Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 30 janvier 2020, n° 18/04687

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 5e ch., 30 janv. 2020, n° 18/04687
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 18/04687
Décision précédente : Tribunal des affaires de sécurité sociale de Cergy-Pontoise, 24 octobre 2018, N° 18-00385
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88B

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JANVIER 2020

N° RG 18/04687

N° Portalis DBV3-V-B7C-SYR3

AFFAIRE :

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES CHIRURGIENS DENTISTES ET DES SAGES-FEMMES (CARCDSF)

C/

X-Z Y

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 18-00385

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL CABINET B PICK

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES CHIRURGIENS DENTISTES ET DES SAGES-FEMMES (CARCDSF)

Copies certifiées conformes délivrées à :

X-Z Y

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant fixé au 12 décembre 2019 puis prorogé au 30

janvier 2020 les parties en ayant été avisées dans l’affaire entre :

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE DES CHIRURGIENS DENTISTES ET DES SAGES-FEMMES (CARCDSF)

[…]

[…]

représentée par Mme B C D (Représentant légal) en vertu d’un pouvoir spécial

APPELANTE

****************

Monsieur X-Z Y

[…]

[…]

représenté par Me B PICK de la SELARL CABINET B PICK, avocat au barreau de RENNES

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2019, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-José BOU, Présidente,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

M. X-Z Y exerce la profession de chirurgien dentiste à titre libéral et relève, en cette qualité, du régime d’assurance maladie-vieillesse et d’allocations familiales prévu par le code de la sécurité sociale.

A ce titre, il est redevable des cotisations personnelles d’allocations familiales ainsi que des contributions sociales obligatoires calculées sur les revenus tirés de cette activité indépendante.

Il reçoit, à ce titre, chaque année, en février, un appel de cotisations à payer, soit en une fois au 30 juin, soit en deux fois, aux 31 mars et 30 septembre, soit en dix règlements le 15 de chaque mois par

prélèvement automatique de janvier à octobre.

En l’absence de règlement des sommes dues, la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentiste et des sages femmes (ci-après, la 'CARCDSF’ ou la 'Caisse') a établi une mise en demeure du 5 février 2018, notifiée le 12 février 2018, d’un montant de 23 182,11 euros (20 435,70 euros de cotisations et 2 476,41 euros de majorations de retard ainsi qu’un versement à déduire de 371 euros) afférente à la régularisation de l’année 2015 et à l’année 2016, au titre des cotisations régularisation, provisionnelles, complémentaires, complémentaires vieillesse, indemnités journalière et invalidité-décès.

M. Y a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable de la CARCDSF le 27 février 2018.

La commission de recours amiable ayant rendu une décision explicite de rejet en sa séance du 30 mars 2018, M. Y a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d’Oise (ci-après, le 'TASS'). Ce recours a été enregistrée sous le n°18-00385/P.

Il convient de noter ici que M. Y a par ailleurs saisi ce tribunal de plusieurs contestations relatives à des mises en demeure ou à des contraintes, qui lui avaient été délivrées par un autre organisme à savoir, l’Urssaf.

Par jugement au fond du 25 octobre 2018, le tribunal a :

— dit le recours de M. X-Z Y recevable et bien fondé ;

— annulé la mise en demeure du 5 février 2018 pour une somme de 20 435,7 euros au titre des cotisations et une somme de 2 746,41 euros au titre des majorations de retard pour la période de régularisation 2015 et l’année 2016 ;

— condamné la Caisse au paiement d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement a été notifié aux parties.

Par courrier du 8 novembre 2018, la CARCDSF en a relevé appel.

Ce recours a été enregistré au greffe de la cour sous le n°18-04687.

Les parties ont ensuite été convoquées à l’audience fixée le 17 octobre 2019.

A cette audience, la cour a procédé à l’examen de plusieurs procédures concernant M. Y et l’opposant à la CARCDSF (le présent dossier) ou à l’URSSAF.

La Caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes et des sages-femmes demande à la cour de :

— infirmer le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le TASS ;

— au titre de l’exercice 2015 (régularisation), condamner M. Y à lui régler, outre les sommes en principal (1 994 euros), les majorations de retard depuis la date limite d’exigibilité jusqu’à complet paiement du montant en principal ;

— au titre de l’exercice 2016, condamner M. Y à lui régler, outre les sommes en principal (18 441,70 euros), les majorations de retard depuis la date limite d’exigibilité jusqu’à complet paiement du montant en principal ;

— condamner M. Y à lui régler la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— prononcer l’exécution provisoire de la décision au regard de l’article 515 du code de procédure civile.

Selon conclusions communiquées le 14 octobre 2019 et déposées à l’audience, M. Y sollicite de la cour qu’elle :

— confirme le jugement dont appel uniquement en ce qu’il a déclaré son recours recevable et bien fondé, annulé la mise en demeure pour défaut de motivation et condamné la CARCDSF au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Et y additant,

— déclare irrecevable l’ensemble des prétentions et demandes de la CARCDSF en l’absence de justification de sa forme juridique et pour défaut de droit d’agir et de capacité d’ester en justice ;

— dise et juge quelle est la forme juridique de la CARCDSF et précisément que sa forme juridique est mutualiste ; en conséquence, dise et juge qu’en l’absence de preuve de l’inscription de la CARCDSF au registre des mutuelles auprès du conseil supérieur de la mutualité, l’existence légale de cette caisse n’est pas opposable à M. Y et qu’elle ne pouvait donc pas l’affilier ni lui réclamer le paiement de cotisations et annule rétroactivement l’affiliation de M. Y depuis l’origine ;

— dise et juge en tout état de cause que la CARCDSF ne fait plus partie de l’organisation de la sécurité sociale depuis le 28 janvier 2006 dans la mesure où elle ne figure plus depuis cette date dans la liste des organismes de sécurité sociale visés à l’article R. 111-1 du code de la sécurité sociale ;

en conséquence, déclare nulle la mise en demeure et annule rétroactivement l’affiliation de M. Y à effet du 28 janvier 2006 ;

— déboute la CARCDSF de ses demandes de condamnation au paiement des sommes afférentes à la mise en demeure ;

— annule la mise en demeure pour défauts de motivation, erreurs de calculs et absence de caractère certain, liquide et exigible des montants réclamés ;

— dise et juge en tout état de cause que M. Y doit être radié de la CARCDSF à compter de son passage en SELAS, et en conséquence,

— annule rétroactivement l’affiliation de M. Y à effet du 30 juin 2016 et annule la mise en demeure.

En tout état de cause,

— fasse droit à l’ensemble des demandes de M. Y, notamment le re-calcul des cotisations au regard de ses revenus réels, sur la production des statuts d’origine de la CARCDSF, et sur la radiation d’inscription de privilège aux frais de la CARCDSF ;

— déboute la CARCDSF de toutes ses demande, fins et conclusions ;

— condamne la CARCDSF sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à payer à M. Y la somme de 2 000 euros ;

— condamne la CARCDSF au paiement de la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé plus complet des moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS

Sur la CARCDSF

M. Y fait notamment valoir que l’article 25 du décret n° 48-1179 du 19 juillet 1948 confère aux caisses professionnelles de retraite un caractère mutualiste (article 25). Cette disposition a été modifiée par le décret n° 61-151 du 8 février 1961, qui se lit notamment : 'La caisse national et les caisses des sections professionnelles sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions du code de la mutualité sous réserve du code de la sécurité sociale et du présent décret'. Cette disposition a été abrogée par le décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985, relatif au code de la sécurité sociale ; or, ce décret renvoie au décret n°56-1279 du 10 décembre 1956, portant codification des textes législatifs concernant la sécurité sociale, lequel 'réaffirme de manière constante la forme juridique mutualiste des caisses, des unions, des fédérations de sécurité sociale' et 'n’a fait l’objet d’aucune abrogation et est donc toujours en vigueur' (en gras dans l’original des conclusions).

