Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 mai 2023, n° 23NT00164

  • Etat civil·
  • Droit d'asile·
  • Séjour des étrangers·
  • Pays·
  • Territoire français·
  • Tribunaux administratifs·
  • Travailleur·
  • Titre·
  • Refus·
  • Supplétif

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA, 3e ch., 26 mai 2023, n° 23NT00164
Juridiction : Cour administrative d'appel
Numéro : 23NT00164
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Rennes, 28 décembre 2022, N° 2202989
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler l’arrêté du 20 septembre 2022 par lequel le préfet du Finistère lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d’éloignement d’office.

Par un jugement n° 2202989 du 29 décembre 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2023, M. B, représenté par Me Vervenne, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 29 décembre 2022 ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet du Finistère du 20 septembre 2022 ;

3°) d’enjoindre au préfet du Finistère, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ou un titre au regard des motifs exceptionnels avec autorisation de travailler, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de le munir dans l’attente d’une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— l’arrêté litigieux méconnaît l’article 24 de l’accord franco-malien de coopération en matière de justice du 9 mars 1962 et de l’article 25 de la convention consulaire entre la France et le Mali signée le 3 février 1962 ;

— il est entaché d’un vice de procédure, dès lors que la police aux frontières n’est pas compétente, en vertu de l’article 5 de l’arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l’organisation de la direction centrale de la police aux frontières pour procéder aux examens techniques des actes d’état civil mais seulement des documents d’identité et de voyage ;

— il est entaché d’erreur de droit, d’erreur de fait, d’erreur d’appréciation et méconnaît les dispositions des articles L. 811-1 et R. 431-10 et 11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ainsi que l’article 47 du code civil en estimant qu’il s’agissait de documents falsifiés et en en remettant en cause la régularité ;

— il est entaché d’un défaut d’examen particulier de sa situation au regard des articles L. 421-1 et 3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— il est entaché d’erreur de fait, de droit et d’une inexacte application de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— il méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l’illégalité du refus de titre de séjour :

— elle est insuffisamment motivée ;

— la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l’illégalité de l’obligation de quitter le territoire français ;

— elle est insuffisamment motivée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2023, le préfet du Finistère conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 25 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Mali de coopération en matière de justice ;

— le code civil ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— l’arrêté du 1er février 2011 relatif aux missions et à l’organisation de la direction centrale de la police aux frontières ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Lellouch,

— et les observations de Me Le Roy, substituant Me Vervenne, représentant M. B.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, ressortissant guinéen, se disant né le 23 novembre 2000 et entré irrégulièrement en France le 20 avril 2017, a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du département du Finistère, auxquels il a été confié par l’autorité judiciaire en qualité de mineur non accompagné le 13 octobre 2017. Le 21 décembre suivant, le juge des enfants a cependant ordonné la mainlevée de son placement, motif pris du caractère non probant des documents d’état civil présentés. L’intéressé a sollicité le 14 novembre 2018 la délivrance d’un titre de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » sur le fondement de l’article L. 313-15 désormais codifié à l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par un arrêté du 6 janvier 2020, le préfet du Finistère a rejeté sa demande, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d’éloignement d’office. M. B a formé une nouvelle demande de titre de séjour en produisant de nouveaux documents d’état civil, sur le fondement de l’article

L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par arrêté du 20 septembre 2022, le préfet du Finistère a pris un nouvel arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi. M. B relève appel du jugement du 29 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : «   » L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié », « travailleur temporaire » ou « vie privée et familiale », sans que soit opposable la condition prévue à l’article

L. 412-1. () « . En vertu de cet article L. 412-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la première délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention salarié ou travailleur temporaire est subordonnée à la production par l’étranger du visa de long séjour. Les dispositions des articles L. 421-1 et L. 421-3 prévoient les conditions de délivrance des cartes de séjour temporaire portant les mentions » salarié « ou » travailleur temporaire ".

3. Il est constant que M. B est entré irrégulièrement en France, sans avoir obtenu de visa de long séjour auquel l’article L. 412-1 subordonne la délivrance du titre de séjour temporaire mention « salarié » ou « travailleur temporaire » prévus par les articles L. 421-1 et 3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Dès lors, le préfet du Finistère n’a pas commis d’erreur de droit ni entaché sa décision d’un défaut d’examen de sa demande de titre de séjour en examinant sa demande de délivrance d’un titre de séjour temporaire mention « salarié » ou « travailleur temporaire » sur le terrain de l’admission exceptionnelle au séjour, et sur le seul fondement de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

4. Pour refuser à M. B son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet du Finistère lui a opposé, d’une part, le doute sérieux existant sur son état civil, et d’autre part, l’absence de motif exceptionnel ou de raison humanitaire justifiant qu’un titre de séjour lui soit délivré.

