Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 10 décembre 2014, n° 13/03820

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 15e ch., 10 déc. 2014, n° 13/03820
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 13/03820
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Rambouillet, 7 juillet 2013, N° 13/00023
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Statuant, par arrêt contradictoire,

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 10 DECEMBRE 2014

R.G. N° 13/03820

AFFAIRE :

Y X

C/

XXX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 08 Juillet 2013 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° RG : 13/00023

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL DAVIDEAU ASSOCIES

Me Nathalie MICAULT

Copies certifiées conformes délivrées à :

Y X

XXX, XXX

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Madame Y X

XXX

XXX

représentée par Me Françoise DAVIDEAU de la SELARL DAVIDEAU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0002 substituée par Me Emmanuel HAIMEZ de la SELARL DAVIDEAU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0002

APPELANTE

****************

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1235

XXX

XXX

XXX

représentée par Me Nathalie MICAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1235

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Octobre 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller chargé(e) d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Michèle COLIN, Président,

Madame Marie-Hélène MASSERON, Conseiller,

Madame Bérénice HUMBOURG, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte BEUREL,

EXPOSE DU LITIGE

Les sociétés Néria Productions et Néria Presse appartiennent au groupe Telfrance, elles relèvent du secteur de l’audiovisuel.

La première a pour objet la production de programmes pour la télévision, la seconde, créée le 9 juillet 2010, est une agence de presse.

Mme Y X a été engagée du 2 janvier 2006 jusqu’au 31 mai 2010 par la société Néria Productions en qualité de réalisatrice par contrat à durée déterminée d’usage, pour travailler sur les émissions 'On n’est pas que des parents’ et 'Les maternelles'.

Les relations contractuelles étaient soumises à a convention collective de la production audiovisuelle.

Le 1er septembre 2010, elle a été engagée par la société Néria Presse en qualité de rédactrice-reportrice par contrat à durée déterminée d’usage, pour travailler sur l’émission 'Les maternelles'.

Les relations conractuelles étaient soumises à la convention collective des journalistes.

Suite à un litige avec la société Néria Productions sur le montant de sa rémunération, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Rambouillet le 22 janvier 2013 afin de voir :

* requalifier sa relation de travail avec la société Néria Productions en contrat à durée indéterminée à compter du 2 janvier 2006,

* requalifier sa relation de travail avec la société Néria Presse en contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2010,

* prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail avec la société Néria Presse, aux torts de cette dernière,

* juger que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* juger que la rupture du contrat de travail avec la société Néria Productions s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* constater l’absence de procédure de licenciement,

* constater que Néria Presse a repris l’ancienneté de Mme X au 1er janvier 1998,

En conséquence, obtenir paiement des sommes suivantes :

A l’encontre de la société Néria Productions :

A titre principal :

* la fixation de son salaire mensuel moyen à 6 410,87 euros brut

* une indemnité de requalification de 12 821,74 euros brut

* une indemnité compensatrice de préavis de 12 821,74 euros brut et la somme de 1 282,17 euros au titre des congés payés afférents

* 51 286,96 euros brut à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

* 60 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 143 965,42 euros brut à titre de rappel de salaire et 14 396,54 euros de congés payés afférents,

A titre subsidiaire :

* la fixation de son salaire mensuel moyen à 2 166,66 euros brut

* une indemnité de requalification de 4 333,32 euros brut

* une indemnité compensatrice de préavis de 4 333,32 euros brut, et 433,33 euros de congés payés afférents

* 17 333,28 euros brut à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

* 60 000 euros brut à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l’encontre de la société Néria Presse :

A titre principal :

* la fixation de son salaire mensuel moyen à 4 744,24 euros

* une indemnité de requalification de 9 488,48 euros brut

* une indemnité compensatrice de préavis de 9 488,48 euros brut et 948,85 euros de congés payés afférents

* une indemnité conventionnelle de 75 907,84 euros brut

* une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 60 000 euros brut

A titre subsidiaire :

* une indemnité de requalification de 9 488,48 euros brut

* une indemnité compensatrice de préavis de 9 488,48 euros brut et 948,85 euros de congés payés afférents

