les consorts B).

Par acte authentique du 11 août 2006 reçu par Me Nicolas Z, notaire associé à Pont-du-Château (63), les sociétés CEVEDE et X ont cédé un ensemble immobilier comprenant les parcelles d’assiette de l’hypermarché de Cusset, au profit des sociétés Y et C D, ce pour les prix TTC de 3 348 800 euros (3 157 440 € HT) au profit de la SA CEVEDE et de 191 360 euros TTC au profit de la SCI X.

Par acte authentique reçu à la même date par Me Nicolas Z, les sociétés Y et C D, agissant conjointement et indivisément entre elles à proportion de 50 % chacune, ont régularisé au profit de la SCI X un contrat de crédit-bail immobilier d’une durée de 15 ans, ayant pour objet le financement de l’acquisition de ces parcelles et l’édification sur celles-ci d’un bâtiment commercial, et se traduisant par des échéances trimestrielles de 280 310,24 euros HT.

Par lettre du 11 juin 2007, la société CEVEDE a notifié sa décision de se retirer de la société Coopérative SYSTÈME U-EST (la société SYSTÈME U), à la fin de l’exercice en cours, avant de prendre l’enseigne CARREFOUR.

Le 4 juillet 2008, la société Système U a engagé une procédure d’arbitrage à l’encontre des consorts B sur le fondement des articles 44 des statuts de Système U-EST, 24 du règlement intérieur et 11 des conventions d’OPV. Cette procédure a donné lieu à une sentence le 6 décembre 2010, laquelle, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de l’exequatur conférées par une ordonnance rendue le 23 décembre 2010 par le président du tribunal de grande instance de Paris, a notamment :

— dit que l’apport effectué par M. E B au bénéfice de la société civile de placements MOBERD par contrat du 3 juillet 2006 des 7 986 actions qu’il détenait dans la société CEVEDE, pour une valeur de 4 492 125 euros, arrondie à 4 492 000 euros a été effectué en violation du droit de préemption de la société Système U-Est ;

— prononcé l’annulation de l’apport et ordonné la substitution de la société Système U-Est dans les droits et obligations de la société MOBERD, à égalité des prix et conditions ;

— ordonné en conséquence la cession des 7 986 actions de la société CEVEDE et donné acte à la société Système U-EST de ce qu’elle s’engage à payer la somme de 4 492 000 euros représentant le prix des actions ;

— condamné solidairement la société MOBERD et M. et Mme B à payer à la société Système U-EST la somme de 200 000 euros au titre de la clause pénale prévue à l’article 9 de l’OPV ;

— condamné solidairement les mêmes à payer à la société Système U-Est la somme de 100 000 euros au titre de l’indemnité contractuelle prévue à l’article 19-4 du règlement intérieur en cas de violation du droit de préemption ;

— condamné solidairement les sociétés CEVEDE et X à payer à Système U-Est la somme de 1 million d’euros au titre de l’indemnité contractuelle prévue à l’article 19-14 du règlement intérieur ;

— condamné la société CEVEDE à payer à la société Système U-Est la somme de 200 000 euros sur le fondement de la concurrence déloyale dont elle s’est rendue coupable, au titre du détournement de fichier de clientèle Carte U opéré à la suite de son retrait ;

— dit que la société BAUVAL est titulaire d’une créance de 189 140,94 euros à l’encontre de la société Système U-Est et condamné cette dernière à ce titre ;

— dit la société CEVEDE débitrice envers la société Système U-Est de la somme de 142 713,65 euros au titre des dettes et créances réciproques des parties et l’a condamné à ce titre ;

— rejeté la demande de la société Système U-Est d’un paiement d’une somme de 27 214,57 euros au titre du remboursement des frais exposés dans le cadre de l’exécution de mesures d’instruction ;

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Les consorts B et les sociétés CEVEDE et X ont exercé un recours en annulation à l’encontre de cette sentence. Ce recours a été rejeté par un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 2 octobre 2012, décision devenue définitive suite à un arrêt rendu le 4 décembre 2013 par la Cour de cassation rejetant le pourvoi formé le 14 janvier 2013.

Parallèlement à cette procédure arbitrale, la société Système U-Est a, par acte du 25 mai 2010, fait assigner les sociétés Y, C D, CEVEDE et X devant le tribunal de grande instance de Cusset aux fins d’obtenir :

— l’annulation de l’acte de vente de l’ensemble immobilier du 11 août 2006 conclu en violation de son

droit de préemption ;

— sa substitution dans les droits et obligations des sociétés Y et C D ;

— la résiliation du contrat de crédit-bail immobilier en date du 11 août 2006 ;

— qu’il lui soit donné acte de ce qu’elle entend conserver les constructions, ouvrages et plantations édifiées sur les parcelles litigieuses en contrepartie de l’indemnité d’accession qui sera évaluée par un expert avec mission usuelle ;

— la condamnation des sociétés Y et C D à lui payer la somme de 500 000 euros, chacune, à titre de dommages et intérêts, outre celle de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— la compensation entre les créances et dettes réciproques.

