Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 19 novembre 2020, n° 18/01990

  • International·
  • Heures supplémentaires·
  • Licenciement·
  • Salarié·
  • Horaire·
  • Contrat de travail·
  • République du congo·
  • Employeur·
  • Code du travail·
  • Durée

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 11e ch., 19 nov. 2020, n° 18/01990
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/01990
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Versailles, 18 mars 2018, N° 16/00248
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 NOVEMBRE 2020

N° RG 18/01990 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SKOE

AFFAIRE :

C X

C/

SAS EGIS INTERNATIONAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mars 2018 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 16/00248

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Violaine FAUCON-TILLIER

Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur C X

né le […] à […]

de nationalité Française

[…]

[…]

Représentant : Me Marie-Sophie VINCENT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1858 – Représentant : Me Violaine FAUCON-TILLIER, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 725 – N° du dossier 2018-027

APPELANT

****************

SAS EGIS INTERNATIONAL

N° SIRET : 582 132 551

[…]

[…]

[…]

Représentant : Me Jérôme WATRELOT de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0100 – N° du dossier J183482 – Représentant : Me Philippe CHASSANY de la SELCA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2254 substitué par Me Magali PROVENÇAL, avocate au barreau de LYON

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 05 Octobre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 24 mai 2011, M. C X était embauché par la SAS Egis International en qualité d’ingénieur topographe (statut cadre) par contrat de chantier à durée indéterminée. Le contrat de

travail était régi par la convention Syntec.

La société était en charge du contrôle de la réalisation de la RN1 au Congo. Le salarié était affecté au tronçon n°3.

Le 24 avril 2015, l’employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L’entretien avait lieu le 13 mai 2015. Le 20 mai 2015, il lui notifiait son licenciement pour fin de chantier.

Le 3 mars 2016, M. C X saisissait le conseil de prud’hommes de Versailles en contestation de son licenciement.

Vu le jugement du 19 mars 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud’hommes de Versailles qui a :

— dit que M. C X est recevable et bien fondé en ses demandes ;

— dit que c’est la loi française qui est applicable au contrat de travail à durée indéterminée de M. C X sauf pour les horaires de travail où les parties ont clairement spécifié dans l’article 4 du contrat de travail qu’elles seront soumises à la législation congolaise ;

— dit que le licenciement de M. C X est conforme aux dispositions de la convention collective des bureaux d’études techniques et des sociétés de conseils dite Syntec en date du 15 décembre 1987 et de son avenant numéro du 11 juillet 1993 ;

— condamné la SAS Egis International, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. C X :

—  19 735,75 euros au titre des heures supplémentaires ;

—  1 973, 57 euros au titre des congés payés y afférents ;

— ordonné la remise des documents sociaux, certificat de travail, dernier bulletin de paye et attestation Pôle emploi conformes à la présente décision dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement ;

— condamné la SAS Egis International, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. C X 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

— débouté M. C X du surplus de ses demandes ;

— débouté la SAS Egis International de sa demande reconventionnelle ;

— condamné la SAS Egis International aux dépens afférents, aux actes et procédures d’exécution éventuels.

Vu la notification de ce jugement le 26 mars 2018.

Vu l’appel interjeté par M. C X le 19 avril 2018.

Vu les conclusions de l’appelant, M. C X, notifiées le 17 janvier 2019 et soutenues à l’audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

— réformer le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 19 mars 2018,

Statuant de nouveau :

— dire et juger M. C X recevable et bien fondé en ses demandes,

— dire que la SAS Egis International sise à Guyancourt est employeur de M. C X

— dire applicable à l’entier litige la loi française,

— dire les demandes non prescrites,

— condamner la SAS Egis International à verser à M. C X la somme de 50 045,44 euros au titre de paiement des heures supplémentaires effectuées pour la période du 1er juin 2011 au 30 septembre 2015,

— condamner la SAS Egis International à verser à M. C X la somme de 5 004,54 euros à titre de congés payés y incidents ;

En conséquence,

— fixer la base de salaire de M. C X à la somme de 7 201,97 euros,

— condamner la SAS Egis International à verser à M. C X la somme de 43 211,82 euros, subsidiairement la somme de 35 085,60 euros, au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé en application de l’article L. 8223-1 du code du travail,

— condamner la SAS Egis International à verser à M. C X la somme de 140 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— condamner la SAS Egis International à verser à M. C X la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonner la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir,

— prononcer la capitalisation judiciaire des intérêts,

— condamner la SAS Egis International aux entiers dépens.

