Cour d'appel de Versailles, 9 octobre 2003, n° 01/07525

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 9 oct. 2003, n° 01/07525
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 01/07525

Texte intégral

15h du 30/12/2003 E.D. I F03 21 POURVO COUR D’APPEL

فکر علم DE

VERSAILLES

12ème chambre section 2

D.C./P.G.

N° 383 ARRET N°

DU 09 Octobre 2003 REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

R.G. N° 01/07525

AFFAIRE: LE NEUF OCTOBRE DEUX MILLE TROIS,

La cour d’appel de VERSAILLES, 12ème chambre section 2,

- S.A.R.L. MICROSOFT FRANCE a rendu l’arrêt CONTRADICTOIRE suivant, venant aux droits de la SARL prononcé en audience publique I

La cause ayant été débattue à l’audience publique du DIX SEPT JUIN C/

DEUX MILLE TROIS S.A.R.L. SYNX RELIEF radiée du registre du commerce DEVANT : MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER chargé du rapport, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés, en application de

- M. E Y

l’article 786 du nouveau code de procédure civile, assisté de Mme

- Mme G Z Marie-P Q, greffier,

- Société I CO

Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la cour, dans son délibéré, celle-ci étant composée de :

MADAME R S, PRÉSIDENT

MONSIEUR JEAN-FRANÇOIS FEDOU, CONSEILLER

MONSIEUR DENIS COUPIN, CONSEILLER

et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la loi, Copie simple à SCP LEFEVRE et TARDY & 2y05/06. Copie Simple Pe 30/12/05 DANS L’AFFAIRE ENTRE:

a He ZYLBERSTEIN

Gopie simple le 30/12/05

-S.A.R.L. MICROSOFT FRANCE venant aux droits de la SARL à CELOG I ayant son siège […], […]

Copie simple Pr 08/04/04 Québec […], représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège au Cabinet Jurite?

Copie certifiée conforme APPELANTE d’un jugement rendu le 27 Septembre 2001 par le Tribunal Expédition exécutoire de Commerce de NANTERRE, 8ème chambre. délivrées le :

à: 13 ACT 2003, CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS BOCCON GIBOD, SCP LISSARRAGUE DUPUIS Avoués près la Cour d’Appel de VERSAILLES.

.

BOCCON GIBOD PLAIDANT par la SCP AUGUST ET DEBOUZY, avocats du barreau de

SCP O PARIS. Copie simple Pe 29/09/05 à
M. X,



ET

- Monsieur E Y demeurant […]

MONTMORENCY et actuellement […].

- Madame G Z demeurant […]

et actuellement […].

INTIMÉS

CONCLUANT par la SCP O, Avoués près la Cour d’Appel de VERSAILLES.

PLAIDANT par la SCP ALTERMAN – BENEZRA – LECLERCQ, avocats du barreau de

PARIS.

- Société I CO société de droit canadien, dont le siège est situé

[…], […], […], agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

INTIMÉE

CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS BOCCON-GIBOD, Avoués près la Cour

d’Appel de VERSAILLES.

PLAIDANT par la SCP AUGUST et DEBOUZY, Avocats du Barreau de PARIS.

******

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Monsieur E Y et madame G Z ont créé, au début de la décennie 1990, un logiciel dénommé « C » d’assistance à la création d’images animées de synthèse. Pour en exploiter les droits, ils ont constitué la société SYNX, à l’enseigne commerciale « RELIEF ».

La SARL I était la filiale française de la société canadienne

I J, créée en 1988, qui exploite un logiciel d’images de synthèse dit

« I 3D », précédemment dénommé « K L ».

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Le 1er juin 1992, la société I J et la société SYNX ont signé un contrat dont l’objet était l’intégration du logiciel C dans la structure informatique de celui de « K L ». Ce contrat a été précisé et complété par un avenant en date du 16 décembre 1992.

Le 15 novembre 1994, la société I J a dénoncé la

convention qui est ainsi venue à expiration le 8 mars 1995.

Faisant à la société I le grief d’avoir, dans la version 3.0 de son logiciel 3D, contrefait huit fonctionnalités du leur, monsieur Y et

madame Z ont fait pratiquer des saisies-contrefaçon et la société SYNX assignait, le 6 décembre 1995, la SARL I ainsi que son nouvel actionnaire principal, la société de droit américain MICROSOFT CORPORATION,

à comparaître devant le tribunal de commerce de Nanterre. Monsieur Y et

madame Z H volontairement à cette instance en se prévalant

de leur qualité d’auteur.

Le 12 juillet 1995, ces derniers assignaient la société canadienne

I J. en demandant la jonction des procédures.

Par un premier jugement, rendu le 26 septembre 1997, cette juridiction a mis hors de cause la société MICROSOFT CORPORATION et a désigné un

expert en la personne de monsieur A, lequel a rendu son rapport le

27 mars 2000.

Par un second jugement, en date du le 27 septembre 2001, le tribunal de commerce de Nanterre a relevé que « C » faisait partie de "K

L", bien que dans une version différente de celle initiale et a retenu à l’encontre de la SARL I des actes de contrefaçon. Il a condamné cette dernière à payer à monsieur Y et madame Z la somme de 3.000.000 francs (457.347,05 euros) à titre de dommages et intérêts avec exécution provisoire sous condition de constitution de garantie.

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Estimant que monsieur Y et madame Z n’étaient en

aucune façon concurrents de la SARL I, et qu’ils ne démontraient aucun préjudice, il les a déboutés de leurs demandes d’indemnisation sur le fondement de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Il leur a alloué 40.000 francs (6.097,96 euros) en application de l’article

700 du nouveau code de procédure civile.

La société MICROSOFT FRANCE qui vient aux droits de la SARL

I pour avoir repris l’intégralité de son patrimoine suite à une liquidation amiable, a interjeté appel de cette décision qu’elle critique sur le seul

chef de la contrefaçon.

Les sociétés MICROSOFT FRANCE et I J, cette dernière

sous sa nouvelle dénomination I CO, concluent ensemble. A titre

liminaire, elles observent que madame Z ne dispose d’aucun droit sur

le logiciel « C » et elles en déduisent que celle-ci est irrecevable à agir en contrefaçon.