Par ailleurs, la CARCDSF ne fait plus partie de la liste des organismes dits 'légaux’ de sécurité sociale depuis le 28 janvier 2006, ce que confirme la dernière modification, intervenue le 5 juillet 2019, de l’article R. 111-1 du code de la sécurité sociale, qui est venu 'inclure à nouveau la CNAVPL à l’exclusion de ses sections professionnelles dont la CARCDSF' (en gras dans l’original des conclusion.

La CARCDSF ne pouvait donc maintenir l’affiliation de M. Y, qui avait réclamé sa radiation, ni lui réclamer le paiement de cotisations.

La Caisse soutient, en particulier, que pour les professionnels libéraux, le service des prestations vieillesse est assuré par l’organisation autonome d’assurance vieillesse des professions libérales, la CNAVPL, laquelle comprend des sections professionnelles dotées de la personnalité juridique et de l’autorité financières, dont la CARCDSF.

En revanche, elle ne gère pas un régime professionnel mais, comme la CJUE l’a rappelé dans l’arrêt Podesta, un régime légal de sécurité social.

A cet égard, la Caisse souligne qu’elle a été instituée sur la base des dispositions des articles L. 621-1, L. 621-2, L. 621-3 et R. 641-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Les articles L.644-1 et L. 644-2 du même code ont permis l’institution d’un régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire et d’un régime d’invalidité-décès obligatoire. 'Enfin, en application des dispositions de l’article L 645-21 du même code, les chirurgiens-dentistes mentionnés à l’article L. 722-1 bénéficient d’un régime de prestations complémentaires vieillesse (dit A.S.V.) rendu obligatoire par décrets du 02 juillet 1971 et 28 février 1978, en application des dispositions de l’article L. 645-3 du Code de la Sécurité Sociale'. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé que les régimes de base et complémentaires gérés par la CARCDSF sont des régimes obligatoires relevant d’un régime légal de sécurité sociale.

La Caisse souligne que, par arrêté n° 75-L-05 du 24 novembre 1948, ses statuts ont été approuvés et enregistrés, que le décret n° 49-1259 du 27 août 1949 porte sur les règles de fonctionnement et de gestion de l’organisation autonome d’allocation vieillesse des professions libérales.

La Caisse ne relève donc ni du code des assurances ni du code de la mutualité.

Sur ce

La cour note, d’une manière générale, que les textes législatifs l’emportent, en droit, sur les textes réglementaires et que, à supposer que les dispositions d’un règlement (décret ou arrêté) paraissent en contradiction avec celles d’une loi, ce sont ces dernières qui prévalent.

Cela étant précisé, il convient de rappeler que la question soulevée par M. Y a déjà été posée, dans termes voisins et que certaines considérations exprimées par la cour dans une affaire le concernant et l’opposant à la CARCDSF (RG 17/03697) ne peuvent être que reprises ici. Il y est ajouté au regard des nouveaux arguments développés par M. Y.

Les directives n° 92/49 CEE du Conseil du 18 juin 1992 et n° 92/96 CEE du Conseil du 10 novembre 1992 suppriment effectivement toute possibilité pour les Etats membres d’interdire l’activité d’une société d’assurance dans leur pays dès lors que cette activité est autorisée dans le pays de la société concernée. Pour autant, ces mêmes directives excluent expressément, dans leur article 2-2, non seulement les risques couverts par les régimes légaux de sécurité sociale dont relèvent l’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles et l’assurance vieillesse mais également les assurances et les opérations qu’ils effectuent à ce titre.

