Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 juin 2013, 12-81.505, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-81.505
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 12-81505
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 15 février 2012
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : JURITEXT000027595630
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2013:CR02815

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— Mme Marie-Luce X…,
- M. Fabrice Y…,
- M. Jean-Marie Z…,
- La société Les Editions des Tuileries, civilement responsable,
- L’association des fils et filles de déportés juifs
de France,
- L’association Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples, paries civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du16 février 2012, qui, sur renvoi après cassation, (Crim., 27 avril 2011, n° 0980774) a condamné, pour contestation de crimes contre l’humanité et complicité, les deux premiers, respectivement à 5 000 et 2 000 euros d’amende, le troisième, à trois mois d’emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d’amende, a ordonné la publication d’un communiqué et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 23 mai 2013 où étaient présents : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin, Mme Nocquet, MM. Bayet, Laborde, Soulard, Mme de la Lance conseillers de la chambre, Mmes Labrousse, Moreau conseillers référendaires ;

Avocat général référendaire : Mme Caby ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

Sur le rapport de Mme le conseiller RACT-MADOUX, les observations de la société civile professionnelle BORÉ et SALVE de BRUNETON, de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle Le GRIEL et de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général CABY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Sur la recevabilité du mémoire personnel déposé par la société Les Editions des Tuileries :

Attendu que ce mémoire, qui émane d’un demandeur non condamné pénalement par l’arrêt attaqué, n’a pas été déposé au greffe de la juridiction qui a statué, mais a été transmis directement à la Cour de cassation, sans le ministère d’un avocat en la dite Cour ;

Que, dès lors, ne répondant pas aux exigences de l’article 584 du code de procédure pénale, il ne saisit pas la Cour de cassation des moyens qu’il pourrait contenir ;

Sur les autres mémoires :

Attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à l’issue d’une information ouverte sur réquisitions du ministère public, Mme X…, directrice de publication du journal Rivarol, M. Y…, journaliste et M. Z… ont été renvoyés devant la juridiction correctionnelle, pour apologie de crime de guerre et complicité, en raison de la publication dans ledit journal, à l’occasion de la réponse apportée par M. Z… à la question posée par M. Y…: " Que pensez-vous des commémorations de la fin de la seconde guerre mondiale avec la propagande qui va se déchaîner dès ce mois-ci et tout au long de l’année 2005 ? « , des propos suivants : » Je me souviens que dans le Nord, un lieutenant allemand, fou de douleur que son train de permissionnaires ait déraillé dans un attentat, causant ainsi la mort de ses jeunes soldats, voulait fusiller tout le village ; il avait d’ailleurs déjà tué plusieurs civils. Et c’est la Gestapo de Lille, avertie par la SNCF, qui arriva aussitôt à deux voitures pour arrêter le massacre » ;

Attendu que, par ailleurs, à l’issue d’une autre information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de l’association fils et filles des déportés juifs de France (AFFDJF), Mme X…, M. Y… et M. Z… ont été renvoyés devant la juridiction correctionnelle pour contestation de crimes contre l’humanité et complicité, à l’occasion de la publication dans ledit journal, des propos suivants, tenus au cours du même entretien : " En France, du moins, l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 kilomètres carrés (…). Il y a donc une insupportable chape de plomb qui pèse depuis des décennies sur tous ces sujets et qui, comme vous le dites, va en effet être réactivée cette année (…). Mais le plus insupportable à mes yeux, c’est l’injustice de la justice (…). Ce n’est pas seulement de l’Union européenne et du mondialisme que nous devons délivrer notre pays, c’est aussi des mensonges sur son histoire, mensonges protégés par des mesures d’exception. D’où notre volonté constante d’abroger toutes les lois liberticides, Pleven, Gayssot, Lellouche, Perben II. Car un pays et un peuple ne peuvent rester ou devenir libres s’ils n’ont pas le droit à la vérité dans tous les domaines. Et cela quoi qu’il en coûte ; "

Attendu que les premiers juges, qui ont joint les poursuites, ont dit la prévention établie et déclaré recevables, au regard des dispositions de l’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, les constitutions de partie civile du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), de la Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP), de la Ligue pour la défense des droits de l’homme et du citoyen (LDH) et de l’AFFDJF ; que les prévenus, la société civilement responsable, ainsi que le procureur de la République et les parties civiles ont relevé appel du jugement ;

