Cour d'appel de Versailles, 15 septembre 2016, n° 14/04465

  • Oeuvre de collaboration·
  • Oeuvre composite·
  • Redevance·
  • Droit moral·
  • Consorts·
  • Auteur·
  • Action·
  • Musique·
  • Exploitation·
  • Prescription

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 15 sept. 2016, n° 14/04465
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 14/04465
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Nanterre, 14 mai 2014, N° 10/04862

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 79B

1re chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 SEPTEMBRE 2016

R.G. N° 14/04465

AFFAIRE :

Société civile SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE – SACEM,

C/

M D

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° chambre : 01

N° Section :

N° RG : 10/04862

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

— Me BH DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES

— Me Delphine LAMADON, avocat au barreau de VERSAILLES -

— Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, avocat au barreau de VERSAILLES

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant après prorogation dans l’affaire après prorogation entre :

Société civile SOCIETE DES AUTEURS COMPOSITEURS ET EDITEURS DE MUSIQUE – SACEM,

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

XXX

XXX

immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 775 675 739

— Représentant : SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, agissant par Maitre BH DUPUIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

Plaidant Me Josée-Anne BENAZERAF membre de la SCP BÉNAZERAF – MERLET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0327

APPELANTE

***************

Madame M D

née le XXX à XXX

XXX

XXX

— Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418 -

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Madame AP D

née le XXX à XXX

XXX

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Monsieur AR-BK B

né le XXX à XXX

16 rue AR Moulin

XXX

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Madame AZ BA D

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Monsieur I D

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Monsieur AW AX D

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Madame BM BN BO D

né le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Madame BF BG BH D

née le XXX à XXX

XXX

XXX

(était représentée par son administratrice légale, Mme Q R)

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Madame AJ AK épouse D

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Delphine LAMADON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 418

Représentant : Me Eric PLOUVIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1809 et Me Carole ABOUT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J121

Madame U E épouse X

héritière légale de AB E dit AB C décédé

née le XXX à XXX

XXX

XXX

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20140340

Représentant : Maître Julie DEJARDIN, avocat, substituant Me Laurence GOLDGRAB de l’AARPI A. SCHMIDT – L. GOLDGRAB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0391

INTIMES

Madame S Z

légataire à titre particulier de AB E dit C

née le XXX à XXX

XXX

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 – N° du dossier 20140340

Représentant : Maître Julie DEJARDIN, avocat, substituant Me Laurence GOLDGRAB de l’AARPI A. SCHMIDT – L. GOLDGRAB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0391

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 02 mai 2016, Madame Odile BLUM, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Odile BLUM, Président,

Madame Anne LELIEVRE, Conseiller,

Monsieur Dominique PONSOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie RENOULT

Vu le jugement rendu le 15 mai 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

— déclaré recevable l’intervention volontaire de Mme E,

— dit bien fondée l’action des consorts B,

— enjoint la Sacem à rétablir pour l’avenir le barème de répartition des redevances applicables à une oeuvre composite pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale seule, soit :

—  8/12 pour les redevances de droit d’exécution publique,

—  50 % pour les redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique,

—  37,50 % pour les redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique de l’oeuvre première instrumentale arrangée,

— enjoint à la Sacem de procéder rétroactivement au calcul des redevances dues aux héritiers de G B conformément aux clés de répartitions applicables selon le règlement de la Sacem aux oeuvres composites en distinguant selon l’exploitation de l’oeuvre instrumentale seule et l’exploitation de l’oeuvre avec paroles depuis le 13 mars 2000,

— condamné la Sacem à payer aux demandeurs, dans les proportions prévues par le règlement de la Sacem, les sommes non-perçues, pendant une période de 10 ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale, soit :

—  4/12 supplémentaires au titre des redevances des droits d’exécution publique,

—  25 % supplémentaires au titre des redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique,

—  19,25 % supplémentaires au titre des redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique de l’oeuvre première instrumentale arrangée,

— dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du jugement,

— rejeté les demandes de Mme E à l’encontre des consorts B,

— rejeté toutes autres demandes,

— condamné la Sacem à payer aux consorts B la somme de 7.000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens,