Suivant un jugement rendu le 4 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Cusset a :

— dit la société coopérative Système U-Est recevable en ses demandes ;

— rejeté la demande en annulation des actes de cession immobilière du 11 août 2006 ;

— débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;

— condamné la société Système U-Est à payer au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

* aux sociétés CEVEDE et X la somme globale de 3 000 euros ;

* à la SA Y et SA C D, chacune, la somme de 3 000 euros ;

— condamné la même aux dépens ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal – après avoir notamment constaté que l’ensemble des parties admettait que l’annulation de l’acte de cession des terrains aux crédits-bailleurs, en date du 11 août 2006, par suite de la violation du droit de préemption, supposait la connaissance, par le tiers acquéreur de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de ce pacte de s’en prévaloir, considéré que le dépôt de plainte des sociétés CEVEDE et X devant le procureur de la République de Paris n’était pas, en l’état, de nature à remettre en cause le caractère définitif de la sentence arbitrale du 6 décembre 2010 et que les sociétés X et CEVEDE ne contestaient pas l’absence de notification par lettre recommandée du droit de préemption avant la cession, a retenu :

— que s’agissant de rapporter la preuve d’une concertation entre les parties en fraude des droits de la société SYSTÈME U-EST, le défaut de mention du droit de préemption à l’acte de cession ne pouvait potentiellement impliquer la fraude des crédits-bailleurs que s’ils devaient nécessairement en connaître l’existence, et que cette connaissance possible par leur qualité professionnelle, devait être étayée par des éléments de fait ;

— qu’à cet égard, aucune publication d’un tel droit n’avait été formalisée au registre de la publicité foncière et que le caractère consultable du dépôt au greffe du tribunal de commerce d’un autre ressort du pacte de préférence n’avait pas une portée comparable pour n’avoir pas pour vocation à informer les tiers de la situation juridique des immeubles ;

— que la société SYSTÈME U-EST n’avait pas été écartée de la préparation de l’opération de financement envisagée et, qu’au contraire, des témoignages et la présence de représentants de cette société lors de plusieurs réunions montrent le contraire ;

— que les pièces versées aux débats n’établissent la collusion frauduleuses entre les parties à l’acte de cession ;

— que n’était pas établie la connaissance par les crédits-bailleurs de l’intention de la société SYSTÈME U-Est d’exercer son droit de préemption.

Suivant déclaration électronique reçue au greffe de la cour le 19 octobre 2017, la société coopérative Système U-Est a interjeté appel de cette décision, visant l’intégralité de son dispositif.

Moyens et Prétentions des Parties :

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 mars 2019 au moyen de la communication électronique, la société coopérative Système U-Est, demande à la cour, au visa des articles 8-4c et 30.5 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière, des articles 1484 du code de procédure civile, 1351, 124, 546, 551 à 555 du code civil, de l’adage fraus omnia corrumpit, de la sentence arbitrale du 6 décembre 2000 revêtue de l’exequatur par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 23 décembre 2010, de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 2 octobre 2012 et de celui de la Cour de cassation du 4 décembre 2013, d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

— la dire et juger recevable en son action ;

— prononcer l’annulation de l’acte de vente conclu le 11 août 2006, en violation de son droit de préemption, au profit des sociétés Y et C D par la société CEVEDE pour un prix de 2 640 000 euros HT, soit 3 157 440 euros TTC et par la société X pour un prix de 160 000 euros HT soit 191 360 euros TTC, portant sur l’ensemble immobilier comprenant les parcelles sur la commune de Cusset (03) dont les références cadastrales et les contenances sont énoncées au dispositif des conclusions ;

en conséquence,

— ordonner sa substitution dans les droits et obligations des sociétés Y et C D, la vente de l’ensemble immobilier précité s’opérant strictement dans les mêmes conditions, notamment de prix, que celles stipulées à l’acte authentique de vente consenti à leur profit par les sociétés CEVEDE et X le 11 août 2006, tel qu’enregistré au bureau des hypothèques le 14 septembre 2006, volume 2006, n° 3859, pour un prix global de 2 800 000 euros HT, soit 3 348 000 euros TTC ;

— lui donner acte de ce qu’elle offre de déléguer le paiement du prix de vente, de manière libératoire pour elle, directement entre les mains des sociétés Y et C D ;

— dire que le jugement à intervenir tiendra lieu d’acte authentique et d’en ordonner la transcription à la conservation des hypothèque de Cusset à son profit ;

— prononcer la résiliation du contrat de crédit-bail immobilier conclu entre les sociétés Y, C D et X le 11 août 2006 portant sur les parcelles inscrites au registre du cadastre de la commune de Cusset sous les numéros CI 92, 93, 94, 98, 99, 104, 105, 110, 113 et CM 74,78, 79,80, 86, 88,129, 130,148, 149, 150 et 163, constater la caducité de ce contrat en tant que de besoin ;

— dire qu’aucune indemnité ou pénalité d’aucune sorte ne pourra être mise à sa charge au titre de la résiliation ou de la caducité du contrat de crédit-bail ; condamner en tant que de besoin la société X à la tenir indemne et garantie de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

— lui donner acte de ce qu’elle entend conserver la propriété des constructions, ouvrages et plantations édifiées sur les parcelles litigieuses, conformément à l’option offerte par le premier alinéa de l’article 555 du code civil, et de ce qu’elle opte, s’agissant de l’évaluation de l’indemnité d’accession due à Y et C D (Y étant 'le chef de file'), pour « le coût des matériaux et le prix de la main-d''uvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l’état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantation et ouvrages » ;