Vu les écritures de l’intimée, la SAS Egis International, notifiées le 2 septembre 2020 et développées à l’audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, par lesquelles il est demandé à la cour d’appel de :

Sur les heures supplémentaires :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit que la loi applicable au contrat de travail était la loi française à la seule exception de l’application de la durée légale de travail congolaise.

Et statuant à nouveau :

— dire et juger que le code du travail de la République du Congo et les dispositions de la convention collective du BTP Brazaville du 8 août 1992 sont seuls applicables à l’intégralité du contrat de travail, et en tout état de cause, à tout ce qui relève de la détermination et de la rémunération de la durée du travail ;

En conséquence :

— dire et juger que M. C X est prescrit en sa demande pour la période du 5 juin 2011 au 3 mars 2015 ;

— dire et juger que M. C X que pour le surplus, la demande de M. C X est en tout état de cause insuffisamment étayée, M. C X ne fournissant aucun élément de nature à laisser présumer qu’il aurait effectivement accompli plus de 40 heures par semaine ;

— débouter en conséquence M. C X de sa demande en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents ;

— débouter M. C X de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé ;

A titre subsidiaire et à supposer que la cour vienne à considérer la demande de M. C X comme non prescrite et suffisamment étayée :

— dire et juger que M. C X était en tout état de cause soumis à la durée légale locale du travail, soit 40 heures par semaine ; et a effectivement été rémunéré pour un horaire hebdomadaire de 40 heures, majorations pour heures supplémentaires comprises de sorte qu’il ne saurait revendiquer plus de 5 heures supplémentaires par semaine majorées ;

— dire et juger que le seuil de déclenchement des heures supplémentaires s’entend donc à compter de la 41e heure hebdomadaire ;

— dire et juger que la majoration des heures supplémentaires ne saurait en tout état de cause dépasser 10% du salaire horaire ;

— dire et juger, en conséquence, que le décompte produit par M. C X est parfaitement irrecevable ;

— le débouter en conséquence de sa demande en paiement d’un rappel d’heures supplémentaires et congés payés afférents ;

— débouter M. C X de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé. A titre infiniment subsidiaire, en cas d’application de la législation française :

— dire et juger que M. C X a, en tout état de cause, été rémunéré pour un horaire hebdomadaire de 40 heures, majorations pour heures supplémentaires comprises de sorte qu’il ne saurait revendiquer plus de 5 heures supplémentaires par semaine majorées ;

— dire et juger que le taux horaire retenu par M. C X pour ses calculs de rappel d’heures supplémentaires est en conséquence erroné ;

— dire et juger que M. C X ne fournit, au surplus, aucun élément de nature à laisser présumer qu’il aurait effectivement accompli plus de 40 heures de travail par semaine ;

— dire et juger, en conséquence, que le décompte produit par M. C X est parfaitement irrecevable ;

— le débouter en conséquence de l’intégralité de ses demandes afférentes ;

— le débouter en tout état de cause de sa demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé, la preuve du caractère intentionnel n’étant pas rapportée ;

Sur la rupture du contrat de travail :

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement dit de fin de chantier de M. C X est parfaitement fondé ;

— débouter en conséquence M. C X des demandes afférentes ;

A titre subsidiaire,

— limiter le montant des dommages et intérêts alloués à 6 mois de salaires ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

— condamner M. C X à verser à la société EGIS Iinternational la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

— le condamner aux entiers dépens.

Vu l’ordonnance de clôture du 21 septembre 2020.