Rappelant les dispositions de l’article L.332-4 du code de la propriété intellectuelle, elles soutiennent que la saisie-contrefaçon du 06 novembre 1995 est nulle faute d’avoir été suivie d’une assignation dans le délai de 15 jours. Elles invoquent l’article 33 de la loi monégasque n°491 du 24 novembre 1948 pour conclure à la nullité de la saisie-contrefaçon du 22 février 1996, faite au salon

« IMAGINA » qui se tenait à Monaco, faute d’avoir été suivie d’une assignation dans un délai de huit jours.

Elles exposent que la contrefaçon de logiciel s’apprécie par une comparaison des codes, source ou objet (exécutable), qui seuls sont protégeables par le droit d’auteur à l’exclusion des fonctionnalités du programme qui ne peuvent, pour autant qu’elles en remplissent les conditions, recevoir de protection qu’au moyen d’un brevet.

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Elles observent que l’expert a conclu à l’absence de reprise du code du logiciel C dans le logiciel I 3D version 3.0 et soutiennent que, contrairement aux allégations de monsieur Y, le code source fourni

à l’expert par la société I était le bon. Elles soulignent

l’incompatibilité, relevée par le technicien, entre les formats des codes des deux

logiciels comparés.

Elles concluent à la réformation de la décision qui a condamné la SARL

I à payer 3.000.000 francs (457.347,05 euros) au titre de la contrefaçon.

Relativement à la prétendue concurrence déloyale, elles approuvent les premiers juges d’avoir considéré que l’action sur ce fondement n’est ouverte

qu’aux concurrents ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Rappelant que l’action sur un tel fondement ne peut être exercée en repli de celle en contrefaçon, elles relèvent que monsieur Y et madame

Z se sont bornés à invoquer, pour fonder leur argumentation sur le terrain de la concurrence déloyale, des faits strictement identiques à ceux présentés à l’appui de l’action en contrefaçon.

Elles dénient avoir profité indûment du travail de monsieur Y en expliquant que, comme le relève l’expert, les huit fonctionnalités litigieuses étaient connues avant 1992 et que la société I a investi et réalisé ses propres

efforts pour développer chacune de ces fonctionnalités qu’elles énumèrent et décrivent pour en souligner la banalité.

Elles observent qu’au regard du grief de parasitisme il manque incontestablement l’élément central que constitue l’appropriation illégitime du travail d’autrui.

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Elles considèrent que monsieur Y et madame Z ne sont

pas fondés à invoquer le bénéfice du contrat conclu entre les sociétés

I et SYNX et rappellent à cet égard le principe du non-cumul des responsabilités délictuelles et contractuelles et surtout celui selon lequel nul ne

plaide par procureur.

Elles font subsidiairement valoir que les litiges afférents à l’exécution de

ce contrat sont de la compétence exclusive d’un tribunal arbitral devant statuer en

application du droit canadien. Elles contestent en tout état de cause tout manquement aux obligations résultant de ce contrat.

Aussi concluent-elles à la confirmation du jugement qui a débouté monsieur Y et madame Z de leurs demandes fondées sur la

concurrence déloyale et le parasitisme.

Subsidiairement, elles discutent l’évaluation du préjudice allégué par

monsieur Y et madame Z en en soulignant le caractère variable depuis le début du litige, ajoutant que la cour n’est compétente que pour indemniser celui subi en France lorsque le fait générateur s’est produit à l’étranger

et que le préjudice en résultant a été subi dans plusieurs pays.

La société MICROSOFT FRANCE explique que, depuis le début de la procédure d’appel, elle a fait l’objet d’une campagne de presse nuisible orchestrée par monsieur Y et madame Z et que cette attitude lui a été très préjudiciable en réparation de quoi elle réclame la condamnation solidaire de

monsieur Y et madame Z à lui verser 150.000 euros, sollicitant

de surcroît la publication de l’arrêt dans cinq supports généralistes ou spécialisés

à la charge de monsieur Y et madame Z, dans la limite unitaire

de 1.500 euros.

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Les sociétés MICROSOFT FRANCE et I CO, demandent

enfin la condamnation solidaire de monsieur Y et madame Z à

leur payer, à chacune, 16.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens d’appel et de première instance en ce compris les frais d’expertise.

Monsieur E Y et madame G Z, qui ont également interjeté appel successivement à l’encontre de la société MICROSOFT

FRANCE et de I J exposent qu’ils ignorent à quel titre la société

I CO qui se dit intimée, se présente aux débats et conclut.

Ils ajoutent que le tribunal de commerce de Nanterre a omis de statuer sur la demande dirigée contre la société I J comme sur celle fondée sur la violation du contrat.

Ils demandent à la cour de déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée

la société MICROSOFT FRANCE en son appel.

Rappelant les dispositions du code de la propriété intellectuelle et du contrat signé avec la société SYNX, ils observent que la société I a reproduit, de manière illicite, les fonctionnalités protégées de leur programme

C. Ils expliquent que l’expert a travaillé, pour effectuer ses comparaisons, avec la version 3.0 de K L de 1998 au

lieu de celles de 1995-96 mais qu’il a néanmoins trouvé dans le logiciel des éléments leur appartenant et qui constituent une empreinte. Ils expliquent comment, dans le cadre du contrat, la société I avait la possibilité

d’exploiter leur logiciel au même titre que si elle disposait des « fichiers sources ».

Ils se livrent à une analyse critique et technique des constatations faites par l’expert en s’appuyant sur le travail de monsieur B, expert amiable qu’ils ont consulté.

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Ils soulignent que c’étaient essentiellement les fonctionnalités qui intéressaient la société I qui les a développées au moment où elle résiliait le contrat et ils en font valoir l’originalité et l’antériorité en en décrivant dans le détail les caractéristiques.

Aussi concluent-ils à la confirmation du jugement qui a dit qu’il y avait contrefaçon.

Rappelant les clauses de confidentialité qui accompagnaient le contrat du 1er juin 1992, ils soutiennent que cet engagement n’a jamais été respecté, comme l’établissent la commercialisation illicite des fonctionnalités et la promotion internationale du logiciel.

