Cour d'appel de Toulouse, 23 septembre 2016, n° 14/00675

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 23 sept. 2016, n° 14/00675
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 14/00675
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Gaudens, 16 janvier 2014, N° F13/00047

Texte intégral

23/09/2016

ARRÊT N° 2016/698

N° RG : 14/00675

XXX

Décision déférée du 17 Janvier 2014 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT GAUDENS F13/00047

A.BODET

SA LOXAM

C/

G C

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU VINGT TROIS SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE

***

APPELANTE

SA LOXAM

XXX

XXX

représentée par Me I PELOUZE de l’ASSOCIATION B & L ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIME

Monsieur G C

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Jean-marc DENJEAN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Juin 2016, en audience publique, devant, C.DECHAUX et D.BENON, chargés d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

C. DECHAUX, conseiller faisant fonction de président

D. BENON, conseiller

C. KHAZNADAR, conseiller

Greffier, lors des débats : M. X

lors du prononcé : E.DUNAS

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par C.DECHAUX, président, et par E.DUNAS, greffier de chambre.

FAITS- PROCÉDURE PRÉTENTIONS DES PARTIES:

M. G C était embauché en qualité de mécanicien, par la société Laho équipement, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée en date du 22 septembre 1997, immédiatement suivi d’un autre contrat à durée déterminée. A compter du 1er août 1998, les relations se poursuivaient dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Par avenant en date du 1er avril 2007, M. C était promu adjoint au responsable d’agence de Saint-Gaudens, niveau 3, échelon 2, coefficient 225 de la convention collective nationale des entreprises et de commerce de location et de réparation de matériel de travaux publics.

Courant 2007, le groupe Loxam rachetait la société Laho équipement, qui conservait sa marque et son autonomie commerciale, l’enseigne Laho disparaissant le 31 décembre 2013 au profit de Loxam rental.

Le 14 novembre 2011, l’employeur notifiait à M. C un blâme, puis le 9 mars 2012, une mise à pied disciplinaire de trois jours, que le salarié contestait par courrier en date du 21 mars 2012.

A compter du 19 mars 2012, M. C faisait l’objet d’un arrêt maladie, qui était prolongé par la suite à plusieurs reprises et était suivi des deux visites de reprise en date des 7 et 21 mai 2012, à l’issue desquelles le médecin du travail le déclarait inapte au poste.

Après refus par M. C des propositions de reclassement qui lui avaient été faites, il était convoqué le 15 juin 2012 à entretien préalable à licenciement fixé au 2 juillet 2012, et son employeur lui notifiait par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 juillet 2012 son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

M. C saisissait le 18 janvier 2013 la juridiction prud’homale.

Par jugement en date du 17 janvier 2014, le conseil de prud’hommes de Saint-Gaudens, après avoir jugé nul le licenciement de M. C, condamnait la société Loxam à lui payer les sommes de:

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et matériel,

* 4 144 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 414 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférents,

* 6 220 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct prévention harcèlement moral,

* 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La société Loxam interjetait régulièrement appel de ce jugement par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 3 février 2014.

En l’état de ses conclusions déposées le 12 mai 2016 et reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, la société Loxam conclut à l’infirmation de la décision entreprise, et demande à la cour de juger que le licenciement de M. C repose sur une cause réelle et sérieuse, de le débouter de l’ensemble de ses demandes, d’ordonner la restitution de la somme de 3 596.12 euros payée au titre de l’exécution provisoire de droit, et de condamner M. C au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Lors de l’audience du 15 juin 2016, l’avocat de la société Loxam a demandé que soit écartée des débats la pièce n°49 communiquée sur l’audience, estimant que le principe du contradictoire n’avait pas été respecté et a précisé que le document faxé ce jour là par ses soins, concernait l’auteur de l’attestation, pièce n°49.

Cet incident de procédure a été joint au fond.

La société Loxam développe essentiellement les moyens et arguments suivants:

— les sanctions disciplinaires étaient toutes justifiées et il n’y a pas eu de harcèlement moral,

— le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et elle a respecté son obligation de recherche de reclassement.

— elle conteste avoir manqué à son obligation de sécurité concernant la prévention du harcèlement moral.

