Cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, 6 octobre 2022, n° 21/02219

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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 3e ch., 6 oct. 2022, n° 21/02219
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 21/02219
Importance : Inédit
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 22 novembre 2022
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Texte intégral

06/10/2022

ARRÊT N°619/2022

N° RG 21/02219 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OFID

AM/MB

Décision déférée du 26 Avril 2021 – TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOULOUSE – 19/00952

Mme KRYGIEL

[K] [S]

[M] [W]

C/

S.A.S. BCA EXPERTISE

E.U.R.L. REPCAR

S.A. SOGESSUR

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU SIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTS

Madame [K] [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Florian DE SAINT-POL de la SELARL CORDOUAN AVOCATS, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

Monsieur [M] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Florian DE SAINT-POL de la SELARL CORDOUAN AVOCATS, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMES

S.A.S. BCA EXPERTISE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Emmanuel GILLET de la SCP CARCY-GILLET, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Philippe CHAULET de la SELEURL CH AVOCAT, avocat plaidant au barreau de PARIS

E.U.R.L. REPCAR agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Xavier LECOMTE de la SCP ACTEIS, avocat au barreau de TOULOUSE

S.A. SOGESSUR Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 9]

[Localité 7]

Représentée par Me Philippe GOURBAL de la SELARL ACTU AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant O. STIENNE et A. MAFFRE, Conseillers chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

A. MAFFRE, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

FAITS

Le 24 septembre 2016, Mme [K] [S] et M. [M] [W] ont fait l’acquisition d’un véhicule Opel Insignia au prix de 19 500 euros qui a été assuré auprès de la SA Sogessur.

Un accident de la circulation est survenu le 27 août 2017 : l’assureur a été mandaté par la SAS BCA Expertise et, par courrier en date du 1er septembre 2017, le cabinet d’experts a informé M. [W] de son évaluation du coût de la remise en état du véhicule à hauteur de 11 920 euros et de sa valeur avant sinistre à la somme de 14000 euros.

Les travaux de réparation du véhicule ont été confiés au garage Repcar Carrosserie.

Le 4 septembre 2017, BCA Expertise a informé Mme [S] et M. [W] que le véhicule était déclaré dangereux et entrait dans le cadre de la procédure des véhicules endommagés.

Par courriel du 6 septembre 2017, Mme [S] a demandé à BCA Expertise une nouvelle estimation de la valeur du véhicule, en vain.

Les assurés ont récupéré leur voiture en novembre 2017 et ont constaté des défauts, ce qui a donné lieu à un devis à hauteur de 18104 euros établi le 24 novembre 2017 par le garage Repcar et communiqué par lui à Mme [S] le 4 décembre suivant, et à de nouvelles réparations, portant sur des dommages moteur jugés imputables à l’accident.

Par courriel en date du 6 décembre 2017, Mme [S] et M. [W] ont indiqué à la SA Sogessur ne plus vouloir du véhicule depuis le 1er décembre précédent et solliciter son rachat à hauteur du coût des réparations effectuées, outre des frais accessoires.

Le 16 janvier 2018, la SAS BCA Expertise a réexaminé le véhicule après travaux et elle a établi un nouveau rapport, évaluant désormais le montant des travaux à 20300,03 euros et la valeur avant sinistre à 18500 euros.

Le 25 janvier 2018, le garage Repcar a adressé à Mme [S] une facture de remise en état d’un montant de 20336,03 euros, réglée par la SA Sogessur le 27 février 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 mai 2018, le garage a informé Mme [S] et M. [W] qu’il appliquerait des frais de gardiennage de leur véhicule à hauteur de 10 euros HT par jour à compter du lendemain de la présentation de ce courrier à défaut pour eux de venir récupérer leur véhicule.

Parallèlement, Mme [S] et M. [W] ont sollicité deux experts amiables :

. le 26 janvier 2018, la SARL Société d’Expertise a adressé à la SA Sogessur une mise en demeure de rembourser la valeur du véhicule avant sinistre, estimée par elle à18500 euros TTC,

. Capitole Expertise a procédé à une expertise le 28 juin 2018, au contradictoire de la SA Sogessur, la BCA Expertise et Repcar.

PROCÉDURE

Suivant actes d’huissier en date des 4, 20 et 21 mars 2019, Mme [S] et M. [W] ont fait assigner les sociétés Sogessur, BCA Expertise et Repcar devant le tribunal de grande instance de Toulouse pour obtenir principalement :

— sur le fondement des articles 1231-1, 1241 et 1998 du code civil, le constat de l’engagement de la responsabilité contractuelle de la SA Sogessur, sa condamnation en conséquence à reprendre le véhicule et à leur verser diverses sommes, outre les éventuels frais de gardiennage réclamés par l’EURL Repcar en responsabilité contractuelle et en responsabilité délictuelle,

— le constat de l’engagement de la responsabilité délictuelle de la SAS BCA Expertise et sa condamnation au paiement des mêmes sommes,

— le constat de l’engagement de la responsabilité délictuelle de l’EURL Repcar et sa condamnation notamment à leur verser la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts.

Par jugement en date du 26 avril 2021, le Tribunal a :

— débouté Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leur demande de reprise du véhicule Opel Insignia immatriculé [Immatriculation 8] par la SA Sogessur,

— débouté Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leurs demandes en dommages-intérêts à l’encontre de la SA Sogessur,

— dit que la SAS BCA Expertise n’a pas commis de faute détachable de son mandat,

— débouté Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leurs demandes en dommages-intérêts à l’encontre de la SAS BCA Expertise :

— débouté Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leur demande en dommages-intérêts à l’encontre de l’EURL Repcar,

— débouté l’EURL Repcar de sa demande au titre des frais de gardiennage,

— condamné Mme [K] [S] et M. [M] [W] in solidum à payer 1.500 euros à l’EURL Repcar au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme [K] [S] et M. [M] [W] in solidum à payer 1.500 euros à la SA Sogessur au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné Mme [K] [S] et M. [M] [W] in solidum à payer 1.500 euros à la SAS BCA Expertise au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leur demande en article 700 du code de procédure civile,

— rejeté toutes demandes plus amples des parties,

— condamné Mme [K] [S] et M. [M] [W] aux entiers dépens de l’instance,

— dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du présent jugement.