Ils expliquent qu’une fonctionnalité, dite « plan pivot », avait fait l’objet d’un brevet français et américain et que la société I s’est engagée à la retirer de son propre logiciel mais a exploité les autres sans négocier au préalable leur accord, alors qu’ils sont les auteurs de ces innovations.

Ils ajoutent qu’était convenue une clause de non concurrence post

contractuelle qui prenait fin le 8 mars 1996 et que n’a pas respectée la société

I. Ils en déduisent que le logiciel C s’est trouvé amputé

d’une partie de sa valeur dans le cadre d’une exploitation commerciale.

Ils considèrent que l’utilisation post contractuelle des fonctionnalités de leur logiciel est constitutive de concurrence déloyale dont ils demandent réparation sur le fondement des articles 1147, 1382 et 1383 du code civil.

Ils soutiennent que la société I s’est immiscée dans leur sillage afin de tirer profit, sans rien dépenser, de leurs efforts et de leur savoir

faire relativement à un produit qui a nécessité un travail de conception important.

Ils considèrent que le logiciel I est un emprunt à une oeuvre préexistante dans un contexte de rapport de dépendance. Ils affirment que ces

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agissements engagent la responsabilité de la société I sur le fondement de l’article 1382 du code civil.

Ils écartent les griefs de nullité des saisies en relevant que deux d’entre elles demeurent et sont suffisantes. Ils confirment que madame Z est

co-auteur du logiciel C ainsi que cela ressort du dépôt effectué à

l’Agence pour la protection des programmes.

Ils réfutent les prétentions de la société MICROSOFT FRANCE à voir limiter au territoire français l’indemnisation de leur préjudice en relevant que cette exception à la compétence de la cour à juger de la valeur du préjudice global est irrecevable comme n’ayant pas été soulevée in limine litis.

Ils observent que c’est le président de MICROSOFT qui a fourni

l’indication des ventes de 21.000 licences du logiciel I dont doivent

être déduites les 1.500 ventes faites sous licence dans le cadre du contrat. Ils en

déduisent que, à 2250 $ de redevance unitaire telle que définie au contrat, c’est

19.500 x 2.250 = 43.875.000 $ qu’ils auraient dû toucher.

Ils estiment la part de leur contribution dans la valeur du produit entre

6 et 8% du chiffre d’affaires hors taxe réalisé sur la vente des licences. Ils chiffrent

à 5% par fonctionnalité l’estimation de la valeur commerciale, soit, pour les huit,

40% du logiciel C. Ils en déduisent que leur préjudice s’élève à

19.800.000 euros et réclament la condamnation de la société MICROSOFT

FRANCE ainsi que, solidairement, de I J et/ou I CO à

leur payer lad somme avec intérêts légaux à compter de l’exploit introductif

d’instance.

Ils demandent en outre à la cour de voir ordonner le retrait sous astreinte

de 10.000 euros par jour et par infraction constatée des éléments revendiqués contenus dans les logiciels I 3D et XSI, ainsi que la publication de la

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décision à intervenir dans trois journaux de leur choix, outre 75.000 euros au titre de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 15 mai 2003 et l’affaire a été évoquée à l’audience du 17 juin

2003.

MOTIFS DE LA DECISION :

SUR LA RECEVABILITÉ DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRANCE:

Considérant que c’est sans soulever aucun moyen que monsieur Y et madame Z demandent à la Cour, qui n’en distingue aucun qui doive être relevé d’office, de déclarer la société MICROSOFT FRANCE irrecevable en

son appel;

Que cette demande sera en conséquence rejetée ;

SUR LA PRÉSENCE À LA CAUSE DE LA SOCIÉTÉ I CO:

Considérant que le 11 décembre 2001, monsieur Y et madame

Z ont interjeté appel de la décision à l’encontre de la société

I J, partie en première instance;

Considérant que cette dernière explique que, créée en 1988, elle porte maintenant, à la suite d’opérations de ventes et de restructuration, le nom de

I CO;

Considérant que ce changement, qui n’est pas discuté par monsieur

Y et madame Z, ne modifie pas la personnalité morale de la société qui est donc régulièrement présente en cause d’appel sous sa nouvelle dénomination sociale I CO ;

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SUR L’INTÉRÊT À AGIR DE MADAME Z :

Considérant que le 21 janvier 1992, l’Agence pour la Protection des

Programmes a délivré un certificat d’enregistrement sous le numéro 92-04-002-00 du logiciel C ; que ce document administratif désigne monsieur

E Y en qualité d’adhérent et madame G Z en celle

d’associée ;

Considérant que, dans ses écritures, monsieur Y confirme que madame Z est coauteur, avec lui-même, du logiciel ;

Qu’il suit de là que cette dernière justifie de sa qualité à agir dans une action en contrefaçon de droits d’auteur et que l’exception d’irrecevabilité soulevée par les sociétés MICROSOFT FRANCE et I CO doit être

écartée ;

SUR LES SAISIES-CONTREFAÇON :

Considérant que l’article L.332-4 du code de la propriété intellectuelle édicte que la saisie-contrefaçon de logiciel est nulle à défaut de citation ou

d’assignation délivrée dans un délai de quinze jours ;

Considérant que celle pratiquée, dans les locaux de la SARL

I, le 06 novembre 1995, a été suive d’une assignation qui n’a été délivrée par la société SYNX que le 06 décembre 1995 ; qu’elle encourt dès lors la nullité en application de ce texte ;

Considérant que monsieur Y et madame Z ont requis et obtenu du président du tribunal de première instance de la principauté de

Monaco, l’autorisation, par ordonnance rendue le 21 février 1996, de procéder à une saisie-contrefaçon du logiciel I 3D, sur le stand tenu par

I MICROSOFT au salon IMAGINA de Monaco;

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Considérant que monsieur Y et madame Z ne sont

intervenus volontairement au litige précédemment engagé par la société SYNX, que le 07 juin 1996 ainsi qu’en font foi les conclusions qu’ils ont déposées à

l’audience;

