Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 16 novembre 2022, n° 20/02560

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Versailles, 17e ch., 16 nov. 2022, n° 20/02560
Juridiction : Cour d'appel de Versailles
Numéro(s) : 20/02560
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Montmorency, 23 septembre 2020, N° F18/00506
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 4 décembre 2022
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Texte intégral

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRÊT N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 16 NOVEMBRE 2022

N° RG 20/02560

N° Portalis DBV3-V-B7E-UE5L

AFFAIRE :

[X] [G]

C/

SCP [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 septembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de MONTMORENCY Section : AD

N° RG : F18/00506

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Cécile JARRY

Me Sophie CORMARY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [X] [G]

né le 2 mai 1981 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Cécile JARRY, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 177

APPELANT

****************

SCP [P] [X] ès-qualités de liquidateur de la société DECKMATT

[Adresse 1]

[Localité 5]

Non représentée

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDFE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98

INTIMÉES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 6 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [G] a été engagé par la société Deckmatt, en qualité de technicien informatique, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 mai 2006.

Cette société était spécialisée dans le conseil en systèmes et logiciels informatiques. Elle comptait, au moment du licenciement, moins de 10 salariés et appliquait la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.

Le salarié a démissionné par lettre du 31 octobre 2017, distribué le 8 novembre 2017, dans les termes suivants :

« Je soussigné [X] [G], ai l’honneur de vous présenter ma démission du poste d’informaticien, à compter de la date de ce courrier.

Souligné les manquements suivant de l’employeur:

. Retard de plusieurs mois sur le paiement du salaire et des remboursements de frais kilométrique, soit 21 013,05 euros.

. Impossibilité systématique de pouvoir contacter le gérant de l’entreprise (l’employeur).

. Non remise des 29 derniers Bulletins de salaires (dernier en date de mai 2015).

J’ai bien noté que les termes de mon contrat de travail (ou convention collective ou accord d’entreprise…) prévoient un préavis d’une durée de 1 mois. Cependant, et par dérogation, je sollicité la possibilité de ne pas effectuer ce préavis, et par conséquent de quitter l’entreprise dès le 01/11/2017, mettant ainsi fin à mon contrat de travail.

Lors de mon dernier jour de travail pour l’entreprise, je vous demanderai de bien vouloir me transmettre un reçu pour solde de tout compte (en prenant en compte les indemnités de la rupture de contrat en plus des sommes encore dû de salaire et d’indemnité kilomètriques), un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle emploi, ainsi que les bulletins de salaires depuis juin 2015. »

Le 2 août 2018, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency afin d’obtenir la requalification de sa rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse et le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 24 septembre 2020, le conseil de prud’hommes de Montmorency a :

— dit que la société Deckmatt, prise en la personne de ses représentants légaux, devra verser les sommes suivantes à M. [X] [G] :

. 273,49 euros à titre de rappel de salaires,

. 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— débouté M. [G] du surplus de ses demandes,

— débouté la société Deckmatt de ses demandes reconventionnelles,

— mis les éventuels dépens à la charge de la société Deckmatt.

Par déclaration adressée au greffe le 16 novembre 2020, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.

Par jugement du 30 novembre 2020, le tribunal de commerce de Pontoise a prononcé l’ouverture de la liquidation judiciaire de la société Deckmatt, a fixé la date de cessation des paiements au 27 octobre 2020 et désigné la SCP [P] ès-qualités de mandataire liquidateur.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 28 juin 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 février 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [G] demande à la cour de :

— le dire recevable et bien fondé en son appel du jugement du conseil des prud’hommes de Montmorency du 24 septembre 2020,

— confirmer le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a condamné la société Deckmatt à lui régler la somme de 273,49 euros au titre de rappels de salaires,

— infirmer le jugement du conseil des prud’hommes sur les autres chefs du jugement,

et statuant à nouveau,

— dire que sa démission constitue une rupture du contrat aux torts de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

— fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Deckmatt aux sommes suivantes :

