Cour d'appel de Versailles, 11ème chambre, 7 février 2013, n° 10/04253

  • Licenciement·
  • Sociétés·
  • Ressources humaines·
  • Meubles·
  • Travail·
  • Communication·
  • État de santé,·
  • Salariée·
  • Maladie infectieuse·
  • Directeur général

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 7 févr. 2013, n° 10/04253
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 10/04253
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Versailles, 20 juillet 2010, N° 09/00630
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 FEVRIER 2013

R.G. N° 10/04253

RC/AZ

AFFAIRE :

Z Y

C/

SNC MEUBLE IKEA FRANCE SNC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juillet 2010 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 09/00630

Copies exécutoires délivrées à :

Me Pascal GASTEBOIS

Me Leila HAMZAOUI

Copies certifiées conformes délivrées à :

Z Y

SNC MEUBLE IKEA FRANCE SNC

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT FEVRIER DEUX MILLE TREIZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame Z Y

XXX

XXX

Comparante en personne, assistée de Me Pascal GASTEBOIS de la ASS HERTSLET WOLFER & HEINTZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R188

APPELANTE

****************

SNC MEUBLE IKEA FRANCE SNC

Centre commercial

XXX

XXX

Représentée par Me Leila HAMZAOUI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0584

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Régine CAPRA, Conseiller chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Noëlle ROBERT, Président,

Madame Régine CAPRA, Conseiller,

Madame Michèle CHOPIN, Vice Présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

EXPOSE DU LITIGE

Mme Y a été engagée à compter du 3 février 1997, suivant contrat à durée indéterminée, par la société Meubles Ikea France SNC, dite ci-après société Ikea France, en qualité de responsable de département stagiaire communication-aménagement, cadre coefficient 330. Après avoir occupé des fonctions de responsable développement zone support, elle a été nommée à compter du 1er septembre 2007, directeur adjoint communication et aménagement, groupe 9, niveau 1, moyennant une rémunération annuelle brute de 56 797 euros.

Ayant été absente pour maladie durant plusieurs mois, elle a été convoquée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 9 février 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui a eu lieu le 26 février 2009, puis licenciée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 3 mars 2009 et son contrat de travail a pris fin le 5 juin 2009, à l’expiration du préavis de trois mois qu’elle a été dispensée d’effectuer et qui lui a été rémunéré.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du négoce de l’ameublement.

Contestant son licenciement, Mme Y a saisi, le 8 juin 2009, le conseil de prud’hommes de Versailles.

Par jugement du 21 juillet 2010, le conseil de prud’hommes a :

— dit le licenciement de Mme Y sans cause réelle et sérieuse,

— condamné la société Ikea France à payer à Mme Y la somme de 56 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— ordonné le remboursement par la société Ikea France au Pôle emploi Ile-de-France Ouest des indemnités de chômage versées à Mme Y à concurrence de trois mois,

— ordonné l’exécution provisoire de sa décision en application de l’article 515 du code de procédure civile,

— débouté Mme Y du surplus de ses demandes,

— condamné la société Ikea France aux dépens ainsi qu’au paiement à Mme Y de la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Mme Y a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et lui a alloué la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance, de l’infirmer pour le surplus et de condamner la société Ikea France à lui payer les sommes suivantes :

*227 200 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*56 800 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,

*4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

La société Ikea France demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ses dispositions qui lui sont défavorables, de le confirmer pour le surplus, de débouter Mme Y de l’ensemble de ses demandes et de condamner cette dernière à lui rembourser les sommes qu’elle lui a versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bien fondé du licenciement:

Considérant que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit:

'A la suite de notre entretien du 26 février 2009 au cours duquel nous avons été amenées à évoquer la situation délicate du service Communication et Aménagement France du fait de votre absence continue depuis plus d’un an, nous vous informons que nous sommes dans l’obligation de vous licencier pour le motif suivant :

Cause réelle et sérieuse justifiée par la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif à la suite de votre absence maladie prolongée depuis plus d’un an.

En effet, depuis le 31 janvier 2008, soit maintenant plus d’un an, vous êtes en arrêt maladie sans discontinuité. Cette situation, malheureusement difficile pour vous, l’est également pour l’entreprise, et en particulier pour le service Communication et Aménagement.

Les éléments sur votre retour éventuel que vous nous avez communiqués au cours de l’entretien puis dans votre correspondance électronique du samedi 28 février 2009 ne laissent pas entrevoir votre retour à court terme alors même que l’absence d’un adjoint au directeur Communication & Aménagement est très problématique pour l’entreprise.

La direction Communication & Aménagement est un département clé pour le positionnement de leader sur le marché d’IKEA en France. La Communication et l’Aménagement sont des avantages concurrentiels majeurs pour IKEA en France, les activités liées à ces thèmes doivent être orchestrées au siège social et mises en 'uvre dans nos 26 magasins avec le soutien permanent du siège social.