Considérant que l’article 33 de la loi monégasque n°491 du 24 novembre

1948 édicte qu’à défaut par le requérant de s’être pourvu dans un délai de huitaine du procès-verbal, la saisie est nulle de plein droit ;

Qu’il s’ensuit que la saisie pratiquée le 22 février 1996 doit être annulée mais seulement à l’égard de monsieur Y et madame Z ;

Considérant que la société MICROSOFT FRANCE et la société

I CO ne tirent de l’annulation de ces saisies aucune conséquence sur la validité des opérations d’expertise ; qu’il convient au demeurant de relever, comme le soulignent monsieur Y et madame Z, que la société

I J a spontanément remis à l’expert les programmes sources, en sa version 3.0, du logiciel « I 3D » incriminé ;

SUR LA CONTREFAÇON :

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L.112-2, 13°, du code de la propriété intellectuelle, les logiciels sont considérés comme des oeuvres de l’esprit ; que, pour autant que ces créations remplissent les conditions

d’originalité suffisante, leurs auteurs bénéficient de la protection de leurs droits,

notamment sur l’usage qui peut en être fait ;

Considérant que l’article L.122-6 dudit code précise à cet égard que le droit d’exploitation appartenant à l’auteur d’un logiciel comprend celui d’effectuer la reproduction permanente ou provisoire, la traduction, l’adaptation,

l’arrangement ou tout autre modification;

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Considérant que le caractère d’originalité du logiciel C, conçu et réalisé par monsieur Y et madame Z, n’est pas discuté ; qu’il

s’ensuit que ces derniers peuvent prétendre à la protection de leur droit d’auteur

sur cette œuvre de l’esprit ;

Considérant que monsieur Y et madame Z font à la

société MICROSOFT FRANCE et, subsidiairement, à la société I CO, le grief d’avoir développé, au moment où était résilié le contrat d’exploitation signé entre la société SYNX et la société I J, les mêmes fonctionnalités que celles contenues dans C et dont ils revendiquent l’antériorité et

l’originalité ;

Considérant que l’expert judiciaire Monsieur A s’est livré à une analyse et à une comparaison du contenu intrinsèque des deux logiciels discutés :

C tel que déposé à l’Agence pour la Protection des Programmes et

K L dans sa version 3.0;

Considérant qu’en conclusion de cette recherche, ce technicien a émis

l’avis que dans le CD ROM fourni par la société I J, il existait une version 3.0 ne mettant en oeuvre que des logiciels d’origine I ; qu’il

a en effet, après compilation, extrait les 5.788 symboles utilisés par la version exécutable 3.0 de K L et constaté que ceux identifiés dans les programmes sources comme appartenant à monsieur Y n’y figuraient pas ;

Considérant qu’il a relevé en revanche l’existence, dans un sous

répertoire intitulé « soft 2 relief » d’éléments du logiciel C;

Considérant que l’expert explique que ce répertoire n’appartient pas au fichier « dirs-list » lequel est seul à contenir les répertoires devant être compilés pour obtenir les programmes exécutables ;

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Considérant qu’il a contradictoirement soumis ses constatations aux avis

des parties qui ont pu s’expliquer sur l’aspect technique ;

Considérant que ce technicien confirme que l’ajout du répertoire « soft2 relief » a été fait par la société I le 3 juillet 1993 ; qu’adhérant aux explications de cette dernière, il conclut que le code source de la bibliothèque

« soft2 relief » a été simplement conservé en un exemplaire dans le système

d’archives du code source de « I 3 D » à des fins de support uniquement, en précisant que certains clients utilisant le logiciel distribué pendant la phase

d’exécution du contrat d’intégration SYNX – I devaient pouvoir être éventuellement dépannés ;

Considérant qu’il a en effet relevé que la bibliothèque « soft2 relief » n’a été utilisée que pendant la durée du contrat, qu’avant le terme de ce dernier,

I a retiré le module « CHARACTERE » ainsi que sa bibliothèque

« RELIEF » et « soft2 relief » de la liste des fichiers utilisés pour la compilation de son logiciel, et que les exécutables de la version 3.0 et de toutes celles postérieures du logiciel I 3D ne contenaient pas lesdites bibliothèques ;

Considérant qu’il en déduit que la compilation du programme source, version 3.0, constate "l’absence d’un certain nombre de fonctions appartenant à

monsieur Y" ;

Considérant de plus que le technicien a relevé l’importance de la nature des codes binaires utilisés dans le logiciel C en exposant que, par

suite d’incompatibilités, l’utilisation du code « COFF » excluait pour I la possibilité d’utiliser le logiciel de monsieur Y à partir de la version 3.0;

Considérant que l’expert a également relevé la présence, dans le fichier

« dirs-list » version 3.0, d’un sous répertoire dénommé « charac », mais a observé que les 14 fichiers qu’il contenait étaient vides ; qu’ils ne peuvent dès lors constituer

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une copie de la programmation écrite par monsieur Y et madame

Z;

Considérant que l’expert a clairement déterminé que le module

C a été commercialisé "soit de juin 1994 à mai 1995, si on se réfère

à la liste des versions successives de K L', "soit de

juillet 1993 à novembre 1994 si on se réfère à l’historique du fichier Make File",

lequel, précise le technicien, fournit la recette pour bâtir une version spécifique de I 3D ; qu’il convient d’observer que ces périodes d’exploitation du logiciel de monsieur Y et madame Z correspondent à celles de

l’exécution du contrat de licence qui a pris fin le 08 mars 1995;

Considérant que monsieur Y et madame Z, constatant que l’expert a trouvé dans le logiciel version 3.0 de 1998 des éléments leur appartenant (bibliothèque « Soft 2 relief » et sous-répertoire « charac »), affirment « on imagine l’étendue des emprunts faits à celui-ci dans les versions 1995 et 1996 » et

considèrent que les répertoires découverts par l’expert constituent une empreinte de leur logiciel en soutenant que, alertée par les saisies de 1995 et 1996,

I a eu tout le temps de faire disparaître toutes les traces de contrefaçon;

Mais considérant que l’expert explique dans son rapport que I lui a proposé de mettre à sa disposition l’intégralité des archives du logiciel