— condamné la Sacem aux dépens,

— rejeté la demande d’exécution provisoire ;

Vu l’appel relevé le 12 juin 2014 par la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique dite Sacem à l’encontre des consorts B et de Mme W E ès qualités d’héritière de AB E ;

Vu l’intervention volontaire de Mme S Z ès qualités de légataire à titre particulier de AB E par conclusions du 1er février 2016 ;

Vu les dernières conclusions du 13 avril 2016 de la Sacem qui demande à la cour de :

1/à titre principal, vu les articles 2270-1 et 1304 du code civil,

— déclarer prescrite l’action en requalification engagée par les consorts B,

— en conséquence, dire et juger sans fondement les demandes en paiement de redevances dirigées à son encontre,

— infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

2/ à titre subsidiaire, vu les articles 2270-1 et 1240 du code civil

— déclarer prescrite l’action pour faute engagée par les consorts B à son encontre,

— en tout état de cause, lui faire application des dispositions de l’article 1240 du code civil,

— en conséquence, infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer aux demandeurs, dans les proportions prévues par son règlement, les sommes non perçues, pendant une période de 10 ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale, soit 4/12 supplémentaires au titre des redevances des droits d’exécution publique, 25 % supplémentaires au titre des redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique, 19,25 % supplémentaires au titre des redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique de l’oeuvre première instrumentale arrangée,

— débouter les consorts B de toutes leurs prétentions,

— condamner in solidum les consorts B à lui verser la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens avec application de l’article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions du 12 avril 2016 de M. AR-BK B, Mmes AK, M, AP, AZ, BM, BF D et MM. I et AW D (consorts B) qui demandent à la cour, au visa des articles L 113-2, L 113-4, L 123-1, L 123-9, L 331-1 et D 331-1-1 du code de la propriété intellectuelle, 1134 et 1146 du code civil, 36, 57, 59, 72, 76 et 81 du règlement de la Sacem, de :

— constater leur intérêt pour agir et la non-prescription de leur demande,

— constater que la Sacem a commis une faute dans la qualification juridique de l’oeuvre 'Nuages’ composée par G B et dans l’application du régime qui en découle,

— constater que l’oeuvre 'Nuages’ composée par G B est une oeuvre composite et que le régime juridique qui en découle doit lui être applicable,

— juger que la faute commise par la Sacem leur a causé un préjudice direct,

— en conséquence, confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

— condamner la Sacem à leur payer la somme de 13.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner solidairement la Sacem, Mme E et Mme Z aux dépens,

— assortir l’ensemble des condamnations du taux d’intérêt légal à compter de la mise en demeure adressée à la Sacem,

— ordonner l’exécution provisoire de la décision ;

Vu les dernières conclusions du 13 avril 2016 de Mme W E épouse X, ès qualités d’héritière de AB E dit C, et Mme S Z, ès qualités de légataire à titre particulier de celui-ci, qui demandent à la cour, au visa des articles L 331-1 et suivants, L 113-2 et L 113-3 du code de la propriété intellectuelle, 2270-1 ancien et 2224 du code civil, de :

1/ à titre principal

— confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de Mme E,

— déclarer recevable et bien fondée l’intervention volontaire de Mme Z,

— déclarer l’action des consorts B prescrite et irrecevable,

2/ subsidiairement

— infirmer le jugement pour le surplus et juger que l’oeuvre 'Nuages’ est bien une oeuvre de collaboration, statut sous lequel elle a été déclarée,

— en conséquence, débouter les consorts B de l’ensemble de leurs demandes,

— condamner les consorts B à leur payer une somme de 7.500 € chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec application de l’article 699 du même code ;

SUR CE, LA COUR,

Considérant que le guitariste compositeur AR-AS dit G B est décédé le 16 mai 1953 laissant pour lui succéder AR-K D, son fils, décédé à son tour le 12 novembre 2001 ; que le 27 janvier 2010, les héritiers de ce dernier ont mis en demeure la Sacem de régulariser 'sa gestion de l’oeuvre 'Nuages’ en considérant qu’elle est l’oeuvre exclusive de G B’ et non, comme enregistrée par ses services depuis 1943, une oeuvre de collaboration avec K E dit C, de leur verser les redevances perçues depuis 10 ans au titre la version instrumentale originale et de modifier les clés de répartition des oeuvres dérivées ;