Pour se déterminer ainsi, le juge a notamment retenu que :

. l’absence d’expertise contradictoire conforme aux stipulations contractuelles fait obstacle à l’engagement de la responsabilité contractuelle de la société Sogessur en ce qui concerne la mauvaise évaluation du prix des travaux et de la valeur du véhicule reprochée à son mandataire BCA,

. et l’accord oral donné par les consorts [S]-Mme [S] et M. [W] pour la réparation du véhicule, suffisant, ressort de leurs courriels des 6 septembre ('je sais que si les réparations dépassent la valeur de mon véhicule, c’est à moi de payer') et 6 décembre 2017 ('depuis le 1er décembre je demande purement et simplement le rachat de mon véhicule classé VGE par l’expert BCA').

. en outre, ils ont été expressément informés du fait que la réparation pouvait faire apparaître d’autres dommages qui resteraient à la charge et, si leur véhicule avait été estimé dès le départ à 18500 euros, l’assureur n’aurait pas proposé le rachat mais seulement la prise en charge des travaux, de sorte qu’ils seraient dans la même situation qu’à ce jour.

Il en a fait découler que :

. ni Sogessur ni BCA Expertise n’ont commis de manquement à leur obligation de conseil tant comme mandant pour le premier que par une faute détachable de son mandat pour le second,

. les consorts [S] ne peuvent réclamer des dommages et intérêts à la société Repcar du fait de leur accord donné pour les réparations, et faute de prouver que le garage ne les aurait pas correctement effectuées.

Et le contrat de dépôt est essentiellement gratuit sauf s’il est accessoire à un contrat d’entreprise, non justifié ici entre le couple et le garagiste, de sorte que la demande reconventionnelle en paiement des frais de gardiennage formée par la société Repcar doit être rejetée.

Par déclaration en date du 17 mai 2021, M. [W] et Mme [S] ont interjeté appel de la décision, critiquée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’elle a :

— débouté l’EURL Repcar de sa demande au titre des frais de gardiennage,

— rejeté toutes demandes plus amples des parties,

— dit n’y avoir lieu à l’exécution provisoire du présent jugement.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [S] et M. [W], dans leurs dernières écritures en date du 19 mai 2022, demandent à la cour au visa des articles 1103, 1231-1, 1217, 1240, 1241 et 1998 du code civil, et 700 du code de procédure civile, de :

— les déclarer recevables et bien fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions,

— réformer le jugement entrepris en ce qu’il :

. les a déboutés de leur demande de reprise du véhicule Opel Signa immatriculé [Immatriculation 8] par la SA Sogessur,

. les a déboutés de leurs demandes en dommages-intérêts à l’encontre de la SA Sogessur,

. a dit que la SAS BCA Expertise n’a pas commis de faute détachable de son mandat,

. les a déboutés de leurs demandes en dommages-intérêts à l’encontre de la SAS BCA Expertise,

. les a déboutés de leur demande en dommages-intérêts à l’encontre de l’EURL Repcar,

. les a condamnés in solidum à payer 1.500 euros à l’EURL Repcar au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. les a condamnés in solidum à payer 1.500 euros à la SA Sogessur au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. les a condamnés in solidum à payer 1.500 euros à la SAS BCA Expertise au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. les a déboutés Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leur demande en article 700 du code de procédure civile,

. les a condamnés aux entiers dépens de l’instance,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’EURL Repcar de sa demande au titre des frais de gardiennage,

Statuant à nouveau,

— dire et juger que la SA Sogessur a engagé sa responsabilité contractuelle envers Mme [K] [S] et M. [M] [W],

— condamner la SA Sogessur à reprendre le véhicule et à payer la somme de 18500€ à Mme [K] [S] et M. [M] [W] à ce titre,

— condamner la SA Sogessur in solidum avec la SAS BCA Expertise à payer également à Mme [K] [S] et M. [M] [W] :

. la somme de 34€ par jour pour leur préjudice de jouissance sur le véhicule qu’ils n’ont pu utiliser de la date du sinistre, le 27 août 2017, à la date de l’arrêt à intervenir, le véhicule n’étant toujours pas en l’état, et l’assureur refusant, malgré les fautes commises dans la gestion du dossier, de faire droit à leur demande, soit la somme de 47430€ pour la période du 27 août2017 au1er juillet 2021 à parfaire,

. le montant des mensualités de l’emprunt du véhicule accidenté payées en pure perte depuis le 27 août 2017, jusqu’à son terme le 10 octobre 2023, soit des mensualités de 267,23€, sachant que la SA Sogessur a pris en charge 4 mensualités,

. les primes d’assurance payées par les appelants pour le nouveau véhicule qu’ils ont été forcés d’acquérir : primes versées à hauteur de 58,90€ par mois de la date du sinistre jusqu’au 31 mai 2019, soit 1236,90€, ainsi que les primes dues entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020 pour 731,18€ et les primes dues entre le 1er juin 2020 et le 31 mai 2021 soit 731,18€ et les primes dues entre le 1er juin 2021 et le 31 mai 2022 soit 805,46€, soit un total général de 3504,72€,

. des dommages et intérêts à hauteur de 3000€ pour leur préjudice moral

. les frais d’expertise subséquents à hauteur de 2138€,

— dire et juger que la SAS BCA Expertise a engagé sa responsabilité délictuelle envers Mme [K] [S] et M. [M] [W],

— condamner la SAS BCA Expertise in solidum avec la SA Sogessur à verser à Mme [K] [S] et M. [M] [W] :

. la somme de 34€ par jour pour leur préjudice de jouissance sur le véhicule qu’ils n’ont pu utiliser de la date du sinistre, le 27 août 2017, à la date de l’arrêt à intervenir, le véhicule n’étant toujours pas en l’état, et l’assureur refusant, malgré les fautes commises dans la gestion du dossier, de faire droit à leur demande, soit la somme de 47158€ pour la période du 27 août 2017 au 22 juin 2021 à parfaire,

. le montant des mensualités de l’emprunt du véhicule accidenté payées en pure perte depuis le 27 août 2017, jusqu’à son terme le 10 octobre 2023, soit des mensualités de 267,23€, sachant que la SA Sogessur a pris en charge 4 mensualités,