En l’état de ses conclusions déposées le 10 juin 2016 et reprises oralement à l’audience, auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé plus ample de ses moyens et arguments, M. C conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a jugé le licenciement nul ainsi que sur les condamnations prononcées au titre de l’indemnité de préavis et congés payés y afférents, des dommages et intérêts alloués pour préjudice matériel et moral et pour le préjudice distinct au titre de l’absence de prévention au harcèlement et demande à la cour:

— d’annuler les sanctions disciplinaires des 14 novembre 2011 et 9 mars 2012

— de condamner la société Loxam à lui payer les sommes de:

* 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi moral pour chacune des sanctions, soit 1 000 euros au total,

* 7 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi découlant du harcèlement,

* 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

A titre subsidiaire, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner son employeur au paiement des sommes précitées au titre de l’indemnité de préavis et congés payés y afférents, des dommages et intérêts alloués pour préjudice matériel et moral.

Il demande enfin à la cour d’ordonner la délivrance du certificat de travail et de l’attestation ASSEDIC rectifiés, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir.

Il développe essentiellement les moyens et arguments suivants:

— son licenciement est nul dés lors qu’il est consécutif à une inaptitude ayant pour origine un harcèlement moral,

— et à titre subsidiaire, le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse dés lors que l’obligation de recherche de reclassement n’a pas été complète.

MOTIFS

* sur l’incident de procédure:

Le principe du contradictoire posé par les articles 15 et 16 du code de procédure civile, est un principe directeur du procès civil, fondamental au respect des droits de la défense et à la loyauté des débats.

Il résulte du bordereau joint aux conclusions déposées le 10 juin 2016, que l’avocat de l’intimé a alors adressé ses conclusions et les 61 pièces listées sur son bordereau à l’avocat de l’appelant. La pièce numéro 49 constituée par une attestation en date du 30 mai 2016, établie par M. K D a nécessairement été communiquée avant le jour de l’audience puisque dans le fax adressé à la cour le 15 juin 2016 par la société Loxam, son avocat y joint la lettre de licenciement de M. D en date du 18 février 2016, constituant sa 48e pièce avec un bordereau 'à l’attention de Maître I J'.

La Cour observe que l’avocat de l’appelante n’a déposé ses conclusions que le 12 mai 2016, soit un mois avant l’audience, alors que l’appel est en date du 3 février 2014, et que le calendrier de procédure pour les conclusions des parties, en date du 16 juillet 2015, lui avait imparti un délai pour conclure expirant le 15 décembre 2015.

Compte tenu du caractère tardif de la communication non seulement de la pièce 49 de l’intimé mais aussi de la pièce 48 de l’appelante, ces deux pièces, étroitement liées, seront écartées des débats.

* sur l’annulation des sanctions disciplinaires en date des 14 novembre 2011 et 8 février 2012 :

Dans le cadre de l’exercice de son pouvoir disciplinaire, l’employeur est fondé à sanctionner des fautes commises par son salarié.

Il résulte des dispositions de l’article L.1331-1 du code du travail que constitue une sanction toute mesure autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

Le contrôle de la matérialité des faits reprochés implique une appréciation de leur caractère objectif et de leur imputabilité au salarié.

M. C sollicite en cause d’appel l’annulation des deux sanctions disciplinaires, soutenant que le blâme est motivé par un non-respect des procédures en vigueur et insuffisante qualité des tâches accomplies, alors que l’audit interne effectué en octobre 2011 n’identifie aucune faute qui lui soit imputable à titre personnel, et souligne n’avoir jamais reconnu les faits qui lui étaient reprochés contrairement à ce qu’affirme son employeur. Il conteste également la mise à pied infligée au motif de diverses carences et erreurs dans l’exécution de ses fonctions et du non-respect des règles applicables, soulignant qu’aucune note préalable relative à l’utilisation du cahier des messages n’avait été diffusée dans l’agence, et que les autres faits reprochés s’inscrivent dans la démarche visant à monter un dossier factuel à son encontre.

De son côté, l’employeur soutient que le blâme a été consécutif à un audit interne réalisé en septembre 2011 qui a mis en évidence des dysfonctionnements relevant d’une mauvaise exécution des tâches par M. C et ayant un impact sur la bonne marche de l’entreprise. Il soutient que la mise à pied disciplinaire de trois jours, était également justifiée par de nouveaux manquements du salarié dans le respect des procédures internes (tenue du cahier de messages liés aux appels clients, absence de constat lors d’un accrochage d’un véhicule d’un client important…).

Il souligne qu’en première instance ces deux sanctions n’ont pas été contestées par M. C qui n’en n’avait pas demandé la nullité.

