Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 18 avril 2019, n° 17/01210

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 6e ch., 18 avr. 2019, n° 17/01210
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 17/01210
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye, 30 janvier 2017, N° F15/00268
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

6e chambre

ARRÊT N° 124

CONTRADICTOIRE

DU 18 AVRIL 2019

N° RG 17/01210

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RLQJ

AFFAIRE :

[C] [M]

UNION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE LA MÉTALLURGIE (USTM) CGT DU VAL D’OISE

C/

SAS PALL FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Janvier 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : Industrie

N° RG : F 15/00268

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 19 Avril 2019 à :

— Me Emmanuelle BOUSSARD- VERRECCHIA

— Me Audrey TOMASZEWSKI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant, fixé au 14 mars 2019 puis prorogé au 18 avril 2019, les parties en ayant été avisées, dans l’affaire entre :

Madame [C] [M]

née le [Date naissance 1] 1950 à [Localité 1] (TUNISIE)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

L’UNION DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS DE LA MÉTALLURGIE (USTM) CGT DU VAL D’OISE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentés par Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E1355

APPELANTS

****************

La SAS PALL FRANCE

N° SIRET : 303 494 165

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Audrey TOMASZEWSKI, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : J014

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Janvier 2019, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [C] [M] a été embauchée par la société Pointet Girard par contrat à durée indéterminée en date du 06 novembre 1978, en qualité d’ouvrière qualifiée au coefficient 135 de la convention collective nationale des industries chimiques.

Cette société a pour objet la fabrication et la commercialisation des phases stationnaires de la chromatographie qui permettent de simplifier les techniques de purification des protéines.

La société Pointet Girard a créé en 1986 la société IBF devenue Sepracor en 1991 puis Biosepra en 1994.

Cette dernière société a été rachetée par la SAS Pall France en 2006 qui a pour objet la filtration, la séparation et la purification industrielle.

Le contrat de travail de Mme [M] a été transféré à cette société.

En 1995, la salariée a été désignée comme déléguée du personnel. Elle alterne depuis lors les mandats de délégués du personnel, membre du CHSCT et du comité d’entreprise, syndiquée auprès de la CGT.

Mme [M] a été élevée aux fonctions de technicienne de laboratoire le 16 avril 1999.

La convention collective de la métallurgie s’applique aux rapports entre les parties depuis le 19 octobre 2007.

Mme [M] a ainsi été reclassée au coefficient 240, employée niveau III, 3ème échelon de cette convention.

S’estimant victime de discrimination et de harcèlement moral, Mme [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Saint Germain en Laye le 02 juin 2015 de demandes tendant, en leur dernier état à :

— annuler les avertissements prononcés les 26 avril 2011, 1er juillet 2015 et 1er juin 2016,

— fixer au 1er janvier 2015 le salaire de Mme [M] au coefficient 305 et son salaire de base hors ancienneté à la somme de 2 458,73 euros bruts,

— dire que ce salaire devra être majoré annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par la catégorie de la salariée, déduction faite des augmentations individuelles et générales dont a bénéficié cette dernière,

— condamner la société Pall France au paiement des sommes de :

' 84 396,14 euros en réparation du préjudice financier causé par cette discrimination,

' 50 000 euros en réparation du préjudice moral causé par cette discrimination,

' 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

' 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle a demandé en outre la capitalisation des intérêts légaux par année entière conformément à l’article 1154 du code civil.

L’Union Syndicale des Travailleurs de la Métallurgie CGT est intervenue aux côtés de Mme [M].

Par jugement du 31 janvier 2017 rendu en formation de départage, le conseil de prud’hommes a :

— constaté que Mme [M] avait été victime d’une discrimination en ce qui concerne son droit à la formation mais l’a déboutée de ses demandes financières à ce titre,

— condamné la SAS Pall France à verser à Mme [M] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu’elle a subi,

— constaté l’absence de demandes de l’ USTM CGT du Val d’Oise,

— ordonné la capitalisation des intérêts légaux dus à compter du jour du prononcé du jugement,

— condamné la SAS Pall France à verser à Mme [M] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la SAS Pall France aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 06 mars 2017, Mme [M] et l’USTM CGT ont relevé appel de cette décision.

Par conclusions reçues par voie électronique le 13 décembre 2018, Mme [M] a demandé à la cour de :

— confirmer la décision déférée en ce qu’elle a jugé qu’elle avait été victime de discrimination et de harcèlement moral, en ce qu’elle a ordonné la capitalisation des intérêts des condamnations prononcées et condamné la SAS Pall France au paiement d’une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— infirmer ledit jugement pour le surplus et statuant à nouveau :

— constater que Mme [M] a été victime d’une discrimination sexuelle, syndicale et raciale,

— annuler les avertissements prononcés le 26 avril 2011, le 1er juillet 2015 et le 1er juin 2016,

— fixer au coefficient 305 la rémunération de Mme [M] à compter du 1er janvier 2015 et son salaire de base annuel sans l’ancienneté à 35 000 euros,

— fixer la rémunération de Mme [M] au coefficient 335 à compter du 1er janvier 2019,

— condamner la société Pall France au rappel de salaire correspondant majoré des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par les salariés de la même catégorie, déduction faite des augmentations perçues par la salariée,

— condamner la société Pall France au paiement de la somme de 190 236 euros correspondant au préjudice financier résultant de la discrimination,

— condamner la société Pall France, au paiement de la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination,

— condamner la société Pall France au paiement de la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice causé par le harcèlement moral,

— condamner la société Pall France à verser la somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues par voie électronique le 07 juillet 2017, l’Union Syndicale des Travailleurs de la Métallurgie CGT du Val d’ Oise (USTM CGT) a demandé à la cour de :

— infirmer la décision déférée en ce qu’elle a constaté l’absence de demandes de sa part,

— juger recevable son intervention volontaire,

— condamner la société Pall France à lui verser :

— la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts « au titre préjudice moral et financier direct et indirect »,

— la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

ainsi que les entiers dépens y compris les frais d’exécution éventuels.

Par conclusions reçues par voie électronique le 27 décembre 2018, la SAS Pall France a demandé à la cour de :

— infirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté une situation de discrimination en ce qui concerne la formation reçue par Mme [M] et sur les condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 15 000 euros en raison de l’existence d’une situation de harcèlement moral et de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes tendant à la reconnaissance d’une discrimination tenant au sexe, à l’origine et à l’appartenance syndicale de Mme [M], à l’annulation des avertissements des 26 avril 2011 et 1er juillet 2015, et en ce qu’il a constaté l’absence de demande de l’Union Syndicale des Travailleurs de la Métallurgie CGT du Val d’Oise du Val d’Oise,

— débouter en conséquence Mme [M] et ladite union de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

— condamner Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 03 janvier 2019.

L’affaire a été plaidée à l’audience du 08 janvier 2019.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l’appel

L’appel interjeté dans les formes et délais légaux est recevable en la forme.

Sur la demande d’annulation des avertissements

Mme [M] demande l’annulation des trois avertissements qui lui ont été infligés les 26 avril 2011, 1er juillet 2015 et 1er juin 2016.

— L’avertissement du 26 avril 2011

Selon les explications fournies par la salariée, en avril 2011, des mails ont été échangés entre elle-même et M. [R] responsable des ressources humaines, concernant son rôle syndical. Mme [F], présidente de la société Pall France, a écrit à Mme [M] pour lui faire part de son mécontentement, jugeant inadéquats et offensants les termes employés dans ses messages. Mme [M] a alors appelé Mme [F] au téléphone pour s’en expliquer. La communication a été interrompue en raison d’un mauvais fonctionnement du combiné par Mme [M]. Mme [F], visiblement irritée de cette rupture comme des propos qui l’avaient précédée lui a décerné un avertissement sans qu’elle ait pu s’expliquer sur les faits.

Cette sanction n’est pas fondée ou au mieux disproportionnée avec les faits reprochés car Mme [M], dont le français est encore imparfait, s’exprime en des termes mesurés mais directs et prend à coeur son rôle de syndicaliste. Elle a été très affectée de cette sanction injustifiée et a été arrêtée pour maladie en juin.

La SAS Pall France fait valoir qu’en vertu de l’article 21 de la loi du 14 juin 2013 applicable aux prescriptions en cours à compter de la promulgation de ce texte, la demande concernant cette sanction est prescrite depuis le 15 juin 2015 puisque la salariée a entendu contester l’avertissement dans ses écritures de février 2016. À titre subsidiaire, elle soutient que cet avertissement sanctionnait le comportement agressif de la salariée envers la présidente de la société, appelée au téléphone par Mme [M] le 06 avril ; que la salariée s’était mise à hurler sans raison, ne laissant pas à son interlocutrice la possibilité de lui répondre et avait interrompu cette communication en raccrochant le téléphone brusquement sans avoir permis à la présidente d’exprimer son point de vue ; que l’agressivité de Mme [M] avait déjà fait l’objet de plaintes à différentes reprises : un avertissement lui avait été notifié le 12 octobre 1998 suite à une plainte du responsable « applications clients », un nouvel avertissement lui avait été adressé le 07 mai 2004 suite à l’agression verbale subie par Mme [T], responsable ingénierie des procédés, et le 29 juin 2004, Mme [V], technicien ingénierie des procédés écrivait à la directrice qu’elle était victime de harcèlement moral de la part de Mme [M] qui prenait tous les prétextes pour s’emporter sans raison à son égard et qu’elle ne pouvait continuer et ignorer ce comportement.

SUR CE,

Aux termes de l’article L. 1471-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 « toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ».

Cet article est applicable aux prescriptions en cours à la date de promulgation de ladite loi sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Ainsi, le délai de prescription de l’avertissement du 26 avril 2011 expirait le 15 juin 2015, soit 2 ans après l’entrée en vigueur de la loi précitée qui a fait courir le délai de 2 ans à cette date, dès lors que la prescription quinquennale qui était en vigueur le 26 avril 2011 n’était pas expirée. La saisine du conseil de prud’hommes qui interrompt la prescription est intervenue le 5 juin 2015. Cette demande n’est donc pas prescrite.

La lettre d’avertissement, rédigée par Mme [F] elle-même, relate le comportement de Mme [M] qui l’avait appelée au téléphone suite à un échange de courriels qui avait commencé par un message de la salariée envoyé à M. [W] (DRH) et à elle-même le 05 avril, par lequel Mme [M] avait cru bon de leur adresser « un petit rappel sur son statut de déléguée syndicale ».

La présidente relate leur échange téléphonique en ces termes : « lors de cette conversation, vous vous êtes emportée et vous avez alors, sans raison apparente, perdu votre sang froid et hurlé au téléphone des propos incohérents. Malgré mes demandes de vous calmer et de me laisser m’exprimer, vous n’avez rien voulu entendre et vous avez brutalement raccroché. Vous appeliez de votre ligne professionnelle, ce qui implique, je suppose, que certains de vos collègues présents à ce moment-là aient été témoins de votre comportement à mon égard ».

Les propos tenus par Mme [M] ne sont pas reproduits. Il reste que le ton employé, l’absence d’écoute et de possibilité de dialogue laissé à son interlocutrice ainsi que la rupture de cette communication caractérisent un manque total de courtoisie et portent atteinte au respect dû à la directrice. Cette sanction n’a donc pas lieu d’être annulée.

L’avertissement du 1er juillet 2015

Les faits ayant motivé cet avertissement datent des 26 février, 20 mai et 22 mai 2015.