. les primes d’assurance payées par les appelants pour le nouveau véhicule qu’ils ont été forcés d’acquérir : primes versées à hauteur de 58,90€ par mois de la date du sinistre jusqu’au 31 mai 2019, soit 1236,90€, ainsi que les primes dues entre le 1er juin 2019 et le 31 mai 2020 pour 731,18€ et les primes dues entre le 1er juin 2020 et le 31 mai 2021 soit 731,18€ et les primes dues entre le 1er juin 2021 et le 31 mai 2022 soit 805,46€, soit un total général de 3504,72€,

. des dommages et intérêts à hauteur de 3000€ pour leur préjudice moral

. les frais d’expertise subséquents à hauteur de 2138€,

— dire et juger que l’EURL Repcar a engagé sa responsabilité délictuelle envers Mme [K] [S] et M. [M] [W],

— condamner l’EURL Repcar à payer à Mme [K] [S] et M. [M] [W] la somme de 5000€ de dommages et intérêts,

— rejeter les demandes des sociétés Sogessur, BCA Expertise et Repcar,

— condamner les sociétés Sogessur, BCA Expertise et Repcar à verser à Mme [K] [S] et M. [M] [W] la somme de 10000€ chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner les mêmes solidairement aux entiers dépens de l’instance.

Mme [S] et M. [W] exposent en substance que, s’ils ont initialement refusé le rachat de leur véhicule au prix sous-estimé par BCA Expertise, ils n’ont jamais accepté la réalisation des travaux de réparation et souhaitaient un rachat à un prix supérieur, d’autant que la remise en état effectuée est incomplète.

Ils soutiennent qu’ils n’ont pas pu décider entre les options de réparation ou de rachat avant de connaître en décembre 2017 le montant total supposé du coût des travaux, et que du fait de son comportement depuis le début, Sogessur est tenue de racheter le véhicule.

Les fautes contractuelles de l’assureur résident dans la mise en oeuvre des réparations sans qu’ils aient donné leur accord pour ce faire et retourné le 'document choix de l’assuré', et dans son refus persistant de racheter le véhicule malgré leur demande en ce sens alors que BCA a porté l’évaluation de sa valeur de 14000 euros à 18500 euros, ce qui montre la négligence de cet expert : l’absence d’expertise contradictoire conforme au contrat d’assurance – contestée au vu de l’expertise contradictoire de Capitole Expertise en juin 2018 – ne les empêche pas de discuter le montant retenu et elle ne peut avoir aucune influence sur la responsabilité de Sogessur du fait des fautes de son mandataire, selon les termes du contrat.

Les appelants réclament à l’assureur paiement de :

. 34 euros par jour pour leur préjudice de jouissance depuis l’accident du 27 août 2017 jusqu’au jour de l’arrêt à intervenir puisque le véhicule n’est toujours pas en état,

. toutes les mensualités de l’emprunt contracté pour son achat depuis le sinistre et jusqu’à son terme le 10 octobre 2023 et pas seulement les quatre échéances prises en charge par Sogessur,

. les primes d’assurance versées pour le nouveau véhicule qu’ils ont dû assurer depuis le sinistre jusqu’au 31 mai 2022,

. 3000 euros pour leur préjudice moral,

. et les frais d’expertise.

Ils font valoir pour l’essentiel que, si l’évaluation avait été conforme à la réalité depuis le départ, ils auraient immédiatement choisi de céder leur véhicule et n’auraient pas perdu plusieurs années sans pouvoir utiliser leur bien.

Mme [S] et M. [W] considèrent par ailleurs que, dans son premier rapport, BCA Expertise a commis des fautes dans ses appréciations, à analyser indépendamment de celles de l’assureur, soulignant que cette société est régulièrement condamnée pour ses défaillances : ses premières conclusions sont parfaitement erronées, tant pour l’estimation de la valeur du véhicule sur la base d’une méthode approximative alors que les annonces trouvées sur le Bon Coin affichent toutes des prix bien supérieurs aux 14000 euros retenus, que pour celle du coût des travaux au vu des devis estimatifs de Repcar (18104 euros, puis 20300,03 euros, au lieu de 12000 euros) et les experts tiers missionnés par la suite ont confirmé cette erreur d’évaluation qui constitue une faute détachable du mandat et le manquement de BCA à son obligation de conseil.

Ils n’ont pas été informés du risque de constater des dommages supplémentaires au cours des travaux et même s’ils l’avaient été, cela ne suffirait pas à justifier le rejet de leurs demandes contre l’expert.

Les appelants reprochent également à BCA d’avoir fait procéder à des travaux sans leur accord, dès septembre 2017, et encore en novembre 2017 lorsque le véhicule a été remis à Repcar une nouvelle fois, alors qu’ils avaient dans l’intervalle indiqué leur souhait d’un rachat.

Enfin, la société Repcar a elle aussi engagé sa responsabilité en procédant à des réparations sans leur accord et en ne respectant pas les règles de sécurité qui impliquaient de remplacer l’amortisseur avant gauche selon Capitole Expertise. Et le jugement de première instance devra être confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de paiement de frais de gardiennage en l’absence de contrat d’entreprise conclu entre eux, d’autant qu’il est stocké dans de mauvaises conditions selon constat d’huissier finalement accepté le 4 mai 2022 et images Google Maps de décembre 2021.

La SA Sogessur, dans ses dernières écritures en date du 21 juillet 2021, prie la cour de :

— confirmer le jugement rendu le 26 avril 2021 par le Tribunal judiciaire de Toulouse en ce qu’il a :

. débouté les consorts [S] et [W] de leur demande de reprise du véhicule Opel Insignia immatriculé CK201VB par la SA Sogessur,

. débouté Mme [S] et M. [W] de leurs de demandes en dommages et intérêts à l’encontre de la SA Sogessur,

. dit que la SAS BCA Expertise n’a pas commis de faute détachable de son mandat,

. débouté Mme [S] et M. [W] de leurs de demandes en dommages et intérêts à l’encontre de la SAS BCA Expertise et de l’EURL Repcar,

. débouté l’EURL Repcar de sa demande au titre des frais de gardiennage

. condamné Mme [S] et M. [W] in solidum à payer 1500€ à l’EURL Repcar au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 1500€ à la SA Sogessur au titre de l’article 700 du code de procédure civile, 1500€ à la SAS BCA Expertise au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. débouté Mme [S] et M. [W] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les a condamnés aux entiers dépens de l’instance,

. rejeté toutes demandes plus amples des parties,

— débouter les consorts [W] [S] de l’intégralité de leurs demandes,

— condamner solidairement M. [M] [W] et Mme [K] [S] à payer à la SA Sogessur la somme de 3.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens de la procédure d’appel.