— concernant le blâme en date du 14 novembre 2011:

La lettre de notification du blâme est ainsi rédigée: 'vous ne respectez pas les procédures en vigueur dans l’entreprise et la qualité des tâches que vous accomplissez en application du contenu de votre définition de fonction n’est pas à la hauteur de celle que vous devez fournir'.

Cette lettre cite ensuite quatre exemples précis, en détaillant que:

— dans le dossier Campo, le salarié a accordé une remise d’offre sans avoir préalablement vérifié si ce client en possédait une, et qu’il n’aurait pas dû appliquer le tarif '7G',

— dans le dossier SIVOM, il a établi un contrat concernant seulement les accessoires et la remorque, tout en remettant au client une mini-pelle alors que l’ordre de travail en cours n’avait pas été clôturé, et qu’il n’a ensuite pas été en mesure, lors du retour de ces matériels, de chiffrer la location,

— d’avoir édité le 14 octobre 2011 une facture en 'non encaissé’ alors que le client avait payé en espèces, sans régulariser, de sorte qu’en fin de journée, un écart de caisse a été généré.

— dans le dossier Customers, l’audit interne a mis en évidence qu’aucune pièce d’identité n’était systématiquement demandée,

— de ne pas réaliser systématiquement les fiches CPS.

Concernant le premier exemple cité, l’employeur ne justifie pas de sa grille de tarif. M. C explique que l’offre de prix qu’il a faite le 13 septembre 2011 correspondait à une journée de location en semaine, alors que celle qui avait été faite à ce même client le 18 juillet 2011, à un tarif supérieur, par M. F, son supérieur, concernait une location au tarif week-end.

La cour constate que ces précisions de tarifs résultent effectivement des mentions apposées sur ces offres, et que l’employeur ne démontre pas que M. C aurait dû appliquer, dans le cas d’espèce, un autre tarif.

Concernant le deuxième exemple cité, M. C explique sans être utilement contredit, que pour la location de la mini-pelle il y a eu un contrat manuel, comme il est d’usage en cas de panne informatique, qu’il y a aussi un 'BO’ manuel, et que la situation est ensuite régularisée une fois le problème informatique réglé.

L’employeur ne démontre donc pas la matérialité du grief alors que les fiches de contrôle jointes au contrôle de location démontrent que la mini-pelle a été prise le 14 octobre et rendue le 18 octobre, et les accessoires pris et rendus le 18 octobre.

Concernant le troisième exemple, le client concerné par la facture critiquée (M. A) atteste dans les formes de l’article 202 du code de procédure civile, avoir dit à M. C vouloir payer en espèces, que M. C a édité la facture mais qu’il s’est alors rendu compte qu’il avait oublié son porte-monnaie. La facture ayant été éditée, il est revenu payer en espèces le lendemain.

La cour constate que la facture est en date du 14 octobre 2011, et que l’impression écran portant la mention 'non encaissé’ est de la même date, et que l’employeur qui fait lui-même état d’un paiement en espèces, ne justifie pas de la date à laquelle ce paiement a été enregistré.

L’explication fournie par le salarié, corroborée par l’attestation du client, ne permet pas de retenir une faute à l’encontre du salarié.

Enfin le rapport d’audit ne met pas en évidence des fautes ou manquements imputables précisément à M. C concernant les deux derniers exemples cités.

Par conséquent les faits reprochés à Montauban C dans ce blâme ne sont pas établis, il sera donc annulé.

— concernant la mise à pieds de trois jours du 8 février 2012:

La lettre de notification de la mise à pied, après avoir rappelé le blâme présentement annulé, reproche à M. C plusieurs 'carences et erreurs’ en listant précisément:

* une mauvaise tenue du cahier des messages reçus,

* la livraison d’un chariot le 13 décembre 2011 à un client sans avoir reçu confirmation de la réservation, ni facturé ensuite quelque frais par suite de l’annulation par le client au moment de la livraison,

* d’avoir accepté qu’un client refuse de signer un constat à la suite d’un accrochage dont il était responsable ce qui a eu pour conséquence la mise en instance par le dit client du paiement d’une facture,

* d’avoir facturé des frais d’usure de disque pour une location sur un mois, alors que lorsque la location excède une semaine, c’est la vente de disque qui doit être facturée,

* la gestion des appels entrants,

* d’avoir sans le facturer, à la demande du client, fait transférer une mono pelle sur autre chantier,

* de ne pas avoir noté les relances clients effectuées sur le suivi des offres de location,

* d’avoir établi un contrat à son nom avec application des conditions tarifaires réservées aux salariés du groupe Loxam alors que ce contrat concernait la société de sa compagne qui a payé la facture.