— dire que l’indemnité d’accession sera en conséquence équivalente au coût de la construction, après déduction des amortissements et prise en compte de la vétusté des biens, l’indemnité devant être évaluée au jour de la décision à intervenir ;

— désigner tel expert qu’il plaira avec mission d’usage, afin de déterminer cette indemnité ;

— condamner, sur le fondement de l’article 1240 du code civil, les sociétés Y et C D au paiement d’une somme de 500 000 euros chacune, à titre de dommages et intérêts ;

— ordonner la compensation entre les créances et dettes réciproques ;

— débouter les intimées de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

— les condamner à lui payer, chacune, la somme de 25 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Sur les obligations à la charge des sociétés CEVEDE et X liées à son droit de préemption, elle fait valoir que tant la soumission de l’opération de cession de l’immobilier au droit de préemption que le non-respect de ce droit ont été constatés et jugés par le tribunal arbitral. Elle ajoute qu’il résulte des articles 19.2 à 19.6 du règlement intérieur qu’elle disposait bien d’un droit de préemption et que, contrairement à ce que soutiennent les crédits-bailleurs, celui-ci concernait bien les cessions de biens immobiliers comme précisé à l’article 19.3 du règlement intérieur. En effet, d’une part, la société CEVEDE avait expressément adhéré à ses statuts et règlement intérieur et, d’autre part, la société X était intégralement détenue par les membres de la famille B, eux-mêmes ayant souscrit aux stipulations des statuts et du règlement intérieur, les parcelles détenues par la SCI X servant d’assiette au supermarché agrandi formant un tout indivisible lié à l’exploitation de la société CEVEDE, relevant ainsi de son droit de préemption.

La société SYSTÈME U-Est ajoute que les sociétés X et CEVEDE ne sont pas recevables à contester le non-respect du droit de préemption puisque celui-ci a été tranché par la sentence arbitrale, devenue définitive et ainsi soumise à l’autorité de la chose jugée, l’argumentation adverse développée au prétexte d’une prétendue escroquerie au jugement n’étant aucunement susceptible de prospérer.

Sur l’annulation de la vente par les sociétés CEVEDE et X aux organismes de crédit-bail, elle fait d’abord valoir qu’il est de jurisprudence constante que la publication d’un pacte au fichier immobilier n’est pas une condition de son opposabilité aux tiers, les crédits-bailleurs, professionnels du secteur, ne pouvant ignorer cette règle ni l’existence du droit de préemption, de même qu’ils ne pouvaient ignorer son intention de préempter dans le cadre de sa mission de défense de son réseau. Et l’acte passé en fraude d’un droit de préférence, se traduisant par la conclusion de contrats en fraude d’un engagement antérieur, encourt la nullité si le pacte avait été porté à la connaissance du tiers acquéreur et que ce dernier avait connaissance de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir,

l’absence de publication du pacte ne faisant en aucune manière naître une présomption de bonne foi au profit du tiers acquéreur.

A cet égard, la société SYSTÈME U-Est soutient que faute pour le professionnel de pouvoir justifier de diligences accomplies afin de s’informer de l’existence d’un tel pacte, celui-ci doit être présumé avoir eu connaissance du droit et de l’intention du bénéficiaire du droit d’exercer la préemption et, en conséquence, être présumé de mauvaise foi, la sanction de l’obligation de se renseigner se traduisant par une présomption de connaissance. Et, dans ces conditions, les crédits-bailleurs ne peuvent ainsi prétendre être éligible à la protection offerte aux tiers acquéreurs de bonne foi.

A titre subsidiaire sur ce point, elle entend démontrer la connaissance concrète des crédits-bailleurs de son droit de préemption et de sa volonté de l’exercer, de sorte que la collusion frauduleuse est manifeste. Elle fait plaider d’abord que ses statuts, comportant son droit de péremption et renvoyant expressément aux stipulations du règlement intérieur, lesquels sont parfaitement connus des professionnels intervenant dans le domaine de la distribution, ont été publiés au greffe du tribunal de commerce de Mulhouse et sont donc accessibles aux tiers. Elle soutient ensuite que, alors qu’il s’agit d’une clause type, aucune mention dans l’acte notarié n’a été faite au titre d’un droit de préemption, cette lacune étant révélatrice d’une volonté des parties de ne pas mentionner son droit de préemption ni d’interroger les cédants sur l’existence d’autres droits non publiés, en parfaite connaissance de cause, afin de leur permettre de soutenir qu’elles étaient de bonne foi, les notaires n’ayant pu omettre cette mention sans recevoir instruction et/ou décharge de responsabilité de leur client respectif en ce sens. Elle avance, en outre, que les attestations versées par la partie adverse pour justifier sa prétendue connaissance de la cession ne font pas référence à une cession à des crédits bailleurs mais des « banquiers » et un financement en « pool bancaire » de sorte qu’il y avait tout lieu de penser qu’il s’agissait d’un concours bancaire classique. Au surplus, seule la procédure d’information prévue au règlement intérieur pouvait purger son droit de préemption.