* une indemnité conventionnelle de 37 953,92 euros brut

* une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 60 000 euros brut

A l’encontre des deux sociétés :

* la remise sous astreinte de documents de fin de contrat conformes,

* les intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées à compter de la saisine du conseil,

* une indemnité de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 8 juillet 2013 le conseil des prud’hommes de Rambouillet a :

— débouté Mme X de ses demandes contre la société Néria Productions, jugeant que les contrats à durée déterminée d’usage étaient justifiés par le caractère temporaire des programmes et que les relations contractuelles ont pris fin au terme du dernier contrat à durée déterminée d’usage;

— requalifié en contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2010 le contrat de travail conclu avec la société Néria Presse,

— condamné la société Néria Presse à payer à Mme X une indemnité de requalification de 4 724,24 euros,

— fixé le salaire mensuel moyen brut à 4 724,44 euros,

— condamné la société Néria Presse à payer à Mme X la somme de 1 750 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné la société Néria Presse aux entiers dépens.

Mme X et la société Néria Presse ont régulièrement interjeté appel de cette décision, respectivement les 5 et 20 septembre 2013. Ces deux déclarations d’appel ayant fait l’objet d’un enrôlement séparé, il y a lieu de les joindre.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 26 septembre 2013, la société Néria Presse a convoqué Mme X à un entretien fixé au 10 octobre 2013, préalable à une mesure de licenciement.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 octobre 2013, Mme X a été licenciée pour faute grave : l’abandon de son poste à l’issue de ses congés payés le 19 août 2013.

Chacune des deux sociétés comptait au moins onze salariés au moment de la rupture du contrat de travail.

Devant la cour Mme X réitère ses demandes de première instance, les amendant sur deux points seulement:

— juger que la rupture du contrat de travail intervenue le 17 mai 2013 avec la société Néria Presse s’analyse en un licenciement sans procédure et dépourvu de cause réelle et sérieuse

— le montant des indemnités conventionnelles de licenciement :

A l’encontre de la société Néria Productions :

* 25 643,48 euros à titre principal

* 8 666,64 euros à titre subsidiaire

A l’encontre de la société Néria Presse :

* 71 163,60 à titre principal

* 37 953,92 à titre subsidiaire.

Les sociétés Néria Productions et Néria Presse demandent à la cour :

A titre principal, de débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à leur payer à chacune la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

De fixer à 2 167 euros la moyenne des salaires de Mme X servant de base de calcul aux conséquences pécuniaires de la requalification de son contrat de travail avec Néria Productions et, par suite, de limiter les condamnations prononcées aux montants suivants :

* 2 167 euros au titre de l’indemnité de requalification

* 4 334 euros au titre du préavis et 433,40 euros au titre des congés payés afférents * 1 878 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

* 13 002 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

De fixer à 4 744,24 euros la moyenne des salaires de Mme X servant de base de calcul aux conséquences pécuniaires de la requalification de son contrat de travail avec Néria Presse et, par suite, de limiter les condamnations prononcées aux montants suivants :

* 4 744,24 euros au titre de l’indemnité de requalification

* 9 488,48 euros au titre du préavis et 948,84 euros au titre des congés payés afférents * 13 881 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement

* 28 465,44 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification des contrats de travail en contrats à durée indéterminée

Il est constant que les sociétés Néria Productions et Néria Presse, de part la nature de leur activité, sont autorisées par les dispositions légales de droit européen et de droit interne ainsi que par l’accord interbranches du 1er octobre 1998 et par les conventions collectives applicables à recourir au contrat à durée déterminée d’usage.

Cependant, et les parties s’accordent sur ce point, cette autorisation légale n’exclut pas le recours abusif au contrat à durée déterminée d’usage et la juridiction saisie doit rechercher , dans l’espèce qui lui est soumise, si le recours à l’utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Mme X soutient qu’elle a été abusivement engagée par contrats à durée déterminée successifs pour les sociétés Néria Productions et Néria Presse, son emploi par ces deux entreprises étant lié durablement à leur activité normale et permanente.