Au reproche de Mme [S] et M. [W] tenant à une sous-évaluation du véhicule par BCA Expertise qui les aurait empêchés d’opter pour la cession de leur véhicule, la SA Sogessur oppose d’une part qu’ils n’ont pas fait réaliser d’expertise contradictoire avant le début des travaux et ne peuvent donc lui reprocher un manquement au titre de l’évaluation, et d’autre part qu’ils ont été informés de l’éventualité de l’apparition de nouveaux dommages restant à leur charge conformément à son obligation de conseil.

S’agissant de l’estimation retenue, il est souligné que le véhicule, utilisé pendant un an au moment de l’accident, avait parcouru près de 30000 kilomètres supplémentaires depuis l’achat et perdu de la valeur.

Et, en première instance, les assurés admettaient ne pas s’être opposés verbalement à la réparation : l’expert avait refusé de modifier ses premières conclusions malgré leur contestation du 6 septembre 2017, précisant que la valeur du véhicule serait revue à la hausse en cas d’imprévus sur les dommages, et ils ont accepté cette évaluation et les travaux. Ils ne pouvaient donc, en décembre 2017, une fois la réparation effectuée (et intégralement assumée par l’intimée), revenir sur le choix effectué en septembre 2017, l’expertise contradictoire sollicitée en juin 2018 étant tardive au regard de cette option irrévocable.

Mme [S] et M. [W] sont donc responsables de leurs propres errements et ne peuvent reprocher à l’assureur ou à l’expert la moindre faute, de sorte que toutes leurs demandes doivent être rejetées.

En tout état de cause, il n’est justifié d’aucun préjudice en lien avec une éventuelle faute dans l’évaluation de la valeur du véhicule avant sinistre :

. le véhicule entièrement réparé aux frais de l’assureur est à leur disposition depuis janvier 2018 auprès du garage Padovan (Repcar) et si l’évaluation avait été d’emblée fixée à 18500 euros, ils n’auraient pas eu la possibilité de faire racheter ce véhicule économiquement réparable,

. ils ont choisi de ne pas récupérer un véhicule à leur disposition depuis le 13 janvier 2018, réparé et en état de fonctionnement, et ne subissent aucun préjudice de jouissance,

. il n’y a aucun lien de causalité entre l’éventuelle erreur d’évaluation et la charge du crédit lié au même véhicule qu’ils auraient dû intégralement rembourser même s’ils avaient opté pour la cession,

. ils auraient également dû assumer les primes d’assurance pour leur nouveau véhicule même s’ils avaient choisi le rachat du véhicule accidenté,

. ils ont bénéficié de la remise de la franchise, de la prise en charge de 4 mensualités de crédit et d’un véhicule de prêt et ne peuvent donc prétendre avoir subi tracasseries et perte de temps,

. les frais d’expertise amiable sont à leur charge selon les conditions générales du contrat.

Enfin, les frais de gardiennage réclamés par Repcar seront assumés par les consorts [W] [S], responsables de leurs choix de faire réaliser les réparations, puis de ne pas récupérer le véhicule.

La SAS BCA Expertise, dans ses dernières écritures en date du 23 mai 2022, demande à la cour au visa des articles 1240 et 1241 du code civil, de:

— déclarer Mme [S] et M. [W] mal fondés en leur appel,

— en conséquence, les en débouter,

— déclarer qu’aucune faute ne peut être reprochée à la SAS BCA Expertise dans l’accomplissement de sa mission,

— déclarer que la SAS BCA Expertise a régulièrement effectué la prestation qui lui a été confiée,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Mme [S] et M. [W] de toutes leurs demandes présentées contre la SAS BCA Expertise,

— débouter Mme [S] et M. [W] de toutes leurs demandes,

— en tout état de cause, débouter l’EURL Repcar Carrosserie des demandes qu’elle présente contre la SAS BCA Expertise,

— condamner Mme [S] et M. [W] à verser à la SAS BCA Expertise la somme de 5000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— les condamner en tous les dépens.

La SAS BCA Expertise expose que, tout en contestant la valeur du véhicule avant sinistre retenue, Mme [S] et M. [W] ont initialement fait connaître leur décision de faire procéder à sa remise en état : ils ont ensuite refusé de le reprendre et demandé le versement de 18500 euros, valeur du véhicule avant sinistre, prétextant un 'manque de confiance dans le véhicule’ et une 'dépréciation de sa valeur’ en raison du déclenchement de la procédure VEI.

Le cabinet d’expertise souligne qu’ils n’ont pas retourné le certificat de cession à leur assureur, n’ont pas non plus fait d’objection à la réception de son courrier du 1er septembre 2017 prenant 'note de [leur] intention de faire procéder aux réparations’ comme ils le reconnaissaient dans leur assignation, et ont confirmé le 6 septembre 2017 savoir 'que si les réparations dépassent la valeur de [leur] véhicule, c’est à [eux] de payer'.

L’expert soutient en outre qu’il n’y a pas eu de faute dans l’évaluation de :

. la valeur du véhicule, dont il était indiqué aux assurés qu’il s’agissait d’une première estimation susceptible d’être revue selon les éléments et justificatifs pouvant être apportés, ce qui a été le cas en cours de réparation, des travaux supplémentaires s’avérant nécessaires,

. le coût des réparations, le premier chiffrage devant se faire avant travaux et démontage et le réparateur avisant ensuite l’expert d’éventuels dommages complémentaires en vue de leur intégration dans le montant final de la remise en état, comme en convient l’expert de Mme [S] et M. [W].

Et il a rempli son devoir de conseil en les avertissant du risque de constater après démontage des dommages supplémentaires et de l’opportunité pour eux de solliciter un devis précis sur lequel leur réparateur s’engagerait.

Par ailleurs, il n’y a pas de lien de causalité entre la faute reprochée et le préjudice allégué : si la valeur du véhicule avant sinistre avait été d’emblée fixée à 18500 euros, le véhicule aurait été déclaré économiquement réparable et l’option de rachat, offerte seulement lorsque le montant de réparation est proche de la valeur avant sinistre et pour éviter le risque de dépassement, ne leur aurait pas été proposée.