. 20 110,58 euros au titre des rappels de salaire et remboursements de frais,

. 1 102,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

. 5 200 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

. 520 euros au titre des congés payés y afférents,

. 7 924,51 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

. 26 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 13 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat aux termes du contrat,

— dire que ces sommes feront l’objet d’un relevé complémentaire qui figurera sur l’état des créances,

— ordonner à Me [P] la remise des bulletins de paie de juin 2015 à décembre 2017, d’un solde de tout compte, du certificat de travail conforme et de l’attestation pôle emploi conforme sous astreinte journalière de 50 euros par document à compter de la décision à intervenir,

— dire que l’arrêt à intervenir sera opposable à l’Unedic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est,

— fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Deckmatt une créance d’un montant de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— en ordonner l’emploi en frais privilégiés de justice,

— mettre à la charge du mandataire liquidateur les dépens et éventuels frais d’exécution.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 31 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’association Unedic délégation AGS CGEA Ile-de-France Est demande à la cour de :

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes du 24 septembre 2020,

en conséquence,

— débouter M. [G] de ses demandes,

subsidiairement,

— ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 5 703,90 euros,

en tout état de cause,

— mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure,

— dire que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L 622-28 du code du commerce,

— fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,

— dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L.3253-6, L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-19 à 21 et L.3253-17 du code du travail,

— dire que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

La SCP [P] [X], ès-qualités de mandataire liquidateur de la société Deckmatt, régulièrement convoquée par acte d’huissier, n’a pas constitué avocat.

Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

MOTIFS

Sur les demandes de remboursement de frais et de rappel de salaire

Sur les remboursements de frais de déplacement et de trajet

Le salarié soutient qu’il exerçait ses missions chez des clients en se déplaçant dans toute la France de sorte que, peu important l’absence de dispositions dans son contrat de travail relatives à la prise en charge de ses frais de déplacement et de trajet, son employeur devait les prendre en charge financièrement.

Il précise que l’employeur doit rembourser les frais de déplacement réellement engagés et non procéder à un remboursement forfaitaire en l’absence d’accord des parties sur cette modalité mais également les frais de trajets compte-tenu de son engagement unilatéral sur ce point.

L’AGS CGEA IDF Est conteste l’obligation pour l’employeur de rembourser les frais allégués par le salarié dès lors qu’aucun remboursement de frais n’est prévu dans le contrat de travail, que les trajets domicile/travail n’ont pas à être pris en charge par l’employeur faute d’accord établi entre les parties et que les frais relatifs aux grands trajets peuvent être remboursés sous réserve d’en justifier, ce que le salarié ne fait pas.

Elle ajoute qu’au surplus, le salarié ne démontre pas l’accord de l’employeur sur les déplacements revendiqués et qu’en tout état de cause, le salarié exerçait une activité indépendante parallèlement à son emploi, dans le même secteur d’activité, de sorte que la nature personnelle ou professionnelle des trajets revendiqués n’est pas établie.

* * *

S’agissant des frais de déplacement, les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés.

Toutefois, il ressort des pièces versées au débat que le salarié ne sollicite en réalité que le remboursement de ses frais de trajets domicile ([Localité 6] 89) ' travail ([Localité 9] 95).

En effet, si le contrat de travail du salarié conclu en 2006 fait apparaître une domiciliation à [Localité 8] (95), les bulletins de salaire de 2015 démontrent un changement d’adresse à [Localité 7] (89).

Le salarié tente de justifier l’existence de frais afférents à ses trajets en produisant son agenda qui, faute de préciser le lieu des rendez-vous, ne permet pas de démontrer qu’il s’agit de déplacements effectués entre son domicile et des clients.

S’agissant donc du remboursement de frais liés au trajet domicile-travail, le salarié qui invoque l’existence d’un engagement unilatéral de l’employeur doit en prouver l’existence.