Selon la salariée, le 20 mai 2015, Mme [M] a fait observer à Mme [N], comme elle déléguée du personnel, que les usages imposent aux organisateurs d’une réunion de rappeler la date de celle-ci au souvenir des autres délégués la veille ou le jour même car l’intéressée n’effectuait jamais ce rappel aux élus de la CGT. Cette observation, qui n’avait rien d’agressif en sa forme, était justifiée par le caractère systématique et donc blâmable de cette omission qui relevait à tout le moins de la mauvaise foi sinon de l’intention d’entraver l’exercice des mandats syndicaux.

Les faits du 22 mai et du 26 février sont liés à la procédure de reclassement mise en oeuvre dans le cadre du PSE. Il est reproché à Mme [M] d’avoir fait part aux consultants des cabinets chargés du reclassement de sa légitime indignation, sans pour autant les agresser, du fait de l’absence de démarches sérieuses de leur part pour lui retrouver un poste, montrant par là le peu de considération qui lui était accordé par la direction.

Cet avertissement a suivi de peu la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes et a précédé d’une semaine l’envoi à la salariée d’une convocation à entretien préalable au licenciement. Tout laisse donc à penser que cet avertissement a été prononcé en représailles de la saisine du conseil de prud’hommes.

La SAS Pall France donne de ces mêmes faits la version suivante :

— le 20 mai 2015, Mme [M] a interpellé Mme [N] lui reprochant de ne pas lui avoir rappelé la réunion des délégués du personnel prévue le 13 mai en employant un ton très agressif allant même jusqu’à menacer son interlocutrice de la dénoncer à l’inspection du travail après l’avoir accusée de « comploter auprès de la Direction dans le dos des salariés ».

— le 22 mai 2015, alors que Mmes [N] et [Y] étaient en entretien « point formation conseil » avec Mme [J], consultante du cabinet « Right Management » dans le cadre du PSE, Mme [M] a interrompu ce rendez-vous pourtant programmé selon la procédure de « hotline »en faisant irruption dans la salle de réunion, où elle n’était nullement conviée, pour se plaindre à la consultante de l’impossibilité d’organiser un entretien avec deux salariées dont l’une est déléguée du personnel puis elle a ensuite interpellé Mme [J] au sujet d’un prétendu rendez-vous manqué au travers de la procédure de « hotline ».

Ce courrier rappelle également que le 26 février 2015, lors d’entretiens individuels menés dans le cadre du CHSCT par le cabinet ISAS, Mme [M] avait déjà interrompu un entretien en interpellant de façon agressive le consultant de ce cabinet, M. [G].

SUR CE,

Aux termes de l’article L. 1332-4 du code du travail, « aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai, à l’exercice de poursuites pénales ».

En l’espèce, le fait du 26 février 2015 précède la lettre d’avertissement de plus de 2 mois, et il s’est écoulé plus de deux mois entre ce fait et celui du 20 mai. Il ne peut donc être pris en considération.

Le fait du 20 mai n’est pas contesté par la salariée non plus que les propos menaçants et les insinuations rapportées dans la lettre d’avertissement. Le ton agressif et les propos adressés à Mme [N] pour un motif insignifiant et alors que ce rappel de la date d’une réunion n’était pas une obligation pour celle-ci justifient la mention de ce fait dans ledit courrier compte tenu des précédents incidents.

Mme [M] ne conteste pas avoir interrompu le 22 mai 2015 un entretien où elle n’était pas conviée et avoir pris à partie la consultante pour des sujets sans rapport avec l’objet de cet entretien.

Les motifs invoqués de cette intrusion à savoir les difficultés rencontrées par d’autres salariées pour obtenir un entretien ne la justifient en rien.

Cet avertissement était justifié par les manquements commis par la salariée les 20 mai et 22 mai 2015 et il importe peu qu’ils aient suivi de peu la saisine du conseil de prud’hommes.

— L’avertissement du 1er juin 2016

Un nouvel avertissement a été prononcé suite à une altercation entre Mme [M] et Mme [Q], assistante achats, et responsable habituelle de la gestion des vestiaires du fait que l’emplacement et la serrure de son vestiaire avaient été changés à son insu. Une demande d’explications s’en est donc suivie et le ton est monté en raison de l’attitude qualifiée par la salariée de « froide et condescendante » de son interlocutrice. Mme [M] a contesté cette sanction et a demandé à être entendue dans le cadre d’une procédure disciplinaire contradictoire. Elle n’a reçu aucune réponse.

L’employeur rétorque que cet avertissement était parfaitement justifié et reposait une fois encore sur le comportement agressif de Mme [M] envers ses collègues.

Il ajoute qu’ au regard du nombre important des salariés de l’entreprise s’étant plaints du comportement déplacé et agressif de la salariée, sur une période étendue de 1995 à 2016, les mises en gardes étaient plus que justifiées et ne constituent en aucun cas un exercice abusif du pouvoir disciplinaire.

SUR CE,

Mme [Q] déclare que Mme [M] lui a soutenu de manière agressive qu’elle s’occupait des vestiaires, l’a suivie en criant qu’on avait changé sa clé et qu’elle faisait toujours partie des effectifs, que son interlocutrice l’agressait depuis 10 ans, que ce n’était pas la première fois que Mme [M] s’en prenait à elle et que ses cris et son agressivité la perturbaient fortement ainsi que d’autres salariés obligés de fermer leurs portes de bureau pour tenter de s’isoler.

Mme [M], dans un courrier recommandé du 17 juin 2016 adressé à Mme [D], réplique que Mme [Q] s’est emportée lorsqu’elle lui a dit qu’elle faisait toujours partie des effectifs l’accusant de la harceler, que M. [B] et M. [X] sont intervenus pour tenter d’apaiser la situation et l’aider à retrouver son vestiaire.

Mme [K], indique dans un courriel du 1er juin 2016, "Alors que [U] [Q] allait quitter mon bureau pour rejoindre le mien, [C] [M] à interpellé [U] [Q] pour lui indiquer que la clé de son vestiaire ne fonctionnait pas et lui a demandé le nom de la personne en charge des vestiaires ; [U] [Q] qui n’avait pas eu le temps de quitter mon bureau lui a répondu qu’elle ne s’occupait pas des vestiaires.(…) [C] [M] est entrée dans le bureau de [U] [Q] et a dit en haussant le ton :"tu t’occupes des vestiaires, cela fait 10 ans que tu t’occupes des vestiaires, j’ai le droit d’avoir accès à mon vestiaire, je suis une salariée comme les autres.[U] a quitté son bureau. [C] [M] l’a suivie en criant de nouveau qu’elle était une salariée comme les autres, qu’elle avait le droit d’accéder à son vestiaire pour avoir ses blouses, que cela n’allait pas se passer comme ça (….)".

La revendication de Mme [M] était fondée dans le fond sinon dans la forme par le fait que l’emplacement de son casier à vêtements avait été changé à son insu pendant son congé maladie. La teneur de ses propos était justifiée par ce contexte et les termes utilisés par la salariée n’étaient pas insultants. Seules étaient perturbantes pour son interlocutrice son insistance et sa véhémence.

Les pièces produites ne disent rien des paroles et de l’attitude de Mme [Q] qualifiée de « froide et condescendante » qui aurait éventuellement suscité l’irritation de Mme [M].

Ces éléments ne justifient pas la sanction prononcée qui sera en conséquence annulée.

Sur l’existence et les fondements de la discrimination

Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail « aucune personne ne peut être écartée, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié, ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008/496 du 27 mai 2008 (…) notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de promotion professionnelle (…) en raison de son origine, de son sexe, (….) de ses activités syndicales (…) ».

Aux termes de l’article 1er de la loi n° 2008/496 du 27 mai 2008 : "constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe,(….) de ses activités syndicales, (….) une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soient objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but soient nécessaires et appropriés".

La discrimination syndicale fait l’objet de dispositions particulières instaurées par l’article L. 2141-5 du code du travail libellé comme suit : « il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions notamment en matière de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération, et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ».

Les règles de la preuve en matière de discrimination sont édictées par l’article L. 1134-1 dans les termes suivants : "lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance des dispositions du chapitre II, (…) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi du 27 mai 2008 (…).

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles".

Il convient de reprendre point par point les faits invoqués par la salariée dans ses écritures, afin de déterminer si ceux-ci font présumer d’une discrimination au regard des dispositions susénoncées et le cas échéant, si les agissements de l’employeur sont justifiés par des motifs étrangers à toute discrimination.

— Le défaut de formation

Mme [M] dont les acquis scolaires sont limités, déclare qu’elle a formulé de façon constante des demandes de formation afin d’être plus utile et de progresser dans sa carrière. Or, les formations en anglais, français, mathématiques/physique/chimie nécessaires pour améliorer son niveau et progresser dans sa carrière lui ont toujours été refusées. Elle a été ainsi écartée de toutes les formations diplômantes ou qualifiantes. Les appréciations formulées par son supérieur hiérarchique direct à l’occasion des entretiens d’évaluation mettent l’accent sur cette volonté de progresser et sur les fruits qu’elle a portés de sorte que les refus opposés par les niveaux supérieurs de la hiérarchie à ses demandes réitérées de formation ne sont pas cohérents avec ces appréciations et font présumer d’une discrimination.

La société Pall France fait valoir qu’en l’absence de préjudice démontré par le salarié, celui-ci ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de formation ; qu’au demeurant, Mme [M] a bénéficié de façon régulière depuis son arrivée dans l’entreprise, de nombreuses formations ; qu’ainsi, de janvier à juillet 1992, puis de septembre à décembre 1992, elle a suivi une formation d’alphabétisation, de 2008 à 2018 elle a reçu 22 formations dont la liste est donnée dans ses écritures. Ces formations explorent tous les domaines (bureautique, sécurité, santé, risques biologiques, langage de la chimie, sécurité incendie, prévention des risques chimiques, ressources humaines (en lien avec ses fonctions au CHSCT), bases chimie/bases maths, excel, gestes et postures, vérification des instruments de mesure, normes ISO 9001 et 14 001, mieux être au travail…) La salariée ne prouve d’ailleurs pas qu’elle aurait bénéficié de moins de formations que les autres.

SUR CE,

La discrimination suppose que sa prétendue victime soit traitée « de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable ».

S’agissant du manque de formation déploré par Mme [M], si celui-ci peut caractériser un manquement de l’employeur à son obligation de formation, la salariée ne démontre pas pour autant par des pièces pertinentes qu’elle a été moins bien traitée que d’autres salariés dans une situation comparable à la sienne et ne justifie donc pas ses déclarations consignées dans son entretien d’évaluation du 12 octobre 2012 "tous les techniciens qui demandent des formations dans l’entreprise à [Localité 5] ils sont accorder soit en Ile de France soit en provence il y a que moi toutes mes formations sont refuser personne a le courage de me dire les choses en face".

La discrimination n’est donc pas établie sur ce point.

— La mise à l’écart professionnelle de la salariée

Lors du PSE, Mme [M] a postulé pour un emploi de « technicien support Technique SLS » ouvert dans le laboratoire [Localité 6], et proposé à l’ensemble des salariés concernés par ledit PSE. N’ayant pas obtenu ce poste qui correspondait pourtant parfaitement à ses compétences, elle demandait un poste sur le site [Localité 5].