Le poste que vous occupez, Deputy Communication & Aménagement Manager, – Directeur adjoint Communication & Aménagement, est un poste unique et à responsabilités dans notre organisation. Vous avez une équipe à manager, or celle-ci doit depuis plus d’un an maintenant se gérer en autonomie. Les tâches qui vous incombent ont dû être dispatchées entre vos collègues et vos collaborateurs, et une réorganisation des activités a dû avoir lieu.

Or, vous comprenez bien que dans un service où la créativité et le contact sont primordiaux, l’absence d’un manager pour faire vivre cet esprit, mais aussi pour définir et appliquer la stratégie ainsi que les orientations de l’entreprise, se fait cruellement ressentir.

Une telle situation de travail est inconfortable et précaire pour l’ensemble du service, et elle ne peut plus perdurer. Vos arrêts maladie qui ont été, depuis un an, prolongés pour des durées variables (de quelques jours à un mois), nous empêchent de trouver une solution de remplacement satisfaisante compte tenu de l’importance et de la spécificité du poste que vous occupez.

Depuis votre entrée dans l’entreprise, en février 1997, vous avez eu des absences maladies de plusieurs mois sur de nombreuses années. Au moment de votre nomination éventuelle à l’automne 2007, vous avez donné des garanties à votre directeur sur votre état de santé, permettant d’envisager votre prise de fonction. Dans les quelques mois qui ont suivi cette nomination, nous avons reçu un arrêt maladie et ses prolongations successives courent encore aujourd’hui.

Tous ces éléments ne permettent pas d’envisager sereinement la bonne continuation du service dans de telles conditions. Or, il est nécessaire pour l’entreprise de revenir à une situation de travail normale et pérenne concernant le département Communication et Aménagement France.

Nous nous trouvons donc dans l’obligation de rompre la relation contractuelle qui nous lie, afin de pourvoir à votre remplacement définitif.';

Considérant que si l’article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, il ne s’oppose pas à son licenciement motivé, non par l’état de santé du salarié, mais par la situation objective de l’entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l’absence prolongée ou les absences répétées de l’intéressé, à la condition que ces perturbations entraînent la nécessité pour l’employeur de procéder à son remplacement définitif;

Considérant que la société Ikea France invoquant dans la lettre de licenciement à la fois des perturbations dans le fonctionnement de l’entreprise du fait de l’absence prolongée de la salariée consécutive à son état de santé et la nécessité de pourvoir au remplacement définitif de l’intéressée, cette lettre est suffisamment motivée au regard des exigences de l’article L. 1232-6 du code du travail;

Considérant toutefois que l’article 35 de la convention collective du négoce de l’ameublement, dans sa rédaction antérieure à l’avenant du 24 juin 2009, dispose que le salarié absent pour maladie ou accident bénéficiera d’une garantie d’emploi d’un an si son ancienneté est supérieure à cinq ans; qu’au-delà de cette période, si l’employeur est dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif du salarié absent, il pourra licencier, sous réserve du respect de la procédure prévue à l’article L. 122-14, devenu L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail;

Considérant que ce texte ne comporte pas de disposition autorisant l’employeur à additionner les absences successives du salarié sur une période de référence ou fixant le point de départ de la garantie à la date de la première absence pour maladie pour le cas où le salarié, dont le contrat de travail a été suspendu entre-temps pour une autre cause, viendrait à être de nouveau absent pour maladie sans avoir repris effectivement le travail;

Considérant qu’il résulte de la liste de ses absences produites par son employeur, corroborée par les mentions portées sur ses bulletins de paie et par la demande de congés payés du 11 avril 2008 versée aux débats, que Mme Y a été en arrêt de travail pour maladie du 31 janvier 2008 au 24 avril 2008, puis en congés payés du 25 avril au 11 mai 2008, puis absente pour la journée de solidarité du 12 mai 2008, puis en arrêt de travail pour maladie à compter du 13 mai 2008; que la salariée, qui totalisait plus de cinq ans d’ancienneté, ayant été licenciée le 3 mars 2009, alors que son absence pour maladie consécutive à la prise de ses congés n’avait pas dépassé un an, a été licenciée avant l’expiration de la période conventionnelle de protection;

Considérant en outre que le licenciement prononcé en raison de l’absence prolongée du salarié pour maladie n’est justifié que si l’intéressé a été remplacé définitivement dans un délai raisonnable après son licenciement et qu’il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve;