Le salarié se prévaut à cette fin :

d’un courriel de l’employeur du 7 septembre 2017 dans lequel ce dernier évoque le paiement d’indemnités sans pour autant préciser la nature des indemnités concernées,

de ses courriels de juin 2016 à octobre 2017 dans lesquels il adresse à l’employeur ses tableaux de frais kilométriques et factures de péage, dont il n’est pas contesté qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune réponse de l’employeur,

d’un courriel de l’employeur du 10 avril 2013 dans lequel ce dernier demande au salarié ses justificatifs de péage pour ses déplacements en 2012 et une attestation d’hébergement par sa s’ur durant ses déplacements.

Cet écrit peu précis de l’employeur sur la nature des trajets en question ne caractérise pas un accord de l’employeur relatif à la prise en charge des frais de trajets.

Enfin, le salarié évoque la prise en charge pendant plusieurs années de ces frais sans pour autant en justifier.

En effet, si les montants versés par l’employeur chaque mois sur le compte bancaire du salarié étaient supérieurs au montant du salaire convenu, l’écart constaté ne permet pas à lui seul de déduire l’existence d’un remboursement de frais de trajets.

Ainsi, ces éléments sont insuffisants à caractériser un engagement unilatéral de l’employeur de prendre en charge les frais liés aux trajets entre le domicile et le lieu de travail.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de remboursement des frais de trajet domicile-travail.

Sur les rappels de salaires

A titre principal, le salarié soutient qu’il a été convenu qu’au départ d’un certain M. [B], son salaire net serait porté à 2 000 euros à compter de janvier 2017 et sollicite un rappel de salaire afférent de 5 314,40 euros nets.

L’AGS CGEA IDF Est conteste cette demande, arguant que l’accord entre les parties sur une rémunération nette de 2 000 euros n’est pas démontrée, comme indiqué dans le jugement entrepris.

Dès lors que la rémunération contractuelle brute était fixée à 1 217,91 euros pour 151,67 heures mensuelles et que le salarié n’apporte aucun élément justifiant d’un accord ultérieur entre les parties pour porter cette rémunération à 2 000 euros nets, ce dernier n’est pas fondé à se prévaloir d’une rémunération mensuelle nette de 2 000 euros et solliciter un rappel de salaire afférent.

Par ailleurs, le salarié ne précise pas qui est M. [B] et ce dernier n’atteste pas au dossier.

A titre subsidiaire, le salarié fait valoir que sa rémunération mensuelle brute était inférieure au salaire minimum conventionnel qui lui était applicable de sorte qu’il sollicite la confirmation du jugement entrepris lui ayant accordé un rappel de salaire de 273,49 euros.

L’AGS CGEA indique s’en rapporter à la justice pour cette demande.

La demande du salarié n’étant pas contestée, il y sera fait droit conformément aux dispositions conventionnelles applicables en la matière.

Ainsi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande principale de 5 314,40 euros nets à titre de rappel de salaire et en ce qu’il a accordé au salarié la somme de 273,49 euros bruts à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

Sur la requalification de la démission en prise d’acte

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l’analyser en une prise d’acte de la rupture.

Dans sa lettre de démission du 31 octobre 2017, le salarié invoque expréssement des manquements de l’employeur à savoir un retard dans le paiement des salaires et dans le remboursement de frais kilométriques d’un montant total de 21 013,05 euros, une impossibilité systématique de pouvoir contacter le gérant de l’entreprise et l’absence de remise des 29 derniers bulletins de salaires.

Les termes de cette lettre caractérisent une démission équivoque du salarié de sorte qu’elle doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Sur les effets de la prise d’acte

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués étaient d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d’une démission. La charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse en principe sur le salarié.

S’agissant du retard dans le paiement des salaires, les relevés bancaires de février 2015 à janvier 2018 démontrent que le salarié a été payé à des dates fluctuantes jusqu’en janvier 2017 puis régulièrement autour du 8 de chaque mois entre février et octobre 2017, date de sa prise d’acte.