À partir de juin 1975, en raison du fléchissement de l’activité du laboratoire [Localité 5], Mme [M] s’est trouvée sans tâches à effectuer. Elle a relancé verbalement son nouveau manager, M. [B], qui lui a indiqué qu’elle pouvait procéder à l’identification et au tri des produits chimiques et participer à l’élimination des produits R&D, tâches qui ne correspondaient nullement à son niveau de compétences.

Mme [M] a fait l’objet d’une procédure de licenciement économique qui s’est heurtée au refus d’autorisation de l’inspection du travail notifié le 1er décembre 2015, motif pris de l’absence de recherches sérieuses de l’employeur au regard des compétences de la salariée.

À partir de cette date, Mme [M] a relancé régulièrement son employeur en vue de remplir des fonctions conformes à son niveau de compétences. On ne lui a proposé que des tâches ponctuelles, répétitives et dégradantes telles que trier et jeter les produits chimiques du laboratoire. Elle a été mise à l’écart alors qu’il était possible de l’affecter à d’autres services qui connaissaient des regains d’activité très importants et que de nombreux salariés se plaignaient de crouler sous les tâches, certains intérimaires travaillant le samedi.

Ce n’est que le 03 mars 2017, soit plus de 9 mois après la restructuration de son service, qu’un emploi de technicienne en métrologie sera proposé à la salariée qu’elle acceptera le 17 mars à condition qu’une formation lui soit dispensée pour faire face à ces nouvelles tâches.

L’employeur ne lui a permis de suivre qu’une formation Excel d’une journée au lieu des deux prévues. De plus, les tâches qui lui ont été confiées ne correspondaient pas à un poste à temps plein comme indiqué dans son entretien d’évaluation de 2017.

La possibilité ne lui a pas été donnée de se former et de performer dans ce poste déprécié.

La société Pall France réplique que le poste de technicien support SLS demandé par la salariée ne lui a pas été accordé car elle ne présentait pas les qualités requises ; que contrairement aux allégations adverses, Mme [M] n’a jamais été privée de travail : son travail a été allégé du fait de son mi-temps thérapeutique, puis elle a repris son travail à temps complet. Toutefois elle a fait l’objet d’arrêts maladie répétés entre 2015 et 2017 (11 septembre 2015 au 13 janvier 2016 ; 22 mars au 31 mai 2016 ; 07 juin au 31 juillet 2016 ; 21 février au 08 mars 2017) et ses heures de délégation ( 26,50 jours en 2015, 15,50 jours en 2016, 18 jours en 2017) ont réduit sa capacité de travail.

Le 03 mars lui a été proposé un nouveau poste de technicienne en métrologie qu’elle a immédiatement accepté et occupe encore aujourd’hui.

SUR CE,

Selon une jurisprudence constante, le défaut par l’employeur de fournir du travail au salarié pendant de longues périodes constitue un élément de nature à faire présumer l’existence d’une discrimination.

La discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d’autres salariés de même ancienneté et niveau et peut résulter du seul fait qu’aucun autre salarié n’a été traité de cette manière, ce que soutient Mme [M] sans être contredite.

Mme [M] fait grief à l’employeur de n’avoir pas rempli à son égard son obligation de fournir du travail instituée par l’article L. 1222-1 du code du travail, dans un premier temps en ne lui confiant que des tâches ingrates, répétitives et inférieures à sa qualification et par la suite en cessant purement et simplement de lui fournir du travail jusqu’en mars 2017, date à laquelle lui sera proposé un poste de technicienne en métrologie qu’elle acceptera bien que ce poste ne l’occupe pas à temps complet.

Les tâches sans rapport avec sa qualification

Mme [M] soutient que les rares tâches qui lui ont été confiées depuis la suppression de son poste au service R&D étaient répétitives et sans rapport avec son niveau de compétences.

Ces tâches sont décrites dans deux courriels de M. [B] produits au dossier.

— mail du 25 juin 2015 :

« Voici les tâches que vous pourrez réaliser dès à présent :

— identification et tri des produits chimiques de la R&D, (avec l’assistance d’autres personnes du PE)

— élimination des produits de la R&D qui auront été identifiés comme n’étant plus utilisés sur le site [Localité 5] suite à l’arrêt des activités."

— mail du 23 novembre 2015 :

« Comme discuté ce matin, voici les tâches que je vous demande de réaliser dans les semaines à venir :

— inventorier tous les articles consommables stockés dans les différentes armoires et tiroirs des anciens laboratoires R&D et ARD et enregistrer cet inventaire dans un tableau Excel.

— pour chaque article consommable inventorié, vérifier si les services CQ, PE et SLS ont un besoin pour cet article ( à indiquer dans le tableau excel).

— après décision par un responsable, procéder à la réallocation du stock dans le service concerné ou sinon à la mise en destruction.

Je pense que vous devriez pouvoir réaliser ce travail dans les semaines à venir dont à compléter si possible avant Noël (2015)."

L’employeur analyse les tâches confiées à la salariée en juin 2015 dans un courrier envoyé à la DIRECCTE le 29 octobre 2015 :

« Mme [M] devait, à partir d’une liste effectuée par son supérieur hiérarchique, regrouper un ensemble de substances chimiques préalablement identifiées puis elle devait les entreposer dans un local de stockage afin qu’elles soient évacuées par une entreprise spécialisée.

D’autres produits comme les matières premières et les produits finis devaient également être triés et rangés dans le local de stockage. La sélection et le tri de ces produits devaient être réalisés par le personnel du PE et Mme [M] devait se charger de l’enlèvement et du rangement dans le local de stockage. Cette tâche ne nécessitait pas forcément qu’elle soit réalisée de concert avec le personnel du PE. Le tri et l’identification des produits à évacuer pouvaient être faits dans un premier temps par le personnel du CE et l’enlèvement vers le local de stockage dans un second temps par Mme [M].

Nous insistons sur le fait que ces tâches requièrent des compétences qu’une technicienne de laboratoire peut parfaitement assumer les produits étaient correctement identifiés, il fallait les transporter et les ranger dans le local de stockage en respectant parfaitement leurs incompatibilités. (…) le problème est que Mme [M] considérait cette tâche comme dégradante et nous a clairement dit, je cite ses propos « je ne suis pas là pour faire la bonniche ».

En ce qui concerne l’activité actuelle de Mme [M], nous lui avons confié, en juin dernier, une tâche qui consiste à trier et éliminer les substances chimiques du laboratoire R&D. Il faut noter que cette activité est une tâche habituelle de tous les techniciens de laboratoire.

Le tri et l’évacuation des produits chimiques vers le local de stockage est une tâche récurrente de tout technicien de laboratoire dès lors que les produits et /ou matières premières doivent être évacués par une entreprise spécialisée (…)."

S’il s’agit d’ un appauvrissement par rapport aux tâches antérieures de Mme [M], la DIRECCTE n’a pas remis en cause cette analyse. Ces travaux de tri et reclassement de produits chimiques étaient nécessaires du fait de la disparition du service dans lequel était employée la salariée et rien n’indique qu’elles pouvaient être confiées à un employé d’un niveau de compétences inférieur à celui de Mme [M]. De plus, rien n’indique qu’il était possible à l’employeur d’affecter celle-ci à des tâches plus élaborées durant cette période de réorganisation.

L’absence de fourniture de travail

La salariée justifie de l’absence totale de fourniture de travail à compter de la fin de l’année 2015 par la production de plusieurs messages :

— mail du 15 novembre 2016 :

« Est ce normal de me laisser toujours sans travail depuis le 29 août 2016 ' »

— mail du 12 décembre 2016 à Mme [D] et M. [B] :

« Depuis 2 ans je suis sans travail dans l’entreprise. Je vous demande s’il vous plaît du travail sur [Localité 5]."

— mail de voeux 2017 adressé notamment à Mme [D] et à M. [B] :

« Depuis le 29 aout 2016 je suis dans l’entreprise sans travail (…) Est ce normal ' Payer un salarié à ne rien faire. Je ne comprends pas votre raisonnement pourtant à [Localité 5] le travail ne manque pas. "

— mail du 10 janvier 2017 à M. [X] :

« Depuis juin 2015, mon service a été fermé à la suite de çà, je me trouve dans le service de M. [Q] [B] et depuis je n’ai pas de travail ni d’objectifs. Je fais régulièrement des mails à Mme [D] DRH et à M. [B] pour lesquels je n’ai jamais de réponse."

— mail du 11 janvier 2017 à Mme [D] et M. [B] :

« À [Localité 5], il y a beaucoup de travail qui correspond à ma catégorie : technicienne de laboratoire. Si vous trouvez que je n’ai pas de compétence, c’est votre rôle de me donner des formations adaptées à d’autres postes."

L’employeur a proposé à Mme [M], par lettre du 03 mars 2017, un poste de technicienne en métrologie sur le site [Localité 5] dans les mêmes conditions de salaire, coefficient et statut que précédemment.

Ce poste a été accepté par la salariée qui a donné satisfaction dans les tâches confiées selon le compte rendu d’évaluation du 23 février 2018.

Il n’en demeure pas moins que la société Pall France ne justifie pas avoir confié d’autres tâches que celles listées dans les deux courriels ci-dessus évoqués dans la période située entre juin 2015 et mars 2017, malgré les demandes répétées de Mme [M].

L’employeur explique cette carence par les nombreux arrêts maladie de la salariée durant cette période et par le temps consacré par Mme [M] à ses activités syndicales.

Le tableau produit par la SAS Pall France dans ses écritures totalise 60 jours de délégation pour les années 2015, 2016 et 2017.

Les justificatifs produits au dossier par la salariée font état d’arrêts maladie entre le 11 septembre et le 17 novembre 2015 puis entre le 21 février et le 27 mars 2017, soit au total 103 jours d’arrêt de travail. Aucun justificatif n’est fourni par l’employeur de ses allégations relatives aux dates des arrêts maladies invoquées dans ses écritures.

Ces absences pour maladie et ces jours de délégation ne suffisent pas à justifier l’absence totale de fourniture de travail entre Noël 2015, date à laquelle s’achevaient les opérations d’inventaire et de redistribution des stocks de consommables confiées à la salariée le 23 novembre 2015, et son arrêt maladie du 21 février 2017 ni le silence opposé aux demandes réitérées et infructueuses de Mme [M].

Le manquement de l’employeur à son obligation de fournir du travail est donc avéré et fait présumer d’une discrimination à l’encontre de la salariée.

La société Pall France ne justifie en rien de son impossibilité de fournir à Mme [M] dans la période considérée, un travail en rapport avec ses aptitudes et ne contredit pas les allégations de la salariée suivant lesquelles "le travail ne manque pas à [Localité 5]".

La discrimination est donc caractérisée sur ce point.

— La passivité blâmable de l’employeur face à la situation de Mme [M]

Selon Mme [M], depuis 2008, elle demandait à son délégué du personnel d’évaluer le déroulement de sa carrière pendant les 30 années passées au service de l’entreprise. L’employeur interrogé à ce sujet, a répondu que le rachat de la société Biosepra par le groupe Pall n’avait eu aucune conséquence discriminatoire sans rien dire des 25 années ayant précédé cet événement.

En 2010, Mme [M] a demandé à l’inspection du travail de diligenter une enquête, demande qui n’a pu aboutir faute de temps.

Mme [M] considérant néanmoins être victime d’une injustice criante, a informé l’inspection du travail de sa situation par courrier du 28 août 2013.