Concernant la mauvaise tenue du cahier des messages reçus, l’employeur se contente de verser aux débats une page du dit cahier couvrant la période du 28/11 au 2/12, qui contrairement à ses affirmations, ne met pas en évidence de mauvaise tenue.

Concernant le deuxième exemple cité, M. C explique avoir fait un geste commercial en ne facturant pas à ce client de frais pour l’annulation au dernier moment, et relève qu’un geste commercial plus important de même nature avait été fait en juin 2011, dont il justifie de la réalité. Compte tenu de cette pratique commerciale démontrée, l’employeur n’est pas fondé à reprocher à M. C de l’avoir appliquée à son tour. Dés lors ce grief n’est pas justifié.

L’accrochage par M. C d’un véhicule d’un client comme l’absence de constat en raison du refus du client est reconnu.

L’employeur ne peut reprocher à son salarié, le refus opposé par le client d’établir un constat amiable, alors que M. C ne pouvait seul le faire. Les courriels produits par M. C mettent en évidence qu’il avait informé son employeur de cet accrochage, dont il n’est pas contesté qu’il avait un caractère purement accidentel et involontaire. Il incombait alors à l’employeur, puisque cet accrochage avait eu lieu avec le véhicule de la société et pendant le temps de travail de son salarié, d’agir à l’égard de son client s’il estimait que celui-ci lui réclamait à tord un avoir. Dés lors ce grief n’est pas justifié.

Concernant la facturation de l’usure d’un disque au lieu de la facturation d’un disque, M. C dans sa lettre de contestation de cette sanction avait souligné que la facturation faite avait été acceptée par le client lors du retour de la location et la cour constate qu’effectivement ce document est signé du 'locataire’ sans la moindre observation.

L’employeur ne soumet à l’appréciation de la cour aucun élément

pour établir d’une part qu’il y avait des instructions de facturation qui n’auraient pas été respectées et d’autre part le différentiel de prix selon qu’il

était facturé une usure ou un disque neuf. Ce grief n’est pas justifié.

Concernant la location à tarif préférentiel s’il est tout à fait exact que

M. C a fait une demande de location à son nom le 27 janvier 2012, pour autant il n’y a pas précisé qu’il ne serait pas le véritable bénéficiaire, même s’il affirme que sa hiérarchie en était informée.

Par conséquent la seule faute qui peut être retenue à l’encontre de

M. C concerne le fait de ne pas avoir clairement précisé lors du contrat de location dont a bénéficié la société de sa compagne, qu’il ne serait pas le véritable bénéficiaire.

La sanction prononcée, alors que M. C justifie par ailleurs qu’une autre location dans des conditions similaires a été effectuée par un autre salarié, sans que cela ait de suite, est disproportionnée et sera donc annulée.

L’examen des bulletins de paye de M. C postérieurement à la sanction de mise à pied, ne mettent pas en évidence de retenue sur salaire à ce titre.

Dés lors le préjudice consécutif à ces sanctions injustifiées est exclusivement un préjudice moral.

Ces deux sanctions injustifiées ont été prononcées par l’employeur en l’espace d’un peu moins de trois mois, après entretien préalable à chaque fois, et avec la circonstance que d’une part les reproches sont détaillés sur trois pages à chaque fois, qu’il y est bien spécifié que les mises à jours demandées seront contrôlées, que le salarié est 'mis en demeure de faire les efforts nécessaires afin que la qualité de son travail redevienne telle qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être’ (sanction annulée du 14.11.2011), et cette mise en demeure est réitérée lors de la sanction de mise à pied, qui suggère in fine un changement de poste.

Compte tenu des éléments ainsi soumis à son appréciation, la cour estime que le préjudice subi sera justement compensé par l’octroi de dommages et intérêts fixés à 300 euros pour le blâme et 400 euros pour la mise à pied.

* sur le harcèlement et la nullité du licenciement:

Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 à L.1152-3 du code du travail, qu’aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle.

