Cour administrative d'appel de Marseille, 13 mars 2018, n° 17MA04122

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Chronologie de l’affaire

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www.green-law-avocat.fr · 10 février 2021

Par Clémence AUQUE (Juriste, Green Law Avocats) Par un jugement du 3 février 2021 (TA Paris, 3 févr. 2021, « Association OXFAM France et autres », req. n°190467, 190468, 190472, 190476), le Tribunal administratif de Paris a jugé que « l'Etat doit être regardé comme responsable, au sens des dispositions […] de l'article 1246 du Code civil, d'une partie du préjudice écologique » résultant du réchauffement climatique (cons. n°34). En l'espèce, des associations avaient saisi le Premier ministre ainsi que plusieurs autres ministres d'un recours gracieux visant à obtenir la réparation et la …

 

www.green-law-avocat.fr · 10 février 2021

Par Clémence AUQUE (Juriste, Green Law Avocats) Par un jugement du 3 février 2021 (TA Paris, 3 févr. 2021, « Association OXFAM France et autres », req. n°190467, 190468, 190472, 190476), le Tribunal administratif de Paris a jugé que « l'Etat doit être regardé comme responsable, au sens des dispositions […] de l'article 1246 du Code civil, d'une partie du préjudice écologique » résultant du réchauffement climatique (cons. n°34). En l'espèce, des associations avaient saisi le Premier ministre ainsi que plusieurs autres ministres d'un recours gracieux visant à obtenir la réparation et la …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 13 mars 2018, n° 17MA04122
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 17MA04122
Sur renvoi de : Conseil d'État, 12 octobre 2017, N° 397031

Texte intégral

N° 17MA04122 COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE MARSEILLE

N° 17MA04122

___________


M. et Mme R. RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


M. X

Rapporteur AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ___________
M. Y

Rapporteur public La cour administrative d’appel de Marseille ___________

9ème chambre Audience du 27 février 2018 Lecture du 13 mars 2018 ___________

[…]

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme Z et C R. ont demandé au tribunal administratif de Toulon :

- d’annuler la décision du maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat rejetant leur demande en date du 21 décembre 2010 de faire cesser l’infraction commise sur leur propriété et de poursuivre les contrevenants identifiés ;

- d’enjoindre au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et à l’Etat, sur le fondement des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de faire poursuivre tout utilisateur du terrain supportant les dépôts illicites dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et d’assortir cette injonction, sur le fondement de l’article L. 911-3 du code de justice administrative, d’une astreinte de 500 euros par jour de retard dans l’exécution de cette injonction ;

- d’enjoindre au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et à l’Etat, sur le fondement des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de faire procéder à l’arrêt de tout apport de déchets sur le site dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et d’assortir cette injonction, sur le fondement de l’article L. 911-3 du code de justice administrative, d’une astreinte de 500 euros par jour de retard dans l’exécution de cette injonction ;

- de condamner solidairement la commune de Six-Fours-les-Plages et l’Etat au paiement de la somme de 1 182 652,64 euros en réparation du préjudice qu’ils ont subi du fait de l’inaction des autorités publiques en cause.



Par un jugement n° 1101062 du 6 décembre 2013, le tribunal administratif de Toulon n’a pas admis l’intervention de l’association UDVN 83, a admis l’intervention de l’association APLBS et a rejeté la demande des époux R..

Par un arrêt n° 14MA00600 du 15 décembre 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé l’article 3 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 6 décembre 2013 et a rejeté la demande présentée par les époux R. devant ce tribunal.

Par une décision n° 397031 du 13 octobre 2017, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi formé par les époux R., a annulé l’article 2 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 15 décembre 2015 et a renvoyé l’affaire, dans la limite de la cassation prononcée, à la cour administrative d’appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2014, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 16 octobre 2014, 26 juin 2015, 22 novembre 2017, 31 janvier 2018, 14 février 2018, M. et Mme R., représentés par la SELARL d’avocats Huglo Lepage et Associés, demandent, dans le dernier état de leurs écritures, à la Cour :

1°) d’annuler en toutes ses dispositions le jugement du tribunal administratif de Toulon du 6 décembre 2013 ;