De son côté, l’USTM CGT a envoyé un courrier au directeur de Pall France pour l’alerter de la discrimination subie par la salariée relevant qu’elle est toujours au coefficient 285 le plus bas de son service pour le même travail et qu’au surplus, elle n’a pas touché les 4 % d’augmentation générale.

Pour autant, la société Pall France n’a aucunement modifié son comportement à l’égard de la salariée toujours bloquée dans sa carrière.

La société PALL France n’a pas répondu à cette argumentation.

SUR CE,

La passivité reprochée à l’employeur en dépit des alertes données à celui-ci ne constitue une attitude discriminatoire que dans la mesure où celui-ci a laissé perdurer sciemment une situation discriminatoire.

La stagnation de la carrière de Mme [M] ne constitue une telle situation que si elle est réelle et n’est pas justifiée par des éléments objectifs.

Il sera recherché ci-après dans quelle mesure Mme [M] a été retardée dans sa carrière et le cas échéant si ce retard était justifié par des éléments objectifs.

Il ne peut y avoir de passivité blâmable de l’employeur sans retard de carrière injustifié.

— La concomitance entre l’activité syndicale de la salariée et les sanctions disciplinaires

Mme [M] expose que si son engagement syndical remonte à 1995, les années 2010 et 2011 ont été des marqueurs de son activité syndicale : les Négociations Annuelles Obligatoires de 2010 et 2011 ont été l’occasion d’affrontements entre direction et représentants des salariés au cours desquels la salariée a relayé avec énergie les positions de ces derniers.

Au cours de l’année 2011, elle a également assuré la défense d’une salariée licenciée pour faute grave au soutien de laquelle un mouvement de grande ampleur a eu lieu au sein de la société.

C’est dans ce contexte que la salariée s’est vu infliger un avertissement.

Le second avertissement a été notifié juste après la réception de la convocation à l’audience de conciliation devant le conseil de prud’hommes, ce qui laisse fortement penser qu’il s’agit d’une mesure de rétorsion faisant suite à cette convocation. Il a été suivi d’une convocation à entretien préalable dans le cadre d’une procédure de licenciement.

Le troisième avertissement a été délivré plus de 4 mois après les premiers faits invoqués.

SUR CE,

Comme il a été dit ci-avant, les avertissements du 26 février 2011 et du 1er juillet 2015 étaient justifiés par le comportement de la salariée et lui ont été légitimement infligés sans qu’il soit possible d’établir qu’ils l’ont été à cause de son activité syndicale. De même, rien ne permet d’affirmer que les faits du 20 et du 22 mai 2015 n’auraient pas donné lieu à l’avertissement du 1er juillet si la salariée n’avait pas saisi le conseil de prud’hommes le 02 juin 2015.

La concomitance relevée ne suffit pas à démontrer l’existence d’un lien de causalité entre l’action syndicale de la salariée, la saisine de la juridiction prud’homale et les sanctions disciplinaires prises à son encontre. Cette coïncidence ne caractérise donc pas une discrimination à raison de l’activité syndicale de Mme [M].

— L’accident de travail constitutif d’un harcèlement discriminatoire

Mme [M] a subi un malaise sur son lieu de travail le 11 septembre 2015 à réception d’un courriel de Mme [D], directrice des ressources humaines, particulièrement agressif et typique de l’animosité de la direction envers les représentants du personnel, qui avait pour objet de lui reprocher de n’avoir pas transmis le compte rendu d’une réunion du 03 octobre 2014, critiquant ainsi son activité syndicale qui ne relève pas du pouvoir de direction de l’employeur et lui reprochant au passage les pauses qu’elle prenait sur son temps de travail. Elle a dû être évacuée en urgence à l’hôpital [Localité 7] et le compte rendu de l’accueil psychiatrique de cette unité faisait état d’un « harcèlement au travail très probable ».

Elle a repris son travail à mi-temps le 17 novembre, le médecin du travail ayant préconisé un mi-temps thérapeutique pendant 3 mois.

Une enquête a été demandée par l’inspection du travail à la direction, qui n’a toujours pas été mise en oeuvre et figure encore à l’ordre du jour du CSE des 22 et 23 novembre 2018.

Une procédure d’accident du travail a été mise en oeuvre devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine. La décision de rejet du 22 novembre 2017 a été frappée de recours. Néanmoins, dans les motifs de cette décision il est indiqué qu'« il existe manifestement des relations de travail dégradées de longue date qui ne peuvent être niées (…) qui ont pu la déstabiliser sur le plan psychologique ». Cet événement est constitutif d’un harcèlement discriminatoire car en lien direct avec les fonctions syndicales de la salariée.

La société Pall France réplique que Mme [M] a fait un malaise sur son lieu de travail postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes ; que pour se conformer à ses obligations, elle a fait une déclaration d’accident du travail en formulant toutefois des réserves ; que le caractère professionnel de ce malaise n’a pas été retenu par la CPAM ni par le tribunal des affaires de sécurité sociale.

SUR CE,

Le courriel de la directrice des ressources humaines auquel est attribuée l’origine du malaise de Mme [M] est libellé comme suit :

« nous sommes quasiment un an après la tenue de la réunion du 03 octobre pour laquelle nous n’avons toujours pas de PV!!!

C’est inacceptable! Vous invoquez régulièrement les retards de votre rédactrice mais nous n’y croyons plus.

Je ne peux pas croire qu’avec toutes les pauses que vous prenez, [C] et [N], vous n’ayez pas le temps de finaliser ces PV!!

Si le mail de Mme [D] a un lien avec l’activité de secrétaire du CHSCT de Mme [M], celui-ci ne saurait relever d’une pratique discriminatoire que s’il constituait un traitement défavorable infligé à celle-ci notamment à raison de son appartenance syndicale, ce qui suppose établi qu’un salarié non syndiqué ayant fait preuve de la même incurie n’aurait pas fait l’objet d’un tel traitement.

Or, d’une part, un salarié non syndiqué ne pouvait se trouver dans la situation d’entraver le fonctionnement du CHSCT par son inertie.

D’autre part, le courriel litigieux était justifié par le fait que :

— Mme [M] en tant que secrétaire du CHSCT devait relire et transmettre les procès-verbaux de réunion à leurs destinataires, dont faisait partie Mme [U] en charge de la coordination avec le CHSCT.

— ces procès-verbaux étaient établis par un prestataire extérieur de sorte que la tâche incombant à Mme [M] ne consistait qu’à en vérifier le contenu et à le diffuser.

— le 30 juillet puis le 28 août 2015, Mme [U], qui est en charge de la coordination avec le CHSCT a sollicité auprès de Mme [M] et de M. [X] la remise des comptes rendus de deux réunions du CHSCT du 03 octobre 2014 et du 17 février 2015 après de nombreuses relances verbales infructueuses.

— ces réclamations écrites étant également demeurées sans effet, Mme [D] a renouvelé les demandes de Mme [U] le 11 septembre 2015 dans les termes ci-dessus énoncés.

Même en faisant abstraction de l’impossibilité de toute comparaison entre un membre du CHSCT et un salarié non syndiqué, une telle remontrance aurait pu être légitiment adressée à n’importe quel salarié persistant à ignorer une tâche d’une importance comparable plus d’un an après la date souhaitée et malgré deux relances écrites et plusieurs relances verbales.

Par ailleurs, la salariée en charge de la coordination entre l’entreprise et le CHSCT est légitime à faire une telle demande dans l’intérêt du CHSCT comme de l’entreprise.

Cette demande et le mail litigieux qui la réitère ne constituent pas une immixtion dans l’activité syndicale et ne sortent pas des limites du pouvoir de direction de l’employeur.

Le courriel de Mme [D] adressée à la salariée le 11 septembre 2015 ne relève donc pas d’un harcèlement discriminatoire comme prétendu par l’appelante.

— La quasi absence d’évolution professionnelle

Mme [M] fait valoir que :

— depuis 2007, année du changement de convention collective, qui s’est opéré à niveau constant, le niveau 205 de la chimie correspondant au niveau 240 de la convention de la métallurgie, elle n’a bénéficié que de deux évolutions de son coefficient dont la dernière remonte à 2011.

— contrairement au soutien adverse, elle n’a été « assimilé cadre » qu’en 2011, en accédant au coefficient 285, et non en 2007 alors que M. [L], embauché en 2003 avec un niveau d’études similaire au sien avait atteint le coefficient 305 depuis 2007.

— lors de la nouvelle classification des emplois qui accompagnait l’adoption d’une nouvelle grille des salaires, l’emploi de Mme [M] a été coté au niveau T1 le plus faible de la catégorie « soutien technique ».

— la salariée s’est offusquée de ce positionnement par la voix de son délégué syndical.

L’échange de messages qui s’en est suivi montre que l’employeur, tout en reconnaissant ses qualités professionnelles, assume parfaitement de la positionner à ce niveau après 40 ans d’ancienneté et des notations favorables, ce qui laisse supposer un blocage injustifié de sa carrière et donc une discrimination.

La société Pall France soutient que :

— Mme [M] a bénéficié d’une progression continue à la mesure de ses capacités professionnelles et elle a connu une évolution remarquable au sein de la société.

— depuis 1995, elle exerce des mandats représentatifs et a obtenu, en 1999, une promotion en qualité de technicienne de laboratoire, en 2007, une promotion au statut d’agent de maîtrise assimilée cadre, en 2008 une progression au coefficient 255 et en 2011, une progression au niveau 285 niveau IV échelon 3 de sorte que son absence d’évolution depuis 2011 ne peut donc être liée à ses responsabilités syndicales.

— l’obtention d’une qualification supérieure n’est pas liée à l’écoulement du temps mais à la démonstration de compétences avérées ou à l’exercice de responsabilités et Mme [M] ne peut donc revendiquer un statut sans rapporter la preuve qu’elle satisfait aux conditions posées à son accès.

— le niveau V qu’elle revendique est le plus important des niveaux des agents de maîtrise et implique notamment l’encadrement d’un ou plusieurs groupes, par l’intermédiaire d’agents de maîtrise de niveaux différents, la répartition et le contrôle des tâches entre ceux-ci, l’évaluation des résultats et le cas échéant la mise en oeuvre des actions correctives nécessaires, l’appréciation des compétences individuelles.

— les supérieurs hiérarchiques de la salariée sont en droit d’estimer qu’elle ne disposait objectivement ni des compétences professionnelles ni des qualités relationnelles indispensables pour évoluer à ce niveau.

SUR CE,

La discrimination ne peut être établie que par comparaison de l’évolution de carrière de Mme [M] avec celle de salariés se trouvant dans une situation comparable à la sienne.

Le cas de M. [L] cité par la salariée à titre de comparaison ne peut être retenu puisque celui-ci était titulaire d’un CAP, d’un BEP, d’un bac professionnel et d’une expérience de 26 mois dans un laboratoire en tant que conducteur d’appareils au moment de son embauche, au coefficient 175 comme ouvrier hautement qualifié, contrairement à la salariée qui n’était titulaire que du brevet des collèges et a été embauchée en qualité d’ouvrier qualifié au coefficient 135 et en 1992, M. [L] a été admis au brevet professionnel de conducteur d’appareils de l’industrie chimique. De même, M. [Z], cité par la salariée, a été embauché en 2009 comme technicien de laboratoire et disposait d’un master 1 de chimie et d’une licence de sciences technologie et santé. Son salaire est inférieur à celui de Mme [M] sur les années 2011 à 2014 (selon le tableau comparatif produit par l’employeur en pièce 3).