En cas de litige, et en application des dispositions de l’article L.1154-1 du code du travail, le salarié concerné doit établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

M. C explique qu’à la fin de l’année 2011, et alors que durant plus de quatorze années, dont quatre sur son dernier poste, la relation de travail s’était déroulée sans qu’aucune réserve ne soit émise quant à ses capacités à exercer ses fonctions et respecter les procédures internes, il faisait l’objet coup sur coup de deux sanctions disciplinaires en se voyant même menacé de licenciement, qui l’affectaient profondément au point d’être placé en arrêt de travail du 19 mars au 6 avril 2012 à la suite d’un burn-out, puis faisait l’objet trois jours après cet arrêt de travail d’une contre visite médicale à la demande de son employeur, le médecin confirmant que son arrêt de travail était justifié, que son employeur confirmait alors par lettre du 10 avril 2012 la mise à pied disciplinaire.

Comme faits matériels laissant supposer l’existence d’une discrimination et d’un harcèlement moral M. C invoque précisément:

* les dysfonctionnements organisationnels au sein de l’agence générateurs de risques psycho-sociaux et dénoncés comme tels par le médecin du travail,

* la sanction disciplinaire injustifiée du 14 novembre 2011, qui a été concomitante du licenciement d’un mécanicien et d’une demande adressée au responsable de l’agence de contrôler son travail et de lui préparer un dossier avec du factuel,

* la constitution d’un dossier contre lui à la demande de Mme E,

* le comportement adopté par Mme E à son égard qui élevait la voix contre lui ainsi qu’en atteste le témoin Y,

* la mise à pied disciplinaire injustifiée de trois jours du 8 février 2012.

Il soutient que ces faits ont eu une incidence sur son état de santé et ont motivé son arrêt de travail du 19 mars 2012 en raison d’un syndrome anxio-dépressif évoluant dans le sens d’un épuisement progressif, et souligne que le psychologue clinicien fait expressément le lien entre son état de santé et sa situation professionnelle.

Il verse aux débats copie de son arrêt de travail du 19 mars 2012 sur lequel le médecin a mentionné 'asthénie, syndrome anxieux, troubles du sommeil', la prolongation du 3 avril 2012 motivée par 'syndrome anxio-dépressif', tout comme celle du 20 avril 2012, un certificat de son médecin généraliste, en date du 20 avril 2012, attestant que son état de santé ne lui permet pas de reprendre son activité professionnelle, la prolongation de son arrêt de travail, en date du 10 mai 2012, avec comme motif: dépression, celles des 30 mai 2012 et 8 juin 2012 pour syndrome anxio-dépressif, et une prescription médicamenteuse en date du 3 avril 2012.

Mme Z, psychologue-psychothérapeute atteste le 28 mars 2012 avoir reçu à plusieurs reprises M. C pour un glissement dépressif en lien avec son environnement professionnel et que son état ne semble pas en adéquation avec une reprise dans le même cadre professionnel pour des raisons évidentes liées au stress et à un état de burn-out.

Les deux avis d’inaptitude rendus par le médecin du travail les 7 et 21 mai 2012, concluent à l’inaptitude au poste et mentionnent que l’équipe soignante considère que la guérison du salarié passe par le départ de l’entreprise.

La matérialité des deux sanctions est établie par les précédents développements dont il résulte également le caractère injustifié de ces deux sanctions infligées dans un laps de temps réduit, énonçant une multitude de reproches, et formulant une volonté de contrôle et de surveillance étroite du salarié.

La fiche de visite de l’agence de Saint Gaudens en date du 3 novembre 2011, mentionne in fine 'Merci de contrôler le travail d’G et à chaque 'gourde’ me copier les docs et me préparer un dossier avec du factuel'. Cette instruction que le salarié affirme sans être contredit être de la main de Mme E est donc établie.

M. Y, client de l’agence, atteste le 10 novembre 2013, dans les formes de l’article 202 du code de procédure civile, que fin novembre 2011 il est allé chez Laho équipement Saint-Gaudens pour effectuer une location, qu’à son arrivée M. C servait deux clients tout en répondant au téléphone en même temps, et que Mme E présente, a alors commencé à être désagréable et lever la voix sur M. C. Ce témoin indique en avoir été gêné au point de quitter l’agence et d’aller voir un concurrent.

Alors que les faits allégués comme constitutifs de harcèlement, qui sont multiples tout en étant concentrés sur une période de temps relativement courte, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la société Loxam qui conteste tout fait de harcèlement moral, ne leur oppose aucun élément objectif qui serait de nature à les expliquer.