2°) d’annuler les décisions des 3 février 2011 et 22 février 2011 par lesquelles respectivement le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et le préfet du Var ont rejeté leur réclamation préalable ;

3°) de condamner solidairement la commune de Six-Fours-Les-Plages et l’Etat à leur verser la somme de 1 131 307,13 euros TTC, majorée des intérêts au taux légal à compter de la réception de la demande préalable indemnitaire ;

4°) d’enjoindre à la commune de Six-Fours-Les-Plages et au préfet du Var d’exercer leurs pouvoirs de police administrative à l’encontre des responsables des dépôts illicites sur le massif du Cap Sicié dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

5°) d’enjoindre à la commune de Six-Fours-Les-Plages d’évacuer de leur terrain les déchets dont elle est productrice dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

6°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué n’est pas signé ;

- ce jugement est insuffisamment motivé ;

- la commune de Six-Fours-Les-Plages et le préfet du Var, en refusant de mettre en œuvre les pouvoirs qu’ils détiennent au titre de la police administrative générale, et des polices environnementales spéciales, ont commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune et de l’Etat ;



- le maire est compétent, en en application des articles L. 2212-2 5° et L. 2212-4 alinéa 1er du code général des collectivités territoriales, pour prendre les mesures nécessaires dans le cadre de son pouvoir de police administrative générale en matière de prévention des dommages environnementaux ;

- l’article L. 322-1 du code forestier dispose que l’autorité supérieure, en l’occurrence le préfet, peut édicter toutes mesures de nature à assurer la prévention des incendies ;

- il y a eu une carence des services de l’Etat au titre de la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ;

- le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et le préfet du Var n’ont mis en œuvre aucun des pouvoirs qu’ils tiennent des articles L. 541-3 et suivants du code de l’environnement relatifs à la police des déchets ;

- en application de l’article L. 414-15 du code de l’environnement, quand un projet est réalisé sans évaluation environnementale, le préfet est tenu de mettre le responsable en demeure d’arrêter le projet et de remettre le site dans son état initial ;

- le préfet disposait des moyens pour lutter contre les dommages créés à l’environnement en application des articles L. 162-1 et suivants du code de l’environnement ;

- la commune de Six-Fours-Les-Plages est responsable en qualité de producteur de ces déchets ;

- la possibilité pour le préfet d’agir sur le fondement de la police des ICPE n’exclut pas la responsabilité de la commune ;

- le préfet du Var n’a jamais mis en œuvre, en 24 ans, les pouvoirs qu’il tient des articles L. 514-1 et L. 514-2 du code de l’environnement ;

- le préfet du Var et le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages n’ont jamais mis en œuvre les pouvoirs de police qu’ils détiennent en vertu des législations relatives à la protection de la nature, notamment de l’article L. 414-15 du code de l’environnement ;

- il ne peut leur être reproché aucun comportement fautif ;

- ne pouvant profiter de l’usage normal de leur terrain, les fautes commises par l’Etat et la commune leur causent un préjudice ;

- seule la remise en état de leur terrain est de nature à assurer la réparation de leur préjudice et ils ne disposent pas des moyens financiers pour y procéder ;

- l’autorité investie des pouvoirs de police dévolus par l’article L. 541-3 du code de l’urbanisme a l’obligation d’agir, sous le contrôle entier du juge ;

- ils subissent un préjudice écologique qui peut être évalué à 500 000 euros ;

- ils sont victimes d’une perte de jouissance de leur bien qui doit être évaluée à la somme de 150 000 euros ;

- ils subissent un préjudice moral, qui doit être fixé à 5 000 euros, en raison du risque de pollution auquel est exposé leur terrain ;

- ils subissent également un préjudice moral à hauteur de 10 000 euros en raison de la lutte qu’ils mènent depuis 30 ans pour la sauvegarde de leur bien.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mai 2014, 23 septembre 2015, 5 décembre 2017 et 2 février 2018, la commune de Six-Fours-Les-Plages, représentée par le cabinet d’avocats Grimaldi Molina Associés, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. et Mme R. de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint de mettre en œuvre la procédure de remise en état du terrain des époux B, qui sont des conclusions à fin d’injonction


présentées à titre principal, la réclamation préalable ne portant pas sur ce point, sont irrecevables ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 avril 2015 et 6 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il soutient les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- la directive 2006/12/CE du 5 avril 2006 ;

- la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 ;

- le code de l’urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l’environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X,

- les conclusions de M. Y, rapporteur public,

- et les observations de Me Maître, représentant M. et Mme R., et de Me Grimaldi, représentant la commune de Six-Fours-Les-Plages.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Six-Fours-Les-Plages, a été enregistrée le 27 février 2018.