SUR CE,

Sur la loi applicable

M. X soutient que la loi française est applicable à l’entier litige, tandis que la société Egis International considère que c’est le code du travail de la République du Congo qui a vocation à s’appliquer à l’intégralité de la relation de travail de M. X et, à tout le moins, en matière de durée du travail ;

Il est avéré que le contrat de chantier à durée indéterminée du 24 mai 2011 par lequel M. C X a été embauché par la SAS Egis International en qualité d’ingénieur topographe comporte des éléments d’extraénité que sont le lieu de travail (en République du Congo), la durée de travail, une partie de la rémunération et la fiscalité ;

Afin de déterminer la loi applicable au contrat de travail présentant un élément d’extranéité, à savoir l’exécution du contrat à l’étranger, il convient de se référer aux règles de conflit de loi prévues par le Règlement CE n°593/2008 dit Règlement Rome 1 du 17 juin 2008 – reprenant les mêmes dispositions que la convention de Rome ratifiée par la France en 1991 – prévues dans les termes suivants, à l’article 8 :

« 1. Le contrat individuel de travail est régi par la loi choisie par les parties conformément à l’article 3. Ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2, 3 et 4 du présent article.

2. À défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.

3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur.

4. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s’applique. » ;

En application de l’article 3, « les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement » de leur contrat ;

En l’espèce, la très grande majorité des clauses du contrat de travail du 24 mai 2011 s’inscrivent dans le cadre de la législation française ; s’agissant des clauses se référant aux règles en vigueur au Congo, le contrat stipule en son article 4 que « le salarié se conformera aux horaires de travail prévus par la législation locale » ;

Par ailleurs, l’article 6 du contrat prévoit en matière de rémunération :

« 1. Salaire brut de base égal à 4 200 euros

2. Indemnité brute de dépaysement (égale à 20% du salaire) soit : 840 euros

(')

-Une prime de 13 ème mois (')

-Une prime locale forfaitaire de 690 euros (')

-Une rémunération locale mensuelle brute de 660 000 francs CFA soumises aux règles fiscales et sociales en vigueur au Congo sera versée localement au salarié. Le montant net mensuel correspondant à cette rémunération sera déduit de la rémunération mensuelle versée en France »,

et l’article 14 que «(…) le salarié est soumis au régime fiscal de la République du Congo pour toute la durée de son séjour dans ce pays » ;

Le contrat local daté du 30 mai 2013 auquel se réfère l’intimée se réfère lui-même à une rémunération du même montant de 660 000 francs CFA net, sans se référer par ailleurs à aucune mission, se juxtaposant seulement au contrat principal conclu en 2011 sans le remplacer comme le soutient justement M. X, qui relève aussi notamment que la rémunération demeurait prévue quasi-exclusivement en euros et que ses bulletins de salaires ont été libellés en français et la rémunération systématiquement versée sur son compte bancaire de la caisse d’épargne en France ;

Il s’ensuit que le contrat de travail à durée indéterminée révèle la volonté des parties de soumettre la relation contractuelle à la loi française, à l’exception des horaires de travail de M. Y et de la fiscalité pendant la durée de son séjour, seules soumis à la législation locale ;

Sur les heures supplémentaires et le travail dissimulé

M. X sollicite la somme de 50 045,44 euros au titre de paiement des heures supplémentaires effectuées pour la période du 1er juin 2011 au 30 septembre 2015, outre la somme de 5 004,54 euros à titre de congés payés y incidents ;

La société Egis International s’oppose à ces demandes en soulevant tout d’abord leur irrecevabilité, l’action en paiement des salaires étant prescrite, et en tout état de cause leur rejet tant au regard du seuil de déclenchement des heures supplémentaires que du taux de majoration appliqué et de la réalité même des heures supplémentaires qu’elle estime non démontrée ;

Ainsi qu’il résulte des motifs précités, la relation contractuelle est soumise, au regard de la présente demande, à l’application de la loi française, à l’exception des horaires de travail ;

Il s’ensuit que seules les règles relatives aux horaires de travail et partant, au seuil de déclenchement des heures supplémentaires, doivent être appréciées en application de la loi congolaise, tandis que les règles relatives à la prescription des salaires, aux taux de majoration, à la preuve et la réalité même des heures supplémentaires doivent être appréciées au regard de la loi française ;

S’agissant de la prescription, il n’y a donc pas lieu de faire application des dispositions du code du travail de la République du Congo prévoyant que l’action en paiement des salaires se prescrit par un an ;

En application de l’article L. 3245-1 du code du travail français, l’action en paiement ou répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les

faits lui permettant de l’exercer et que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat ;

En l’espèce, M. X, a saisi le conseil de prud’hommes le 3 mars 2016 ; son contrat de travail avait été rompu le 20 mai 2015 ; ses demandes de rappel d’heures supplémentaires portent sur la période comprise entre le 1er juin 2011 et le 30 septembre 2015,