Que, par arrêt du 21 janvier 2009, la cour d’appel a relaxé les prévenus du chef d’apologie de crimes de guerre mais les a déclarés coupables de contestation de crimes contre l’humanité, a prononcé diverses peines et a confirmé les recevabilités de constitution de parties civiles des associations ;

Que, sur les pourvois des prévenus et de deux associations parties civiles, la Cour de cassation, par arrêt du 27 avril 2011, a cassé la décision de la cour d’appel, mais en ses seules dispositions relatives à l’action publique et à l’action civile en ce qui concerne le délit de contestation de crimes contre l’humanité et en ses dispositions civiles en ce qui concerne le délit d’apologie de crimes de guerre, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour M. Z… et pris de la violation des articles 8, 10, 11 du préambule de la Constitution et 34 de la Constitution, manque de base légale et perte de fondement juridique, en ce que l’arrêt attaqué a confirmé les dispositions pénales du jugement relatives à la culpabilité de M. Z… du chef de contestation de crimes contre l’humanité, délit prévu et réprimé par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et les dispositions du jugement relatives aux mesures de publication et aux condamnations civiles, alors que l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est contraire aux principes constitutionnels de la détermination légale des crimes et des délits et de la liberté d’opinion et d’expression ainsi qu’il sera jugé par le Conseil constitutionnel à la suite de la transmission qui lui sera faite de la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le prévenu et qu’en vertu de la déclaration d’inconstitutionnalité de ce texte qui interviendra, l’arrêt attaqué se trouve privé de tout fondement légal » ;

Attendu que, par arrêt du 7 mai 2010, la Cour de cassation a dit n’y avoir lieu de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 ; que, par arrêt du 10 octobre 2012, la Cour de cassation a déclaré irrecevable la même question posée par les mêmes demandeurs, dans la même instance ;

Que le moyen pris de l’inconstitutionnalité de ce texte est dès lors sans objet ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour Mme X… et M. Y…, pris de la violation de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour M. Z… et pris de la violation des articles 23, 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, 6 § 1 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a confirmé les dispositions pénales du jugement relatives à la culpabilité de M. Z… du chef de contestation de crimes contre l’humanité, délit prévu et réprimé par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et les dispositions du jugement relatives aux mesures de publication et aux condamnations civiles ;

«  aux motifs que « la lecture de l’interview démontre cependant que l’expression « occupation allemande » ne fait pas seulement référence à l’occupation militaire mais aussi à l’action de la Gestapo, puisque M. Z… cite dans la phrase qui suit – dont il importe peu qu’elle soit poursuivie au titre de l’apologie de crimes de guerre – une action de cette organisation criminelle qui aurait permis d’arrêter un massacre », qu'« en affirmant que l’occupation allemande n’a pas été particulièrement « inhumaine », en utilisant le mot « bavures » – qui sous-entend une absence d’intention – M. Z… minimise délibérément les exactions commises par les nazis sur le territoire français tout en soulignant à l’inverse une action de la Gestapo qu’il considère comme positive mais qui, ainsi qu’il a été vu plus haut, ne repose sur aucune réalité », que « les propos de M. Z… sur l’occupation allemande et sur la Gestapo tendent en réalité à réhabiliter cette organisation criminelle aux yeux du lecteur en laissant sous-entendre qu’elle a joué en France un rôle protecteur de la population, notamment à ASCQ, les faits de déportation, notamment à l’égard des juifs, les exécutions sommaires, la pratique de la torture, étant totalement occultés », que « par ailleurs, les expressions « véritable chape de plomb » et « mensonges sur son histoire » replacées dans le contexte des propos tenus par M. Z… sur les commémorations futures de la fin de la seconde guerre mondiale, renforcent l’affirmation selon laquelle les crimes contre l’humanité n’ont pas été si nombreux en France et ne constituent que quelques bavures, inéluctables sur un territoire aussi étendu »,