Tout en contestant avoir eu l’intention de licencier son salarié, la société Loxam soutient que Mme E directrice d’exploitation régionale, qui n’était présente au maximum que deux jours par mois au sein de l’agence, n’a fait que demander au responsable d’agence de lui faire remonter des manquements avec des choses factuelles et concrètes. Elle souligne que ce document n’était pas destiné au salarié, et que Mme E n’y demande pas au supérieur hiérarchique de M. C de mettre la pression sur ce dernier, mais uniquement de relever le travail mal fait, qu’il n’y a là aucune volonté de nuire au salarié et de créer artificiellement des griefs de licenciement. Elle considère que les deux attestations dont se prévaut

M. C sont dépourvues de valeur probante, soit en raison de l’auteur qui a été licencié pour motif personnel, soit en raison de l’imprécision de sa teneur, et que les arrêts de travail de son salarié ne mettent pas en évidence de lien entre les faits allégués au titre du harcèlement moral et son état de santé. Elle soutient que le climat de stress au sein de l’agence relevé par le médecin du travail lors de sa visite de février 2012, qui ne vise pas spécifiquement M. C, ne peut s’apparenter à du harcèlement moral, et affirme avoir ensuite fait diligenter une enquête interne, conformément à son obligation de sécurité, qui a révélé que M. C avait des problèmes d’entente avec l’un des salariés de l’agence.

Les deux sanctions disciplinaires étant annulées, il ne peut être considéré qu’elles procédaient de l’exercice légitime du pouvoir de direction et de sanction de l’employeur.

L’employeur ne conteste pas la consigne donnée par Mme E au responsable d’agence, affirmant qu’elle avait uniquement pour objet de relever l’ensemble de manquements. L’examen auquel la cour a procédé des deux sanctions annulées met justement en évidence l’obsession de l’employeur de reprocher une multitude de faits non fautifs, que cette accumulation de reproches réitérés était particulièrement mal vécue par M. C qui le lui a d’ailleurs écrit dans sa lettre du 21 mars 2012 en contestation de la mise à pied, en mentionnant que les reproches qui lui étaient faits depuis quatre mois altéraient sa santé psychique et mentale et avaient conduit son médecin à lui prescrire un arrêt de travail. Or le lendemain de cette lettre M. C faisait l’objet, à la demande de son employeur, d’un contrôle médical, qui concluait que l’arrêt médical était pleinement justifié.

Dans un tel contexte, ce contrôle médical, alors que l’employeur n’évoque pas que M. C aurait été coutumier des arrêts maladie, traduit là encore une volonté de contrôler, sans motif légitime, le salarié, et ne peut qu’être de nature à générer, comme les instructions de Mme E, une situation de stress accrue, qui s’ajoute à la répétivité des reproches et sanctions et aux conditions de travail décrites par le témoin Y.

Le comportement managérial de Mme E est par ailleurs à rapprocher du ton employé par M. B, directeur de pôle, dans son courriel du 9 avril 2010 adressé aux responsables d’agence.

Le médecin du travail écrit par ailleurs le 26 mars 2012 à la société Loxam avoir constaté l’aggravation d’un état de stress chez les salariés de l’agence de Saint-Gaudens et lui rappelle son obligation de résultat en la matière, et la fiche d’entreprise, certes postérieure au licenciement, puisqu’en date du 1er juillet 2013, établie par le dit médecin mentionne 'risque psycho-social très élevé’ et précise, dans la rubriques des actions à réaliser; 'humaniser’ . Cette fiche se termine par le commentaire suivant 'la pression des grands groupes sans l’avantage matériel qu’ils offrent habituellement'.

Cette visite de l’entreprise est par ailleurs suivie d’un courrier qualifié dans son objet de 'courrier d’alerte', dans lequel le médecin du travail écrit 'les données issues du suivi de l’état de santé de vos salariés font état d’une dégradation de leur santé psychique. Cette santé dégradée pourrait être en lien avec un dysfonctionnement relationnel, managérial et organisationnel dans votre entreprise'.

Le comportement managérial de la société Loxam ainsi mis en évidence, manifesté de manière répétitive, est indéniablement de nature a avoir eu pour effet non seulement une dégradation des conditions de travail de

M. C mais aussi d’altérer sa santé psychique, alors qu’il est établi qu’il a été en situation d’arrêt de travail ininterrompu pour état anxio-dépressif durant les quatre mois qui ont précédé son licenciement pour inaptitude.