Il s’ensuit que si son action a été introduite dans le délai légal, ses demandes de rappel de salaires antérieurs au 20 mai 2012 sont néanmoins prescrites ; le jugement sera réformé sur ce point ;

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles; si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ;

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments; Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées ; après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ;

En l’espèce, M. X expose qu’il a réalisé les horaires de travail prévus par le règlement intérieur de la mission à l’en-tête de la société Egis international, soit un "horaire de travail minimum« de »45 heures par semaine", le conduisant à effectuer 10 heures supplémentaires hebdomadaires par rapport à un temps de travail de 35 heures, soit 43,33 heures supplémentaires mensuelles non rémunérées, avant déduction des jours de congés payés, jours fériés et jours de ravitaillement ;

Il produit notamment un tableau récapitulant ses horaires sur la période considérée ;

Le salarié produit ainsi des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre ;

Comme l’ont justement retenu les premiers juges, s’il convient de se référer aux taux de majoration prévus par le code du travail français, il y a lieu toutefois de prendre en considération, au titre du seuil de déclenchement des heures supplémentaires, la durée légale du travail du Congo comme les parties l’ont stipulé à l’article 4 du contrat de travail, soit une durée légale du travail de 40 heures comme le prévoit l’article 105 du code du travail local et donc de ne retenir que les heures effectuées entre 40 heures et 45 heures comme étant des heures supplémentaires ;

Ceci impacte tout d’abord – en le réduisant très fortement – le nombre d’heures supplémentaires, mais encore la base de ces heures soumises aux taux de majoration de 25% qui seul trouve à s’appliquer, contrairement au calcul effectué par l’appelant qui intègre à tort des heures majorées à 50 % ;

L’employeur se réfère aux bulletins de paie de M. X mentionnant un « forfait » et critique le décompte du salarié ;

Il produit un planning de congés et ravitaillement mentionnant divers salariés dont M. X et des échanges, relatifs notamment à des autorisations d’absence, qui établissent plusieurs erreurs dans le décompte produit par le salarié comme, par exemple, les journées du 30 mai 2014 ou du 13 avril 2015 comptées à tort alors qu’il avait été autorisé à s’absenter ;

En revanche, le forfait invoqué par l’employeur n’est pas opposable au salarié dès lors qu’il n’est justifié d’aucune contractualisation ni accord de M. X à ce titre ;

Dans ces conditions et au vu de l’ensemble des éléments produits de part et d’autre, la cour retient que X a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées, mais pour un montant inférieur que celui revendiqué et qui sera fixé à la somme de 11 260 euros au vu des pièces produites ; il sera en conséquence alloué à M. X cette somme outre celle de 1 126 euros au titre des congés payés y afférents ;

S’agissant de la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, la dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5 du code du travail est caractérisée s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué ;

Une telle intention est caractérisée en l’espèce, dès lors que M. X a accompli de très nombreuses heures supplémentaires connues de l’employeur et ce en contradiction avec les dispositions du règlement intérieur de la mission de contrôle des travaux sur place ; le rejet de cette demande sera donc infirmé ; il sera alloué à M. Z la somme de 35 226 euros de ce chef ;

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le licenciement

M. X fait valoir que le tronçon sur lequel il travaillait n’était pas achevé en octobre 2015 et que sa démobilisation n’est intervenue que dans le cadre d’une réduction des effectifs et de la reprise de son travail par M. A ; il ajoute qu’aucun autre poste ne lui a été proposé, que l’employeur n’établit pas qu’aucun reclassement n’était possible et que la recherche de reclassement n’a pas été menée par l’employeur de manière loyale et sérieuse dans le cadre du licenciement ; il conteste par ailleurs que la couche de « grave bitume » était achevée ;

La société Egis international fait valoir en réplique que le salarié a été licencié en raison de la fin des tâches lui incombant dans le cadre du projet de contrôle des travaux de la RN1/Mindouli-B et que dès lors que la « grave bitume » était achevée il n’était plus nécessaire de disposer d’une expertise topographique ; elle indique avoir décidé d’accélérer les travaux ; elle estime que M. X a été dûment informé de l’impossibilité de lui proposer un autre poste et qu’il ne souhaitait

plus quitter le Congo ;