M L et indique qu’il n’a pas effectué cette investigation supplémentaire dans la mesure où monsieur Y n’a pas souhaité cette

vérification;

Considérant que le rapport d’expertise ne fait pas référence à la présence

d’un fichier « HEADER » que monsieur Y et madame Z présentent comme la possibilité d’utiliser les fonctions compilées lorsqu’on ne dispose plus des sources ; que c’est dès lors de manière unilatérale qu’ils affirment que

"l’utilisation de l’ensemble libraire plus HEADER retrouvé dans le logiciel de 1998

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constitue donc la base d’une contrefaçon au même titre que la réutilisation des

sources" et que la présence de ce répertoire est révélatrice d’une contrefaçon

« probablement entre mars 1995 et fin 1997 » ;

Considéra que l’expert s’est également livré à une comparaison extrinsèque des logiciels discutés en mettant en œuvre, en parallèle, les huit fonctionnalités revendiquées par monsieur Y et madame Z ; qu’il

a relevé qu’à l’exception de la fonction « feuille d’exposition » (dite dope sheet), les processus mis en œuvre au niveau de l’interface utilisateur sont relativement

similaires ;

Considérant toutefois que des fonctionnalités, en tant que telles, et dans la mesure où elles correspondent à une idée, ne peuvent bénéficier de la protection des oeuvres de l’esprit ;

Considérant en effet qu’une fonctionnalité est la mise en œuvre de la capacité d’un logiciel à effectuer une tache précise ou d’obtenir un résultat déterminé, telle par exemple en l’espèce, la possibilité d’observer un objet en trois dimensions sous des angles variables ; qu’un objectif identique peut être atteint, dans des logiciels concurrents, par des algorithmes informatiques et des commandes différentes ;

Considérant qu’au regard de la protection du droit d’auteur, la question de déterminer si de telles fonctionnalités, non protégeables, étaient « dans l’air du temps » est sans portée ; que celles mises au point par monsieur Y et madame Z, si elles avaient le caractère innovant nécessaire, pouvaient recevoir une protection par le moyen du brevet ; que tel a d’ailleurs été le cas pour la fonctionnalité « Plan Pivot »;

Considérant que monsieur Y et madame Z ne pourraient se prévaloir du bénéfice de la protection des droits d’auteur relativement aux

fonctionnalités qu’en apportant la démonstration que les interfaces apparaissant

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à l’utilisateur, à l’écran, pour chacune des fonctions revendiquées, sont identiques dans les deux logiciels et que la ressemblance relève d’un démarquage en la forme c’est à dire d’une copie modifiant les détails de manière à masquer

l’emprunt ;

Considérant que, si l’expert tire de la comparaison à laquelle il s’est livré la conclusion que le résultat recherché est identique, ce qui tient à l’objectif même

d’une fonctionnalité, laquelle n’est pas protégeable, il ajoute que le déroulement des opérations de mise en oeuvre ne diffère que par la structure des logiciels considérés et par le cadre des produits et il n’évoque pas de similitude de forme;

Considérant que les dossiers de plaidoirie des parties ne comportent pas les annexes du rapport d’expertise, et notamment celles visées dans le rapport sous les n° 43, 47 et 52 ; que la cour ne se trouve dès lors pas en situation

d’apprécier, pour les interfaces des huit fonctionnalités litigieuses, la réalité et

l’importance des ressemblances, qui seules pourraient constituer une contrefaçon du logiciel en raison de l’apparence des produits ;

Considérant que l’expert amiable Monsieur B, sollicité unilatéralement par monsieur Y et madame Z, a examiné

l’éventuelle existence de similitudes de forme pour les huit fonctionnalités litigieuses et n’invoque une similitude totale que pour la fonction « table tournante »

; que, pour les autres, il fait état de « systèmes d’éléments ou de modes de commandes proches, différents ou un peu différents », ce qui est insuffisant à établir le démarquage;

Qu’il suit de là que monsieur Y et madame Z n’apportent pas la preuve de la contrefaçon qu’ils allèguent de leur logiciel C; que le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions et monsieur Y

et madame Z déboutés de leurs demandes d’indemnisation de ce chef,

comme de celle de retrait, sous astreinte, des éléments revendiqués ;

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SUR LA CONCURRENCE DÉLOYALE :

Considérant que pour développer les griefs de concurrence déloyale, distincts de ceux de contrefaçon de droit d’auteurs, monsieur Y et madame

Z se prévalent des dispositions d’une « entente de confidentialité » signée le 10 avril 1992 et du contrat intervenu le 1er juin 1992 ;

Considérant qu’il est établi, par un extrait de son immatriculation au registre du commerce, que la société SYNX, qui utilisait le nom commercial

RELIEF, a été constituée en juillet 1986 sous la forme à responsabilité limitée et avait pour gérant monsieur E Y ;

Considérant qu’une telle société dispose de la personnalité morale et constitue une entité dont le patrimoine est distinct de celui de ses associés et

dirigeants ;

Considérant que c’est la société SYNX qui a conclu les deux conventions de confidentialité et de concession exclusive d’exploitation ; qu’il s’ensuit qu’elle seule pourrait faire à la société I CO des griefs de manquements aux obligations contractuelles souscrites ;

Considérant en effet qu’aux termes des dispositions de l’article 1165 du code civil, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; que les qualités d’associé, de dirigeant et de technicien que réunissait monsieur Y

au sein de la société SYNX ne sauraient transférer à ce dernier le bénéfice

personnel des conventions souscrites par la personne morale ;

Considérant que, contrairement à ce qu’affirment monsieur Y et madame Z, il ne peut être soutenu que la société SYNX stipulait pour autrui ce qui ne ressort aucunement de la rédaction des deux conventions qu’elle

a signées ;

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Considérant que la société SYNX a fait l’objet d’une procédure collective de liquidation judiciaire qui a été clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 14 octobre 1997; qu’il n’est allégué ni démontré aucune cession au profit de monsieur Y et madame

Z d’éléments d’actifs, même constitués seulement des droits résultant

du contrat I non renouvelé à l’échéance du 08 mars 1995 ; qu’ils ne sont dès lors aucunement les ayants-droits de la société SYNX ;