Elle argue du caractère permanent de son emploi au regard du nombre de contrats à durée déterminée qui ont été conclus avec chacune des sociétés (plus de 80 avec Néria Productions, une trentaine avec Néria Presse), de la durée de son embauche, de la pérennité de l’émission Les maternelles sur laquelle elle a travaillé pour ses deux employeurs.

Elle se prévaut en outre du non respect du formalisme applicable aux contrats à durée déterminée.

Les sociétés répliquent que Mme X ne travaillait que quelques jours par mois sur deux émissions (On n’est pas que des parents ; Les maternelles) ; que parallèlement elle travaillait pour TF1; qu’il s’agit d’émissions par nature non permanentes, leur précarité étant liée au contrat commercial conclu avec la société France Télévisions, l’aléa de l’émission étant fortement lié à son indice de satisfaction et des grilles de programme décidées par les chaînes de télévision, à la présence d’une animatrice vedette , qu’ainsi l’émission On n’est pas que des Parents n’a été programmée que du 28 août 2006 au 22 mai 2009, que l’émission Les maternelles a failli s’arrêter en 2009 à l’occasion du départ de son animatrice C D, qu’elle a failli de nouveau s’arrêter en juin 2012 lorsque Daphné Burki est partie ; qu’à cette pécarité s’ajoute la saisonnalité de l’émission, et par suite la non permanence de l’emploi, qu’ainsi les émissions en cause, si elles sont diffusées en permanence ne sont préparées que de septembre à mai, les salariés ne travaillant que pendant neuf mois et pendant les trois mois restants, ils font valoir leurs droits auprès de Pôle emploi par lequel ils sont indemnisés sur la base de leur statut d’intermittents.

Les sociétés Néria soutiennent par ailleurs que le formalisme applicable aux contrats à durée déterminée a été respecté.

Il résulte des contrats de travail et bulletins de salaire produits ainsi que des écritures des parties que sur la période de janvier 2006 à mai 2010 qu’ a duré la relation contractuelle entre Mme X et la société Néria Productions, au moins 80 contrats à durée déterminée d’usage ont été conclus entre les parties, la salariée travaillant pour deux émissions produites par la société : On n’est pas que des parents et Les maternelles, la première émission étant diffusée d’août 2006 à mai 2009 et la seconde depuis le 10 septembre 2001 de manière permamente et continue par la chaîne de télévision France 5; que la société Néria Presse a été créée en août 2010 afin d’améliorer la qualité de cette émission Les Maternelles , employant une équipe propre à cette émission ; que Mme X a ainsi continué à travailler pour cette émission au sein de la société Néria Presse, concluant avec cette société au moins trente contrats à durée déterminée d’usage entre le 1er septembre 2010 et la rupture des relations contractuelles en 2013.

Mme X a ainsi travaillé pour les sociétés Néria pendant sept années continues, plusieurs jours par mois pendant neuf mois sur douze, sur une émission pérenne relevant de l’activité normale et permanente des sociétés Néria Productions puis Néria Presse, ce qui caractérise un recours abusif par ces deux sociétés au contrat à durée déterminée, l’article L 1242-1 du code du travail disposant en effet que quel que soit son motif, le contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pouvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Il y a donc lieu , sans avoir à examiner la question devenue surabondante du respect du formalisme des contrats à durée déterminée, de requalifier en contrat à durée indéterminée les relations de travail entre Mme X et les sociétés Néria Productions et Néria Presse, et d’allouer à la salariée l’indemnité de requalification qui est prévue par l’article L 1245-2 du code du travail pour chacun des contrats de travail, cette indemnité ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Au vu des éléments de la cause il sera alloué à la salariée cette indemnité minimale, soit la somme de 4 744,24 euros (brut) à la charge de la société Néria Presse ; le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Le jugement sera en revanche infirmé en ce qu’il a rejeté la demande de requalification et la demande d’indemnité afférente pour la relation contractuelle avec la société Néria Productions.

Le montant de cette indemnité de requalification dépend ici du montant du salaire dû à la salariée, celle-ci sollicitant par ailleurs la requalification de son contrat à temps partiel en temps plein, demande qu’il convient désormais d’examiner.