Sur sa substitution dans les droits et obligations des organismes de crédit-bail, elle soutient que celle-ci est admise de jurisprudence constante dans le cas d’une opération frauduleuse intervenue en violation d’un pacte de préférence, cette substitution devant être opérée à égalité de prix et conditions. Elle considère, en outre, que la résiliation du contrat de crédit-bail conclu entre les sociétés C D, Y et X le 11 août 2006 devra être prononcée dès lors que la société coopérative se trouve dans l’incapacité d’exercer l’activité de crédit-bailleur réservée à des organismes financiers agréés et elle cite, par ailleurs, un arrêt rendu par la chambre mixte de la Cour de cassation le 13 avril 2018, décidant que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d’effet de la résolution du contrat de crédit-bail.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 3 avril 2019 au moyen de la communication électronique, les sociétés CEVEDE et X, intimées, demandent à la cour, au visa des articles 1134 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, de :

— les déclarer recevables et bien fondées en leurs écritures ;

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

— déclarer la Coopérative SYSTÈME U-Est irrecevable et mal fondée en ses demandes ;

— débouter la même de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire, en cas d’annulation du contrat de vente et de substitution de la Coopérative Système U-Est au 11 août 2016 et de caducité de contrat de crédit-bail immobilier,

— condamner les sociétés Y et C D à rembourser à la SCI X l’intégralité des loyers versés depuis la conclusion du contrat de crédit-bail jusqu’au jour du prononcé de la

décision à intervenir, le montant des loyers s’élevant à la somme de 14 990 100, 19 euros au 1er décembre 2018 ;

— débouter les sociétés Y et C D de leur demande de compensation et de leur demande de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

— dire que les demandes indemnitaires formulées par les sociétés Y et C D constituent des clauses pénales ;

— dire que l’article B12.3 du contrat de crédit-bail constitue une clause pénale ;

— constater que les conditions générales du contrat de crédit-bail et notamment l’article B12.3 sont abusives et sont réputées non écrites ;

— débouter les sociétés Y et C D de leurs demandes indemnitaires, et subsidiairement en réduire le montant à 1 euro symbolique ;

Y ajoutant,

— condamner la société coopérative SYSTÈME U EST à leur payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du caractère manifestement abusif de sa procédure ;

— condamner la société coopérative SYSTÈME U-EST aux dépens, dont distraction au bénéfice de Me RAHON, et à leur payer la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles soutiennent tout d’abord que l’opération de crédit-bail n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 19.3 du règlement intérieur et que seuls les biens immobiliers servant d’assiette au jour de la cession à l’exploitation du supermarché sont soumis au droit de préemption. Elle entend préciser qu’au jour de la conclusion du crédit-bail, à savoir le 11 août 2006, les terrains objets dudit contrat ne servaient pas d’assiette à l’exploitation du point de vente de la société CEVEDE comme étant vierges de toute construction et n’étant pas mis en exploitation.

Elles prétendent, par ailleurs, que la société Système U-Est avait une parfaite connaissance de l’opération de financement par crédit-bail. A cet égard, elles font valoir que les dossiers établis par la coopérative, pour être présentés lors des commissions de développement d’une structure interne (GEP) en date des 13 juillet 2006 et 23 novembre 2006, faisaient référence expressément aux modalités de financement de l’immobilier du futur point de vente de la société CEVEDE, prévoyant le recours à un crédit-bail immobilier d’un montant de 13 000 000 euros HT. Elles font plaider que la société coopérative n’a nullement émis de réserves ni même considéré que ce mode de financement contrevenait à l’une quelconque des stipulations contractuelles.

Elle font valoir également que la SCI X n’est pas liée par le droit de préemption, comme cela a été retenu par la sentence arbitrale du 6 décembre 2010.

Sur la collusion frauduleuse invoquée par l’appelante, elles avancent qu’il appartient à la société SYSTÈME U-Est de rapporter la preuve de leur intention de lui nuire à travers l’opération litigieuse et de la lui dissimuler sciemment. Et elles prétendent que l’opération, connue de l’appelante, n’avait pas pour but de céder les points de vente ou leurs actions à la concurrence mais bien de financer l’investissement immobilier.

Sur la sanction en matière de violation du droit de préférence, elles font valoir qu’il est de

jurisprudence constante que la violation de l’obligation de faire se résout en dommages et intérêts et qu’il en est ainsi en cas de violation d’un pacte de préférence. Elles ajoutent qu’en l’absence de fraude, la violation du pacte de préférence ne peut être sanctionnée par l’annulation de la vente ni même par la substitution forcée du bénéficiaire au tiers acquéreur. Elles avancent que la fraude n’est constituée que si le pacte de préférence était connu du tiers acquéreur et que ce dernier avait connaissance du fait que le bénéficiaire avait l’intention de s’en prévaloir. A cet égard elles soutiennent que la société SYSTÈME U-Est ne rapporte pas la preuve de ces deux conditions et que, au contraire, elle avait connaissance de ce mode de financement et n’a émis aucune réserve.