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme R., a été enregistrée le 1er mars 2018.

1. Considérant que M. et Mme R. sont propriétaires d’une parcelle d’une superficie de trois hectares, cadastrée section […], située sur le territoire de la commune de Six-Fours-Les-Plages, dans le site classé du Cap Sicié ; qu’ils ont demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler les décisions du maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat rejetant leur demande, en date du 21 décembre 2010, de faire cesser l’infraction commise sur leur propriété et de poursuivre les contrevenants identifiés, d’enjoindre au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et à l’Etat, sur le fondement des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de faire poursuivre tout utilisateur du terrain supportant les dépôts illicites, d’enjoindre au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages et à l’Etat de faire procéder à l’arrêt de tout apport de déchets sur le site dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et de condamner solidairement la commune de Six-Fours-les-Plages et l’Etat au paiement de la somme de 1 182 652,64 euros en réparation du préjudice qu’ils ont subi du fait de l’inaction des autorités publiques en cause ; que, par un jugement du 6 décembre 2013, le tribunal


administratif de Toulon n’a pas admis l’intervention de l’association UDVN 83, a admis l’intervention de l’association APLBS et a rejeté la demande des époux R. ; que, par un arrêt n° 14MA00600 du 15 décembre 2015, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé l’article 3 du jugement du tribunal administratif de Toulon du 6 décembre 2013, pour irrégularité, au motif d’une insuffisance de motivation et, dans le cadre de l’évocation, a rejeté la demande présentée par M. et Mme R. devant le tribunal ; que, par une décision n° 397031 du 13 octobre 2017, le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi formé par les époux R., a annulé l’article 2 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 15 décembre 2015, pour erreur de droit et pour s’être méprise sur la portée des écritures des requérants, et a renvoyé l’affaire, dans la limite de la cassation prononcée, à la cour administrative d’appel de Marseille ; que, compte tenu de la cassation partielle ainsi prononcée, l’arrêt du 15 décembre 2015 de la Cour est devenu irrévocable en ce qu’il a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulon du 6 décembre 2013 en raison de son irrégularité ; qu’il y a donc lieu pour la Cour de statuer, dans le cadre de l’évocation, sur la demande de M. et Mme R. présentée devant le tribunal administratif de Toulon ;

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne l’existence d’une faute de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat :

2. Considérant, d’une part, que l’article L. 541-2 de code de l’environnement, dans sa rédaction issue de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et à la réparation des dommages, dispose que : « Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l’air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d’une façon générale, à porter atteinte à la santé de l’homme et à l’environnement, est tenue d’en assurer ou d’en faire assurer l’élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets » ; que sont responsables des déchets au sens de ces dispositions, interprétées à la lumière des dispositions des articles 1er, 8 et 17 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative aux déchets, les seuls producteurs ou autres détenteurs des déchets ; qu’en l’absence de tout producteur ou de tout autre détenteur connu, le propriétaire du terrain sur lequel ont été déposés des déchets peut être regardé comme leur détenteur au sens de l’article L. 541-2 du code de l’environnement, notamment s’il a fait preuve de négligence à l’égard d’abandons sur son terrain ;

3. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article L. 541-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 30 juillet 2003 : « En cas de pollution des sols, de risque de pollution des sols, ou au cas où des déchets sont abandonnés, déposés ou traités contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l’autorité titulaire du pouvoir de police peut, après mise en demeure, assurer d’office l’exécution des travaux nécessaires aux frais du responsable (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que l’autorité investie des pouvoirs de police municipale doit prendre les mesures nécessaires pour assurer l’élimination des déchets dont l’abandon, le dépôt ou le traitement présentent des dangers pour l’environnement ; qu’en cas de carence du maire dans l’exercice de son pouvoir de police des déchets, il incombe au préfet d’intervenir sur le fondement de cette même police ;


4. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que sont présents sur le terrain de M. et Mme R., des déchets provenant notamment des restes d’une passerelle située sur la commune de Six-Fours-Les-Plages, dont la démolition a été confiée en 2004 par cette commune à l’entreprise Masséna ; qu’il ressort du procès-verbal dressé le 16 mars 2009 qu’a pu être relevée l’identité des chauffeurs des poids lourds venus déverser des déchets provenant de chantiers sur la parcelle des requérants; que les producteurs des déchets déversés sur le terrain de M. et Mme R. étaient donc connus ;

5. Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction que l’association pour la protection des sites et du littoral du Brusc et de la presqu’ile du Cap Sicié et des communes avoisinantes (APLBS) a signalé aux services de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat, dès 2005, l’existence de dépôts massifs de déchets de chantier tant sur le terrain des requérants que sur des parcelles voisines et a demandé une intervention de ces autorités pour que ce site, classé au titre de la loi du 2 mai 1930 en vertu d’un décret du 20 juin 1989, situé en espace boisé classé au plan d’occupation des sols de la commune et dans une zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique (ZNIEFF) de type II, soit remis en état ; que M. et Mme R. ont eux même porté plainte en dénonçant ces faits à de multiples reprises en 1990, 1996, 1998, 1999 et 2000 ; que, par une lettre du 23 novembre 2005, ils ont appelé l’attention des services de l’Etat sur la persistance de cette situation depuis plusieurs années ; qu’ils ont fait de même dans une lettre du 8 décembre 2009 adressée au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages ; que, d’une part, en se bornant à dresser procès-verbal à l’encontre des auteurs connus des déversements, sans faire usage à l’encontre de ceux-ci des pouvoirs de police qu’il détient des dispositions des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l’environnement, le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages a commis une abstention fautive de nature à engager la responsabilité de la commune ; que, d’autre part, le préfet du Var, face à la carence du maire dans l’exercice de son pouvoir de police des déchets, dont il avait été informé, a, en s’abstenant d’intervenir sur le fondement de cette même police, commis une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l’Etat eu égard à l’ancienneté, au caractère répété, à l’ampleur de la pollution et à la sensibilité particulière du site ;

En ce qui concerne l’existence d’une faute de la victime :

6. Considérant, en premier lieu, que si M. et Mme R. n’avaient pas procédé à la clôture de leur parcelle, d’une superficie de trois hectares dans un secteur accidenté, pour prévenir l’intrusion de camions venus y déverser des déchets, il ressort des procès-verbaux de leurs plaintes, et il n’est pas contesté par les défendeurs, qu’ils avaient installé un panneau mentionnant « propriété privée » ainsi qu’une chaîne, qui a été arrachée ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du procès-verbal d’infraction du 16 mars 2009, que les requérants ont utilisé des déchets de chantier présents sur leur terrain comme remblais d’une voie qu’ils ont fait réaliser à l’intérieur de leur propriété ; que, toutefois, il résulte également de l’instruction que ces dépôts de chantier se sont poursuivis pendant des années et qu’il n’est pas établi que M. et Mme R. auraient donné leur accord pour ces déversements ; qu’ainsi qu’il a été dit au point 5,


il résulte de la lettre de l’association APLBS que d’autres parcelles du secteur ont été concernées par ces déversements ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance que les requérants ont poursuivi un projet immobilier sur la parcelle en cause, projet qui a fait l’objet d’un refus d’autorisation par le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages en raison du caractère protégé du site, n’est pas de nature à établir qu’ils auraient été à l’origine des déversements de déchets de chantiers sur leur terrain ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, dans les circonstances de l’espèce, les défendeurs n’établissent pas l’existence d’une faute de la victime de nature à les exonérer, même partiellement, de leur responsabilité ;

En ce qui concerne la période de responsabilité et le préjudice :