Que n’ayant pas obtenu gain de cause, ils ont assigné la Sacem, le 30 mars 2010 devant le tribunal de grande instance de Nanterre, qui, après les interventions volontaires successives de AB E, héritier de K E dit C et de Mme W E, héritière de AB C décédé le XXX, a, par le jugement déféré, statué dans les termes sus-rappelés ;

Considérant, à titre préliminaire, que la qualité à agir des consorts B, d’une part, la recevabilité de l’appel principal de la Sacem, la recevabilité de l’appel incident de Mme W E ès qualités et la recevabilité de l’intervention volontaire, en cause d’appel, de Mme S Z, légataire à titre particulier de AB E, ne sont pas contestées ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de Mme E et Mme Z sera, ainsi qu’elle le demande, déclarée recevable en son intervention volontaire ès qualités ;

Considérant que la Sacem expose que le statut d’oeuvre de collaboration entre G B et K C, sous lequel était documentée dans ses services l’oeuvre 'Nuages’ depuis plus de 70 ans, résulte des propres déclarations des coauteurs et de leur éditeur commun, les AT AD AE, et que ce statut n’avait jamais été remis en cause par les ayants droit successifs de G B avant 2010, non plus que par G B de son vivant ;

Qu’elle critique le jugement en ce que pour la condamner à payer aux consorts B, au titre de la période passée, la part des droits qu’elle a reversée aux ayants droit de K C, le jugement a considéré, selon elle à tort, qu’elle aurait mésinterprété, sans réel motif, les déclarations faites auprès de ses services par les compositeur, auteur et éditeur en 1943 ;

Que devant la cour, déclarant prendre acte pour l’avenir de la qualification d’oeuvre composite retenue par le tribunal, elle oppose à titre principal aux consorts B la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action et de leurs demandes à son encontre ;

Considérant que Mmes E et Z, qui soutiennent au fond, à titre subsidiaire, que l’oeuvre Nuages est bien une oeuvre de collaboration et non une oeuvre composite, soulèvent également en cause d’appel, à titre principal, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action ;

sur la prescription

Considérant qu’il convient de rappeler au préalable qu’il est acquis aux débats comme résultant des pièces, non contestées produites, que :

— par acte sous seing privé du 19 novembre 1940, G B a cédé aux AT AD AE ses droits patrimoniaux d’auteur sur l’oeuvre Nuages,

— par bulletin du 6 juin 1941, l’oeuvre Nuages a été déclarée à la Sacem dans le genre 'Piano’ avec, pour seul auteur, G B, le compositeur,

— par acte sous seing privé du 15 décembre 1941, K C a cédé aux AT AD AE, en tant qu’auteur des paroles, ses droits patrimoniaux d’auteur sur l’oeuvre Nuages,

— par bulletin du 12 avril 1943, les AT AD AE ont déclaré à la Sacem l’oeuvre Nuages ayant pour auteur K C et pour compositeur G B, dans les genres 'P. & Cht’ (piano et chant) et 'Orchestre',

— par lettre du 27 mai 1943, les AT AD AE ont adressé à la Sacem, dont G B n’était alors pas adhérent, la 'formule de collaboration’ signée le 4 mai 1943 par celui-ci relative à 'Nuages (cht et orch.)', présentée comme son 'oeuvre de collaboration’ avec K C,

— par bulletin du 31 mai 1943, K C, membre de la Sacem, a déclaré à celle-ci l’oeuvre Nuages dans les genres 'Chanson’ et orchestre et chant, avec mention, pour les deux genres, de son nom en tant qu’auteur et de celui de G B comme compositeur,

— que la Sacem a, par la suite, réparti les sommes perçues au titre de l’exploitation de l’oeuvre Nuages, dans sa version chantée ou purement instrumentale, en considération de sa nature déclarée d’oeuvre de collaboration entre G B et K C ;