Sur la demande de résiliation du contrat de crédit-bail immobilier, elles font valoir que cette demande, formulée aux termes de son acte introductif d’instance, est irrecevable, la société SYSTÈME U-Est étant un tiers au contrat et, partant, dépourvue de toute qualité à agir pour former une telle demande.

Sur les demandes des sociétés Y et C D, les sociétés CEVEDE et X indiquent que la jurisprudence a opéré un revirement récent sur les conséquences de l’annulation d’une vente sur un contrat de crédit-bail, jugeant ce dernier caduc. Elles soutiennent que cette caducité se traduit par deux conséquences : l’absence d’application des clauses de pénalité relatives à la résiliation anticipée et l’obligation pour le crédit-bailleur de restituer les loyers perçus. Elles font plaider que les sociétés Y et C D demandent que les loyers versés se compensent avec l’indemnité d’occupation qui serait due par elles, mais que cette demande ne peut aboutir puisque les parties seront replacées dans une situation antérieure à l’opération, de sorte que les organismes financiers ne pourraient solliciter le versement de la moindre indemnité d’occupation comme n’étant pas propriétaires des parcelles ni des locaux.

Elles ajoutent que si les sociétés Y et C D sollicitent l’application d’une clause pénale, elle ne rapportent la preuve ni d’une inexécution du contrat, ni même d’un préjudice, de sorte qu’il ne saurait y avoir de condamnation de ce chef.

Les sociétés CEVEDE et X soutiennent enfin qu’outre la restitution du montant du prix d’acquisition des parcelles, il est demandé leur condamnation au paiement d’une indemnité contractuelle. Elles font plaider que cette stipulation contractuelle est manifeste d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties puisque la SCI X ne peut user de sa faculté de résiliation librement en raison du coût de la sortie du contrat.

Subsidiairement, elles font valoir qu’à ce jour les crédits bailleurs sont remboursés du montant total de leur investissement et ont d’ores et déjà perçu près de deux millions d’euros d’intérêts, de sorte qu’ils ne peuvent invoquer de préjudice. Elles estiment ainsi que l’article B12-3 du contrat doit être qualifié de clause pénale au sens de l’article 1226 du code civil et que l’indemnité doit être supprimée ou réduite à un euro symbolique sur le fondement de l’article 1152 de ce code.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 25 avril 2019 au moyen de la communication électronique, les sociétés Y et C D, intimées, demandent à la cour, au visa des articles 1134 du code civil et 32-1 du code de procédure civile, de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— dire qu’elles n’ont jamais eu connaissance de l’existence du droit de préemption ni de l’intention par la société SYSTEME U-Est de s’en prévaloir ;

— dire que la société SYSTEME U-Est ne rapporte pas la preuve des deux exigences factuelles posées par la jurisprudence de la chambre mixte de la Cour de cassation du 26 mai 2006 ;

— dire que la société SYSTEME U-Est ne démontre pas qu’elles auraient commis une faute délictuelle

à son égard ;

en conséquence,

— débouter la société SYSTÈME U-Est de sa demande d’annulation du contrat de vente conclu le 11 août 2006 ;

— débouter la même de sa demande de substitution dans leurs droits et obligations au titre du contrat de vente du 11 août 2006 ;

— débouter la même de sa demande de dommages et intérêts ;

— condamner solidairement les sociétés X et CEVEDE à les relever indemnes et à être garanties de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

subsidiairement,

En cas d’annulation du contrat de vente,

— condamner solidairement les sociétés CEVEDE et X à leur restituer, à charge d’en reverser la quote-part aux co-bailleurs, le montant du prix d’acquisition des parcelles, soit la somme de 2 800 000 euros HT augmentée de la TVA en vigueur au jour du règlement ;

— autoriser la société SYSTEME U-Est à régler la somme d’un montant de 2 800 000 euros HT augmentée de la TVA en vigueur au jour du règlements, au titre du prix d’acquisition des parcelles, par délégation, directement entre les mains de la société Y, tant pour elle même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour elle d’en reverser la quote-part aux co-bailleurs ;

— condamner la société X à payer, à la société Y, tant pour elle-même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour elle d’en reverser la quote-art à la société C D, le coût minimum des constructions, soit la somme de 10 200 000 euros HT, soit 12 199 299 euros TTC, complété du montant de la valeur vénale des constructions estimée supérieure à ce minimum ;

— déclarer la société SYSTEME U-Est irrecevable, sur le fondement de l’article 122 du code de procédure civile, faute de qualité à agir, en sa demande de résiliation du contrat de crédit-bail immobilier en date du 11 août 2016 ;

en cas de substitution de la Coopérative SYSTEME U-Est en leurs droits et obligations,

— condamner la société SYSTEME U-Est à payer, à la société Y, tant pour elle-même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour celle-ci d’en reverser la quote-part à la société C D, augmentée des frais d’acquisition des parcelles d’un montant de 2 800 000 HT augmentée de la TVA en vigueur au jour du règlement, le coût minimum des constructions, soit la somme de 10 200 000 euros HT, soit 12 199 200 euros TTC, complété du montant de la valeur vénale des constructions estimée supérieure à ce minimum, et à défaut, si par extraordinaire, il était fait droit à la demande d’expertise de la société SYSTEME U-Est, dire que l’expert désigné devra déterminer et quantifier, au regard de l’état des constructions, les conséquences d’un éventuel défaut d’entretien de l’immeuble ;