10. Considérant que les requérants justifient d’un lien de causalité direct et certain entre les fautes commises par la commune de Six-Fours-Les-Plages et l’Etat et leur préjudice moral, leur préjudice de jouissance et le préjudice résultant du coût de la remise de leur propriété en son état antérieur au dépôt de ces déchets ; que la commune de Six-Fours-Les-Plages et l’Etat ayant été pleinement informés de la présence de ces déchets en 2005, la période de responsabilité à raison de l’abstention fautive de la commune et de l’Etat doit être fixée, compte tenu de la prise en compte du délai raisonnable dans lequel ces autorités auraient dû intervenir, à compter du 1er janvier 2006 ; que l’état du dossier ne permet pas d’évaluer le montant de ces préjudices ; qu’il y a lieu pour la Cour, avant de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par les requérants, d’ordonner une expertise aux fins précisées dans le dispositif du présent arrêt et de réserver, jusqu’en fin d’instance, tous les moyens et conclusions sur lesquels il n’est pas statué par le présent arrêt ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune de Six-Fours-Les-Plages :

11. Considérant que lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d’un préjudice imputable à un comportement fautif d’une personne publique et qu’il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d’en pallier les effets ; que les requérants demandent à la Cour, outre la réparation du préjudice qu’il estiment avoir subi par la faute de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat, d’enjoindre à la commune de Six-Fours-Les-Plages et au préfet du Var d’exercer leurs pouvoirs de police administrative à l’encontre des responsables des dépôts illicites sur le massif du Cap Sicié dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir et d’enjoindre à la commune d’évacuer de leur terrain les déchets dont elle est productrice dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ; que le comportement reproché aux défendeurs et le préjudice perdurent à la date à laquelle la Cour statue ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la commune de Six-Fours-Les-Plages doit être écartée ;



En ce qui concerne le bien fondé de la demande :

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution » ;

13. Considérant que le présent arrêt, qui reconnaît la carence fautive de la commune de Six-Fours-Les-Plages et de l’Etat dans l’exercice de leurs pouvoirs de police en matière de déchets implique nécessairement que le maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages fasse usage des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L. 541-3 du code de l’environnement et que le préfet du Var, dans l’hypothèse d’une carence de l’autorité municipale dans l’exercice de ce pouvoir de police, prenne sur le fondement de celle-ci, à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures nécessaires au respect de la réglementation relative aux déchets ; qu’il y a donc lieu d’enjoindre, d’une part, au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages de faire usage des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets présents sur la parcelle, cadastrée section […], appartenant à M. et Mme R., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, d’autre part, au préfet du Var, dans l’hypothèse où il constaterait une carence de l’autorité municipale dans l’exercice des pouvoirs de police qui lui sont conférés au titre de la police des déchets, de prendre sur le fondement de celle-ci, à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets, les mesures nécessaires au respect de la réglementation relative aux déchets, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;

D É C I D E :

Article 1er : Il est enjoint au maire de la commune de Six-Fours-Les-Plages de faire usage des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L. 541-3 du code de l’environnement à l’égard du producteur ou du détenteur des déchets présents sur la parcelle, cadastrée section […], appartenant à M. et Mme R., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il est enjoint au préfet du Var, dans l’hypothèse où il constaterait une carence de l’autorité municipale dans l’exercice de ce pouvoir de police, de prendre sur le fondement de celle-ci, les mesures nécessaires au respect de la réglementation relative aux déchets dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Avant de statuer sur les conclusions de M. et Mme R. aux fins d’indemnisation, il sera procédé à une expertise contradictoire avec la commune de Six-Fours-Les-Plages et l’Etat avec mission pour l’expert :



- de se faire communiquer tous documents de nature à permettre à la juridiction de connaître l’état de la propriété des requérants antérieur au dépôt des déchets ;

- d’évaluer le coût de la remise en état de la propriété incluant l’enlèvement des déchets et le reboisement éventuel ;

- d’évaluer le préjudice des requérants de jouissance de leur propriété et leur préjudice moral résultant de la présence de ces déchets.

Article 3 : L’expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 et R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la Cour. L’expert déposera son rapport au greffe de la Cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par le président de la Cour dans sa décision le désignant.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n’est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu’en fin d’instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Z R., à Mme C R., à la commune de Six-Fours-Les-Plages, et au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet du Var.

Délibéré après l’audience du 27 février 2018, où siégeaient :

- Mme Buccafurri, présidente,

- M. X, président-assesseur,

- Mme Busidan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mars 2018.

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Cour administrative d'appel de Marseille, 13 mars 2018, n° 17MA04122