Quant au remboursement des frais de trajets domicile-travail, il a été retenu que le salarié ne démontrait pas l’obligation pour l’employeur de lui rembourser lesdits frais et que l’employeur n’avait pas respecté le salaire minimum conventionnel applicable au salarié de sorte qu’il est redevable de la somme de 273,49 euros.

Ainsi, sont établis le retard dans le paiement du salaire en 2015 et 2016 et le paiement tardif de la somme de 273,49 euros à titre de rappel de salaire lié au minimum conventionnel.

S’agissant de la remise des bulletins de paie, il appartient à l’employeur et a fortiori au mandataire liquidateur de démontrer que le salarié a reçu ses bulletins de paie de mai 2015 à octobre 2017 à chaque échéance de paie, ce qu’il ne fait pas.

Le salarié a pu disposer de ses bulletins de paie qui lui ont été remis devant le bureau de conciliation et d’orientation du 11 octobre 2018 , leur remise postérieure à la prise d’acte étant établie.

S’agissant de l’impossibilité systématique de contacter l’employeur, le salarié se prévaut de ses trois courriels d’août et septembre 2017 à son employeur qui seraient restés sans réponse. Toutefois, il est établi que, par courriel du 23 août 2017, l’employeur a pris contact auprès du salarié.

Le manquement n’est ainsi pas établi.

En synthèse, sont établis le retard dans le paiement du salaire en 2015 et 2016, le paiement tardif de la somme de 273,49 euros à titre de rappel de salaire lié au minimum conventionnel et l’absence de remise des bulletins de salaire de 2015 à 2017.

Toutefois, il a été démontré que le salarié percevait sa rémunération en 2017 sans retard et il n’est pas contesté que le salarié ne s’est jamais plaint auprès de son employeur du paiement tardif de son salaire en 2015 et 2016, ni qu’il ait jamais sollicité la remise de ses bulletins de paie avant sa prise d’acte soit pendant près de trois ans.

Il résulte de ces développements que les manquements de l’employeur sont soit anciens, soit pérennes ou sans conséquences financières pour le salarié, ce qui démontre qu’ils n’étaient pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Par conséquent, la prise d’acte produit les effets d’une démission.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de dommages -intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et indemnité légale de licenciement.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Le salarié soutient avoir effectué son préavis sans avoir été rémunéré pendant cette période.

L’AGS CGEA IDF Est réplique que le salarié, qui a demandé une dispense de préavis, ne justifie pas avoir réalisé sa prestation de travail pendant le préavis, ainsi que l’a retenu le conseil de prud’hommes

S’il est établi que le salarié a sollicité une dispense de préavis dans son courrier de démission du 31 octobre 2017, il n’est pas démontré que l’employeur lui ait répondu favorablement.

Dès lors, il appartient à l’employeur de démontrer que le salarié a refusé d’exécuter son travail ou ne s’est pas tenu à sa disposition.

Faute d’éléments en ce sens compte tenu de la défaillance de l’employeur en appel, en application de l’article 15 de la convention collective applicable, le salarié, qui aurait dû effectuer un préavis de deux mois, est bien fondé à solliciter le versement de l’indemnité afférente.

Compte-tenu du minimum conventionnel lui étant applicable soit 1 752,60 euros bruts et des heures supplémentaires effectuées chaque mois correspondant à un montant de 187,77 euros bruts dont le salarié se prévaut, le salarié aurait dû percevoir un salaire mensuel de 1 940,37 euros bruts pendant son préavis.

Infirmant le jugement, il sera alloué au salarié la somme de 3 880,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 388 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Le salarié sollicite un reliquat d’indemnité compensatrice de congés payés qu’il estime à 1 102,81 euros sur la base d’un salaire de référence de 2 600 euros et à 151,42 euros sur la base d’un salaire de 1 940,37 euros.

L’AGS CGEA IDF Est indique que le salarié a été rempli de ses droits.

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve du paiement du salaire.

En l’absence d’élément démontrant que le salarié a perçu l’indemnité compensatrice de congés payés due, il sera fait droit à la demande du salarié sur la base du salaire de référence précédemment établi de 1 940,37 euros.