Sur la requalification en temps plein du contrat à temps partiel conclu avec Néria Productions

Mme X soutient que les contrats à durée déterminée d’usage conclus avec la société Néria Productions ne respectent pas les prescriptions légales en matière de temps partiel en ce que ni la mention de temps partiel ni la répartition des heures de travail n’y figurent, en sorte que ces contrats sont présumés avoir été conclus à temps complet, présomption que la société Néria Productions a la charge de renverser et ne renverse pas en l’espèce, faute de faire la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle à laquelle elle était soumise et faute d’établir qu’elle n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition puisque tel était bien le cas, sa durée de travail ainsi que les jours travaillés variant d’un mois à l’autre ainsi qu’il résulte de la lecture de ses bulletins de salaire, son planning pouvant changer à tout moment et la société pouvant modifier à sa convenance les dates pour lesquelles il était prévu qu’elle travaille.

La société Néria Productions réplique qu’elle établit clairement le temps de travail de Mme X par ses fiches de paye et ses contrats qu’elle n’a jamais contestés et qui déterminent précisément son temps de travail.

L’article L 3123-14 du code du travail prévoit que le contrat de travail de travail à temps partiel mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines, ainsi qu’un certain nombre d’autres mentions qui ne sont pas discutées en l’espèce.

La mention de temps partiel n’est pas une condition posée par ce texte, et s’agissant de la répartition des heures de travail sur la semaine ou sur le mois, elle n’a pas à être mentionnée en l’espèce dès lors que les contrats n’ont été conclus ni dans un cadre hebdomadaire ni dans un cadre mensuel, mais pour des périodes de quelques jours précisément datées sur chaque contrat.

Mme X est donc mal fondée à se prévaloir du non respect du formalisme du contrat de travail à temps partiel et, par suite, de la présomption de temps complet qui lui est attachée.

Il s’ensuit que sa demande de rappel de salaire doit être rejetée et que son salaire mensuel doit être fixé à 2 166,66 euros (somme arrondie à 2 167 euros par l’employeur) au vu des bulletins de salaire produits, le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs, et que l’indemnité de requalification qui lui est due par la société Néria Productions doit être fixée à la somme de 2 167 euros correspondant à un mois de salaire, le jugement déféré étant infirmé de ce chef.

Sur la rupture des contrats de travail

Le contrat de travail avec la société Néria Productions

Les contrats à durée déterminée conclus avec Néria Productions ayant été requalifiés en contrat à durée indéterminée, la rupture, intervenue à l’arrivée du terme du dernier contrat de travail, motif de rupture non admissible s’agissant d’un contrat à durée indéterminée, la rupture de la relation contractuelle avec Néria Productions s’analyse nécessairement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit aux indemnités de rupture (indemnité compensarice de préavis et indemnité de licenciement) et à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il est constant que le salaire mensuel de référence se chiffre à 2 167 euros brut, que l’ancienneté de la salariée est de 4 années et 4 mois, celle-ci ayant travaillé pour Néria Productions du 2 janvier 2006 au 31 mai 2010.

Il n’est pas non plus contesté que la salariée a droit, par application des dispositions conventionnelles, à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, soit la somme de 4 334 euros brut à laquelle s’ajoutent les congés payés de 433,40 euros brut.

En application des dispositions de la convention collective applicable et de l’article L.7112-3 du code du travail, Mme X a droit en outre à une indemnité de licenciement égale à un mois de salaire par année ou fraction d’année de collaboration, sur la base du dernier salaire perçu, soit la somme de 9 390 euros brut.

Sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail, ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise comptant au moins onze salariés, elle a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois (13 002 euros).

Mme X n’ayant pas subi de préjudice particulier du fait de la rupture de son contrat de travail avec Néria Productions, ayant été aussitôt engagée par la société Néria Presse, il lui sera alloué cette indemnité minimale de 13 002 euros.

