Cour d'appel de Toulouse, 4eme chambre section 2, 14 septembre 2018, n° 16/02221

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

14/09/2018

ARRÊT N°18/718

N° RG 16/02221

CAPA/BC

Décision déférée du 08 Mars 2016 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTAUBAN F13/00515

A-B C

SARL SPH

C/

Y X

SAS GROUPE ALTER SERVICES

SAS MOIGERE

CONFIRMATION

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4e Chambre Section 2 - Chambre sociale

***

ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX HUIT

***

APPELANTE

SARL SPH

[…]

[…]

représentée par Me Véronique BROOM, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉS

Monsieur Y X

[…]

[…]

comparant en personne, assisté de Me Arnaud DELVOLVE, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE substitué par Me Gaëlle LEFRANCOIS, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555-2016-016047 du 06/06/2016 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

SAS GROUPE ALTER SERVICES

([…]

[…]

[…]

représentée par Me Wilfrid MBILAMPINDO, avocat au barreau de MONTPELLIER

SAS MOIGERE

[…]

[…]

[…]

représentée par Me Olivier ROMIEU de la SELAS INTER-BARREAUX BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Pierre PERUILHE, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Juin 2018, en audience publique, devant F G, présidente et Sonia DEL ARCO SALCEDO, conseillère, toutes deux chargées d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

F G, présidente

Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère

Sonia DEL ARCO SALCEDO, conseillère

Greffière, lors des débats : B. E

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

— signé par F G, présidente, et par D E, greffière de chambre.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. Y X a été embauché le 1er septembre 2004 par le groupe Alter Services en qualité d’agent de service, sous contrat à durée indéterminée à temps partiel.

M. X a été placé en arrêt de travail du 27 mai 2012 au 1er août 2013.

Par courrier du 20 juin 2013, le groupe Alter Services a informé M. X de l’arrêt de ses prestations de nettoyage sur le site Intermarché de Moissac, gérée par la société Moigere, et l’a invité à se rapprocher de la société SPH, adjudicataire du marché de nettoyage.

Par lettre du 26 juin 2013, la société SPH a informé M. X d’un changement envisagé de son lieu de travail et l’a convoqué à un entretien fixé le 4 juillet 2013 au siège social de la société, destiné à lui proposer une réaffectation sur le département de la Haute Garonne.

Le 1er septembre 2013, M. X a expliqué à la société SPH qu’il n’avait pu se rendre à l’entretien, faute de moyen de locomotion.

Par lettre du 10 septembre 2013, la société SPH a notifié à M. X son licenciement pour le motif économique suivant : ' reprise partielle de marché sur lequel vous étiez affecté.' Elle faisait référence au refus de M. X d’acceptation de la proposition de contrat de sécurisation professionnelle.

M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban le 21 octobre 2013 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement.

Par jugement du 8 mars 2016, le conseil de prud’hommes de Montauban a :

— prononcé la jonction des instances enrôlées à l’encontre des sociétés SPH, du Groupe Alter Services et de la société Moigere,

— dit que la reprise du contrat de travail de M. X par la société SPH est opposable à M. X et que dès le 1er juillet 2013, la société Sph est devenu le seul et unique employeur de M. X,

— mis hors de cause le groupe Alter Services et la société Moigere,

— dit que le licenciement de M. X est sans cause réelle et sérieuse,

— en conséquence, condamné la société SPH à payer les sommes suivantes à M. X :

* 1 812 € brut au titre des salaires du mois d’août 2013 et du 1er au 10 septembre 2013, outre 181,20 € brut au titre des congés payés y afférents,

* 2 718,02 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 271,80 € brut au titre des congés payés y afférents,

* 18 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté le groupe Alter Service et la société Moigere de leur demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la partie défenderesse aux dépens de l’instance.