— dire que les sociétés CEVEDE et X ont engagé leur responsabilité contractuelle ;

en cas d’annulation du contrat de vente des parcelles et de la caducité du contrat de crédit-bail prononcée au jour de l’arrêt à intervenir,

— dire que l’arrêt de la chambre mixte de la Cour de cassation du 13 avril 2018 distingue la date de la résolution de la vente de la date d’effet de celle-ci ;

— prononcer la caducité du contrat de crédit-bail immobilier, en conséquence de l’annulation du contrat de vente, au jour de l’arrêt à intervenir ;

— condamner solidairement les sociétés X et CEVEDE au paiement de dommages et intérêts au profit de la société Y, tant pour elle-même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour celle-ci d’en reverser la quote-part à la société C D, d’un montant de 3 013 281,33 euros HT ;

à défaut,

— condamner solidairement les sociétés X et CEVEDE au paiement de dommages et intérêts au profit de la société Y, tant pour elle-même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour celle-ci d’en reverser la quote-part à la société C D, d’un montant fixé par référence à celui de l’indemnité contractuelle de résiliation due au jour du prononcé de l’arrêt à intervenir ;

à défaut,

en cas d’annulation du contrat de vente des parcelles et de la caducité du contrat de crédit-bail prononcée au jour de l’annulation du contrat de vente,

— condamner solidairement les sociétés X et CEVEDE au paiement au profit de la société Y, tant pour elle-même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour celle-ci d’en reverser la quote-part à la société C D d’indemnités d’occupation d’un montant équivalent à celui des loyers versés qui se compenseront entre eux ;

— condamner solidairement les sociétés CEVEDE et X à payer à la société Y, tant pour elle-même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour celle-ci d’en reverser la quote-part à la société C D, de la somme de 3 013 281,33 euros HT à titre de dommages et intérêts ;

à défaut,

— condamner solidairement les sociétés X et CEVEDE à payer à la société Y, tant pour elle-même qu’en sa qualité de chef de file, à charge pour celle-ci d’en reverser la quote-part à la société C D, des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, en raison de la caducité fixée à la date de la résolution de la vente, soit la somme de 13 000 000 euros ;

— débouter la société X de ses demandes telles que dirigées à leur encontre ;

— condamner la société SYSTÈME U-Est à leur payer, chacune, la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Elles soutiennent que l’annulation du contrat n’est susceptible d’être prononcée que si l’acquéreur avait connaissance du droit de préemption et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

S’agissant de la connaissance du pacte, elles observent que ce pacte n’a pas été publié et, qu’ainsi, elles ne peuvent qu’être présumées de bonne foi. Elles ajoutent n’avoir eu connaissance de ce droit de préemption que dans le cadre de l’instance, suite à l’assignation qui leur a été délivrée. Elle soutiennent en outre que la position de la coopérative est contradictoire puisqu’elle affirme d’une part que les consorts B auraient fait obstacle à la divulgation du droit de préemption et d’autre part qu’elles en auraient eu connaissance. Elles observent également que les notaires n’ont relevé

l’existence d’aucun pacte de préférence au profit de la société SYSTÈME U-Est et qu’on ne peut leur faire supporter, même en leur qualité de professionnel de la finance, l’obligation d’effectuer des diligences supplémentaires. Elles avancent que la présomption de connaissance développée par l’appelante vient en contradiction totale avec la jurisprudence de la chambre mixte de 2006 et que cette tentative manifeste sa défaillance dans l’administration de la preuve. Elle entend préciser au surplus que les insinuations envers les notaires sont peu sérieuses et infondées dans la mesure où ces derniers ne sont pas parties à l’instance.

S’agissant de la connaissance de l’intention du bénéficiaire de se prévaloir du droit de préemption, elles soutiennent que la société SYSTÈME U-Est ne rapporte pas la preuve, à la date de la signature du contrat de crédit-bail immobilier, de sa volonté exprimée d’opposer ce droit à leur égard. Elles avancent qu’aucun acte positif à leur destination n’a été établi ni adressé, comme cela est exigé par la jurisprudence.

Sur l’argument de la collusion frauduleuse invoqué par l’appelante, elles font plaider que la société SYSTÈME U-Est ne rapporte pas la preuve d’une telle collusion.

Les crédits-bailleurs soutiennent, par ailleurs, que si la faute invoquée était reconnue, elle se confondrait avec celle ouvrant droit à l’annulation des actes de vente et à la substitution, seules sanctions d’une attitude fautive résultant de la régularisation d’un acte de vente en connaissance par le cessionnaire de l’existence du pacte de préférence et de la volonté du bénéficiaire de s’en prévaloir. Ils ajoutent que la preuve d’une telle faute n’est pas rapportée et que la demande ne se fonde sur aucun élément, tant sur le principe, que sur le quantum.

A titre subsidiaire, sur le sort du contrat de crédit-bail immobilier, elles font d’abord plaider que la société SYSTÈME U-Est n’est pas recevable à solliciter la résiliation du contrat faute de qualité à agir puisqu’elle est un tiers au contrat.