Par ailleurs, le rejet par l’employeur de la demande de Mme [M] tendant au bénéfice du coefficient 305 puis du coefficient 335, jugé discriminatoire par celle-ci, est justifié par des raisons objectives sur lesquelles il sera plus amplement débattu ci-après.

La discrimination n’est pas établie sur ce point.

— La faible évolution de sa rémunération allant de pair avec celle de sa classification

Mme [M] soutient que :

— en 37 ans de carrière, elle n’a progressé que de 763 euros, soit la différence entre 1 521,88 euros (équivalent en euros de son salaire de 1978) et 2 285 euros montant de son salaire en 2015, soit une progression moyenne de 20 euros par an. La lenteur de cette progression est corroborée par la comparaison de cette évolution avec celle de ses collègues de travail. Son salaire annuel est de 28 613 euros alors que pour la moyenne des femmes agents de maîtrise il est de 30 937 euros et pour celle des hommes de 31 963 euros, alors qu’elle a 20 ans de plus que l’âge moyen des femmes de sa catégorie et 21 ans de plus que les hommes.

La société PALL France fait valoir que :

— débutant avec un salaire de 2 556 francs (390 euros) en 1978 au coefficient 135, elle percevait un salaire de 2 285 euros en 2015 au coefficient 285, supérieur au minima conventionnel, ce qui constitue une évolution significative. Rien dans son parcours ne laisse apparaître d’anomalie pouvant révéler un traitement défavorable en relation avec son appartenance syndicale, son sexe ou son origine étrangère.

— la salariée ne se fonde pas sur un panel pertinent pour étayer sa demande. La comparaison avec les autres techniciennes de laboratoire occupant actuellement le même niveau et le même coefficient entre les années 2008 et 2015 montre qu’elle se situe parfaitement dans la norme et qu’elle atteint même, grâce à son ancienneté, un statut équivalent à celui de salariés plus diplômés qu’elle.

— le principe de non discrimination ne fait pas obstacle aux différences de traitement des salariés placés dans une situation identique à partir du moment où celles-ci sont justifiées par des raisons objectives et pertinentes.

SUR CE,

Il résulte du décompte produit par Mme [M] dans ses écritures, corroboré par ses bulletins de salaires, que sa rémunération a été augmentée 26 fois entre 1978 et 2014, passant ainsi de 2 556 francs (390 euros) à 2 285 euros en 2015, soit une augmentation de 585,90 % en 37 ans (ou de 15,83 % par an).

Cette progression ne s’est pas limitée à 763 euros comme le soutient à tort la salariée sur la base d’une erreur de calcul dans la conversion en euros de son salaire de 1978.

La démonstration d’une éventuelle discrimination salariale ne peut s’effectuer que sur la base d’éléments précis à savoir par comparaison de l’évolution de la rémunération de Mme [M] avec celle d’un panel composé de salariés embauchés au même moment et au même niveau qu’elle.

À défaut de tels éléments la discrimination alléguée n’est pas établie.

— La discrimination sexuelle

Selon les écritures de la salariée, il existe au sein de la société, une discrimination sexuelle structurelle dans la mesure où les femmes travaillant au sein de Pall France sont systématiquement moins payées que les hommes et défavorisées dans la répartition des tâches. Ainsi, les postes les plus élevés sont pourvus par des hommes et les femmes sont surreprésentées dans les catégories inférieures. L’évolution des femmes y est également plus lente que celle des hommes. Les femmes ont un salaire moyen inférieur à celui des hommes dans 6 des 9 catégories d’emploi au 31 mars 2014. L’augmentation moyenne des salaires est de 3,97 % pour les hommes et de 3,34 % pour les femmes. L’attribution des bonus favorise également les hommes avec des écarts pouvant aller jusqu’à 100 % et même 300 % dans la division « life sciences ». Le document de travail établi en 2017 dans le cadre de la NAO montre que dans la catégorie agents de maîtrise, les hommes sont payés en moyenne 10 % de plus que les femmes.

Ces éléments montrent que Mme [M] a fait l’objet d’une discrimination sexuelle.

La société Pall France réplique que les documents produits par l’appelante (documents de NAO, rapports de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des hommes et des femmes) ne font pas apparaître d’inégalité en raison du sexe ni en termes de formation, ni en termes de rémunération ; que l’affirmation suivant laquelle il y a plus de femmes que d’hommes travaillant à temps partiel est parfaitement fausse et ne tient pas compte du libre choix des salariées concernées de travailler à temps partiel ; qu’il apparaît dans le document NAO de la période d’avril 2014 à mars 2015 que les femmes classées au coefficient 285 bénéficient d’un salaire plus élevé que les hommes (2 679 / 2 578).

Comme le montrent les cas de MM. [Z] et [L], la plupart des techniciens de laboratoire, ont des niveaux de formation plus importants que Mme [M]. Cet élément objectif justifie une différence de rémunération entre ces salariés. Par ailleurs, les documents produits par la salariée ne font pas apparaître d’inégalités de traitement entre hommes et femmes au sein de la société Pall France ni en termes de formation ni en termes de rémunération.

La comparaison de l’évolution de carrière de la salariée avec celle des hommes de sa catégorie montre l’absence de discrimination.

SUR CE,

Selon une jurisprudence constante, une comparaison doit pouvoir être invoquée par la salariée en tant qu’individu et le seul fait d’établir que le salaire moyen d’une femme est inférieur à celui d’un homme de l’entreprise ne suffit pas à une salariée pour démontrer qu’elle est personnellement victime d’une discrimination en raison de son sexe.

La salariée qui invoque une telle discrimination doit donc produire des éléments précis de nature à caractériser une différence de traitement entre elle-même et des hommes se trouvant dans une situation comparable à la sienne sous le rapport de l’ancienneté, des diplômes au moment de l’embauche ou encore des qualifications acquises depuis l’embauche, tous éléments qui doivent permettre à l’employeur, le cas échéant, de justifier de cette différence de traitement par des raisons objectives.

En se bornant à relever que « les femmes travaillant au sein de Pall France sont systématiquement moins payées que les hommes et défavorisées dans la répartition des tâches » ou encore que « les femmes ont un salaire moyen inférieur à celui des hommes dans 6 des 9 catégories d’emploi au 31 mars 2014 », Mme [M] n’a pas fourni d’éléments vérifiables de nature à faire présumer qu’elle a été personnellement victime d’une discrimination.

— La discrimination systémique à l’égard des personnes d’origine étrangère

La faiblesse de la rémunération de Mme [M], moins bien traitée que les femmes de sa catégorie et que les autres représentants syndicaux, s’explique également, selon elle, par son origine tunisienne, qui ne peut être ignorée de l’employeur étant rappelé, d’une part, que selon les rapports de la commission nationale consultative des droits de l’Homme, l’origine maghrébine est encore perçue de manière dépréciative par une frange importante de la population française, d’autre part que le 11ème baromètre sur la perception des discriminations dans le monde du travail, établi par le Défenseur des Droits en septembre 2018 relève que « les femmes perçues comme non blanches et les femmes en situation de handicap son les plus exposées aux attitudes hostiles au travail ».

La société Pall France réplique que la production d’un communiqué de la commission consultative des droits de l’Homme est sans lien avec le présent litige et que les considérations d’ordre général développées par la salariée ne peuvent constituer un début de preuve d’une quelconque discrimination à raison de l’origine de Mme [M].

SUR CE,

La discrimination à raison de l’origine ne peut être décelée que par la disparité non justifiée par des critères objectifs, du salaire à l’embauche entre salariés d’origines différentes ou encore par une différence non justifiée dans l’évolution de leurs rémunérations respectives.

Aucun élément de comparaison pertinent n’étant produit, la discrimination alléguée n’est pas établie.

— La discrimination en raison de l’appartenance à un syndicat

Mme [M] allègue que les sanctions et les reproches injustifiés qui lui ont été infligés, le retard dans son évolution de carrière et la progression de sa rémunération seraient liés à son appartenance syndicale.

La société Pall France fait valoir que l’évolution de carrière de la salariée n’a pas été modifiée par l’exercice de ses mandats représentatifs depuis 1995 et que Mme [M] ne produit pas d’éléments de comparaison pertinents pour justifier ses allégations.

SUR CE,

Il a été démontré ci-avant que les avertissements et observations infligés à la salariée étaient justifiés objectivement par ses manquements.

Si toutefois, l’avertissement du 1er juin 2016 a été annulé, aucun lien n’a pu être établi entre cette sanction et l’engagement de Mme [M].

Par ailleurs, il convient de relever qu’aucune mention relative à son appartenance syndicale ne figure dans les entretiens d’évaluation de Mme [M] ni dans aucun des courriers de reproches adressés à celle-ci.

Celle-ci n’a pas davantage démontré par des éléments de comparaison pertinents que son engagement syndical aurait eu des conséquences sur sa carrière ou sa rémunération.

La réalité d’une discrimination syndicale n’est donc pas établie.

Sur les conséquences de la discrimination

— Demande tendant au bénéfice du coefficient 305 au 1er janvier 2015 et du coefficient 335 au 1er janvier 2019

Selon Mme [M], le principe de réparation intégrale du préjudice posé par la Cour de cassation, oblige à placer celui qui l’a subi dans la situation où il se serait trouvé si le comportement dommageable n’avait pas eu lieu. L’employeur doit donc réparer l’entier préjudice résultant de la discrimination pendant toute sa durée.

Il est d’abord nécessaire de placer la salariée à sa juste position afin d’éviter les effets à venir de la discrimination.

Ainsi, Mme [M] peut-elle prétendre à un salaire annuel brut de 35 000 euros équivalant à la moyenne des salaires versés aux agents de maîtrise hommes âgés de plus de 40 ans au 31 décembre 2014.

Mme [M], qui a subi un net ralentissement de sa carrière depuis 2011, devra être positionnée au coefficient 305 au 1er janvier 2015 puis au coefficient 335 au 1er janvier 2019, soit une progression tous les 4 ans.

Par ailleurs, son salaire devra être majoré annuellement des augmentations individuelles et générales moyennes perçues par les salariés de sa catégorie déduction faite des augmentations dont elle a bénéficié.

La SAS Pall France fait valoir que l’aboutissement au niveau V de la convention collective n’est ni garanti ni automatique. Les supérieurs hiérarchiques de Mme [M] ont estimé objectivement que celle-ci ne remplissait pas les conditions requises pour accéder à cet échelon.

La salariée ne dispose en effet ni des compétences professionnelles ni des qualités relationnelles lui permettant de bénéficier d’une évolution professionnelle en 2015.

SUR CE,

Il incombe à l’employeur, responsable du bon fonctionnement et de la pérennité de l’entreprise, d’apprécier si la salariée présente les qualités requises pour accéder à un niveau de responsabilités supérieur. Une mesure en apparence discriminatoire peut s’avérer justifiée si l’employeur montre qu’elle est fondée sur l’évaluation de ses qualités professionnelles.

La société Pall France soutient en l’espèce que Mme [M] ne disposait ni des compétences professionnelles ni des qualités relationnelles requises pour évoluer au niveau V.

L’insuffisance des compétences techniques

Le niveau V coefficient 305 auquel aspire la salariée est défini par l’annexe 1 de la convention collective « classifications » dans les termes suivants :

« À partir de directives précisant le cadre de ses activités, les moyens, objectifs et règles de gestion, il est chargé de coordonner des activités différentes et complémentaires.