La société SPH a relevé appel de ce jugement le 25 avril 2016 dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par conclusions adressées au greffe par voie électronique le 8 mars 2018, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, la société SPH demande à la cour de :

— réformer la décision entreprise,

— juger que le licenciement de M. X repose sur un motif réel et sérieux,

— débouter M. X de sa demande de dommages et intérêts,

— débouter M. X de ses demandes de rappel de salaire et de congés payés y afférents,

— débouter M. X de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents,

— condamner M. X à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées au greffe par voie électronique le 21 mars 2018, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, le groupe Alter et Services demande à la cour de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la reprise du contrat de travail de M. X par la société SPH est opposable à M. X dès le 1er juillet 2013 et que la société Sph est le seul et l’unique employeur de M. X,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a mise hors de cause,

— juger que le contrat de travail de M. X a régulièrement été transféré auprès de la société SPH à compter du 1er juillet 2013, suite à la perte par la société Alter Services du marché de nettoyage d’Intermarché de Moissac où il était affecté depuis son embauche,

— juger que ce transfert du contrat de travail, s’opérant de plein droit, est opposable aussi bien à M. X, qu’à la société Groupe Alter Services,

— juger qu’il n’y a eu ni complot, ni manoeuvre frauduleuse dans le transfert du contrat de travail de M. X auprès de la société SPH, le nouveau prestataire de nettoyage du site Intermarché de Moissac à compter du 1er juillet 2013,

— juger que le licenciement de M. X par la société SPH, dans le cadre de la poursuite de son contrat de travail, n’engage pas la société Alter Service,

— la mettre hors de cause,

— condamner toute partie succombant au procès à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.

Par conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 février 2018, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, la société Moigere demande à

la cour de :

— confirmer le jugement sur sa mise hors de cause,

— juger que M. X n’apporte nullement la preuve du montage fallacieux dont il se dit victime,

— juger que la procédure engagée par M. X à son encontre est abusive,

— en conséquence, rejeter l’intégralité des demandes de M. X à son encontre,

— condamner M. X à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’aux entiers dépens.

Par conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 février 2018, au soutien de ses observations orales auxquelles il est expressément fait référence, M. X demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’il a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il lui a alloué des rappels de salaire et des indemnités ainsi que sur leur montant,

— réformer partiellement le jugement déféré et condamner solidairement la société Moigere au paiement des condamnations qui seront prononcées en faveur de M. X, à titre de dommages et intérêts, et, subsidiairement, la condamner individuellement à lui payer les mêmes sommes à titre de dommages et intérêts,

— condamner solidairement ou individuellement la société SPH et la société Moigere à lui payer la somme de 2 500 € à titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de l’indemnité allouée en première instance, ainsi qu’aux dépens de l’instance.

MOTIFS

Sur l’employeur de M. X à compter du 1er juillet 2013

Il résulte des pièces versées aux débats que la société Moigere qui gérait l’établissement Intermarché de Moissac sur lequel travaillait M. X, alors salarié de la société Groupe Alter Services, a décidé de résilier, à effet au 1er juillet 2013, le contrat de marché de nettoyage du magasin et de confier l’exécution de ces prestations à la société SPH.

C’est dans ces conditions que, par courrier du 20 juin 2013, le groupe Alter Services, société sortante, a informé M. X de l’arrêt de ses prestations de nettoyage sur le site Intermarché de Moissac, gérée par la société Moigere, et l’a invité à se rapprocher de la société SPH, adjudicataire du marché de nettoyage.

Par lettre du 26 juin 2013, la société SPH, société entrante, a informé M. X qu’à la suite de la reprise partielle du contrat de nettoyage du site Intermarché de Moissac, elle envisageait un changement de son lieu de travail et l’a convoqué à un entretien fixé le 4 juillet 2013 au siège social de la société, destiné à lui proposer une réaffectation sur le département ; elle lui notifiait de ne pas se présenter le 1er juillet 2013 sur son lieu de travail habituel, à savoir Intermarché.

Comme l’a justement rappelé le conseil de prud’hommes, la situation du personnel des entreprises de nettoyage transféré dans le cadre de transfert de marchés de nettoyage est régie par l’article 7.2 de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés qui prévoit le transfert de plein droit des salariés qui en remplissent les conditions de l’entreprise sortante au sein de

l’entreprise sortante.

L’entreprise entrante est tenue de se faire connaître à l’entreprise sortante dès qu’elle obtient ses coordonnées…

Le nouveau prestataire s’engage à garantir l’emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l’objet de la reprise sous condition de remplir des conditions d’emploi, d’ancienneté, de présence et de situation régulière au regard de la législation du travail. Le transfert des contrats de travail s’effectue de plein droit par l’effet dudit dispositif et s’impose donc au salarié dans les conditions prévues ; le but de celui-ci est de protéger le salarié, son emploi et sa rémunération. Le transfert conventionnel est l’un des vecteurs stabilisateurs du marché de la propreté.