Le lien entre les faits de harcèlement liés au comportement managérial de la société Loxam et la dégradation avérée des conditions de travail et ses répercussions sur l’état de santé de M. C, avec la conséquence de son inaptitude médicalement constatée étant établi, il en résulte la nullité de son licenciement sans qu’il soit nécessaire d’apprécier la discussion opposant les parties sur l’obligation de reclassement.

La décision des premiers juges doit donc être confirmée.

A la date de la rupture de son contrat de travail, M. C, âgé de 38 ans, avait acquis une ancienneté de 14 ans et 9 mois et percevait un salaire brut mensuel moyen de 2 072 euros. Son employeur employait plus de 10 salariés.

Les indemnités allouées par les premiers juges au titre du préavis et congés payés y afférents ne sont pas discutées, elles seront confirmées.

Concernant le préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail , en application des dispositions de l’article L.1235-3, M. C est fondé à solliciter une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les premiers juges ont alloué l’équivalent de deux ans de salaires.

M. C justifie avoir bénéficié de prestations de Pôle emploi du 1er juin 2012 au 31 octobre 2013, avoir débuté une formation en vue de l’obtention du CAP installateur thermique du 20 décembre 2012 au 6 juin 2013, financée par Pôle emploi, avoir obtenu ce CAP le 8 juillet 2013, et s’être inscrit au répertoire des métiers le 1er septembre 2013.

Au vu de ses avis d’impositions sur les revenus pour les années 2012, 12013, 2014, son activité professionnelle postérieure au licenciement lui procure globalement un revenu inférieur de 40 % aux salaires qu’il percevait étant employé par la société Loxam.

En l’état de ces éléments, la cour considère que les premiers juges ont fait une juste appréciation de son préjudice et que leur décision doit être confirmée.

* Sur le manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur:

M. C sollicite l’indemnisation d’un préjudice distinct consécutif aux manquements de son employeur à son obligation de prévention des actes de harcèlement moral dans le cadre de son obligation de sécurité de résultat ainsi que d’un préjudice découlant du harcèlement moral subi.

Les faits de harcèlement moral sont présentement reconnus, et les différentes interventions du médecin du travail mettent en évidence que la société Loxam a effectivement gravement manqué à son obligation de sécurité de résultat et même persisté dans un fonctionnement managérial induisant stress et harcèlement.

Si la responsabilité délictuelle de l’employeur est ainsi engagée, il s’agit pour autant du même type de comportement qui a généré les deux préjudices allégués dont M. C sollicite indemnisation. Ces préjudices se confondent donc, l’indemnisation faite par les premiers juges du préjudice distinct lié aux manquements de l’employeur dans la prévention du harcèlement moral sera confirmée, M. C étant débouté de son deuxième chef de demande formulé pour la première fois en cause d’appel.

La rectification de l’attestation Pôle emploi sera ordonnée sans qu’il paraisse pour autant utile en cause d’appel d’assortir cette obligation de délivrance d’une astreinte.

En application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner le remboursement par la société Loxam à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. C du jour de son licenciement, et dans la limite de six mois d’indemnités chômage.

Enfin l’équité justifie qu’il soit fait application au bénéfice de M. C sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

— Ecarte des débats la pièce numéro 49 de l’intimé et la pièce numéro 48 de l’appelante,

— Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud’hommes de Toulouse, en date du 17 janvier 2014, et y ajoutant,

— Annule la sanction de blâme en date du 14 novembre 2011, et la sanction de mise à pied disciplinaire du 9 mars 2012,

— Condamne la société Loxam à payer à M. G C les sommes de:

* 300 (trois cents) euros à titre de dommages et intérêts pour le blâme injustifié,

* 400 (quatre cents) euros pour la mise à pied disciplinaire injustifiée,

* 3 000 (trois mille) euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

— Condamne la société Loxam à mettre à M. C le certificat de travail et l’attestation Pôle emploi rectifiés,

— Déboute M. C du surplus de ses demandes,

— Ordonne le remboursement par la société Loxam à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à M. C du jour de son licenciement, et dans la limite de six mois d’indemnités chômage,

— Dit qu’une copie du présent arrêt sera transmise par le greffe à Pôle emploi Midi Pyrénées 33/XXX,

— Condamne la société Loxam aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par C.DECHAUX, président et par E.DUNAS, greffier,

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

E.DUNAS C.DECHAUX

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Cour d'appel de Toulouse, 23 septembre 2016, n° 14/00675