Infirmant le jugement, il sera alloué la somme de 151,42 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés.

Sur la remise des documents de rupture

Sans qu’il soit besoin d’assortir cette mesure d’une astreinte, il convient d’ordonner au mandataire liquidateur de remettre au salarié une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

En revanche, la demande de remise des bulletins de paye de juin 2015 à décembre 2017 est devenue sans objet compte tenu de leur remise lors du bureau de conciliation.

Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de remise de ses bulletins de paie et de ses documents de fin de contrat

Le salarié soutient que l’absence de remise de ses bulletins de salaires et de ses documents de fin de contrat avant l’audience de conciliation du 11 octobre 2018 lui a causé un préjudice important dès lors qu’il n’a pas pu bénéficier de l’aide de retour à l’emploi et de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise.

Il ajoute qu’il a rencontré des difficultés pour l’obtention d’un emprunt bancaire, qu’il a dû consentir une hypothèque sur sa maison ce qui a représenté un surcoût de 2 098 euros par rapport à une garantie bancaire.

L’AGS CGEA IDF Est réplique que le salarié ne justifie pas être resté 29 mois sans bulletin de paie et, en tout état de cause, du préjudice en découlant.

Elle précise que dans la mesure où le salarié disposait de sa propre entreprise depuis 2013, il ne pouvait ni bénéficier de l’aide de retour à l’emploi et de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise.

Si les échanges de courriels entre le salarié et son banquier des 24 et 25 juillet 2018 démontrent que le salarié a garanti son prêt par un privilège de préteur de deniers et une hypothèque et non une caution mutuelle de l’habitat, ils ne permettent pas d’établir que le choix de la garantie lui a été imposé en raison de l’absence de bulletins de paie.

Dans la mesure où le salarié a démissionné, il ne pouvait bénéficier ni de l’aide de retour à l’emploi et de l’aide à la reprise ou à la création d’entreprise, d’autant plus qu’il n’est pas contesté que le salarié disposait de sa propre entreprise depuis 2013.

Ainsi, le salarié ne justifie pas du préjudice subi du fait de la remise tardive de ses bulletins de paie et de ses documents de fin de contrat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande.

Sur la fixation au passif et la garantie de l’AGS

En application des articles L. 622-22 et L. 625-3 du code de commerce et de l’article L. 3253-8 du code du travail, les créances du salarié seront fixées au passif de la société Deckmatt.

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’AGS CGEA Ile-de-France Est dans la limite de sa garantie, étant rappelé que les indemnités allouées au titre des frais irrépétibles ne rentrent pas dans le champ de cette garantie et il sera dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société Deckmatt.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge du salarié et du mandataire les frais par eux exposés non compris dans les dépens en première instance et en cause d’appel.

Ainsi, le jugement sera infirmé en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a alloué à M. [G] la somme de 273,49 euros à titre de rappel de salaire et a débouté M. [G] de ses demandes de remboursement de frais, d’indemnité légale de licenciement, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour absence de remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat aux termes du contrat,

INFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que la démission de M. [G] doit être requalifiée en prise d’acte de la rupture du contrat de travail produisant les effets d’une démission,

FIXE les créances de M. [G] au passif de la liquidation judiciaire de la société Deckmatt aux sommes suivantes :

. 273,49 euros bruts à titre de rappel de salaire,

. 3 880,74 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

. 388 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 151,42 euros bruts à titre de complément d’indemnité compensatrice de congés payés,

DÉBOUTE M. [G] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure pour les frais exposés en première instance,

ORDONNE à la SCP [P], ès qualités, de remettre à M. [G] une attestation Pôle emploi, un solde de tout compte, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à astreinte,

DIT sans objet la remise des bulletins de paye de 2015 à 2017,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA IDF Est dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l’indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l’avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

REJETTE les demandes en application de l’article 700 du code de procédure civile,

MET les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société Deckmatt.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, président et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 16 novembre 2022, n° 20/02560