Considérant, cela étant posé, que la Sacem fait valoir que la paternité de G B en qualité de seul compositeur de la musique de Nuages est pleinement reconnue et n’est pas remise en cause ; que les intimés ne se plaignent pas d’une exploitation de l’oeuvre sous le nom des deux coauteurs mais de devoir partager avec les ayants droit C les redevances afférentes à la version instrumentale exploitée sous le nom de G B seul ; qu’ils se plaignent donc de la seule répartition des droits d’auteur et non d’une atteinte au droit moral de G B ; qu’ils confondent en conséquence la question de la paternité qui n’est pas en cause et celle de l’exercice des droits patrimoniaux sur l’oeuvre commune, résultant du statut d’oeuvre de collaboration ;

Qu’elle soutient que la 'formule de collaboration', signée le 4 mai 1943 par G B, est constitutive d’un acte juridique entre l’auteur et le compositeur, qui, s’il n’a pas pour objet de convenir que l’oeuvre serait une oeuvre de collaboration, est une reconnaissance de ce fait et non une renonciation à une qualité d’auteur de G B qui a toujours été reconnue ; que la nullité qui découlerait de l’acte juridique matérialisé par la 'formule spéciale’ du 4 mai 1943 est une nullité relative, se prescrivant par 5 ans à compter de sa conclusion, de sorte que l’action est éteinte depuis le 4 mai 1948 ; que le fait que l’oeuvre soit toujours commercialisée est totalement indifférent au regard de la détermination du point de départ du délai de prescription, s’agissant d’une action en nullité d’un acte juridique et non d’une action en contrefaçon ;

Qu’elle soutient, à titre subsidiaire, qu’à supposer que l’action en requalification touche au droit moral de G B comme le prétendent ses ayants droit, elle n’en serait pas pour autant 'imprescriptible’ ; que l’attribution d’une copaternité de l’oeuvre à K C constituerait en effet, selon la thèse même des intimés, une 'atteinte portée au droit moral’ de G B ; que les atteintes au droit moral, à l’instar des atteintes aux droits patrimoniaux, se prescrivent selon le droit commun ; que la prescription applicable est de dix ans à compter du 4 mai 1943, en vertu de l’article 2270-1du code civil dans sa rédaction applicable au jour de la délivrance de l’assignation ; que l’action est donc prescrite depuis le 4 mai 1953 et la requalification ne peut plus être opérée ;

Qu’elle estime qu’en tout état de cause, l’action en paiement à son encontre, en ce qu’elle concerne la période passée, se fonde sur la faute qui lui est imputée d’avoir attribué à l’oeuvre une qualification erronée ; que cette prétendue erreur date du 27 mai 1943, jour de réception par la Sacem de la lettre des AT Françis-AE lui transmettant la 'formule spéciale’ signée par G B ; que l’action des consorts B à son encontre se trouve en conséquence prescrite depuis le 27 mai 1953 par application du délai de 10 ans de l’article 2270-1 précité du code civil ;

Considérant que Mmes E et Z soutiennent également que l’action des consorts B n’est pas fondée sur le droit moral de G B dont la qualité d’auteur de l’oeuvre 'Nuages’ n’est pas contestée mais sur ses droits patrimoniaux d’auteur et que les règles de prescription de droit commun s’appliquent ; qu’elles ajoutent que l’action des consorts B s’apparente, en réalité, à une action en nullité, pour vice du consentement, de l’acte du 4 mai 1943, formalisant le 'lien contractuel’ entre G B et K C pour l’oeuvre de collaboration Nuages; qu’une telle action, soumise à la prescription quinquennale est prescrite depuis le 4 mai 1948 ;

Qu’elles ajoutent qu’à supposer que l’action soit fondée sur le droit moral de G B, elle serait néanmoins prescrite, rendant ainsi sans objet la demande en paiement de droits d’auteur sur les dix années précédant l’assignation ; qu’en effet, si le droit moral d’un auteur est imprescriptible, toute action fondée sur une atteinte à ce droit moral est soumise à la prescription de droit commun ; que le délai de prescription étant de dix ans à compter du 4 mai 1943, l’action introduite en 2010, est prescrite en application de l’article 2270-1 du code civil dans sa rédaction de l’époque ;