Considérant qu’ils ne peuvent se prévaloir des dispositions d’un contrat dont ils ne sont pas les signataires, ni plaider pour le compte de la société liquidée SYNX qui n’est plus dans la cause ; qu’ils sont mal fondés à invoquer les dispositions de l’article 1134 du code civil;

Que monsieur Y et madame Z ne peuvent dès lors opposer à I CO la violation de l’engagement de confidentialité contractuelle ou se prévaloir des engagements souscrits par I J au profit de la société SYNX;

Considérant qu’ils ne peuvent davantage prétendre avoir été empêchés, en raison d’agissements fautifs de la société I, d’exploiter leur logiciel pendant la période d’exécution du contrat puisque, par acte du 21 février 1992 ils avaient concédé à la société SYNX la licence d’exploitation des droits liées au logiciel C et que cette dernière, qui disposait du pouvoir de le faire, avait précisément librement accepté d’en confier contractuellement l’exploitation et la commercialisation exclusive à la société I J;

Considérant que c’est par une lecture inexacte du paragraphe 4.5 du contrat du 1er juin 1992 que monsieur Y et madame Z soutiennent que la société SYNX se serait interdite de commercialiser le logiciel

C pendant l’année suivant la date d’expiration du contrat ; que la clause visée limite une telle interdiction à une entente, directe ou indirecte, avec

un employé de I;

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Considérant qu’ils n’apportent aucunement la démonstration qu’ils auraient, postérieurement au 08 mars 1995, été dans l’impossibilité d’exploiter librement, en qualité d’éditeur, le logiciel C qu’ils avaient conçu, en concurrence avec celui que commercialisait la société I J;

Considérant qu’ils affirment que C aurait été amputé d’une partie de sa valeur en expliquant que les fonctions essentielles en étaient

exploitées dans le même temps par I ;

Mais considérant qu’il ne peuvent attribuer à cette situation, redevenue de simple concurrence à partir du 08 mars 1995, une qualification de déloyauté en se bornant à reprendre le grief d’utilisation, en violation de leurs droits d’auteur, des fonctionnalités litigieuses et qui ne sont pas distincts de ceux articulés à

l’appui de l’action en contrefaçon;

Qu’il s’ensuit que monsieur Y et madame Z doivent être déclarés mal fondés en leur demande en indemnisation d’un préjudice de

concurrence déloyale et en être déboutés ;

SUR LE PARASITISME :

Considérant que monsieur Y et madame Z font à la seule

société I CO le grief de s’être immiscée dans leur sillage et celui de la société SYNX afin de tirer profit, sans rien dépenser, de leurs efforts et de leur

savoir-faire ;

Considérant qu’il est constant que la société I J a marqué

un intérêt certain pour le logiciel qu’avaient conçu et réalisé monsieur Y et madame Z, au point de négocier avec la société SYNX, que les auteurs avaient constituée à cet effet, une convention dont l’objet, qui était explicitement

de "mettre en oeuvre l’intégration du logiciel C dans la structure

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informatique de I", a bien été réalisé pendant la période d’exécution

du contrat entre le 1er juin 1992 et le 08 mars 1995;

Considérant en effet que l’expert a confirmé que les huit fonctionnalités,

à l’exception de la « feuille d’exposition », n’existaient pas dans la version 2.51 de

K L ; qu’il résulte d’un courrier émis par I

J le 11 mai 1994 que la version 2.65 du logiciel, incluant le module

C et ses fonctionnalités, était prête à cette date;

Considérant que les sociétés MICROSOFT FRANCE et I CO

ne peuvent minorer l’intérêt que constituait pour I cet apport en soutenant que les fonctionnalités en cause étaient « dans l’air du temps » en 1992; que l’expert a en effet relevé que s’il existait huit logiciels présentant, à cet époque, des fonctionnalités analogues à celles de C, aucun ne les possédait simultanément, ajoutant que les procédés mettant en œuvre les fonctionnalités au niveau des interfaces utilisateurs ne sont pas identiques à ceux

développés par monsieur Y ;

Considérant que l’expert a également analysé le recueil des publications professionnelles et indique l’importance des travaux de monsieur Y concernant le « calcul des intervalles » et des « positions correspondantes des objets », qui ont particulièrement intéressé la société I J; qu’il ajoute que "si on peut dire que certaines fonctions revendiquées par monsieur Y, comme la dilatation volumique étaient banalisées, il faut aussi admettre que

d’autres comme l’intercalage ne l’étaient pas si on se place au niveau des

algorithmes développés";

Considérant que si, comme le soutiennent la société I CO et

la société MICROSOFT FRANCE, les huit fonctionnalités programmées par monsieur Y et madame Z étaient connues avant 1992,

l’adaptation qu’en avait faite les auteurs présentait pour I J un intérêt évident car, dans le cas contraire, celle-ci ne se serait pas rapprochée

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d’eux pour conclure avec la société SYNX une convention exclusive ; qu’il convient à cet égard de relever que l’expert a noté que le contrat comporte, non pas une description technique, mais fonctionnelle, du produit qui n’était pas terminé; qu’il était notamment, explique-t-il, prévu d’appliquer aux structures

(personnages, objets…) la méthode des positions clés de C dans sa vue perspective de scène, alors que K L ne les présentait que par trois vues, de front, de côté et de dessus;

Considérant que l’expert a d’ailleurs relevé que les deux innovations majeures de la version 2.62 S de K L étaient la "feuille

d’exposition" (Dope SHEET) de I et le module C de la

société SYNX;

Considérant qu’il a retranscrit, dans son rapport, l’appréciation du service recherche et développement de I sur l’apport de C, qui attribue des idées innovantes à la société SYNX et indique, notamment :

"C est une nouvelle façon de travailler, une transposition du travail

d’animation en deux dimensions, afin d’attirer les animateurs traditionnels dans la

troisième dimension";

Considérant qu’il est dès lors établi que le travail de conception et de

réalisation du logiciel C avait été important, ne reposait pas seulement sur des données techniques banales, et présentait un intérêt certain permettant un raccourcissement des délais de recherche pour le développement du logiciel K L dans le domaine des images animées de synthèse, en évolution technique très rapide au début des années 1990;

Considérant à cet égard qu’est particulièrement explicite le document sur la description fonctionnelle de C adressé par la société I

J le 17 décembre 1992 à monsieur Y et madame Z ; que ce

texte expose que ces derniers s’attacheront "dans la mesure du possible à enrichir

les outils de I pour qu’ils permettent d’offrir aux usagers les

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fonctionnalités permises par ceux de RELIEF" ; qu’il ajoute que trois points à intégrer constituent « le cœur de la technologie de C » : interpolation dynamique entre positions clés – animation de structures par position clé – aides

à l’animation, contraintes, asservissements, symétries" ; qu’il expose plus loin : « Le procédé d’interpolation de Relief, que nous appellerons le »moteur" permet

d’évaluer les animations à partir des données nécessaires. Ce moteur doit être

intégré au sein de la procédure générale d’animation de I (« pipeline »).