Le contrat de travail avec la société Néria Presse

Mme X sollicite à titre principal la résiliation de son contrat de travail conclu avec Néria Presse, sur le fondement de deux griefs :

— la modification unilatérale de son contrat de travail par une diminution drastique de sa rémunération à compter du mois d’août 2012, aboutissant à ce qu’elle soit payée 1 000 euros de moins que l’année précédente et moins bien payée que ses collègues exerçant les mêmes fonctions à charge équivalente ;

— le recours massif à des contrats à durée déterminée pour pourvoir un emploi correspondant à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

La société Néria Presse conclut au rejet de cette demande de résiliation du contrat de travail, exposant que c’est à la demande de Mme X d’être soumise au statut de pigiste lui conférant une plus grande autonomie à compter du mois d’août 2012 que sa rémunération s’est trouvée diminuée eu égard à ses moindres contraintes en terme de temps de présence dans l’entreprise et afin de respecter le principe d’égalité de salaire avec les autres pigistes, que néanmoins, elle a décidé d’accéder aux réclamations de Mme X tendant à conserver son niveau de rémunération antérieur en lui rétablissant son statut antérieur de salariée sous contrat à durée déterminée d’usage et en régularisant son salaire sur la période concernée (régularisation qui selon la salariée a été effectuée opportunément pendant l’instance prud’homale).

La société Néria Presse demande en outre que le licenciement pour faute grave qu’elle a notifié à Mme X par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 16 octobre 2013 soit jugé justifié par l’abandon de son poste à son retour de congés payés le 19 août 2013.

Mme X soutient, subsidiairement à sa demande de résiliation judiciaire, avoir été licenciée sans procédure et sans cause réelle et sérieuse le 17 mai 2013 en se faisant remettre par la société Néria Presse ses documents de fin de contrat, et en conclut que le licenciement intervenu le 16 octobre 2013 est inopérant.

La société Néria Presse réplique que Mme X n’a nullement été licenciée le 17 mai 2013 mais s’est fait simplement remettre, comme après chaque contrat à durée déterminée, ses documents de fin de contrat afférents au dernier contrat à durée déterminée travaillé, afin que la salariée puisse faire valoir ses droits auprès de Pôle emploi pour la période de l’année non travaillée, puis lui avoir demandé de reprendre son travail à l’issue de ses congés payés le 19 août 2013, le jugement du conseil de prud’hommes de Rambouillet étant intervenu dans l’intervalle le 8 juillet 2013, rejetant la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par la salariée, laquelle devait dès lors reprendre son emploi.

Une procédure de licenciement est ainsi intervenue en octobre 2013 après la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formée par la salariée le 22 janvier 2013.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie postérieurement pour des faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée et c’est seulement dans le cas contraire qu’il doit se prononcer sur le licenciement prononcé par l’employeur.

La demande de résiliation judiciaire doit donc être examinée en premier lieu.

Le recours abusif qu’a fait la société Néria Presse à des contrats à durée déterminée, s’agissant de pourvoir un emploi correspondant à son activité normale et permanente, lequel a précarisé la situation de Mme X et généré le litige qui est survenu entre les parties relativement au changement de statut de la salariée (qui de salariée sous CDDU est devenue pigiste) et à la diminution subséquente de sa rémunération, constitue un manquement de l’employeur à ses obligations légales et contractuelles, suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail et justifier sa résiliation.

La salariée sera donc accueillie en sa demande de résiliation judiciaire, laquelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

La date de la rupture doit être fixée à la date à laquelle l’employeur a envoyé la lettre de licenciement, soit le 26 septembre 2013.

Il est constant que le salaire mensuel de référence se chiffre à 4 744,24 euros brut.

Les parties divergent en revanche sur l’ancienneté à prendre en considération.

La salariée soutient que ses bulletins de salaire prévoyant une reprise d’ancienneté au 1er janvier 1998, c’est à partir de cette date que son ancienneté doit être calculée.

La société Néria Presse réplique que c’est conformément à la convention collective que cette ancienneté est mentionnée sur les bulletins de salaire mais qu’il s’agit d’une ancienneté profession et non entreprise qui permet de calculer la prime ancienneté profession et non les droits liés à l’entreprise.

L’ancienneté à prendre en considération pour calculer les indemnités de rupture et l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est l’ancienneté contractuelle effective.