Mais considérant que le point, ici en litige, de savoir si l’oeuvre Nuages est, soit une oeuvre de collaboration pour la création de laquelle G B et K C auraient convenu de faire converger leurs apports séparés, l’un de la musique, l’autre des paroles, au regard l’un de l’autre, dans le but de faire une chanson, soit une oeuvre composite incorporant, sans sa collaboration, l’oeuvre première instrumentale du seul G B, relève du droit de paternité de celui-ci et donc de son droit moral ;

Que les appelants invoquent vainement le fait que la qualité de seul auteur de la musique de la chanson Nuages de G B n’est pas remise en cause ainsi que les dispositions de l’article L 113-3 du code de la propriété intellectuelle autorisant chacun des coauteurs d’une oeuvre de collaboration à exploiter séparément sa contribution personnelle dès lors qu’elle relève de genres différents ; qu’en effet, notamment, ce même texte pose aux coauteurs d’une oeuvre de collaboration les contraintes liées à la nature d’une telle oeuvre, ces contraintes étant incompatibles avec le droit moral de l’auteur d’une oeuvre première incorporée dans l’oeuvre composite, dérivée de cette oeuvre première dont il est seul auteur ;

Qu’indépendamment de son bien fondé et de ses conséquences pécuniaires, l’action en requalification de la chanson Nuages en oeuvre composite concerne bien le droit moral de G B sur l’oeuvre Nuages ;

Considérant qu’aux termes de l’article L 121-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit moral de l’auteur est perpétuel, inaliénable, imprescriptible et transmissible à cause de mort à ses héritiers ;

Que l’action des consorts B tendant à voir reconnaître la paternité de G B sur une oeuvre instrumentale première Nuages incorporée, sans sa collaboration, dans la chanson du même nom et à voir requalifier cette oeuvre seconde en oeuvre composite, n’est pas soumise à prescription ;

Que le débat élevé par les appelants sur la prescription quinquennale d’une action en nullité de la 'formule de collaboration’signée le 4 mai 1943 par G B est sans portée dès lors que le prononcé de la nullité de cet acte n’est pas demandé, qu’une oeuvre de l’esprit naît du seul fait de sa création et que l’auteur est investi sur cette oeuvre, de par la loi, d’un droit moral attaché à sa personne, perpétuel, inaliénable et imprescriptible ;

Que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en revendication sera rejetée ;

Que les consorts B sont recevables à demander, d’une part à voir dire que l’oeuvre 'Nuages’ composée par G B est une oeuvre composite et que le régime juridique qui en découle doit lui être applicable, d’autre part à voir confirmer le jugement en ce qu’il a enjoint la Sacem à rétablir pour l’avenir le barème de répartition des redevances applicables à une oeuvre composite pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale seule ;

Considérant, en revanche, que contrairement à ce que soutiennent les consorts B, l’absence de prescription de l’action en revendication qu’ils forment n’implique nullement celle des demandes en paiement qu’ils forment par voie de conséquence ;

Considérant qu’il importe de relever que les consorts B ne dirigent aucune demande pécuniaire contre les ayants droit de K C au titre, notamment, d’une atteinte portée au droit moral de G B ; que le surplus de l’argumentation de Mmes E et Z est donc sans objet ;

Considérant que les consorts B sollicitent expressément de la cour qu’elle dise que 'la Sacem a commis une faute dans la qualification juridique de l’oeuvre 'Nuages’ composée par G B et dans l’application du régime qui en découle’ et juge 'que la faute commise par la Sacem leur a causé un préjudice direct’ ; que leur demande tendant à la confirmation du jugement en ce qu’il a enjoint à la Sacem de procéder, rétroactivement, au calcul des redevances qui leur sont dues en distinguant selon l’exploitation de l’oeuvre instrumentale seule et l’exploitation de l’oeuvre avec paroles depuis le 13 mars 2000 et en ce qu’il a condamné la Sacem à leur payer les sommes non-perçues, pendant une période de 10 ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale, repose sur un fondement délictuel ;