Il assure l’encadrement d’un ou plusieurs groupes généralement par l’intermédiaire d’agents de maîtrise de niveaux différents, et en assure la cohésion.

Ceci implique de :

— veiller à l’accueil de nouveaux membres des groupes et à leur adaptation,

— faire réaliser les programmes définis,

— formuler des instructions d’application,

— répartir les programmes, en suivre la réalisation, contrôler les résultats par rapport aux prévisions et prendre les dispositions correctrices nécessaires,

— contrôler, en fonction des moyens dont il dispose, la gestion de son unité en comparant régulièrement les résultats atteints avec leurs valeurs initialement fixées,

— donner délégation de pouvoir pour prendre certaines décisions,

— apprécier les compétences individuelles, déterminer et soumettre à l’autorité supérieure les mesures en découlant, participer à leur application.

(…) Niveau III de l’Education nationale, acquis soit par la voie scolaire, soit par l’expérience et la pratique complétant une qualification initiale au moins équivalente à celle du personnel encadré".

Les comptes rendus d’évaluation de 2007 à 2013 produits par la salariée relèvent le manque d’autonomie de celle-ci en raison de l’insuffisance de ses connaissances de base en mathématiques, physique et chimie nécessaires à son intégration et sa contribution aux travaux de l’équipe, de sa maîtrise insuffisante de la langue française pour la rédaction de rapports et la présentation de ses travaux en réunion, et de la langue anglaise au niveau requis pour l’utilisation d’appareils.

Si des progrès significatifs ont été observés d’année en année qualifiés d'« énormes » dans une attestation établie par son N+1 M. [H], Mme [M] n’avait pas pour autant atteint en 2013 le degré d’autonomie attendu d’un technicien de laboratoire.

Il a été noté en 2008, que la salariée devait bénéficier de « formations longues et diplômantes » pour « obtenir les bases nécessaires et suffisantes pour gravir les échelons (maths, chimie, analyse) ».

Les comptes rendus reviennent chaque année sur cette nécessité et M. [H] son N+1 va même jusqu’à écrire en 2010 « je mettrai en place toutes les formations nécessaires pour vous aider à parvenir aux objectifs ».

Si Mme [M] peut à juste titre reprocher à l’employeur de ne pas avoir accédé à ses demandes de formation dans les matières fondamentales susévoquées, malgré les constats de l’employeur et les engagements de son N+1, elle n’établit pas cependant que quelques heures de formation chaque année auraient pu remplacer un travail personnel de fond et auraient suffi à lui donner les capacités lui permettant de remplir les fonctions du niveau V.

Au demeurant, il convient de rappeler que les dispositions de l’article L. 6321-1 du code du travail suivant lesquelles « l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences » n’imposent pas à l’employeur de donner aux salariés les formations leur permettant d’accéder à un niveau d’emploi supérieur.

L’employeur, seul maître de l’utilisation de son budget, dispose d’un pouvoir de décision discrétionnaire et unilatéral pour déterminer le type d’actions de formation qu’il entend organiser et les salariés qu’il souhaite en faire bénéficier.

L’attestation de M. [B], supérieur hiérarchique (N+2) de la salariée, vient conforter les appréciations susévoquées dans les termes suivants :

« Depuis mon arrivée comme responsable du site en 2010, j’ai toujours constaté que Mme [C] [M] a un besoin continuel d’assistance et de support dans les tâches opérationnelles qu’elle doit exécuter au quotidien. J’ai également constaté qu’elle n’a jamais démontré aucune autonomie dans la résolution de problématiques d’analyse et de chimie ou même de bureautique. Cet état de fait a perduré depuis l’année 2008, année de transfert sur un poste de technicien de laboratoire, à 2015. De nombreuses formations internes, très opérationnelles, lui ont été dispensées tous les ans sans permettre d’améliorer son autonomie. Des formations externes lui ont été également apportées mais n’ont pas non plus permis d’améliorer cette situation".

L’attestation de M. [B] [P], directeur production et ingénieur des procédés, responsable du service R&D de novembre 2005 à avril 2015, va dans le même sens :

« pendant la période durant laquelle j’ai dirigé l’équipe R&D du site [Localité 5], le travail de Mme [M] a dû être limité à des tâches simples et répétitives.

Malgré son désir de progresser et les formations au poste de travail, les compétences professionnelles de Mme [M] ne permettaient pas d’envisager une évolution sur un poste de niveau supérieur avec plus d’autonomie".

Il ne résulte pas de ces éléments que le niveau technique atteint par Mme [M] lui permette d’exercer des responsabilités supérieures à celles qu’elle occupe actuellement.

L’insuffisance des qualités relationnelles

Certains des comptes rendus d’évaluation produits au dossier font état du dévouement et de l’humanité de la salariée :

— ainsi, le compte rendu de janvier 2012 évoque-t-il le fait que Mme [M] a renoncé à ses heures de délégation pour aider l’équipe à régler une situation urgente sur le projet « XLO » dont elle n’avait pas la charge, et qu’à cette fin elle a appris à utiliser un matériel nouveau dénommé titrimètre malgré son niveau d’anglais médiocre.

— ainsi, dans son appréciation de 2010, M. [S] a-t-il pu écrire : "merci encore pour ton côté humain pendant ces années ensemble au R&D« et le compte rendu de janvier 2012 la décrit-il comme »toujours la première à rendre service aux autres".

Il n’en demeure pas moins que plusieurs courriers et attestations relatent des incidents imputables au caractère ombrageux de Mme [M] :

— attestation de M. [O] relatant une altercation avec menaces le 28 septembre 1998 à propos d’une étuve à vaisselle restée allumée.

— avertissement par lettre du 07 mai 2004 de Mme [C] (directrice générale de l’époque) faisant état d’agressions verbales de plusieurs employés le 05 mai et rappelant à la salariée qu’elle a déjà fait l’objet d’observations verbales et écrites.

— courriel du 27 mai 2004 de Mme [A] [T] à Mme [C] faisant état de nouveaux problèmes relationnels avec Mme [M] ce même jour : "après m’avoir insultée sans raison il y a deux semaines, elle s’acharne à présent contre moi et trouve divers petits prétextes pour prétendre que je la harcèle (ce sont ses mots) c’est facile et sans exemple fondé puisque cela est faux! Je l’ignore plutôt, je viens de découvrir que je ne suis pas autorisée à prendre la vaisselle dont j’ai besoin au CQ ni la ranger où je veux. Je ne savais pas que Mme [M] avait autorité sur moi.D’autre part, elle fait courir des bruits sur ma personne que je ne peux plus supporter (j’aurais par exemple entre autres, maltraité un stagiaire resté un mois dans mon service)".

— lettre de Mme [V] [J] à la directrice du 29 juin 2004 : « le moindre prétexte est bon pour qu’elle s’emporte sans raison à mon égard. Elle vient conspuer dans le labo du fait que je lui ai dit bonjour sans lui serrer la main ou bien elle me reproche par exemple d’écrire trop gros sur la vaisselle. Elle a aujourd’hui crié que cela faisait 25 ans qu’elle était dans la société et qu’elle n’allait donc pas se faire emmerder par une petite jeune ».

— lettre de M. [R], directeur des ressources humaines de Pall France, à l’inspection du travail en date du 06 juillet 2011 : "Mme [C] [M] devient de plus en plus difficile à gérer et les incidents se multiplient. Lors du dernier CHSCT (28 juin dernier) la secrétaire du CHSCT a été contrainte de suspendre la séance. Les membres sont sortis quelques minutes pour permettre à Mme [M] d’arrêter de crier, de se calmer, toute discussion étant devenue impossible au sein du comité. À l’issue de cette suspension, Mme [M] a tenu des propos incohérents, a proféré des menaces et des accusations à l’encontre de plusieurs membres du CHSCT ainsi qu’à mon encontre et a quitté violemment la séance du CHSCT. À plusieurs reprises, M. [Q] [B], directeur du site [Localité 5] a attiré mon attention sur la difficulté qu’il avait à gérer cette collaboratrice. Il m’a signalé qu’elle perturbait le bon fonctionnement du site [Localité 5] et qu’aucune des conversations qu’il avait pu avoir avec elle n’avait réussi à la faire changer d’attitude. Suite à un incident bénin survenu sur le site [Localité 5] le 04 juillet, une réunion a été organisée ce matin pour établir l’arbre des causes. Mme [M] a refusé d’assister à cette réunion mais en a perturbé le déroulement en prenant violemment à partie les autres membres du CHSCT et leur criant qu’elles étaient dangereuses pour l’entreprise".

— attestation de M. [B] : "depuis mon arrivée comme responsable de site en 2010, j’ai aussi constaté que Mme [C] [M] démontre très régulièrement une forte agressivité par des propos insultants, de la violence verbale, des cris, de l’intimidation, vers toutes personnes qui se permettraient de la contredire".

— attestation de Mme [F], directrice de Pall France de 2005 à 2012, qui a observé « pendant toute cette période, très régulièrement, des comportements agressifs, des propos irrespectueux, voire des insultes et des attaques diffamantes, des cris et de la véhémence à l’encontre de quiconque osait la contredire » faisant ainsi régner un « climat de tension et d’inconfort psychologique ».

De telles difficultés relationnelles ne permettent pas d’envisager de confier à Mme [M] l’encadrement d’une équipe d’agents de maîtrise, d’en assurer la cohésion, de veiller à l’adaptation des nouveaux venus, de contrôler le travail de ses subordonnés.

La salariée ne peut donc prétendre au bénéfice du coefficient 305 au 1er janvier 2015 et a fortiori à celui du coefficient 335 à compter de janvier 2019.

Sur la demande de rappel de salaire en réparation du préjudice financier résultant de la discrimination

Mme [M] soutient que le salarié victime de discrimination subit un préjudice constitué de la différence entre ce qu’il aurait dû percevoir et ce qu’il a effectivement perçu en ce compris les avantages dérivés du salaire et le préjudice de retraite.

L’évaluation du préjudice financier doit s’effectuer par comparaison avec un panel de salariés se trouvant dans une situation aussi comparable que possible de celle de la demanderesse. Il s’agit de comparer l’évolution du salaire de la salariée avec celle du panel (moyenne des salariés qui le composent) entre la date de son arrivée dans l’entreprise (ou bien de la date de l’événement qui a engendré la discrimination) et celle de la demande.

Son montant est égal à la surface d’un triangle dont la base est égale au temps écoulé entre le début de la discrimination et la date de la demande et la hauteur représente la différence entre le salaire atteint par le panel (point le plus élevé) et celui du salarié (point le plus bas).

En l’espèce, l’écart entre la rémunération de Mme [M] et celle de la moyenne des salariés de sa classe en fin de période a atteint 6 387 euros. La période de discrimination a duré 35 années de la fin 1978 à la fin 2014. Elle a donc subi un préjudice total de 128 538,37 euros (6 387 euros x 35 années /2 = 111 772,20 euros, somme à laquelle s’ajoute la prime d’ancienneté conventionnelle égale à 15 % du salaire de base soit 111 772,50 x 115 % = 128 538,37 euros).

Il convient d’ajouter à ce chiffre l’incidence de cette perte de salaire sur les droits à la retraite de Mme [M] dont le montant peut être évalué à 48 % du salaire perçu au cours de la carrière compte tenu d’une espérance de vie moyenne de 84 ans pour les femmes, ce qui porte le montant du préjudice financier à 190 236,80 euros.