Et il n’y a pas de préjudice : le véhicule est à leur disposition et s’il a subi une dépréciation comme ils le soutiennent pour justifier leur refus de le reprendre, c’est du fait de l’accident dont M. [W] est seul responsable et de la procédure VGE.

Enfin, le garage Repcar doit être débouté de ses demandes de remboursement des frais de gardiennage qui ne sont la conséquence que du refus injustifié de Mme [S] et M. [W] de reprendre leur véhicule.

L’EURL Repcar, dans ses dernières écritures en date du 13 mai 2022, prie la cour au visa des articles 1927 et suivants du code civil, de :

— confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leurs demandes en dommages et intérêts à l’encontre de l’EURL Repcar,

— réformer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté l’EURL Repcar de sa demande au titre des frais de gardiennage,

Et statuant à nouveau :

— condamner in solidum Mme [K] [S] et M. [M] [W] à payer à l’EURL Repcar la somme de 10,00 € HT par jour à compter du 2 mai 2018 au titre des frais de gardiennage soit au 12 mai 2022 la somme de 14 700,00 € HT, soit 17 640,00 € TTC (1470 jours X 10 € HT) à parfaire à la date de l’arrêt à intervenir.

Subsidiairement et dans l’hypothèse où la cour ferait droit aux demandes des consorts [S]- [W] à l’encontre de la SA Sogessur et/ou de la SAS BCA Expertise,

— condamner tout succombant à payer à l’EURL Repcar la somme de 10,00 € HT par jour à compter du 2 mai 2018 au titre des frais de gardiennage soit au 12 mai 2022 la somme de 14 700,00 € HT, soit 17 640,00 € TTC (1470 jours X 10 € HT) à parfaire à la date de l’arrêt à intervenir,

En tout état de cause,

— condamner tout succombant à payer à l’EURL Repcar la somme de 3 000,00 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers de l’instance.

Au soutien de la confirmation du rejet des demandes formées à son encontre, le réparateur fait valoir que Mme [S] et M. [W] ont donné leur accord pour les réparations, qu’il a effectué l’ensemble des travaux nécessaires à la remise en conformité du véhicule et que les appelants ne rapportent pas la preuve de ce qu’ils n’auraient pas été correctement réalisés.

Repcar sollicite la réformation du jugement et la condamnation de tout succombant à lui régler les frais de gardiennage en sus d’une somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, faisant valoir que :

. il n’a pas vocation à conserver la garde du véhicule après avoir effectué ses diligences,

. le bon état du véhicule a été constaté par huissier et par Mme [S], présente le 4 mai 2022, en dehors des conséquences de sa non-utilisation depuis 2018 qui ne peuvent lui être reprochées.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

À titre liminaire, il est rappelé que la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, n’est pas valablement saisie par les demandes des parties tendant à « donner acte », « constater », « dire et juger », qui constituent un rappel des moyens et non des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité contractuelle de la société Sogessur

Suite au sinistre survenu le 27 août 2017, le véhicule de Mme [S] et M. [W] a été réparé : le contrat souscrit garantit en effet l’indemnisation des dommages accidentels subis par le véhicule dans la limite de sa valeur avant sinistre, de sorte que si les réparations nécessaires ont un coût supérieur à cette valeur, le véhicule est racheté par l’assureur à ce montant.

Les assurés reprochent à la société Sogessur, au titre de sa responsabilité contractuelle, d’une part d’avoir fait procéder aux réparations sans leur accord et d’autre part d’avoir indûment refusé leur demande de rachat en dépit des négligences de l’expert mandaté par ses soins dans ses évaluations.

Ils soutiennent en effet en cause d’appel qu’ils n’ont jamais accepté l’option 'réparation', et restaient dans l’attente d’une proposition de rachat conforme à leur appréciation de la valeur du véhicule.

Il leur est opposé en substance qu’après avoir opté pour une remise en état, ils ont changé d’avis une fois les travaux effectués et sans avoir fait réaliser préalablement l’expertise contradictoire prévue au contrat en cas de désaccord sur l’indemnisation.

L’examen des pièces respectives permet de retracer les échanges assurés-expert-assureur :

. par courrier du 1er septembre 2017, la SAS BCA Expertise a informé M. [W] de son évaluation du coût de la remise en état du véhicule, 11 920 euros, et de sa valeur avant sinistre, 14000 euros : l’expert mentionne une conversation téléphonique du 31 août 2017 au cours de laquelle Mme [S] et M. [W] auraient 'choisi de faire réparer [leur] véhicule’ ; par un second courrier du même jour, il indique prendre 'bonne note de [leur] intention de faire procéder aux réparations’ ; ces deux écrits attiraient l’attention des assurés sur le fait que le coût d’éventuels travaux supplémentaires décelés après démontage resterait à leur charge pour la part dépassant la valeur avant sinistre,

. Mme [S] et M. [W] n’ont pas renseigné et retourné comme sollicité le formulaire 'choix de l’assuré’ joint par l’expert à son courrier, ne cochant donc ni la case 'céder à Sogessur mon véhicule en l’état', ni celles 'faire réparer mon véhicule’ et 'conserver mon véhicule’ ; pour autant, ils n’ont pas non plus contesté par écrit la décision qui leur était ainsi prêtée de faire procéder à la remise en état, et ils admettaient tant dans l’assignation introductive que dans leurs écritures prises en première instance ne pas s’y être opposés davantage verbalement,

. le 4 septembre 2017, BCA Expertise a informé Mme [S] et M. [W] que le véhicule était déclaré dangereux et entrait dans le cadre de la procédure des véhicules endommagés,

. le 6 septembre 2017, les assurés ont discuté en vain auprès de l’expert l’évaluation proposée de la valeur marchande du véhicule : Mme [S] s’inquiétait 'depuis [leur] dernière conversation téléphonique’ du risque de devoir assumer le coût des réparations qui excéderaient 14000 euros alors que cette somme ne permettrait pas selon elle de racheter le même véhicule, et l’expert a maintenu le 9 septembre 2017 ses estimations, concédant toutefois qu’en cas d’imprévus sur les dommages, il effectuerait une réévaluation de la valeur du véhicule,

. Sogessur a émis au profit du garage Repcar un 'Engagement de règlement direct du réparateur’ valable jusqu’au 11 novembre 2017 et à hauteur 'du montant 13487,86 euros figurant sur le rapport de l’expert’ : cet écrit n’est pas daté, l’assureur le situe au 11 octobre 2017,

. en novembre 2017, les assurés ont repris possession de leur véhicule et ont constaté des défauts, lesquels ont été imputés à l’accident et réparés par le garage Repcar, sur la base d’un devis récapitulatif d’un montant de 18104 euros daté du 24 novembre 2017 et communiqué à Mme [S] le 4 décembre suivant,

. par courriel du 6 décembre 2017, Mme [S] et M. [W] ont indiqué à la SA Sogessur ne plus vouloir du véhicule et solliciter son rachat depuis le 1er décembre précédent.