Que leur action en responsabilité civile extra-contractuelle à l’encontre de la Sacem était soumise avant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 1986, de la loi du 5 juillet 1985 dont est issu le premier alinéa de l’article l’article 2270-1 du code civil invoqué par la Sacem, à la prescription trentenaire en vertu de l’article 2262 ancien du code civil ;

Que la faute prétendue remonte à l’année 1943, date à partir de laquelle la Sacem a tenu compte de la nature de l’oeuvre de collaboration pour ses clés de répartition des produits de l’exploitation de l’oeuvre ; que les conséquences de cette faute prétendue et le dommage allégué ont été immédiatement perceptibles et immédiatement connus de G B, y compris avant 1951 par le biais de la société d’auteurs britannique dont il était membre, puis de ses ayants droit, au vu tant des redevances perçues que des bulletins de répartition des droits adressés par la Sacem ; que l’action tendant à voir engagée la responsabilité civile de la Sacem était donc prescrite au 30 mars 2010, date de l’introduction de l’instance ;

Considérant que les demandes à ce titre étant irrecevables du fait de la prescription acquise, ce qui rend sans objet le moyen tiré de l’éventuelle application de l’article 1240 du code civil, le jugement sera infirmé en ce qu’il a enjoint à la Sacem de procéder rétroactivement au calcul des redevances dues aux héritiers de G B conformément aux clés de répartitions applicables selon le règlement de la Sacem aux oeuvres composites en distinguant selon l’exploitation de l’oeuvre instrumentale seule et l’exploitation de l’oeuvre avec paroles depuis le 13 mars 2000, en ce qu’il a condamné la Sacem à payer aux consorts B les sommes non-perçues, pendant une période de 10 ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale et en ce qu’il a dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du jugement ;

sur la nature de l’oeuvre 'Nuages'

Considérant que Mmes E et Z critiquent le jugement en ce qu’il a qualifié la chanson Nuages d’oeuvre composite et non d’oeuvre de collaboration contrairement aux bulletins de déclaration non équivoques déposés en 1943 à la Sacem et à la formule de collaboration, sans ambiguïté, signée le 4 mai 1943 par G B ;

Qu’elles estiment que l’antériorité de la déclaration de l’oeuvre instrumentale sous le nom du seul G B et la chronologie des cessions de droits sont sans pertinence au regard de la création de l’oeuvre commune ; que la déclaration de l’oeuvre instrumentale était une déclaration provisoire destinée à assurer la protection de l’oeuvre le temps qu’elle devienne une oeuvre de collaboration définitive avec l’adjonction de paroles ou de musique et qu’il soit procédé à un dépôt définitif permettant la répartition des droits ; que l’antériorité de l’exploitation de l’oeuvre instrumentale sur la chanson est également indifférente ; que la période était une période de guerre et d’occupation ; que l’attestation de M. Y, commissaire d’une exposition consacrée à G B à la Cité de la musique à Paris fin 2012, ne peut valoir comme telle puisque l’auteur de l’attestation n’est pas un témoin des faits, que l’attestation n’est pas manuscrite et ne répond pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile ; que les autres documents produits sont par ailleurs sans valeur probante ;

Qu’elles font valoir que G B a reconnu par l’acte du 4 mai 1943, en toute connaissance de cause, que l’oeuvre était une oeuvre de collaboration avec K C, parolier alors réputé faisant partie de son cercle de relations ; que cet acte du 4 mai 1943 traduit la volonté de G B d’inscrire l’oeuvre en tant qu’oeuvre de collaboration ; que ce statut n’a jamais été remis en cause pendant près de 70 ans ; qu’aucun élément ne vient prouver que les paroles de K C ont été écrites fin 1941 comme prétendu ; qu’en tout état de cause, la succession dans le temps de la composition de l’oeuvre et de la création de ses paroles ne fait pas obstacle à la qualification d’oeuvre de collaboration dès lors qu’un faisceau d’indices laisse penser que les deux coauteurs suivaient et s’inspiraient réciproquement du travail de l’autre pour une oeuvre commune ;