Elles soutiennent ensuite qu’en cas d’annulation du contrat de vente, à l’égard des sociétés venderesses, elles s’estiment bien fondées à solliciter la restitution du prix de vente auprès des sociétés CEVEDE et X et qu’elles acceptent le mécanisme de la délégation. Elles ajoutent que les sociétés X et CEVEDE devront être, en sus, condamnées à leurs payer la somme de 12 200 000 euros HT, soit 12 199 200 euros TTC, constituant le coût minimum des constructions, complété du montant de la valeur vénale de celle-ci, estimée à ce minimum.

En cas d’annulation du contrat de vente, à l’égard de la partie à l’origine de l’anéantissement de l’ensemble contractuel et si la caducité était prononcée au jour du prononcé de la décision, elles sollicitent des sociétés X et CEVEDE une indemnisation en raison du préjudice subi lié à l’interruption anticipée des paiements au titre des loyers et des charges contractuellement prévus. Ce préjudice devra être fixé à la somme de 3 013 281,33 euros HT comme résultant de la non réalisation de l’opération jusqu’à son terme alors qu’elles ont procédé dès l’origine au décaissement de l’intégralité du financement.

A défaut, elles sollicitent que le montant des dommages et intérêts soit calculé par référence à l’indemnité contractuelle de résiliation, soit conformément à l’article B 12-3 du contrat de crédit-bail, par application d’un pourcentage de l’en-cours restant dû à la date de la caducité. Elles font plaider que cette indemnité contractuelle est bien une clause pénale mais qu’elle n’est pas dissuasive ni manifestement excessive.

Si la caducité du contrat de crédit-bail était retenue au jour de la résolution du contrat de vente, elles avancent que leur préjudice financier serait substantiel puisqu’il s’agirait d’un anéantissement rétroactif de l’opération de crédit-bail. Elles font alors valoir qu’elles sont fondées à solliciter une compensation entre la restitution des loyers et l’indemnité d’occupation de l’immeuble due à compter de la résolution du contrat de vente, d’un montant équivalent. Elles soutiennent que cette indemnité

est due en contrepartie de la jouissance totale et paisible du bien immobilier, ayant permis à la société X de s’enrichir et d’en tirer profit.

Elles soutiennent que si cette compensation est prononcée, le montant des dommages et intérêts sera identique à celui dû en cas de caducité prenant effet au jour du prononcé de l’arrêt à intervenir, soit la somme de 3 013 281,33 euros HT, et à défaut par référence à l’indemnité contractuelle de résiliation.

A défaut de compensation, elles font valoir que les dommages et intérêts auront pour objet de les indemniser du coût de gestion de l’opération (mobilisation de ressources humaines au niveau du commerce, de la gestion et du contentieux), de son coût financier (coût de l’argent emprunté sur les marchés financiers) et du coût lié au manque à gagner en raison de l’interruption anticipée de l’opération de financement escompté, soit la somme de 13 000 000 euros HT.

A l’égard de la société SYSTÈME U-Est substituée, elles soutiennent que la substitution ne pourrait valablement s’opérer par le seul règlement de la somme, à leur profit, de 2 800 000 euros HT augmentée de la TVA au jour du règlement, correspondant au seul prix d’acquisition des parcelles, alors que le financement de l’opération incluant le coût d’acquisition porte également sur le financement des constructions qui ont été réalisées à hauteur de la somme de 13 000 000 euros.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leur argumentation.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le champ d’application du droit de préemption invoqué par la société SYSTÈME U-EST

Il résulte de la sentence arbitrale du 6 décembre 2010, assortie de l’exécution provisoire et devenue définitive par suite du rejet des recours dont elle a fait l’objet, que les arbitres ont reconnu, à la demande de la société SYSTÈME U-EST que la vente par les sociétés CEVEDE et X aux crédits-bailleurs des parcelles constituant l’assiette de l’hypermarché de Cusset est intervenue en violation du droit de préemption de la société SYSTÈME U-EST. Et pour sanctionner cette violation, les arbitres, faisant application des dispositions de l’article 19-14 du règlement intérieur de la société coopérative, ont condamné solidairement les sociétés CEVEDE et X au versement d’une indemnité contractuelle d’un million d’euros.

Cette sentence ayant acquis force de chose jugée, il ne peut être désormais discuté du point de savoir si la SCI X, partie à la procédure d’arbitrage, était tenue du droit de préemption institué au bénéfice de la société coopérative. C’est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté l’argumentation développée par les sociétés X et CEVEDE à ce titre.

Sur l’existence d’une fraude et d’une collusion frauduleuse avec les crédits-bailleurs

La société SYSTÈME U-EST reproche aux sociétés CEVEDE et X, par un concert frauduleux avec les crédits-bailleurs, d’avoir par les actes de cession des parcelles constituant l’assiette de l’hypermarché de Cusset aux sociétés C D et Y, puis par la mise en crédit-bail des mêmes parcelles consenties par ces deux sociétés au bénéfice de la SCI X, constatés par les actes du 11 août 2006, soustraits les actifs immobiliers soumis à son droit de préférence, sans l’en avoir avertie, et ce au mépris du droit de préemption qui lui était reconnu par les statuts de la coopérative et son règlement intérieur.