L’ancienneté qui est visée en l’espèce sur les bulletins de salaire n’est pas mentionnée sur les contrats de travail et il est constant que la date d’ancienneté effective de Mme X au service de la société Néria Presse est le 1er septembre 2010, cette société ayant d’ailleurs été créée en août 2010.

L’ancienneté à prendre en considération va donc du 1er septembre 2010 au 26 septembre 2013, date de la rupture, soit 3 ans et 26 jours, à laquelle il convient toutefois d’ajouter les deux mois de préavis pour le calcul de l’indemnité de licenciement, soit 3 ans, deux mois et 25 jours.

Il est constant qu’en vertu des dispositions conventionnelles la salariée a droit à une indemnité compensatrice de préavis de deux mois, soit la somme de 9 488,48 euros brut à laquelle s’ajoutent les congés payés de 948,84 euros brut.

En application des dispositions de l’article L.7112-3 du code du travail, Mme X a droit en outre à une indemnité de licenciement égale à un mois de salaire par année ou fraction d’année de collaboration, soit la somme de 15 347,48 euros brut.

Sur le fondement de l’article L 1235-3 du code du travail, ayant plus de deux ans d’ancienneté dans une entreprise comptant au mois onze salariés, elle a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois (28 465 euros).

En raison de l’âge de la salariée au moment de son licenciement (44 ans), de son ancienneté dans l’entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu’elle a subi, la somme de 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les mesures accessoires

Les sociétés Néria devront remettre à Mme X des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ; le prononcé d’une astreinte n’est pas nécessaire.

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d’indemnité de licenciement sont productives d’intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes (22 janvier 2013) ; les créances indemnitaires sont productives d’intérêts au taux légal compter du présent arrêt ou du jugement entrepris.

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par les sociétés Néria Productions et Néria Presse aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’elles ont versées le cas échéant à Mme X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de deux mois chacune.

Parties succombantes, les sociétés Néria Presse et Néria Production seront condamnées in solidum aux dépens,déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnées à payer à ce titre à Mme X la somme de 2 500 euros en sus de celle de 1750 euros allouée en première instance.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu’il a mis à la charge de la société Néria Presse les dépens et l’indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant par arrêt contradictoire,

Ordonne la jonction des deux dossiers enrôlés sous les numéros 13/03820 et 13/03911, et dit que l’affaire portera désormais le numéro de rôle 13/03820 ;

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud’hommes de Rambouillet du 8 juillet 2013 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Requalifie en contrat à durée indéterminée le contrat de travail conclu entre Mme X et la société Néria Productions ;

Condamne la société Néria Productions à payer à Mme X la somme de 2 167 euros brut à titre d’indemnité de requalification, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Dit que la rupture du contrat de travail conclu avec la société Néria Productions s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Néria Productions à payer à Mme X les sommes suivantes :

* 4 334 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 433,40 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 ;

* 9 390 euros brut à titre d’indemnité de licenciement , avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 ;

* 13 002 euros net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour;

Prononce la résiliation du contrat de travail conclu entre Mme X et la société Néria Presse et dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 26 septembre 2013 ;

Condamne la société Néria Presse à payer à Mme X les sommes suivantes :

* 9 488,48 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 948,84 euros brut au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 ;

* 15 347,48 euros brut à titre d’indemnité de licenciement , avec intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2013 ;

* 30 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Condamne in solidum les sociétés Néria Productions et Néria Presse aux dépens de première instance et à payer à Mme X la somme de 1 750 euros au titre des frais de procédure exposés en première instance ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne les sociétés Néria Production et Néria Presse à délivrer à Mme X, dans le mois du présent arrêt, des documents de fin de contrat conformes au présent arrêt ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Ordonne le remboursement par les sociétés Néria Productions et Néria Presse aux organismes concernés des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme X à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence de deux mois chacune ;

Condamne in solidum les sociétés Néria Productions et Néria Presse aux dépens d’appel et à payer à Mme X la somme de 2 500 euros au titre des frais de procédure exposés en appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l’avis donné aux parties à l’issue des débats en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, et signé par Mme Michèle Colin, président, et par Mme Brigitte Beurel, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

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Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 10 décembre 2014, n° 13/03820