La Cour de justice de l’Union européenne admet que les organismes de sécurité sociale puissent déroger aux règles de la concurrence dès lors qu’ils remplissent une fonction de caractère exclusivement social, fondé sur le principe de solidarité par la mutualisation des risques et dépourvu de tout but lucratif. Elle juge également, de manière constante, que l’affiliation obligatoire au régime déterminé par l’application des règles d’assujettissement de toute personne exerçant une activité professionnelle sur le territoire national a un caractère d’ordre public et que les régimes d’affiliation obligatoire, qui poursuivent un objectif social et obéissent au principe de la solidarité, ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et suivants du traité CEE. En conséquence, leurs activités n’ont pas une nature économique qui les soumettrait au droit européen de la concurrence. L’arrêt BKK de la CJUE du 3 octobre 2013, n’a pas davantage mis fin au monopole des régimes de sécurité sociale, la décision ne concernant que les pratiques déloyales pour la partie de leurs activités économiques de nature commerciale exclusivement. Cet arrêt ne pourrait concerner qu’un organisme qui se livrerait pour partie à des activités économiques de nature commerciale, ce qui n’est pas le cas de la CARCDSF.

Enfin, la CJUE rappelle régulièrement, par ailleurs, que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des états membres pour aménager leur système de sécurité sociale et que les règles de concurrence figurant dans le corps du traité et les dispositions des directives relatives aux assurances de personnes, en l’espèce les directives 92/49 CEE et 92/96 CEE, sont inapplicables aux organismes, quel que soit leur statut, qui concourt à la gestion de régime de sécurité sociale. Les Etats peuvent ainsi, notamment, fixer les modalités de fonctionnement du régime ou des régimes, leurs modalités de fonctionnement et le degré de solidarité qu’il crée entre les citoyens.

La Cour de cassation a également jugé que le recouvrement des cotisations et contributions dues par une personne à titre obligatoire à un régime de protection sociale n’a pas le caractère d’une pratique commerciale au sens des dispositions de la directive 2005/29/CE.

Il sera rappelé également que ni les directives européennes, ni les lois adoptées par la France en application, le cas échéant, des directives européennes, ni la jurisprudence de la Cour européenne de justice ne considèrent que l’instauration d’un régime de sécurité sociale contrevient à l’article 5 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment la liberté d’entreprendre, la liberté contractuelle et la liberté personnelle, ni aux règles de la libre concurrence.

La cour rappelle à M. Y que la loi du 17 janvier 1948 a institué des régimes autonomes d’assurance vieillesse des professions non salariées et non agricoles, dont celui des professions libérales, lesquels sont soumis au contrôle du Ministre chargé de la sécurité sociale, du Ministre des finances ainsi que de celui de la direction régionale des affaires sanitaires et sociales.

Initialement provisoires, ces régimes ont été institués de manière définitive par l’article 25 de l’ordonnance n°67-828 du 23 décembre 1967, codifié sous l’article 643 du code de la sécurité sociale, devenu l’article L.621-1 et suivants dans les termes suivants

II est institué un régime d’assurance vieillesse applicable aux personnes non salariées ou assimilées, dans les conditions déterminées par les Titres II, III et IV du présent livre (L. 621-1).

Le service des prestations de vieillesse est assuré par des organisations autonomes fonctionnant pour un ou plusieurs des groupes professionnels définis à l’article L.621-3 et comportant éventuellement une caisse nationale, des caisses locales ou régionales ou des sections professionnelles.

Des décrets en Conseil d’Etat déterminent, après avis du conseil d’administration de la Caisse nationale intéressée, la structure des organisations, leurs règles de fonctionnement ainsi que le mode d’élection des membres des conseils d’administration de leurs caisses ou sections de caisses (L. 621-2).

Une organisation autonome d’assurance vieillesse pour les professions libérales est instituée. La Caisse Nationale des Professions libérales comprend 13 sections professionnelles autonomes (L. 621-3).

Les statuts de la caisse autonome de retraite des chirurgiens-dentistes ont fait l’objet d’un arrêté du 24 novembre 1948 suivi d’un décret n° 49.1259 du 27 août 1949 portant règlement d’administration publique relatif aux règles de fonctionnement et de gestion de l’organisation autonome d’allocation vieillesse des professions libérales.