Considérant que seul peut constituer un remplacement définitif un remplacement entraînant l’embauche d’un autre salarié, même s’il n’est pas exigé que le salarié recruté pour cause de remplacement définitif occupe le poste du salarié licencié; que si la société Ikea France justifie par la production de l’avenant au contrat de travail de M. X du 23 mai 2007 que ce salarié a remplacé, par l’effet d’une mutation interne, Mme Y au poste de directeur adjoint communication et aménagement à compter du 1er mai 2009, elle ne fournit aucun élément sur les fonctions antérieurement occupées par ce salarié au sein de l’entreprise, l’identité de son remplaçant et les éventuels remplacements en cascade qui seraient intervenus, se bornant à produire un extrait du registre des entrées du personnel mentionnant les embauches effectuées du 1er février 2008 au 1er janvier 2010, à l’exclusion des sorties intervenues durant cette période, et faisant seulement apparaître, outre l’embauche de trois comptables et d’un aide comptable, celles d’un directeur général adjoint en août 2009, d’un responsable de développement social et d’un agent de maîtrise support magasin Oise en octobre 2009, d’un responsable de projet en novembre 2009, puis, le 1er janvier 2010, d’un adjoint au directeur administratif et financier, d’un directeur de la communication, d’un directeur du magasin Avignon, d’un directeur commercial, d’un directeur de magasin Reims et d’un coordinateur national P3; que l’employeur n’établissant pas dès lors que la mutation interne de M. X a entraîné l’embauche par contrat à durée indéterminée d’un nouveau salarié dans un temps proche du licenciement, ne démontre pas que Mme Y a été définitivement remplacée;

Considérant que le contrat de travail de Mme Y ayant été rompu en méconnaissance des dispositions conventionnelles concernant la garantie d’emploi et le motif invoqué à l’appui de la rupture n’étant pas établi, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse; qu’il convient en conséquence de confirmer de ce chef le jugement déféré;

Sur la demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

Considérant qu’au moment du licenciement, Mme Y avait au moins deux années d’ancienneté et que la société Ikea France employait habituellement au moins onze salariés; qu’en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’intéressée peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu’elle a perçus pendant les six mois précédant son licenciement;

Considérant qu’eu égard à l’âge de la salariée au moment de son licenciement, 48 ans, à son ancienneté de 12 ans dans l’entreprise, au montant de la rémunération qui lui était versée, à la pension d’invalidité catégorie 2 perçue depuis le 1er décembre 2010 et aux justificatifs produits, c’est par une juste appréciation des éléments de la cause que le conseil de prud’hommes a fixé le préjudice matériel et moral qu’elle a subi à la somme de 56 800 euros; qu’il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société Ikea France à payer à Mme Y la somme de 56 800 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter la société Ikea France de sa demande en restitution de celle-ci;

Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice distinct:

Considérant qu’il est établi que la direction de la société Ikea France a cherché à établir que les arrêts de travail de Mme Y n’étaient pas médicalement justifiés; que la salariée, absente de son domicile le 27 octobre à 14 heures 35 et le 30 octobre 2008 à 15 heures 50, lors de la venue du médecin mandaté par la société Ikea France pour effectuer une contre-visite médicale, ayant adressé, le 8 novembre 2008, un certificat de son médecin traitant mentionnant que son état de santé a nécessité une visite médicale le 27 octobre à 14 heures et que les soins se sont terminés à 15 heures 15, puis un certificat de présence établi par le bureau d’accueil du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon, mentionnant qu’elle s’est bien présentée dans ce service le 30 octobre 2008, le directeur général adjoint de la société Ikea France a demandé au responsable de la sécurité de l’entreprise d’effectuer une enquête visant à retrouver les dates des voyages de l’intéressée au Maroc, à prouver son achat d’une maison à Essaouira et à démontrer que les certificats médicaux transmis sont mensongers, ce que ne conteste pas la société Ikea France, qui produit les procès-verbaux de constats relatifs aux enregistrements de l’émission de télévision 'envoyé spécial’ du 6 septembre 2012 et de l’émission 'pièce à conviction’ du 19 septembre 2012 établis par huissier montrant les courriels échangés à ce sujet entre le directeur général adjoint, le responsable de la sécurité et la directrice des ressources humaines, ainsi que les lettres de licenciement adressées les 14 et 15 et mai 2012 à la directrice des ressources humaines et au directeur général adjoint en poste à l’époque des faits, leur faisant grief de la surveillance exercée sur Mme Y pour constituer un dossier à son encontre; que le 23 décembre 2008, la directrice des ressources humaines de la société Ikea France a téléphoné au bureau d’accueil du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon pour vérifier l’attestation adressée par la salariée; que non satisfaite de la réponse reçue le même jour par fax indiquant que Mme Y est bien suivie dans le service et que l’attestation de présence émane bien de celui-ci, elle a demandé à cette date par lettre recommandée avec demande d’avis de réception une confirmation de ce que Mme Y s’est bien rendue à l’hôpital Tenon, le 30 octobre 2008, comme mentionné sur le certificat;