Elle en tire pour conséquence qu’elle doit être substituée aux acquéreurs des biens cédés en fraude de ses droits.

En droit, si le bénéficiaire d’un pacte de préférence est en droit d’exiger l’annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d’obtenir sa substitution à l’acquéreur, c’est à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu’il a contracté, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir (en ce sens Cass. Chambre mixte, 26 mai 2006, Bull. 2006, Ch. mixte, n° 4, ou encore Cass. Civ. 3e, 31 janvier 2007, Bull. 2007, III, n° 16).

Il incombe ainsi au bénéficiaire d’un droit de préférence et de préemption, de rapporter cette double preuve.

En l’espèce, le comportement fautif des sociétés CEVEDE et X à l’égard de la société SYSTÈME U-EST, établi par la sentence arbitrale, ne peut être sujet à plus ample discussion et, eu égard aux usages en cours dans la grande distribution pour assurer la protection des réseaux de vente du fait de leur caractère stratégique pour cette activité, l’argumentation développée par la société coopérative selon laquelle les crédits-bailleurs, professionnels des opérations immobilières, savaient que son réseau était protégé par l’existence d’un droit de préférence, mérite d’être approuvée.

En revanche, le fait que les sociétés C D et Y connaissaient sa propre intention de s’en prévaloir, ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu par la société SYSTÈME U-EST, être valablement inféré de l’absence, dans l’acte authentique dressé par Me Z le 11 août 2006, d’une clause type relative à l’absence d’un droit de préemption, et de l’obligation pour ces professionnels du financement immobilier de s’informer.

Il apparaît, en effet, que le projet des consorts B et de leurs sociétés de transférer l’hypermarché, soumis à la CEP le 23 novembre 2006, était connu de la société SYSTÈME U-EST qui reconnaît d’ailleurs y avoir, dans un premier temps, prêté son concours avant que les relations entre les parties ne se détériorent.

En outre, dans un contexte où il est effectif que le droit de préemption ne faisait l’objet d’aucune publicité, il est démontré par les attestations de M. H-I A, ancien chargé d’affaires au CRÉDIT AGRICOLE, dont la société Y est une filiale (pièce n° 20) et de M. H-I J, maître d''uvre de l’opération d’agrandissement (pièce n° 21) qu’en 2005 et 2006, le projet de transfert de l’hypermarché a donné lieu à plusieurs réunions en présence d’un chef de projet de la société SYSTÈME U-EST. Et, s’il ressort de l’attestation de M. A que d’autres organismes de crédit-bail que les sociétés intimées étaient présents à ces réunions (UCABAIL et la filiale de crédit-bail de la société LYONNAISE DE BANQUE), la société SYSTÈME U-EST ne pouvait ignorer qu’un tel moyen de financement était envisagé par ses cocontractants, et qu’il pouvait s’avérer prudent de prendre toutes précautions utiles à ce sujet.

Ainsi, alors qu’il existait, comme l’indique la société SYSTÈME U-EST, courant 2005 et début 2006, d’intenses négociations entre les parties relatives à la prise en charge par la société coopérative de la pénalité infligée aux sociétés CEVEDE et MOCRIXA en suite de leur départ du groupement INTERMARCHE, la société SYSTÈME U-EST, qui n’ignorait pas la possibilité d’un financement du transfert au moyen d’un crédit-bail immobilier, ne peut valablement reprocher aux crédits-bailleurs un manque de précaution dont elle a elle-même fait preuve, et de s’être abstenus de procéder à des vérifications autres que celles opérées au fichier immobilier.

Dès lors, c’est à bon escient, que ne se livrant pas à une inversion de la charge de la preuve incombant à la société SYSTÈME U-EST, les premiers juges – qui ont relevé que si le groupe CARREFOUR avaient été mis en garde des conséquences d’une violation de ses droits par la société SYSTÈME U-EST, il n’en avait pas été de même des crédits-bailleurs – ont considéré qu’il n’était pas prouvé que les sociétés C D et Y étaient informées de la volonté de la société coopérative d’exercer son droit de préemption.

En conséquence, le jugement rejetant l’ensemble des demandes de la société SYSTÈME U-EST, doit

être confirmé.

Sur les autres demandes

Il résulte de la confirmation du rejet des demandes de la société coopérative que les demandes subsidiaires des crédits-bailleurs et des sociétés X et CEVEDE sont dépourvues d’objet.

La société SYSTÈME U-EST, qui succombe en son appel, en supportera les dépens, dont la distraction sera ordonnée au bénéfice de Me RAHON, avocat, et elle sera condamnée à verser aux sociétés Y et C D, chacune, une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Eu égard aux circonstances de la procédure, l’équité ne commande pas de faire application des dispositions du même article au bénéfice des sociétés X et CEVEDE.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Confirme le jugement ;

Condamne la SA coopérative SYSTÈME U-EST aux dépens d’appel et à verser aux sociétés Y et C D, chacune, une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes présentées au titre des frais de procès ;

Accorde à Me RAHON, le droit de recouvrer directement ceux des dépens dont il aura fait l’avance sans en avoir reçu provision.

Le Greffier, Le Président,

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Riom, Chambre commerciale, 3 juillet 2019, n° 17/02308