5. Aux termes de l’article L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile: « La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil » et aux termes de l’article 47 du code civil : « Tout acte de l’état civil () des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Il résulte de ces dispositions que la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l’administration de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu’un acte d’état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu’il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige qui lui est soumis. Par ailleurs, il n’appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d’une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

6. La circonstance que le préfet du Finistère se soit appuyé sur l’avis des services de la police aux frontières pour apprécier le caractère probant des actes d’état civil présentés n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure.

7. Afin de justifier de son identité et de son état civil, M. B a produit un nouvel extrait d’acte de naissance, l’extrait du jugement supplétif, une carte consulaire et un passeport ainsi qu’une attestation du consulat du Mali en France qui certifie l’authenticité de l’extrait de jugement supplétif présentés. Les éléments mis en avant par les services spécialisés de la police aux frontières, selon lesquels la date d’établissement de l’acte de naissance établi suivant jugement supplétif est écrite en chiffres et non en lettres, au mépris de l’article 126 du code de la famille malien, et qu’il ait été transcrit avant l’expiration du délai d’appel, ne sont pas de nature à établir le caractère frauduleux de l’extrait de jugement supplétif ni d’ailleurs à remettre en cause l’authenticité de l’extrait d’acte de naissance dressé suivant ce jugement. L’ensemble des documents d’identité et d’état civil produits comportent des mentions en tous points concordantes relatives à l’identité et à l’état civil de l’intéressé. Le préfet ne pouvait ainsi, sans commettre d’erreur d’appréciation, remettre en cause son identité et son état civil.

8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que depuis son entrée en France en 2017, M. B n’a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance que pendant deux mois jusqu’au 21 décembre 2017. Il a ensuite été scolarisé en CAP Jardinier-paysagiste avant de se réorienter vers un CAP maçonnerie. Il a ensuite fait l’objet par arrêté du 6 janvier 2020 d’un refus de titre de séjour assorti d’une mesure d’éloignement à destination de son pays d’origine. Les recours formés contre cet arrêté ont été rejetés par le tribunal administratif de Rennes puis par la cour administrative d’appel de Nantes. Si M. B justifiait à la date de la décision litigieuse d’un contrat de professionnalisation en qualité d’ouvrier maçon pour une durée de deux ans avec l’entreprise Colas, et s’il établit de sérieux efforts d’insertion en France, ni son parcours ni les gages d’insertion professionnelle qu’il présente ne suffisent à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires permettant de considérer que le refus du préfet de l’admettre au séjour sur le fondement de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en qualité de « salarié » ou de travailleur temporaire serait entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Il résulte de l’instruction que le préfet du Finistère aurait pris la même décision s’il ne s’était fondé que sur le seul motif tiré de l’absence de motif exceptionnel ou de considération humanitaire.

9. Si M. B justifiait de cinq ans de présence en France, il ressort des pièces du dossier qu’il se maintient sur le territoire depuis 2020 en dépit de la mesure d’éloignement prononcée à son encontre. En outre, bien qu’il ait tissé des liens personnels sur le territoire français, il n’y revendique aucune attache familiale et les attaches personnelles dont il se prévaut ne sont pas d’une intensité et d’une stabilité telles qu’eu égard aux conditions d’entrée et de séjour de l’intéressé en France, le refus de l’admettre à titre exceptionnel ou humanitaire au séjour puisse être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Il résulte des dispositions de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que la motivation de l’obligation de quitter le territoire français se confond avec celle du refus de titre dont elle découle nécessairement et n’implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé, de mention spécifique. La décision contestée vise les conventions internationales et les dispositions légales dont il est fait application, comporte des éléments de faits relatifs à la situation de M. B et expose avec précision les raisons pour lesquelles le préfet du Finistère a refusé de délivrer le titre de séjour sollicité. Il s’ensuit que le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire doit être écarté.

11. Dès lors qu’il résulte des points 2 à 9 que l’illégalité du refus de titre de séjour n’est pas établie, M. B n’est pas fondé à soutenir que l’obligation de quitter le territoire français prise à son encontre devrait être annulée par voie de conséquence de l’annulation du refus de titre de séjour.

12. La décision fixant le pays de destination vise notamment les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et mentionne que l’intéressé n’établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacés dans son pays d’origine. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision portant fixation du pays de destination doit être écarté.

13. Enfin, il résulte des points 9 à 11 que M. B n’est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l’annulation de l’obligation de quitter le territoire français prise à son encontre.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d’injonction ainsi que la demande présentée au titre des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera transmise, pour information, au préfet du Finistère.

Délibéré après l’audience du 5 mai 2023, à laquelle siégeaient :

— M. Salvi, président,

— Mme Brisson, présidente-assesseure,

— Mme Lellouch, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023.

La rapporteure,

J. Lellouch

Le président,

D. Salvi

La greffière,

A. Martin

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 26 mai 2023, n° 23NT00164