L’essentiel du travail fait jusqu’à ce jour s’est porté sur ce moteur";

Considérant que le contenu même du contrat signé le 1er juin 1992, les observations de l’expert et les similitudes relevées de l’affichage à l’écran des fonctionnalités intégrées dans le logiciel I 3 D, établissent que ce résultat a été, pour partie, obtenu en exploitant le travail de recherche antérieurement réalisé par monsieur Y et madame Z ;

Considérant que les circonstances dans lesquelles se sont déployées les relations des parties ont nécessairement permis à la société I J de réaliser une économie de développement en bénéficiant du travail d’analyse, des algorithmes et des codes sources du programme C, même s’il n’est pas contestable qu’elle a procédé à une réécriture complète de son propre logiciel ; que, comme le font observer monsieur Y et madame Z

à bon droit, une telle réécriture n’entraîne évidemment pas les mêmes investissements qu’une création ex nihilo;

Considérant que l’utilisation par un tiers à des fins commerciales du travail de recherche et d’efforts intellectuels importants comme du savoir-faire d’autrui

s’analyse, indépendamment de tout risque de confusion, comme un agissement parasitaire fautif;

Considérant en l’espèce que c’est volontairement, dans le cadre d’un contrat financièrement équilibré et accepté par les deux parties, que l’apport de la création de monsieur Y et madame Z s’est effectué au bénéfice

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de la société I J; que la mise au point retardée du logiciel intégré

a conduit cette dernière à ne payer que les redevances minima pour les deux premières années du contrat, la commercialisation du logiciel incluant

C ne commençant qu’au printemps 1994;

Considérant que dès le 02 février 1994, le nouveau président de

I à la suite du rachat de la société par MICROSOFT CORPORATION

a proposé un nouveau protocole tendant à définir les droits de propriété des parties sur les apports respectifs et ayant pour résultat de diminuer sensiblement

la rémunération de la société SYNX sur chaque logiciel vendu ; que monsieur

Y et madame Z n’ayant pas accepté de signer ce contrat modifié, la société I CO a dénoncé celui conclu en 1992 pour sa prochaine

échéance du 08 mars 1995;

Considérant que ce comportement par lequel la société I CO

s’est approprié, par la non reconduction du contrat en raison du refus de monsieur

Y et de madame Z d’accepter la diminution des rémunérations convenues, est caractéristique d’un parasitisme fautif, d’autant que, comme l’a relevé l’expert, I a pris la précaution de maintenir dans son logiciel la bibliothèque « soft2 relief » lui permettant d’assurer le dépannage des logiciels

commercialisés avant la résiliation ;

Qu’il suit de là que monsieur Y et madame Z sont bien

fondés à réclamer l’indemnisation du préjudice qu’ils ont subi et résultant de

l’appropriation illégitime par la société I CO de leur savoir-faire et du

travail de développement qu’ils ont réalisé pour la mise au point du logiciel

C;

Considérant en revanche qu’il n’est ni allégué ni démontré que la SARL

I FRANCE, qui se bornait à assurer la commercialisation locale du logiciel, ait pris une part quelconque dans l’intégration du logiciel C

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à celui de K L ; qu’elle n’est pas signataire des conventions de confidentialité et de licence ;

Qu’il s’ensuit que les agissements de parasitisme de la société

I CO ne peuvent être imputés aussi à la société MICROSOFT

FRANCE qui vient aux droits de la SARL I FRANCE ;

Considérant qu’il ne peut, en conséquence de ce qui précède, être fait droit à la demande des sociétés MICROSOFT FRANCE et I CO de

« confirmer la mise hors de cause de la société I J » ; qu’il convient à cet égard d’observer que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande dirigée contre cette dernière ;

SUR LE PRÉJUDICE :

Considérant que le préjudice subi par monsieur Y et madame

Z correspond au travail d’analyse et de conception informatique que

s’est approprié la société I CO sans en payer le prix;

Considérant que pour quantifier la valeur de ce travail, il convient de se reporter à la proposition de convention, faite le 02 février 1994 à monsieur

Y et madame Z qui ne l’ont pas acceptée ;

Considérant que, dans ce projet de contrat substitutif du précédent, la société I CO déclare : "Les sommes versées par I à

Relief jusqu’à date, à concurrence de $225.000 sont déclarées acquises définitivement par SYN’X. cette somme représente la rémunération de Relief pour le support de développement des fonctions décrites en annexe" ; que ceci confirme explicitement la reconnaissance de la valeur du travail réalisé par

monsieur Y et madame Z ;

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Considérant que ce projet de contrat proposait d’allouer en rémunération de l’intégration du « code spécifique de Relief » dans le module appelé C de I 3 D, une somme égale à 40% du prix de 2.000 $ de vente de ce module, soit une redevance unitaire de 800 $, avec un minimum de

150.000 dollars pour une année ;

Considérant qu’en contrepartie de cette redevance il n’était prévu de mettre à la charge de « Relief » que la correction des anomalies éventuellement

constatées et l’adaptation du logiciel à d’éventuelles nouvelles plate-forme ou nouveaux systèmes d’exploitation ; qu’il s’en déduit que la plus grande partie des

sommes que la société I CO envisageait de verser correspondait à la rémunération du travail déjà apporté par les auteurs de C et intégré dans les versions successives du logiciel K L ;