Il ressort de cette chronologie que, s’ils n’ont pas formalisé leur accord pour la remise en état de leur véhicule initiée en septembre 2017, Mme [S] et M. [W] ne se sont jamais inscrits en faux contre cette décision qu’ils auraient prise téléphoniquement et que l’expert a retranscrite, et à laquelle ils admettaient d’ailleurs ne pas s’être opposés même oralement. Et ils ont repris possession de leur véhicule en novembre 2017, avant de se plaindre d’un défaut de puissance du moteur et de le laisser à nouveau entre les mains du garage Repcar.

C’est seulement le 6 décembre 2017, alors que l’essentiel ou la totalité des réparations a été effectuée, qu’ils formalisent pour la première fois une demande de rachat, et ils la font remonter au 1er décembre 2017 : il apparaît donc qu’il y a eu deux périodes dans leur appréciation de la situation, une première longue de plus de deux mois pendant laquelle ils ont accepté la remise en état de leur véhicule, et ce en dépit de leurs inquiétudes d’ordre financier, et une seconde à l’issue de ces premières réparations, de la reprise du véhicule fin novembre 2017 puis de son retour au garage suivi de nouveaux travaux, où ils auraient préféré un rachat.

Ils ont ainsi changé d’avis quelques temps après avoir constaté que des défauts subsistaient à l’issue des premiers travaux consentis et nécessitaient de nouvelles réparations, le coût total étant estimé à plus de 18000 euros par le garage, sans que ce revirement les autorise à revenir sur leur accord initial pour lesdites réparations et à imputer à leur assureur cette décision tardivement regrettée. Ils ne sont donc pas fondés à revendiquer désormais le rachat de leur véhicule.

Pour autant, ils sont légitimes à critiquer les évaluations expertales qui ont guidé leur choix initial de faire réparer : la lecture du premier courriel de Mme [S] donne à comprendre que s’ils admettent que le coût réel des travaux peut dépasser l’estimation, ils sont inquiets du plafond d’indemnisation des dommages – et donc des réparations – que constitue la valeur avant sinistre du véhicule.

Or, dans sa réponse du 9 septembre 2017, avec copie à l’assureur, l’expert se propose expressément de faire varier son évaluation de ladite valeur en fonction d’un éventuel surcroît de dommages. Et de fait, dans son dernier rapport à l’issue des travaux, les dommages retenus étant considérablement accrus (20300,03 euros estimés, au lieu de 11920 euros initialement, et au visa d’une facture de 20336,03 euros émise le 13 janvier 2018 par le garage Repcar), la SAS BCA Expertise modifie son estimation de la valeur du véhicule et la porte de 14000 euros à 18500 euros.

Pour autant, si la variation de l’estimation du coût des travaux tient au défaut de puissance découvert seulement après les réparations et la remise en route du moteur et ne peut donc être considérée comme une faute de la part de l’expert, la valeur du véhicule de Mme [S] et M. [W] avant sinistre était quant à elle insusceptible de varier dans le temps : il s’agit de la valeur avant l’accident du 27 août 2017, et elle est donc indépendante du sinistre survenu ensuite et de ses conséquences quelle que soit leur ampleur.

Il résulte de cette analyse que les éléments expertaux ayant servi de base à la décision de réparer sont empreints, au-delà de la difficulté de toute évaluation, non imputable à faute, d’un défaut méthodologique que l’assureur mandant, dûment informé du raisonnement de l’expert, n’aurait pas dû valider et dont il est comptable. Et la société Sogessur ne peut se défausser de sa responsabilité en la matière en arguant du non-recours par les assurés aux modalités d’expertise contradictoire prévues au contrat en cas de désaccord sur l’indemnisation.

L’assureur doit donc indemniser les conséquences éventuellement préjudiciables de cette faute.

Comme elle est de nature à invalider la première estimation du véhicule avant sinistre proposée par l’expert, il doit être retenu que la véritable valeur de l’Opel est celle finalement arrêtée par la SAS BCA Expertise et acceptée par les appelants, soit 18500 euros.

Or, si même elle avait été ainsi chiffrée dès le 1er septembre 2017, la voiture aurait été déclarée économiquement réparable et dans ce cas, aux termes des conditions générales de la police d’assurance liant les parties,'l’indemnité correspond au coût des réparations sans dépasser la valeur du véhicule avant sinistre’ : l’hypothèse d’un rachat au prix de la valeur avant sinistre n’est pas ouverte par les dispositions contractuelles.

Dès lors, s’ils avaient décidé de renoncer aux réparations et de faire reprendre le véhicule en l’état par l’assureur, le montant final des travaux, supérieur à la valeur avant sinistre, n’aurait pas été exposé et donc connu, et l’indemnisation accordée aux assurés n’aurait pas dépassé les 11920 euros correspondant à l’estimation initiale des dommages : ils n’auraient pas reçu une indemnité de 18500 euros en contrepartie du rachat, même s’ils l’avaient sollicité dès le départ.

Et s’ils avaient au contraire choisi de conserver le véhicule et de faire procéder aux réparations, serait restée à leur charge la somme correspondant à la différence entre la facture de réparation établie le 13 janvier 2018 (20336,03 euros) et la valeur avant sinistre du véhicule arrêtée à 18500 euros, soit 1836,03 euros, et ils seraient propriétaires d’un véhicule dont ils critiquent encore la fiabilité.

Ils ne peuvent donc soutenir que la privation de la jouissance d’un véhicule 'en état’ selon leur expression, est une conséquence préjudiciable de la faute retenue, la mauvaise évaluation de sa valeur avant sinistre, de sorte qu’ils ne peuvent prétendre à son indemnisation.