La cour ne peut que souligner auprès de M. Y que les dispositions, qu’il cite, du décret n° 85-1353 du 17 décembre 1985, comme renvoyant au décret n°56-1279 du 10 décembre 1956, portant codification des textes législatifs concernant la sécurité sociale, ne peuvent être lues comme il le fait : comme de nombreux autres textes, ce décret précise (article 40) que les caisses de sécurité sociale et les caisses d’allocations familiales 'sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions du code de la mutualité, sous réserve des dispositions du présent code et des textes pris pour son application'.

Ce n’est donc pas le code de la mutualité qui s’applique mais ses 'prescriptions’ et, en tout état de cause, ce sont les dispositions du code de la sécurité sociale qui priment.

Par ailleurs, il est exact que le décret n° 2006-83 du 28 janvier 2006 a supprimé le 5° de l’article R. 111-1 qui se lisait : 'en ce qui concerne le régime d’assurance maladie et maternité des travailleurs non-salariés des professions non-agricoles : une caisse nationale d’assurance maladie et maternité des travailleurs non-salariés et des caisses mutuelles régionales d’assurance maladie et maternité des travailleurs non-salariés', il est inexact qu’il ait supprimé la CARCDSF.

L’article L. 641-1 du code de la sécurité sociale, institué par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 dispose en effet que

L’organisation autonome des professions libérales comprend une caisse nationale et des caisses dites sections professionnelles, dotées de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.

Enfin, même si la CARCDSF gère les cotisations d’une catégorie professionnelle déterminée, il n’en demeure pas moins que ces prélèvement sont effectués dans le cadre d’une solidarité nationale. Si elle prélève des cotisations auprès de certains professionnels seulement, son financement et les

prestations qu’elle verse, sont liés aux autres régimes légaux généraux, modalité d’organisation qui ne lui enlève pas son caractère général.

Il ressort de ces considérations, que la CARCDSF a une existence légale, la capacité à agir selon les missions qui lui ont été confiées par la loi et a compétence pour recouvrer les cotisations sociales.

La cour rappellera que l’obligation d’affiliation des travailleurs indépendants est déterminée par les dispositions du code de la sécurité sociale suivantes :

— l’article L. 621-1

Il est institué un régime d’assurance vieillesse applicable aux personnes non salariées ou assimilées, dans les conditions déterminées par les titres II, III et IV du présent livre.

— l’article L. 621-2

Le service des prestations de vieillesse est assuré par des organisations autonomes fonctionnant pour un ou plusieurs des groupes professionnels définis à l’article L. 621-3 et comportant éventuellement une caisse nationale, des caisses locales ou régionales ou des sections professionnelles.

— et l’article L. 622-5

Les professions libérales groupent les personnes exerçant l’une des professions ci-après ou dont la dernière activité professionnelle a consisté dans l’exercice de l’une de ces professions :

1°) médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, architecte, expert-comptable, vétérinaire ;

2°) notaire, huissier de justice, personne ayant la qualité de commissaire-priseur judiciaire ou habilité à diriger les ventes dans les conditions prévues à l’article L. 321-4 du code de commerce, syndic ou administrateur et liquidateur judiciaire, agréé, greffier, expert devant les tribunaux, personne bénéficiaire de l’agrément prévu par l’article L. 472-1 du code de l’action sociale et des familles, courtier en valeurs, arbitre devant le tribunal de commerce, artiste non mentionné à l’article L. 382-1, ingénieur-conseil, auxiliaire médical, agent général d’assurances ;

3°) et d’une manière générale, toute personne autre que les avocats, exerçant une activité professionnelle non-salariée et qui n’est pas assimilée à une activité salariée pour l’application du livre III du présent code, lorsque cette activité ne relève pas d’une autre organisation autonome en vertu des articles L. 622-3, L. 622-4, L. 622-6 ou d’un décret pris en application de l’article L.622-7.

Pour des raisons impérieuses de sécurité, les moniteurs de ski titulaires d’un brevet d’Etat ou d’une autorisation d’exercer, organisés en association ou en syndicat professionnel pour la mise en oeuvre de leur activité, sont considérés comme exerçant une activité non salariée relevant du régime des travailleurs indépendants et ce, quel que soit le public auquel ils

s’adressent

.