La SAS Pall France soutient que aucune discrimination n’est établie à l’encontre de la salariée, et que la demande ne reposant sur aucun élément rationnel est exorbitante.

SUR CE,

Il résulte de ce qui précède que l’absence de fourniture de travail à Mme [M] fait présumer d’une discrimination à son égard et que l’employeur ne démontre pas que cette carence est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination.

Le calcul du préjudice financier résultant de la discrimination doit s’effectuer à partir de la constitution d’un panel de salariés embauchés à la même époque que la salariée et au même niveau de rémunération. Il procède d’une comparaison entre l’évolution dans le temps de la rémunération des salariés composant ce panel et de celle du salarié discriminé. Ce préjudice est constitué par la différence entre la rémunération atteinte par le salarié à la date de comparaison (ici 2014) et la moyenne des rémunérations des salariés composant ce panel. Il est égal au produit de cette différence par la durée de la discrimination (divisé par 2 pour tenir compte du fait que cette différence est nulle au point de départ de l’évolution comparée).

En l’espèce, Mme [M], au lieu de prendre pour base de son calcul un ensemble de salariés recrutés en 1978 au coefficient 135 ou à tout le moins des ouvriers recrutés dans la même période qu’elle ayant des diplômes comparables, s’est contentée de faire la différence entre le salaire moyen de l’ensemble des agents de maîtrise hommes pour l’année 2014 (35 000 euros) et son propre salaire de cette même année (28 613 euros) sans recourir à la méthode dont elle a elle-même rappelé les principes en page 33 de ses écritures.

Ce procédé ne permet pas de comparer valablement l’évolution dans le temps des rémunérations de salariés placés au départ dans une situation égale.

Cette demande ne peut être accueillie.

Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de la discrimination

Mme [M] fait valoir que les effets psychologiques produits par un processus discriminatoire ont fait l’objet de nombreuses analyses sociologiques et médicales dont il résulte qu’à la perte de revenus s’ajoute un préjudice moral du fait de l’absence de reconnaissance professionnelle, la salariée ayant été dévalorisée aux yeux de sa communauté de travail. Elle ajoute qu’elle a dû puiser dans ses forces psychiques pour supporter le traitement discriminatoire dont elle a fait l’objet ayant eu pour conséquence une décompensation psychique portant atteinte à sa santé qui explique son malaise de septembre 2015.

Elle demande en conséquence réparation de ce préjudice moral à hauteur de 50 000 euros.

La SAS Pall France allègue qu’aucune discrimination n’a été caractérisée et aucune preuve n’a été produite de l’existence d’un quelconque préjudice moral, qu’en toute hypothèse aucun préjudice distinct n’est établi.

SUR CE,

L’existence d’une discrimination a été établie en ce qui concerne la fourniture de travail entre juin 2015 et mars 2017.

Ce manquement de la société Pall France a eu un impact psychologique incontestable sur la salariée qui s’est trouvée dévalorisée à ses propres yeux et à ceux de son entourage et qui est perceptible à la seule lecture de ses messages de la période. Il n’est pas sans lien avec la dégradation concomitante de son état de santé.

Il sera justement réparé par une indemnité de 15 000 euros.

Sur le harcèlement moral

Mme [M] soutient également avoir été victime d’un harcèlement moral et fait valoir, au soutien de cette allégation, les arguments suivants :

Les faits exposés ci-dessus pour établir l’existence une discrimination peuvent être de nouveau invoqués pour caractériser un harcèlement moral.

Outre le traitement discriminatoire qui lui a été infligé depuis le début de sa carrière, qui s’est accentué à partir de 2011, elle a subi des mesures disciplinaires infondées, l’envoi d’un mail très agressif de la directrice des ressources humaines ayant provoqué un malaise sur son lieu de travail, les réflexions humiliantes de ses supérieurs hiérarchiques, la négation de ses compétences professionnelles et son positionnement sur un poste sans perspectives d’évolution après l’échec d’une tentative de licenciement, l’absence de fourniture de travail et la fourniture de tâches ingrates ou dévaluées, pendant de nombreux mois.

Une enquête a été diligentée par l’inspection du travail au cours de l’année 2017 sur la situation de harcèlement infligée à Mme [M], dont les conclusions ont été transmises à l’employeur auquel il a été demandé de fournir à celle-ci des tâches en rapport avec son niveau de qualification afin de faire cesser cette situation.

Le traitement infligé à Mme [M] a eu des répercussions sur son état de santé caractérisées par des arrêts maladie répétés. Le médecin du travail lui a prescrit un arrêt maladie de plus de deux mois du 11 septembre au 17 novembre 2015, suivi d’une reprise du travail à temps partiel durant 3 mois. Elle a été de nouveau arrêtée du 21 février au 27 mars 2017 pour « état dépressif majeur, avec insomnies, troubles de la concentration, angoisses, pleurs, idées noires avec plaintes somatiques dans un contexte de souffrance au travail rapporté par la patiente » La reprise s’est accompagnée d’une période de soins jusqu’au 30 juin 2017.

Il convient, pour apprécier la réalité et l’ampleur de ce harcèlement moral, de considérer l’ensemble des faits et non chacun d’eux pris isolément.

Cette situation de harcèlement moral perdure depuis le début de l’année 2011. Elle est liée aux activités syndicales de la salariée, elle a ainsi été dénigrée, mise au ban de l’entreprise, exclue du processus de R &D dont elle fait normalement partie.

Compte tenu de l’importance et de la durée de ce harcèlement, la somme allouée par les premiers juges apparaît dérisoire et devra être portée à 50 000 euros.

La SAS Pall France soutient que Mme [M] ne présente aucun fait précis et concordant de nature à faire présumer d’un harcèlement moral.

De nombreux salariés et membres de la direction se sont plaints du comportement agressif et déplacé de la salariée de sorte que les mises en garde et avertissements dont elle a fait l’objet de 1995 à 2016 étaient justifiées par d’importantes difficultés relationnelles et les incidents récurrents liés à son rapport problématique à l’autorité et ne constituent en rien un exercice abusif du pouvoir disciplinaire de l’employeur.

S’agissant du malaise dont a été victime Mme [M] sur son lieu de travail le 11 septembre 2015, qui a fait l’objet d’une déclaration d’accident du travail assortie de réserves par l’employeur, il sera observé que la CPAM a rejeté cette demande et le tribunal des affaires de sécurité sociale a confirmé cette décision par jugement du 22 novembre 2017.

La société Pall France a recherché les possibilités de reclassement de la salariée en son sein et au sein du groupe auquel elle appartient. Un poste d’opérateur de production a été proposé à Mme [M] le 20 mai 2015. Celle-ci s’est désistée de sa candidature le 04 juin considérant ce poste comme trop physique. La société a contesté devant le tribunal administratif le rejet de sa demande d’autorisation de licenciement de la salariée mais a finalement accepté la décision de cette juridiction confirmant ce rejet. Elle a été reclassée dans un poste de technicienne en métrologie qu’elle occupe toujours, après une période marquée par des congés de maladie. Elle n’a pas été privée de travail comme prétendu.

SUR CE,

Aux termes de l’article 1152-1 du code du travail « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Aux termes de l’article 1154-1 du même code « il appartient au salarié d’établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ».

Il convient de rechercher si les faits invoqués par la salariée dans ses écritures sont avérés et s’ils dégradent ses conditions de travail, portent atteinte aux droits, à la dignité, ou à la santé de la salariée et le cas échéant, s’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

— Les reproches injustifiés

Dans un courrier du 15 janvier 2016, Mme [D], directrice des ressources humaines, reproche à Mme [M] d’avoir pris à partie M. [E], son supérieur hiérarchique, de l’avoir « menacé en parlant de chemises arrachées », et de lui avoir « donné l’ordre de partir, de redescendre de l’étage en lui disant qu’il ne ferait pas la loi ici ». Elle ajoute que « plusieurs salariés ont été témoins de ses propos et se sont plaints de ses cris et des perturbations que cela engendrait. Elle évoque un précédent courrier envoyé quelques mois plus tôt pour les mêmes raisons ».

SUR CE,

Le courriel de Mme [D], invoqué par Mme [M], est libellé comme suit :

« [Q] [B] m’a rapporté tout à l’heure la scène dans laquelle vous l’avez pris à partie hier. Il semble que vous l’ayez menacé en parlant de « chemises arrachées' » que vous lui ayez donné l’ordre de partir, de redescendre de l’étage en lui disant qu'« il ne ferait pas la loi ici ».

Par ailleurs, plusieurs salariés ont été témoins de vos propos et se sont plaints de vos cris et des perturbations que cela engendrait.

Ceci est évidemment inacceptable, vos collègues doivent pouvoir travailler dans un environnement serein. Je vous avais déjà envoyé un courrier à ce sujet il y a quelques mois pour les mêmes raisons. Surtout, nous vous demandons de ne pas renouveler ce type de comportement menaçant et insultant vis-à-vis de votre hiérarchie ou de toutes autres personnes".

Dans son courrier en réponse du 20 janvier, Mme [M] conteste avoir menacé et insulté M. [B] et déclare l’avoir interpellé pour lui demander du travail suite aux premières tâches qui lui avaient été confiées. Elle admet cependant avoir été poussée à bout par les réflexions de son supérieur hiérarchique qui lui avait répété à plusieurs reprises « est ce que tu vas refuser du travail ' » et avoir évoqué dans ce contexte le conflit Air France au cours duquel les salariés avaient commis des violences sur un dirigeant dont la chemise avait été arrachée.

Il ressort de ces éléments qu’une altercation s’est bien produite entre Mme [M] et M. [B] au cours de laquelle la salariée s’est emportée et a évoqué un épisode de violence dirigé contre un représentant de la direction d’Air France, propos qui étaient pour le moins déplacés à l’égard de son supérieur hiérarchique. Si elle conteste avoir menacé et insulté son supérieur hiérarchique, elle ne nie pas pour autant avoir demandé à M. [B] de quitter l’étage où elle-même se trouvait en lui précisant qu’il ne ferait pas la loi. Le courrier de mise en garde adressé à la salariée suite à ces débordements verbaux ne contient pas de reproches injustifiés ou même seulement disproportionnés à la gravité du manquement de la salariée.

Ce grief n’est donc pas fondé.

— La diffusion d’un fichier des salaires

Dans un courrier adressé par M. [I], secrétaire général de l’ USTM GGT du Val d’Oise, en date du 04 novembre 2014, celui-ci évoque des accusations infondées portées contre Mme [M], d’avoir diffusé à tous les élus, en septembre 2014, un fichier « salaires » qu’elle aurait retiré de « Lotus notes » le même jour.

Or, selon les dires de la salariée, elle se trouvait à ce moment sur le site [Localité 6] où se tenait une réunion NAO.

Le 15 octobre, Mme [D] l’avait appelée sur son téléphone personnel pour lui demander de cesser la diffusion de ce fichier à la demande du directeur du site[Localité 5].

Par courriel du 16 octobre, Mme [D] demandait à nouveau à Mme [M] de cesser la diffusion de ce fichier et le lendemain, la salariée était « suivie partout par son Directeur de site ».

Cette persécution a grandement affecté Mme [M] et serait à l’origine de son arrêt de travail du 21 octobre au 04 novembre.