De même, ils auraient dû assumer le remboursement de l’emprunt souscrit pour l’achat du véhicule dans tous les cas, réparations ou non, véhicule conservé ou non, et quoiqu’il en soit de la valeur avant sinistre retenue : il ne s’agit donc pas d’un préjudice indemnisable.

Pareillement, ils justifient de la modification des échéances d’assurance payées à compter de mars 2018 pour un véhicule Clio dont la date d’acquisition ne peut être déterminée à l’examen des pièces produites mais qui semble avoir été assuré au moins depuis juin 2017, ainsi que les cotisations réclamées pour le véhicule Opel Insignia accidenté pour la période allant du 1er juin 2018 au 31 mai 2020 et du 1er juin 2021 au 31 mai 2022, mais nullement de frais d’assurance exposés pour un nouveau véhicule qu’ils disent avoir été obligés d’acquérir : le préjudice allégué n’est donc pas établi.

Mme [S] et M. [W] réclament par ailleurs réparation d’un préjudice moral, sans toutefois le caractériser et en justifier, de sorte que cette prétention ne peut prospérer.

Au contraire, ils sont bien fondés à réclamer le remboursement des honoraires des deux experts privés dont ils ont sollicité les services, au regard des failles de l’expertise réalisée par le mandant de la société Sogessur : l’assureur devra donc leur verser la somme de (800+1338=) 2138 euros à ce titre, la décision déférée étant infirmée sur ce point.

Sur la responsabilité délictuelle de la société BCA Expertise

Mme [S] et M. [W] reprochent à la SAS BCA Expertise d’avoir commis des fautes, en l’espèce une grave erreur d’appréciation dans son premier rapport, concernant tant la valeur avant sinistre du véhicule que le coût des réparations, et d’avoir engagé des travaux sans leur accord.

Sur ce dernier point, il a été vu plus haut que les assurés adhéraient initialement au choix d’une remise en état de leur véhicule, et n’ont souhaité le rachat qu’après la réalisation de l’essentiel ou de la totalité des travaux, de sorte qu’ils ne peuvent rejeter sur l’expert la responsabilité de cette première décision.

S’agissant de l’estimation initiale du coût des travaux réalisée dans le présent dossier – et quoi qu’il en soit par ailleurs des erreurs éventuellement commises par ce cabinet dans d’autres situations -, force est de constater que les appelants la critiquent sur la base du devis et de la facture établis par le garage Repcar en novembre 2017 et janvier 2018, soit après que les réparations initialement prévues et réalisées ont permis la remise en route du véhicule et la découverte d’un défaut moteur : il s’en évince que ce dommage additionnel n’était pas décelable et évaluable auparavant, et les experts sollicités par les assurés ne disent pas autre chose, de sorte qu’il ne peut être reproché à l’expert de ne pas l’avoir deviné et pris en compte dès le départ.

Et contrairement à ce qu’ils soutiennent, la SAS BCA Expertise a bien informé Mme [S] et M. [W] dès le 1er septembre 2017 de ce risque de travaux supplémentaires, et le courriel de Mme [S] en date du 6 septembre suivant montre sa parfaite compréhension du surcoût pouvant rester à leur charge dans cette éventualité.

En revanche, ainsi qu’il a été vu plus haut, la méthodologie suivie par l’expert pour l’évaluation de la valeur avant sinistre est effectivement critiquable, dans la mesure où la SAS BCA Expertise a fait dépendre son chiffrage d’un éventuel surcoût des travaux nécessaires.

Et il est objecté en vain qu’une première estimation est susceptible d’être revue selon les éléments et justificatifs qui pourraient être apportés dans la mesure où les seuls éléments pertinents en la matière, à savoir les annonces pour des véhicules similaires, lui ont été fournis par les assurés dès le 6 septembre 2017 et n’ont pas modifié son appréciation, et que celle-ci n’a été revue qu’après la découverte de dommages supplémentaires, pourtant sans influence sur la valeur de l’Opel avant l’accident et ses suites.

Cette faute de l’expert justifie qu’il indemnise les préjudices en découlant.

À cet égard, ainsi qu’analysé précédemment, la privation de la jouissance d’un véhicule 'en état’ n’est pas une conséquence préjudiciable de l’évaluation fautive de sa valeur avant sinistre et ne peut donc être réparée à ce titre.

Il en va de même pour ce qui est du remboursement de l’emprunt souscrit pour l’achat du véhicule auquel Mme [S] et M. [W] auraient dû faire face dans tous les cas, et quoiqu’il en soit de la valeur avant sinistre retenue.

Pareillement, il n’est pas démontré que des frais d’assurance ont été exposés pour un nouveau véhicule que les assurés auraient été obligés d’acquérir, de sorte que le préjudice allégué ne peut donner lieu à indemnisation.

Et le préjudice moral invoqué qui n’est pas non plus décrit et établi, ne peut davantage être indemnisé.

Mme [S] et M. [W] sont en revanche fondés à réclamer remboursement des honoraires des deux experts privés dont ils ont dû solliciter les services en raison des failles de l’expertise réalisée par la SAS BCA Expertise : l’intimée sera en conséquence condamnée à leur verser la somme de (800+1338=) 2138 euros à ce titre, in solidum avec la société Sogessur, la décision déférée étant infirmée sur ce point.

Sur la responsabilité délictuelle de l’EURL Repcar

Mme [S] et M. [W] reprochent à l’EURL Repcar d’avoir procédé à des réparations sans leur accord et sans respecter les règles de sécurité, impliquant de remplacer l’amortisseur gauche selon le cabinet d’expertise qu’ils ont sollicité.

Le réparateur oppose qu’ils ont donné leur accord pour les réparations et qu’ils ne rapportent pas la preuve de ce que l’ensemble des travaux effectués pour la remise en conformité du véhicule n’auraient pas été correctement réalisés.

Il a déjà été analysé et retenu plus haut que les propriétaires du véhicule ont bien approuvé la mise en oeuvre des réparations préconisées par la SAS BCA Expertise et aucune faute ne peut donc être imputée au garage Repcar à ce titre.

S’agissant de la qualité desdites réparations, les appelants mettent en avant l’avis de leur expert : Capitole Expertise, pointant qu’un seul des deux amortisseurs avant a été remplacé, énonce en effet dans ses conclusions que 'les règles professionnelles imposent un remplacement de cette pièce par paire, obligatoirement au-delà de 50000 km d’usage', sachant que le véhicule des appelants présentait alors un kilométrage supérieur.