Considérant que monsieur Y et madame Z soutiennent

que, postérieurement au 08 mars 1995, et jusqu’en 1998 la société I

CO aurait vendu 19.500 licences en se référant à un texte de communication des

déclaration de monsieur D, président de I J;

Considérant toutefois que ce dirigeant n’indique pas que 21.000 licences ont été vendues mais seulement et de manière beaucoup plus imprécise : "Nous avons accru notre parc informatique de moins de 1.500 usagers à plus de 21.000

et notre clientèle de moins de 700 à plus de 6.000";

Considérant que, par un dire adressé à l’expert en 1999, monsieur

Y a soutenu que la société I CO avait vendu 12.000 licences

de K L ;

Considérant que la société I CO discute la vraisemblance de ces chiffres sans pourtant indiquer le nombre de licences qu’elle a effectivement vendues, sous la version 3.0 du logiciel I 3 D, postérieurement à

l’interruption des relations de collaboration ; qu’elle ne peut utilement invoquer le

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caractère optionnel du module « C » de son logiciel qui ne l’était que dans la version 2.66, alors que dans celle suivante 3.0, il y était complètement intégré ;

Considérant qu’en l’absence de détermination précise du nombre de licences du logiciel I 3 D, version 3.0, vendues à partir de mars 1995 et jusqu’en 1998, soit pendant trois ans et neuf mois, il convient de retenir, pour principe de chiffrage de l’indemnisation, le minimum annuel que la société

I CO avait elle-même fixé de 150.000 $, soit pour les 45 mois considérés 150.000 / 12 x 45 = 562.500 $ ;

Considérant que les sociétés MICROSOFT FRANCE et I CO soutiennent qu’en matière délictuelle, le juge français n’est compétent que pour réparer le préjudice subi en France ;

Mais considérant que le préjudice subi par monsieur Y et madame

Z résulte du parasitisme qui s’est précisément produit en France puisque les efforts d’analyse, de conception et de réalisation de C y ont été déployés sur un produit créé dans ce pays et, de surcroît, déposé à l’agence de protection des programmes ;

Qu’il suit de là que le juge français est compétent pour indemniser la totalité du préjudice subi par monsieur Y et madame Z, y compris celui résultant de la vente à l’étranger des fruits de ce parasitisme ;

Qu’il convient en conséquence de condamner la société I CO

à payer à monsieur Y et madame Z, à titre de dommages et intérêts, la contre-valeur en euros, au jour de l’arrêt de la somme ci-avant déterminée, en chiffrage de l’indemnisation, de 562.000 $ ;

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SUR LA DEMANDE DE LA SOCIÉTÉ MICROSOFT FRANCE EN PAIEMENT DE

DOMMAGES ET INTÉRÊTS :

Considérant que la société MICROSOFT FRANCE fait à monsieur

Y et madame Z le grief d’avoir orchestré une campagne de

presse qui lui est nuisible;

Mais considérant que les journalistes sont libres de leur propos dont il

n’est pas établi en l’espèce qu’ils auraient été dictés par monsieur Y et madame Z ;

Considérant que la relation que les médias ont faite de la décision des

premiers juges comme des difficultés d’exécution du jugement n’engage aucunement la responsabilité de monsieur Y et madame Z dont le comportement fautif n’est pas démontré ;

Que la société MICROSOFT FRANCE ne pourra, en conséquence, qu’être

déboutée de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;

SUR LA DEMANDE DE PUBLICATION DE LA DÉCISION :

Considérant que les parties réclament l’une et l’autre la publication de la présente décision dans des revues spécialisées ou non, à la charge financière de la partie adverse ;

Mais considérant que cette demande ne saurait prospérer au bénéfice de la société I CO qui succombe et de la société MICROSOFT FRANCE qui est déboutée de ses prétentions ;

Considérant que monsieur Y et madame Z qui échouent en leurs prétentions de contrefaçon et de concurrence déloyale ne justifient pas de l’intérêt que présenterait pour eux la publication de la décision ; qu’il sont

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- $

pécuniairement indemnisés du préjudice qu’ils ont subi à raison du parasitisme dont ils ont été victimes :

Qu’il ne convient pas de faire droit à leur demande de ce chef;

SUR LES AUTRES DEMANDES :

Considérant qu’il serait inéquitable de laisser à monsieur Y et madame Z la charge des frais qu’ils ont été contraints d’engager en cause d’appel; que la société I CO sera condamnée à leur payer une indemnité de 5.000 euros en application de l’article 700 du nouveau code de

procédure civile;

Considérant que la société I CO qui succombe doit être condamnée aux dépens des deux instances, en ce compris les frais d’expertise;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DÉCLARE la société MICROSOFT FRANCE recevable en son appel,

DÉCLARE madame G Z recevable en ses demandes,

PRONONCE la nullité de la saisie-contrefaçon pratiquée le 06 novembre 1995 ainsi que de celle du 22 février 1996 mais seulement à l’égard de monsieur Y

et de madame Z,

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

et statuant de nouveau,

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CONDAMNE la société I CO à payer à monsieur E

Y et madame G Z la contre-valeur en euros, au jour de l’arrêt de la somme 562.500 dollars américains à titre d’indemnisation du préjudice résultant des actes de parasitisme,

DÉCLARE la société MICROSOFT FRANCE mal fondée en sa demande en

paiement de dommages et intérêts, l’en déboute,

DIT n’y avoir lieu à publication du présent arrêt,

CONDAMNE la société I CO à payer à monsieur E

Y et madame G Z la somme 5.000 euros en application de

l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

CONDAMNE la société I CO aux dépens des deux instances en

ce compris les frais d’expertise,

DIT que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par la SCP

F et N O, société titulaire d’un office d’avoué, conformément aux

dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRÊT RÉDIGÉ PAR MONSIEUR COUPIN, CONSEILLER,

PRONONCÉ PAR MADAME S, PRÉSIDENT

ET ONT SIGNÉ LE PRÉSENT ARRÊT

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Veuimel
M. P Q R S

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Cour d'appel de Versailles, 9 octobre 2003, n° 01/07525