Compte tenu des motifs précités il y a lieu, dans le cadre de la rupture du contrat de travail, de faire application de la seule loi française ;

En application de l’article L.1236-8 du code du travail, le licenciement qui, à la fin d’un chantier, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession, n’est pas soumis aux dispositions du chapitre III relatives au licenciement pour motif économique, sauf dérogations déterminées par convention ou accord collectif de travail ; ce licenciement est soumis aux dispositions du chapitre II relatives au licenciement pour motif personnel ;

Les dispositions de l’avenant n°11 du 8 juillet 1993 relatif aux fins de chantier dans l’ingénierie, annexé à la convention collective Syntec précisent :

"Constatant que le recours aux contrats de chantier, tant pour les missions en France qu’à l’étranger, constitue un usage reconnu et établi dans le secteur professionnel de l’ingénierie (entreprises référencées sous le code NAF 74 C2) ;

Rappelant que la conclusion de tels contrats de travail à durée indéterminée, avec un objet précis et pour une durée liée à la réalisation du chantier confié à la société d’ingénierie, revêt un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de notre profession, de telle sorte que, à l’achèvement du chantier ou de la mission du bureau d’étude sur le chantier, événement inévitable,

les salariés exclusivement engagés pour ce chantier voient leurs contrats de travail cesser à l’issue d’une procédure de licenciement dite « Pour fin de chantier » qui, en application des dispositions de l’article L. 321-12 du code du travail, ne relève pas de la procédure pour licenciements économiques. » ;

L’article 2 précise que :

« Il peut être mis fin au contrat de travail à l’issue de la mission sur le chantier.

Le licenciement pour fin de chantier est applicable dans les cas suivants :

- licenciements de personnes dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement des tâches qui leur étaient confiées, lorsque ces personnes ont été employées sur un ou plusieurs chantiers ;

- licenciements de personnes engagées sur un chantier de longue durée dont le réemploi ne peut être assuré lors de l’achèvement sur ce chantier des tâches qui leur étaient confiées ;

- licenciements de personnes qui, quelle que soit leur ancienneté, ont refusé, à l’achèvement d’un chantier, l’offre faite par écrit d’être occupées sur un autre chantier, y compris en grand déplacement, dans les conditions conventionnelles applicables à l’entreprise.

En cas de licenciement du salarié, un préavis est dû conformément aux dispositions conventionnelles de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques.

Dans tous les cas, les salariés détachés sur des chantiers en France ou à l’étranger bénéficient de plein droit des dispositions conventionnelles » ;

Si la société Egis international, qui soutient que le salarié a été licencié en raison de la fin des tâches lui incombant dans le cadre du projet de contrôle des travaux de la RN1/Mindouli-B, affirme que la « grave bitume », c’est-à-dire la première des deux couches d’enrobés, était achevée pour le tronçon 3 entre Mindouli et B, ce que conteste l’appelant, et qu’il n’était plus nécessaire de disposer d’une expertise topographique, M. X produit toutefois, d’une part, un courriel daté du 29 juillet 2015 de M. A dans lequel ce dernier indiquait : "Bonjour F-G, je serai de passage dans ta section afin de préparer la passation topo avec C [M. X] le 18/08 et je pense repartir le 21/08 au matin. Cela me permettra d’assister à la réunion travaux et également prendre contact avec le chantier et les équipes. « , d’autre part le compte-rendu de son entretien d’évaluation du 15 avril 2015 dans lequel son manager mentionne que » C X a été informé de sa démobilisation du projet de la RN1 au cours de l’été dans le cadre de la réduction des effectifs" et un extrait du procès-verbal de la réunion de chantier mensuelle relative au tronçon Mindouli-B, daté du 4 juin 2015, mentionnant que :

« Étant donné que les problèmes de paiement que rencontre la MdC [Mission de Contrôle d’Egis international], celle-ci a prévu une démobilisation anticipée des effectifs à partir de la fin juin. Les personnes suivantes vont quitter le projet : (')

- Tronçon 3 : C X, ingénieur topographe, partira fin septembre. (')

Ce mouvement entraîne une réorganisation interne de la MdC : (')

- E A, ingénieur topographe du tronçon 2, apportera son appui technique sur les validations topographiques importantes du tronçon 3' » ;