Le maintien de l’emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l’entreprise entrante ; le contrat à durée indéterminée se poursuivant sans limitation de durée …

Il est constant que M. X remplissait les conditions d’emploi (agent de service), d’ancienneté et de présence dans l’entreprise et il n’est pas discuté de la régularité de sa situation au regard de la réglementation du travail.

De sorte qu’à compter du 1er juillet 2013, le transfert de son contrat de travail s’est opéré de plein droit, le contrat de travail se poursuivant avec la société SPH, société entrante au sens de l’article 7 susvisé.

Les deux employeurs concernés ont parfaitement exécuté leurs obligations conventionnelles et c’est ainsi que la société SPH a convoqué pour le 4 juillet 2013 M. X à un entretien pour envisager son changement d’affectation et lui notifiait de ne pas se présenter sur les lieux du travail à l’Intermarché de Moissac, avant de procéder à son licenciement pour motif économique.

Le jugement entrepris sera confirmé sur le fait que la société SPH est devenue, à compter du 1er juillet 2013, l’employeur de M. X.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement de M. X et sur les demandes de rappel de salaire

Il est rappelé qu’en application de l’article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Et il est constant que la lettre de licenciement doit énoncer précisément les difficultés économiques ou les mutations technologiques justifiant la suppression du poste du salarié.

En l’espèce force est de constater que le simple libellé dans la lettre de licenciement du 10 septembre 2013 du motif suivant : ' reprise partielle de marché sur lequel vous étiez affecté’ est parfaitement insuffisante à motiver le licenciement de M. X, ce qui conduit à déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement entrepris.

Les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la loi aux faits de l’espèce en allouant à M. X la somme de 2 718,02 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 271,80 € brut au titre des congés payés y afférents, eu égard à son ancienneté supérieure à deux ans l’ancienneté du salarié remontant au 1er septembre 2004.

L’allocation de la somme de 18 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause

réelle et sérieuse constitue une juste indemnisation du préjudcie causé par ce licenciement sans cause réelle et sérieuse eu égard à l’ancienneté remontant à 9 ans et au montant du salaire soit 1 359, 01 €.

La société SPH qui employait moins de onze salariés sera condamnée au paiement de ces sommes, par confirmation du jugement entrepris, en application de l’article L. 1235-5 du code du travail.

Le jugement déféré sera encore confirmé en ce qu’il a condamné la société SPH au paiement de rappels de salaire du mois d’août et septembre 2013 dans la mesure où elle devait fournir du travail à M. X jusqu’à la date de notification de son licenciement alors que M. X s’est tenu à sa disposition.

Sur les demandes formées contre la société Moigere

Il appartient à M. X qui forme une demande de condamnation solidaire des sociétés SPH et Moigere ou, subsidiairement, une demande de condamnation de la société Moigere seule au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de rapporter la preuve de la collusion frauduleuse qu’elle invoque à son encontre.

La cour estime que cette preuve n’est nullement rapportée : ni le fait que le marché ait été concédé à un prix inférieur à celui du marché précédent, ni celui du changement de siège social de la société SPH ou sa constitution récente ne prouvent cette fraude alors qu’il est démontré que la société SPH a continué son activité bien après le licenciement, et encore en 2016, que les deux autres salarés transférés ont continué à travailler sur le marché pour le compte de la société SPH et que la société Moigere s’est acquittée de factures de nettoyage bien après le licenciement de M. X.

Il en résulte que les demandes de M. X formées contre la société Moigere seront rejetées.

Sur le surplus des demandes

La mise hors de cause de la société Groupe Alter Services sera confirmée, aucune demande n’étant formée contre elle.

La société SPH qui succombe sera condamnée aux dépens et à payer à M. X, 1 500 € et à la société Groupe Alter Services la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en sus de la somme allouée à M. X sur ce fondement par le conseil de prud’hommes.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Condamne la société SPH à payer à :

— M. Y X la somme de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— la société Groupe Alter Services la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société SPH aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par F G, présidente, et par D E, greffière

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE

D E F G

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