Ni la SAS BCA Expertise, ni le garage Repcar ne contestent le principe énoncé, et cette règle de bon sens trouve sa justification dans une recherche d’équilibre du véhicule, à l’évidence propice à la sécurité de la conduite.

Pour autant, il ne ressort d’aucune pièce, et notamment de cette expertise privée, qu’au cas d’espèce et au-delà de la règle générale, le changement d’un seul amortisseur avant était de nature à déséquilibrer le véhicule de Mme [S] et M. [W] : en effet, aucune précision n’est apportée sur la date du précédent remplacement des amortisseurs et partant, sur le caractère récent ou ancien de l’amortisseur non changé.

Dès lors, il est impossible d’affirmer que la pose d’un nouvel amortisseur avant droit a pu déstabiliser l’équilibre général du véhicule, de sorte que la faute alléguée n’est pas établie.

La décision déférée sera en conséquence confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [S] et M. [W] de leur demande en dommages et intérêts à l’encontre de l’EURL Repcar,

Sur les frais de gardiennage

L’EURL Repcar sollicite la condamnation de tout succombant, principalement Mme [S] et M. [W], subsidiairement la société Sogessur et/ou la SAS BCA Expertise si les demandes des appelants à leur encontre étaient accueillies, à lui régler les frais de gardiennage pour la période du 2 mai 2018 au 12 mai 2022 à raison de 10 euros HT par jour : il n’a pas vocation à conserver la garde du véhicule après avoir effectué ses diligences, et son bon état en dehors des conséquences de sa non-utilisation a été constaté par huissier et par Mme [S] le 4 mai 2022.

Mme [S] et M. [W] opposent l’absence de contrat d’entreprise conclu entre eux et le garage.

De leur côté, les sociétés Sogessur et BCA Expertise renvoient à la responsabilité des propriétaires et à leur refus injustifié de reprendre leur véhicule après les travaux consentis.

L’article 1917 du code civil dispose que le dépôt proprement dit est un contrat essentiellement gratuit. Le contrat de dépôt d’un véhicule auprès d’un garagiste, accessoire à un contrat d’entreprise, est toutefois présumé fait à titre onéreux.

Au cas d’espèce, l’analyse des pièces produites et la chronologie des échanges entre les parties a permis d’établir que Mme [S] et M. [W] ont été d’accord pour la réparation des dommages accidentels subis par leur véhicule, avant de changer d’avis le 6 décembre 2017. Et cet accord intervient alors que la voiture se trouve dans les locaux du garage Repcar : les propriétaires ne l’ont pas reprise et ne prétendent pas avoir voulu confier les réparations à un autre garage.

Il doit en conséquence être retenu que l’accord donné par les appelants pour des réparations sur un véhicule qui est alors confié au garage Repcar caractérise l’existence d’un contrat d’entreprise entre eux.

Toutefois, les tarifs sollicités par le garage suivant lettre du 2 mai 2018 au titre du gardiennage du véhicule, à hauteur de 10 euros HT par jour, ne sont pas contractuels : il n’est pas allégué d’accord entre les parties sur ce montant, ceux-ci l’ont d’ailleurs expressément contesté dans leur réponse du 31 mai suivant, et le dépositaire ne démontre ni même n’allègue qu’il correspond aux tarifs qu’il pratiquait alors ou qu’il en aurait fait l’affichage dans ses locaux pour en informer ses clients.

Dès lors, il appartient au juge de déterminer le montant de ces frais, en fonction de la charge supportée par le garagiste.

En l’espèce, il résulte des écritures de l’EURL Repcar qu’elle dispose d’au moins de deux sites pour ses activités, tous deux situés dans une petite commune rurale de faible densité immobilière. Il n’est fourni aucun détail sur les modalités du gardiennage, intérieur ou extérieur, ou quant à son poids relatif sur le fonctionnement de l’établissement, sans doute modeste puisque le garage a attendu d’être assigné en justice par les consorts [S] pour réclamer paiement au bout de 18 mois par conclusions du 21 novembre 2019, de sorte que le tarif journalier revendiqué n’est pas justifié.

Pour autant, Mme [S] et M. [W] qui sont toujours restés les propriétaires de ce véhicule ont laissé perduré ce dépôt pendant 4 années à l’issue de sa remise en état.

La durée de ce stationnement, même s’il a été peu gênant pour l’activité du garage, justifie qu’ils versent à l’EURL Repcar la somme de 4000 euros en paiement des frais de gardiennage ainsi exposés. La décision déférée doit être infirmée en ce sens.

Sur les frais et dépens

L’issue du litige entraîne l’infirmation des dispositions déférées en matière de dépens et de frais irrépétibles.

Les sociétés Sogessur et BCA Expertise qui succombent pour l’essentiel supporteront in solidum la charge des entiers dépens et ne peuvent prétendre à une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles seront au contraire condamnées in solidum à verser à Mme [S] et M. [W] la somme de 4000 euros.

L’équité commande également que les appelants, qui échouent dans leurs prétentions à son encontre, versent à l’EURL Repcar la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme la décision déférée en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu’elle a débouté Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leur demande de reprise du véhicule Opel Insignia immatriculé [Immatriculation 8] par la SA Sogessur et de leur demande en dommages et intérêts à l’encontre de la SA Sogessur, de la SAS BCA Expertise et l’EURL Repcar,

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum la SA Sogessur et la SAS BCA Expertise à verser Mme [K] [S] et M. [M] [W] la somme de 2138 euros au titre de leur frais d’expertises privées,

Déboute Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leurs autres demande formées à l’encontre de la SA Sogessur et la SAS BCA Expertise,

Déboute Mme [K] [S] et M. [M] [W] de leur demande formée à l’encontre de L’EURL Repcar,

Condamne Mme [K] [S] et M. [M] [W] à verser à l’EURL Repcar la somme de 4000 euros au titre des frais de gardiennage,

Condamne in solidum la SA Sogessur et la SAS BCA Expertise à verser Mme [K] [S] et M. [M] [W] la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [K] [S] et M. [M] [W] à verser à l’EURL Repcar la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SA Sogessur et la SAS BCA Expertise aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. BUTEL C. BENEIX-BACHER

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Toulouse, 3e chambre, 6 octobre 2022, n° 21/02219