Considérant cependant que le médecin mandaté par la société Ikea France pour effectuer la contre-visite a constaté, le 31 décembre 2008, que l’arrêt de travail de la salariée était médicalement justifié et qu’une prolongation de celui-ci était à prévoir;

Considérant que, malgré cela, des doutes sur la réalité de son état de santé ont été exprimés à Mme Y lors de l’entretien préalable du 26 février 2009, comme en témoigne la lettre jointe au courriel adressé par la salariée à la directrice des ressources humaines le 28 février 2009, dans laquelle elle propose à cette dernière, afin que sa situation soit bien comprise et qu’il ne subsiste aucun malentendu ou doute sur la réalité et la gravité de son état de santé, de présenter son dossier médical et d’accepter, si elle le juge opportun, d’être examinée par le médecin de son choix, soulignant qu’il lui semble très important, avant toute chose, de garantir une vraie relation de confiance;

Considérant en outre qu’après que Mme Y ait contesté son licenciement par l’intermédiaire de son avocat, le 17 avril 2009, en indiquant souhaiter privilégier une solution amiable et en demandant que la société Ikea France annule sa décision de licenciement et la réintègre en son sein, la directrice des ressources humaines, affirmant sa volonté de privilégier le dialogue, s’est dite prête à la recevoir de nouveau pour évoquer sa situation et un rendez-vous lui a été fixé le 12 mai 2009; qu’il est établi cependant par plusieurs attestations circonstanciées concordantes émanant d’amis proches auxquels la salariée s’est confiée aussitôt après cet entretien, que le directeur général adjoint et la directrice des ressources humaines qui l’ont reçue n’ont pas cherché à trouver une solution amiable mais ont tenté de la déstabiliser afin de la dissuader d’engager une procédure judiciaire, en remettant en cause la réalité de sa maladie et son honnêteté, alors même qu’elle avait fait parvenir à la directrice des ressources humaines, par courriel du 3 mars 2009, un certificat du chef du service des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Tenon, mentionnant qu’elle était suivie pour une pathologie grave nécessitant un suivi médical continu, que son état de santé s’améliorait et qu’elle devrait pouvoir envisager une reprise d’activité professionnelle dès le mois de septembre, si ce n’est à plein temps, au moins en mi-temps thérapeutique; que le médecin qui a examiné la salariée durant son hospitalisation, du 15 au 23 mai 2009, à la suite d’une intoxication médicamenteuse volontaire, a relevé l’existence d’une dépression réactionnelle à un stress d’origine professionnelle;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le directeur général adjoint et la directrice des ressources humaines de la société Ikea France en poste à l’époque des faits ont exercé des pressions morales sur Mme Y, en mettant en doute à plusieurs reprises et sans raison la réalité de sa maladie;

Considérant qu’indépendamment de l’existence de faits susceptibles de caractériser une infraction pénale, que l’instruction judiciaire a pour objet d’établir, les pressions morales exercées sur Mme Y caractérisent en elles-mêmes une exécution déloyale du contrat de travail par la société Ikea France, tenue de répondre des agissements des personnes qu’elle emploie qui exercent une autorité sur les salariés de l’entreprise, peu important les motivations personnelles les ayant, le cas échéant, animées; que ces pressions ont causé à l’intéressée un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, que la cour fixe à la somme de 10 000 euros; qu’il convient en conséquence d’infirmer le jugement déféré et de condamner la société Ikea France à payer ladite somme à Mme Y à titre de dommages-intérêts;

Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés:

Considérant que c’est à juste titre qu’en application de l’article L. 1235-4 du code du travail, le conseil de prud’hommes a ordonné le remboursement par la société Ikea France aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées à Mme Y à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de trois mois;

Sur l’indemnité de procédure:

Considérant qu’il apparaît équitable de condamner la société Ikea France à payer à Mme Y la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus de celle qui lui a été allouée en première instance;

Considérant qu’il convient de débouter la société Ikea France de cette même demande ;

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles en date du 21 juillet 2010 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés:

Condamne la société Meubles Ikea France SNC à payer à Mme Y la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour comportement déloyal,

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,

Y ajoutant :

Déboute la société Meubles Ikea France SNC de sa demande en restitution de la somme versée à Mme Y en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement,

Condamne la société Meubles Ikea France SNC à payer à Mme Y la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Meubles Ikea France SNC de sa demande d’indemnité de procédure,

Condamne la société Meubles Ikea France SNC aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Marie-Noëlle Robert, président, et Madame Claudine Aubert, greffier.

Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 11ème chambre, 7 février 2013, n° 10/04253