La société Pall France n’a pas fait d’observations sur ce grief.

SUR CE,

La salariée ne précise pas à quelle date le fichier litigieux (qui est d’ailleurs produit par Mme [M] dans ses écritures) est parvenu aux représentants du personnel, ce qui ne permet pas de vérifier ses allégations suivant lesquelles elle se trouvait à [Localité 6] au moment où ce document a été diffusé à d’autres personnes.

Toutefois, la preuve d’une diffusion fautive de ce fichier imputable à Mme [M] n’est pas rapportée par l’employeur.

Par ailleurs, celui-ci ne conteste pas que Mme [D] ait demandé à Mme [M] par téléphone le 15 octobre puis par courriel le 16 octobre de cesser cette diffusion et que son directeur de site, mis au courant de ces préventions, a fait peser à son tour sur la salariée cette ambiance de soupçon.

La suspicion dont a fait l’objet celle-ci, sans qu’il soit démontré qu’elle était fondée, constitue un acte de nature à dégrader ses conditions de travail et à porter atteinte à sa dignité.

— Les sanctions disciplinaires abusives

Il résulte de ce qui précède que l’avertissement du 1er juin 2016 n’était pas justifié par l’attitude de la salariée. Cette sanction imméritée ou à tout le moins disproportionnée par rapport au manquement commis par la salariée, eu égard au contexte des faits, constitue une dégradation des conditions de travail de Mme [M] portant atteinte à sa dignité et à ses droits. Cet avertissement n’est pas justifié par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

— Les manquements à l’obligation de formation

Tous les comptes rendus d’évaluation produits par la salariée évoquent la nécessité de formations dans des matières de base, pour permettre à celle-ci de remplir de façon autonome l’ensemble des tâches inhérentes à sa fonction de technicienne de laboratoire au service recherche et développement et en particulier les bases en mathématiques physique et chimie, les langues française et anglaise.

Un tableau produit par l’employeur indique que, durant les années 2007 à 2011, Mme [M] a bénéficié des formations suivantes :

— prévention des risques biologiques 06/02/2009,

— la chimie et son langage : 25/11/2009 (formation d’une durée de 20 heures dispensée par l’organisme Atomer),

— bases chimiques, bases mathématiques : 20/04/2011 (formation d’une durée de 20 heures dispensée par l’organisme Atomer).

Un tableau communiqué à la salariée par mail du 28 janvier 2013 mentionne les formations qui lui ont été accordées pour l’année 2013.

Il en ressort que sur 5 demandes de Mme [M] :

Deux formations ont été acceptées :

— excel (priorité 1) durée 14 h, effectuée dans le cadre du Droit Individuel à la Formation,

— bilan de compétences (coût pédagogique 2500 euros), durée 20 h, effectuée dans le cadre du DIF.

Trois formations lui ont été refusées :

— mieux comprendre les mathématiques et la chimie pour mon travail (priorité 2),

— français (priorité 1),

— anglais (priorité 3).

Pour l’année 2014, un mail de Mme [D] du 18 juillet 2014 indique que :

— une formation d’anglais a été refusée,

— une formation aux appareils analytiques (en vue de la vérification des appareils de métrologie) a été acceptée,

— il lui a été demandé de choisir entre français et chimie/maths en précisant que rien n’est sur le DIF.

La société Pall France indique, en page 10 de ses écritures, que Mme [M] a bénéficié :

— d’une formation incendie le 22 novembre 2016,

— d’une formation CHSCT du 28 au 30 mars 2017,

— d’une formation Excel le 26 février 2018,

— d’une formation sur les normes ISO 9001 et 14 001 le 25 mai 2018,

— d’une formation « mieux être au travail et énergie positive » le 10 juillet 2018.

La salariée relève toutefois dans ses écritures que « les pièces versées par l’employeur ne corroborent absolument pas les affirmations contenues dans ses conclusions : ne sont justifiées que 4 formations de contrôle obligatoires sur la période 2012/2014. Toutes les autres formations listées ne sont pas justifiées et certaines n’ont d’ailleurs jamais eu lieu ( formation Excel de juin 2012) ».

Il apparaît au vu de ces éléments qu’une formation a été accordée à Mme [M] au langage de la chimie en 2009 (dont parle la salariée dans ses commentaires d’évaluation) ainsi qu’une formation en mathématiques et chimie en 2011 et aucune formation en français et anglais.

Les attestations et appréciations précitées montrent que la salariée n’avait pas atteint le niveau requis pour remplir les tâches de son poste au service R&D à défaut de bases techniques et linguistiques.

M. [H], N+1 de la salariée de 2010 à 2015, a produit une attestation dans laquelle il indique « les formations nécessaires à sa progression n’ont pas été avalisées par ma hiérarchie et les ressources humaines pendant plusieurs années malgré ses besoins et mes requêtes allant dans son sens ».

L’employeur n’a donc pas rempli son obligation de formation telle que définie par l’article L. 6321-1 du code du travail susrappelé.

Ce manquement dégrade les conditions de travail de la salariée, il porte atteinte à ses droits à la formation, à sa dignité en l’empêchant de prendre toute sa place dans l’équipe R&D et compromet son avenir professionnel.

Aucune justification objective n’en est fournie par l’employeur.

— L’absence de tâches : mise au placard

Le manquement de l’employeur à son obligation de fournir du travail à Mme [M] a été établi ci-avant.

Il constitue une dégradation des conditions de travail de la salariée, porte atteinte à ses droits et à sa dignité.

— Les répercussions sur l’état de santé

Mme [M] invoque également les répercussions des manquements de l’employeur sur son état de santé.

Elle a été admise le 11 septembre 2015 au service d’accueil psychiatrique de l’hôpital [Localité 7], suite au malaise qui s’est produit à cette date sur son lieu de travail. Le certificat médical délivré par cette unité la décrit comme « anxieuse, épuisée, visage cerné » ; les symptômes relevés sont : « insomnie, tension anxieuse, douleur à l’épigastre, anorexie sélective, irritabilité. Enfin il est fait mention d’un »harcèlement au travail très probable".

Elle a repris son travail à temps partiel le 17 novembre 2015. Le certificat délivré le 14 novembre préconise une reprise à temps partiel pendant 3 mois à compter de cette date.

Un courrier de l’inspection du travail en date du 12 octobre 2015 relate : "les témoignages unanimes recueillis au cours de mon enquête ont démontré que Mme [M] vivait mal cette période de relative inactivité (…). En conclusion, je considère que le contexte de restructuration de la société, la sous activité de Mme [M] depuis la fermeture du service R&D, et les incertitudes relatives à la pérennité de son emploi ont contribué à dégrader les conditions de travail de cette salariée".

Mme [M] a été de nouveau arrêtée du 21 février 2017 au 08 mars 2007 pour un « état dépressif majeur avec insomnies, troubles de la concentration, angoisses, pleurs, idées noires, avec plaintes somatiques dans un contexte de souffrance au travail rapportée par la patiente ».

Cet arrêt a été prolongé jusqu’au 27 mars 2017 date à laquelle Mme [M] a pu reprendre son travail en recevant toutefois des soins jusqu’au 30 juin 2017. Le dernier certificat évoquait un « syndrome dépressif et anxieux en lien avec une souffrance au travail relatée par la patiente ».

Comme exposé ci-avant, cet état de souffrance concomitant avec la période d’inaction située entre la fin de son emploi au service R&D et le début de son emploi en métrologie s’exprime à travers les courriels susévoqués envoyés par Mme [M] à son supérieur hiérarchique et à la directrice des ressources humaines.

Ces éléments démontrent l’existence d’un lien entre le manquement de l’employeur à son obligation de fourniture de travail et les problèmes de santé de la salariée.

Mme [M] a donc établi l’existence d’agissements répétés de la SAS Pall France dégradant ses conditions de travail (reproches infondés, avertissement injustifié, absence de formation, non fourniture de travail), qui ont dégradé ses conditions de travail, ont porté atteinte à ses droits, à sa dignité et à sa santé.

L’employeur n’a pas rapporté la preuve de ce que ces agissements sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

La salariée est donc fondée à prétendre qu’elle a été victime d’un harcèlement moral ainsi que l’ont estimé les premiers juges.

La demande de dommages et intérêts formée par Mme [M] est donc fondée en son principe.

Compte tenu des agissements ci-dessus relatés, de leur durée et de leurs conséquences sur la santé de Mme [M], mais aussi du fait qu’une partie de ces agissement à fait l’objet d’un dédommagement au titre de la discrimination également subie par la salariée, le montant des dommages et intérêts a été justement fixé à la somme de 15 000 euros par les premiers juges.

Sur la demande de l’Union Syndicale des Travailleurs de la Métallurgie

L’USTM CGT fait valoir, dans ses écritures :

— que la discrimination dont a fait l’objet la salariée en raison de son engagement syndical porte atteinte à une liberté fondamentale ainsi qu’aux intérêts moraux et matériels tant collectifs qu’individuels des salariés que les organisations syndicales ont pour mission de défendre,

— qu’elle a subi un préjudice moral et financier du fait du comportement fautif de l’employeur,

— que ce comportement discriminatoire a en effet pour but d’empêcher l’adhésion à un syndicat, la militance ou la présence de salariés sur les listes électorales d’un syndicat et de façon plus générale, le développement des organisations syndicales sur le lieu de travail,

— que la violation d’un droit entraîne nécessairement un préjudice moral mais ici, également, un dommage financier dans la mesure où cette discrimination entraîne un déficit de cotisations soit en raison de la baisse des salaires causée directement par celle-ci, soit indirectement par la raréfaction des candidatures aux fonctions syndicales.

La SAS Pall France fait valoir qu’en l’absence de toute discrimination, l’USTM CGT est dans l’incapacité de démontrer la réalité d’une atteinte aux intérêts collectifs de la profession.

SUR CE,

Les développements qui précèdent n’ont pas établi la réalité d’une discrimination exercée en raison des activités syndicales de Mme [M], aucun lien n’ayant pu être établi entre la discrimination relevée ci-avant par le manquement de l’employeur à son obligation de fournir du travail et l’appartenance de la salariée à un syndicat.

Les demandes de l’USTM CGT seront en conséquence rejetées.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses frais non compris dans les dépens.

Chacune des parties conservera la charge de ses dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

RÉFORME le jugement déféré en ce qu’il a maintenu l’avertissement infligé à Mme [C] [M] le 1er juin 2016, retenu l’existence d’une discrimination en matière de formation et rejeté la demande de dommages et intérêts formée par Mme [C] [M] sur le fondement du préjudice moral lié à la discrimination ;

Statuant à nouveau de ces chefs,

ANNULE l’avertissement du 1er juin 2016 ;

CONDAMNE la SAS Pall France à verser à Mme [C] [M] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par la discrimination liée au manquement de l’employeur à son obligation de fournir du travail ;

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

REJETTE la demande de Mme [C] [M] tendant à se voir attribuer le coefficient 335 au 1er janvier 2019 ;

DÉBOUTE Mme [C] [M] de sa demande tendant à la condamnation de la SAS Pall France au paiement de la somme de 190 236,80 euros en réparation de son préjudice financier causé par la discrimination ;

DÉBOUTE l’ Union Syndicale des Travailleurs de la Métallurgie CGT de ses demandes ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens ;

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, en remplacement de Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, légitimement empêché, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,P /Le PRÉSIDENT empêché,

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Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 18 avril 2019, n° 17/01210