Le mécanisme d’affiliation obligatoire, compatible avec le droit communautaire, contraint dès lors un travailleur indépendant qui exerce son activité en France à s’acquitter des cotisations rendues obligatoires par la loi.

M. Y ayant (à l’époque et en tout cas jusqu’en juin 2016) le statut de travailleur indépendant pour l’exercice libéral de son activité de chirurgien dentiste, il relève obligatoirement d’un régime d’assurance vieillesse prévu par le code de la sécurité sociale. En conséquence, il est redevable des cotisations et contributions mises à sa charge sur les revenus qu’il tire de son activité libérale peu important en outre, qu’il ait le cas échéant décidé d’adhérer à une assurance privée auprès d’une entreprise étrangère, dès lors qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’une telle adhésion ne lui permet pas d’échapper aux obligations qui sont les siennes au regard des dispositions de droit interne.

Sur la régularité des mises en demeure

La CARCDSF considère que la mise en demeure en cause respecte les prescriptions du code de la sécurité sociale et permet à M. Y de connaître la cause, la nature et l’étendue de ses obligations.

La Caisse souligne que, le 5 avril 2016, M. Y a reçu un appel rectificatif à cotisation sur lequel figuraient à la fois les sommes réclamées, à titre de cotisations définitives et les cotisations provisionnelles 'régime de base des libéraux', et que les montants des cotisations 2016 repris par la mise en demeure sont identiques, 'excepté pour le régime de base des libéraux, qui conformément aux dispositions de l’article L. 642-2, alinéa 3 du Code de la Sécurité Sociale fait l’objet d’une régularisation postérieurement à l’appel'.

La Caisse rappelle, en outre, que, conformément aux dispositions de l’article D. 642-3 alinéa 8 du même code, à défaut de déclaration de ses revenus par l’assuré, il est procédé à l’appel de cotisations sur un revenu égal au maximum de chacune des tranches prévues au 1° et 2° de cet article.

Dans ses conclusions, la CARCDSF reprend en détail les montants des cotisations, forfaitaires et proportionnelles ainsi que les taux fixés pour chacune en fonction des revenus.

Enfin, la Caisse précise que la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 a modifié le mode de calcul du régime 'de base’ des libéraux à compter du 1er janvier 2004 : les cotisations sont calculées chaque année, à titre provisionnel, sur base des revenus de l’année N-2 et font l’objet d’une régularisation en année N+2.

M. Y soutient que la mise en demeure dont le paiement est réclamé est insuffisamment motivée et que sa nullité doit être confirmée. En effet, la mise en demeure ne mentionne pas la période à laquelle sont rattachées les cotisations du régime de base provisionnel, du régime complémentaire, de la prestation complémentaire vieillesse, des indemnités journalière et de l’invalidité décès. Elle ne mentionne pas non plus le caractère définitif ou provisionnel des cotisations. Elle ne mentionne pas le détail des sommes réclamées ni les imputations créditrices et les régularisations intervenues avant son émission et après les appels de cotisations portant sur l’exercice 2016. M. Y souligne qu’en tout état de cause, les calculs de la CARCDSF 'ne sont pas fiables', alors que la Caisse, dans ses conclusions, a indiqué avoir procédé à un rectificatif suite à la communication des revenus de l’exercice 2014. De même, la CARCDSF n’a pas procédé à de nouveaux calculs, en cours d’instance, alors que les revenu 2015 et 2016 étaient communiqués, notamment la liasse fiscale 2016 de la société de M. Y il en allait d’ailleurs de même pour 2017 et même 2018). M. Y précise que, à compter du 18 juin 2016, il n’a perçu de sa société (SELAS) aucune somme, la société encaissant les honoraires, ne les lui reversant pas et ne le rémunérant pas au titre de son activité de chirurgien-dentiste, de président ou d’associé. M. Y estime d’ailleurs qu’il aurait dû être radié de la CARCDSF le dernier jour su 2e trimestre 2016, soit le 30 juin 2016.