Qu’elles mettent en avant le fait que G B n’a jamais contredit de son vivant, et ce à plusieurs reprises, que l’oeuvre Nuages était une oeuvre de collaboration ; qu’il en est de même des AT AD AE, professionnelle avertie de l’édition musicale, qui connaissait les conditions d’écriture de l’oeuvre et la volonté de ses auteurs et de l’héritier de G B pourtant parfaitement informé de la situation;

Qu’elles soutiennent qu’en contestant la qualification de l’oeuvre telle que reconnue par G B, ses ayants droit vont à l’encontre du droit moral de leur de cujus, alors même qu’ils sont investis, par l’effet de la succession, du respect de ce droit moral ;

Mais considérant qu’en l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties pour qualifier de composite la chanson Nuages tirée de l’oeuvre instrumentale première Nuages de G B ;

Que si l’attestation de M. Y ne vaut pas comme telle et n’est qu’un avis donné par un spécialiste de l’oeuvre de G B, les documents joints ainsi que les autres pièces versées aux débats par les consorts B prouvent que l’oeuvre instrumentale Nuages a non seulement été créée mais a été divulguée, déclarée et reproduite notamment sous forme de partition, sous le nom du seul G B, en 1941, avant même que cette musique, du fait de son succès, ne devienne une chanson avec l’ajout des paroles de K C ;

Que le tribunal a rappelé à juste titre que la détermination de la qualité d’auteur d’une oeuvre protégée résulte exclusivement de la loi et qu’aucun élément n’est versé aux débats pour étayer la thèse selon laquelle l’oeuvre Nuages résulterait, paroles et musique, d’une concertation entre G B et K C ;

Que la cession des droits d’auteur au même éditeur, la signature de G B au bas d’une formule de collaboration préimprimée et la tolérance dont le compositeur et après lui, son héritier, ont pu faire preuve envers l’auteur des paroles de la chanson Nuages ne permettent pas de combattre le fait que la preuve est rapportée que l’oeuvre purement instrumentale première, dont G B est seul auteur, a été divulguée sous son seul nom et exploitée avant sa mise en paroles ;

Considérant que pour ces motifs et ceux pertinents des premiers juges, le jugement sera confirmé en ce qu’il dit que la chanson Nuages est une oeuvre composite dérivée de l’oeuvre première Nuages ayant G B pour auteur et non une oeuvre de collaboration et en ce qu’il a enjoint à la Sacem de rectifier pour l’avenir ses clés de répartition de droits ;

sur les dépens et les frais irrépétibles

Considérant que les parties qui succombent chacune partiellement, conserveront à leur charge leurs propres dépens de première instance et d’appel ;

Que vu l’article 700 du code de procédure civile, les dispositions du jugement à ce titre seront infirmées et les parties déboutées de leurs demandes de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare Mme Z ès qualités recevable en son intervention volontaire ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription alléguée de l’action en requalification de l’oeuvre de collaboration Nuages en oeuvre composite ;

Confirme le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’intervention volontaire de Mme E et au regard de la nature de l’oeuvre composite Nuages, en ce qu’il a enjoint à la Sacem de rétablir pour l’avenir le barème de répartition des redevances applicables à une oeuvre composite pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale seule, soit :

—  8/12 pour les redevances de droit d’exécution publique,

—  50 % pour les redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique,

—  37,50 % pour les redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique de l’oeuvre première instrumentale arrangée ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déclare prescrite l’action en paiement des consorts B à l’encontre de la Sacem ;

Déclare en conséquence irrecevables les demandes des consorts B tendant à ce qu’il soit enjoint à la Sacem de procéder rétroactivement au calcul des redevances dues aux héritiers de G B et à ce que la Sacem soit condamnée à leur payer les sommes non-perçues, pendant une période de 10 ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale ;

Rejette toute autre demande ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties ses propres dépens de première instance et d’appel.

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Anne LELIEVRE, conseiller ayant participé au délibéré, par empêchement du président, et par Madame RENOULT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 15 septembre 2016, n° 14/04465