Par ailleurs, la note interne à laquelle se réfère l’intimée vise un achèvement de la grave bitume à fin septembre 2015 et l’employeur admet dans ses écritures qu’ayant décidé dès février 2015 une optimisation de ses ressources et effectifs la réorganisation mise en 'uvre s’est traduite par le transfert de certains travaux du tronçon n°3 aux équipes en charge du tronçon n°2 ;

Ces éléments conduisent à retenir que la démobilisation de M. X est ainsi intervenue dans le cadre d’une réduction des effectifs et de la poursuite de son travail par M. A ;

L’appelant fait justement valoir que les difficultés de paiement rencontrées, si elles ont amené la prise de mesures choisies par l’employeur, n’est pas assimilable dans ces conditions à la fin du chantier ni de sa mission ;

En tout état de cause, le licenciement pour fin de chantier impliquait ainsi une tentative de reclassement au regard du « réemploi » visé par les dispositions conventionnelles précitées et la société Egis international ne justifie pas, au-delà de ses seules affirmations, même énoncées dans le cadre de la procédure de licenciement mise en 'uvre, de la recherche préalable d’un reclassement du salarié et d’une impossibilité de lui proposer un autre poste, que ce dernier conteste ;

La référence par l’intimée à une candidature de M. X en mai 2014 sur un poste au Qatar, soit plus d’un an avant l’engagement de la procédure de licenciement, ne saurait s’analyser en une recherche de reclassement dans ce cadre et la preuve de la volonté prêtée à M. X de ne plus vouloir quitter le Congo, contestée par celui-ci, n’est pas rapportée ;

La société Egis international ne rapporte pas la preuve d’avoir conduit des recherches de reclassement de manière sérieuse et loyale ni ne justifie qu’aucun reclassement n’était possible.

En conséquence, il sera retenu que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ; le jugement sera infirmé de ce chef ;

Sur les conséquences financières

A la date de son licenciement M. X avait une ancienneté de quatre ans au sein de l’entreprise qui employait de façon habituelle plus de 11 salariés ;

En application de l’article L1235-3 du code du travail, il peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant brut des salaires qu’il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;

Au-delà de cette indemnisation minimale, et tenant compte notamment de l’âge, de l’ancienneté du salarié et des circonstances de son éviction, étant observé que celui-ci produit un tableau établi par ses soins faisant état de candidatures, qu’il n’est pas établi d’échec de candidature en lien avec le défaut de formation qu’il reproche à son employeur, qu’il fait état d’une mission en juin 2017, qu’il produit copie d’un bilan de mise en milieu professionnel de Pôle emploi et un courrier de Pôle emploi daté du 8 janvier 2016 mentionnant son admission au bénéfice de l’allocation d’aide au retour à l’emploi notifiée le 22 octobre 2015, il convient de condamner l’employeur au paiement d’une indemnité totale de 36 000 euros à ce titre ;

Sur le remboursement par l’employeur à l’organisme des indemnités de chômage

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il convient d’ordonner d’office le remboursement par l’employeur à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de 3 mois d’indemnités ;

Sur les autres demandes

Sur la demande de remise de documents rectifiés

Il y a lieu d’enjoindre à la société Egis international de remettre à M. X, dans le mois suivant la signification du présent arrêt, l’attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et le certificat de travail rectifiés ;

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ;

S’agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;

Il y a lieu d’ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en a été faite ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l’article 696 du code de procédure civile, les dépens d’appel seront mis à la charge de la société Egis international ;

La demande formée par M. X au titre des frais irrépétibles en cause d’appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a dit que c’est la loi française qui est applicable au contrat de travail à durée indéterminée de M. C X à l’exception des horaires de travail et en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. C X dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Egis International à payer à M. C X les sommes suivantes :

—  11 260 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 1 126 euros au titre des congés payés y afférents,

—  35 226 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

—  36 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonne à la SAS Egis International de remettre à M. C X dans le mois de la notification de la présente décision, les bulletins de paie rectifiés, le certificat de travail, l’attestation Pôle emploi,

Ordonne le remboursement par la SAS Egis International, aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à M. C X dans la limite de 3 mois d’indemnités en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail,

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant prononcées,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne la SAS Egis International à payer à M. C X la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Condamne la SAS Egis International aux dépens d’appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 19 novembre 2020, n° 18/01990