Sur ce

A titre préliminaire, la cour indique que la mise en demeure en cause a fait l’objet d’une discussion détaillée à l’audience, le président-rapporteur indiquant à la Caisse que certaines rubriques de la mise en demeure ne paraissaient pas claires et que certains des tableaux dressés par la Caisse pour expliquer la situation de M. Y (tableau 2, notamment) faisaient apparaître des différences qui ne s’expliquaient pas à première vue.

La Caisse a répondu que les éléments qu’elle fournissait permettaient de répondre à toutes les interrogations, et notamment que si la nature 'provisionnelle’ d’une cotisation n’était pas précisée sur la mise en demeure, c’est qu’elle était définitive.

La cour rappelle que la mise en demeure est régie par les dispositions du code de la sécurité sociale suivantes:

— l’article R. 612-9 qui dispose

La caisse de base du régime social des indépendants ou l’organisme conventionné pour les membres des professions libérales au titre de la maladie et de la maternité adressent au cotisant défaillant une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, le mettant en demeure de régulariser sa situation dans le mois. La mise en demeure ne peut concerner que les cotisations échues dans les cinq années qui précèdent la date de son envoi.

La mise en demeure donne le détail des sommes réclamées au titre des cotisations, des majorations et des pénalités mentionnées à l’article R. 612-20 ou dues en cas de non-acquittement des cotisations à l’échéance. Elle précise que la dette peut être contestée dans un délai d’un mois par une réclamation adressée à la commission de recours amiable et accompagnée de la mise en demeure. Elle indique l’adresse de ladite commission.

— l’article R. 133-3 alinéa 1 qui prévoit

Si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme du délai d’un mois à compter de sa notification, le directeur de l’organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l’article L. 244-9 ou celle mentionnée à l’article L. 161-1-5. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

— et l’article L. 244-2, aux termes duquel

Toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n’a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l’employeur ou au travailleur indépendant. Le contenu de l’avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l’avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ; qu’à cette fin il importe qu’elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice.

En l’espèce, la CARCDSF verse aux débats l’appel de cotisation du 5 avril 2016 et la mise en demeure du 5 février 2008.

Pour apprécier le contenu de ces documents, il convient de garder à l’esprit que les cotisations provisionnelles ont été appelées sur la base des revenus 2014, une régularisation devant intervenir en 2018, selon les règles posées par la loi de 2003 mentionnée ci-dessus.

La cour relève que, dans l’appel à cotisations, il est expressément mentionné que les revenus 2014 s’élèvent à la somme de 93 049 euros quand ceux de 2012 s’élevaient à la somme de 106 298 euros.

Les rubriques figurant, dans cet appel, au titre des 'cotisations définitives', sont reprises à l’identique dans la mise en demeure. M. Y n’est donc aucunement fondé à soutenir qu’il ne pouvait identifier le caractère, provisionnel ou non, des cotisations en cause.

En revanche, les cotisations provisionnelles 'régime de base des libéraux’ qui apparaissent dans

l’appel à cotisation, pour des montants de 3 178 euros (tranche 1) et 1 740 euros (tranche 2), soit un total de 4 918 euros, n’apparaissent pas en tant que tel dans la mise en demeure.

Celle-ci comporte en effet des rubriques :

— 'régime de base régularisation 2014' pour un montant nul ;

— 'régime de base régularisation 2015' pour un montant de 1 994 euros ; ce montant est cohérent avec une régularisation en N+2 mais ne pouvait, par définition, apparaître dans l’appel à cotisations, puisqu’il n’a pu être calculé qu’en 2017 ; M. Y ne peut cependant avoir aucun doute sur la nature de son obligation, compte tenu du libellé en question ;

— 'régime de base provisionnel', pour un montant de 6 789 euros .

La cour ne peut que constater que la CARCDSF a été dans l’incapacité, que ce soit dans ses écritures ou à l’audience, d’expliquer cette différence entre les sommes de 4 918 euros et 6 789 euros. La pièce n°3 soumis par la Caisse soulève d’ailleurs davantage d’interrogations qu’elle ne permet d’explication, dès lors qu’y figure un tableau 'régularisation des cotisations 2014' qui fait apparaître un trop payé par M. Y d’un montant de 248 euros, mais sur la base de sommes de 4 367 euros (cotisation définitive) et 4 615 euros (cotisation appelée en 2014) qui sont encore différentes, alors que figure un autre tableau, intitulé 'montant à payer', pour une somme totale de juin à décembre 2016 de 16 570,70 euros, laquelle ne peut être obtenue que si on retient, au titre de la cotisation provisionnelle 'régime de base des libéraux', la somme de 4 918 euros.

Or, la Caisse sollicite la validation de la mise en demeure pour son entier montant en principal, donc pour une somme de 6 789 euros au titre de la cotisation provisionnelle 'régime de base des libéraux'.

La cour ne peut ainsi que constater que la mise en demeure n’est pas fondée quant à son montant et ne permettait pas à M. Y de connaître l’étendue exacte de ses obligations à l’époque où elle a été émise.

La cour doit donc confirmer le jugement entrepris.

Sur la radiation de M. Y de la CARCDSF

La cour ne peut que constater que le litige a été initialement circonscrit à la question de la validité de la mise en demeure et qu’il ne lui appartient donc pas de statuer sur la radiation, ou non, de M. Y des livres de la CARCDSF au plus tard le 30 juin 2016.

Sur la demande de dommages intérêts

M. Y relève qu’il a fait l’objet d’une inscription de privilège de sécurité sociale de la part de la Caisse, en garantie du montant total de la mise en demeure du 5 février 2018 au titre de la période d’exigibilité 2016, soit la somme de 23 182,11 euros. Il souligne que cette prise de garantie n’est pas sans conséquence, puisque le registre en est public et que, par ailleurs, elles est intervenue deux mois avant l’audience de plaidoirie de première instance, alors que la CARCDSF disposait de l’ensemble de ses revenus réels pour 2015 et 2016. Il sollicite ainsi la somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts.

La CARCDSF maintient que la mise en demeure était fondée et que, en tout état de cause, elle n’a commis aucune faute susceptible d’entraîner un droit à réparation pour M. Y.

Sur ce

Il est constant que la CARCDSF a fait procéder à une inscription de privilège, en l’absence de paiement par M. Y des cotisations réclamées.

Mais, outre que M. Y ne démontre pas que cette procédure aurait eu un quelconque effet négatif quant à son activité ou sa réputation ni qu’elle aurait entraîné des frais dont il justifierait, il est constant, d’une part, que M. Y n’a pas réglé des sommes qu’il devait en tout état de cause la CARCDSF puisque, comme indiqué plus haut, il ne pouvait revendiquer, sur la période considérée, ne pas être affilié à bon droit à cette caisse de sécurité sociale ; et, d’autre part, il est, aussi, largement responsable de la situation en n’ayant communiqué ses revenus 2014 que le 31 mars 2016, la Caisse ayant d’ailleurs réagi avec promptitude puisqu’elle lui a adressé l’appel à cotisations mentionné ci-dessus quelques jours après.

M. Y sera donc débouté de sa demande de dommages intérêts.

Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La CARCDSF, qui succombe à l’instance, sera condamnée aux dépens d’appel et à payer à M. Y une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile d’un montant de 1 000 euros, en cause d’appel.

Sur l’exécution provisoire

Contrairement à ce que sollicite M. Y, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent arrêt puisqu’il est seulement susceptible d’un pourvoi en cassation, lequel n’est pas suspensif.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d’Oise en toutes ses dispositions (18-00385/P) ;

Y ajoutant,

Condamne la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et des sages femmes aux dépens d’appel ;

Condamne la caisse autonome de retraite des chirurgiens dentistes et des sages femmes à payer à M. X-Z Y, en cause d’appel, une indemnité d’un montant de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute M. Y de sa demande de dommages intérêts ;

Déboute M. Y de sa demande de d’exécution provisoire du présent arrêt ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,

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Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 30 janvier 2020, n° 18/04687