«  1°) alors que, dans son entretien à l’hebdomadaire Rivarol, M. Z… a répondu au journaliste, qui l’interrogeait seulement sur une certaine propagande relative à la seconde guerre mondiale, que l’occupation militaire allemande n’avait pas été, en France « particulièrement inhumaine », que pouvaient être cités des cas dans lesquels, à la demande des autorités françaises, la Gestapo avait empêché des représailles sanglantes de la Vehrmacht contre la population civile, que les allemands n’avaient pas « multiplié les exécutions massives » comme on l’affirmait le plus souvent, qu’il y avait donc une « insupportable chape de plomb » qui pesait sur tous ces sujets, que c’est par une généralisation abusive que la cour a considéré que M. Z… avait minimisé délibérément les exactions commises par les nazis et réhabilité la Gestapo en la présentant comme ayant joué un rôle protecteur de la population et en occultant les faits de déportation, les exécutions sommaires et la pratique de la torture, que, d’ailleurs, ce dernier reproche est totalement infondé dès lors qu’il était uniquement interrogé sur les excès d’une certaine propagande anti-allemande et que, dès lors, le délit de contestation de crime contre l’humanité n’était nullement constitué, et aux motifs que « la « bonne foi » invoquée par M. Z… au sens où elle est entendue dans le cadre de la loi sur la presse n’étant pas applicable en l’espèce, la mauvaise foi résultant de la teneur même des propos qui remettent délibérément en cause l’existence des crimes visés » ;

« 2°) alors que, selon le droit commun, en matière de contestation de crime contre l’humanité, la mauvaise foi (ou l’intention coupable) ne se présume pas, que ce délit n’est constitué que si est établie la conscience de l’auteur des propos de remettre en cause l’existence des crimes visés à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881, qu’en l’espèce, il appartenait dès lors à la poursuite de faire la preuve de la mauvaise foi de M. Z…, lequel était parfaitement recevable, pour sa défense, à démontrer de son côté sa bonne foi et qu’en déniant à M. Z… le droit de se prévaloir de sa bonne foi et en déduisant sa mauvaise foi de la seule teneur de ses propos, la cour d’appel n’a pas légalement fondé sa décision de condamnation » ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’en déclarant, par les motifs reproduits aux moyens, les prévenus coupables, comme auteur et complices, du délit de contestation de crimes contre l’humanité, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que les propos incriminés, qui sont à apprécier au regard de l’ensemble de l’article et de son contexte, tendent sciemment à minimiser les exactions commises par l’occupation allemande et la Gestapo ;

D’où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour le MRAP et pris de la violation des articles 24, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que la cour d’appel a dit que Mme X…, M. Y… et M. Z… n’ont commis aucune faute fondée sur le délit d’apologie de crimes de guerre initialement poursuivi et débouté le MRAP de ses demandes de ce chef ;

« aux motifs que, il sera rappelé en ce qui concerne cette infraction que les relaxes intervenues sont définitives mais qu’il appartient à la cour de rechercher si les faits déférés constituent une infraction pénale susceptible d’ouvrir droit à réparation, le passage incriminé étant le suivant : »… Je me souviens que dans le Nord, un lieutenant allemand, fou de douleur que son train de permissionnaires ait déraillé dans un attentat, causant ainsi la mort de ses jeunes soldats, voulait fusiller tout le village : il avait d’ailleurs déjà tué plusieurs civils. Et c’est la Gestapo de Lille, avertie par la SNCF, qui arriva aussitôt à deux voitures pour arrêter le massacre… » ; qu’il résulte de la procédure, des débats et des pièces régulièrement communiquées que M. Z… fait ici allusion aux événements qui se sont déroulés à ASCQ, près de Lille, dans la nuit du 1er au 2 avril 1944 et au cours de laquelle 86 civils habitant la commune ont été exécutés à titre de représailles, sur ordre du lieutenant S. S. C…, après l’explosion d’une charge mise en place sur un aiguillage à l’entrée de la gare lors du passage d’un convoi transportant des éléments d’un bataillon de la 12'" S. S. Panzerdivision, explosion qui ne provoquait que des dégâts matériels ; qu’il est également établi et non contesté que la Gestapo n’est intervenue, en aucune manière, pour faire cesser ce massacre ; que, qualifiant ces représailles de « crime de guerre », le tribunal militaire de Metz a condamné, en août 1949, le lieutenant C… à la peine de mort, en application de l’ordonnance du 28 août 1944 relative aux crimes de guerre ; que si M. Z… fait preuve d’approximation en relatant ces événements qu’il qualifie dans sa phrase suivante d'« anecdote », il ne porte cependant pas de jugement de valeur favorable sur l’action du lieutenant allemand et ne donne pas à penser qu’il tente de réhabiliter cet acte qu’il qualifie de massacre, ces propos, qui minorent singulièrement le nombre de civils tués et donnent à la Gestapo un rôle qu’elle n’a pas tenu, s’analysant en une contestation de crimes de guerre, laquelle n’est pas susceptible de poursuite pénale, et non en une apologie de ces mêmes crimes, infraction supposant une glorification ou une justification valorisante d’un acte criminel ou de son auteur, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
qu’aussi la cour, statuant dans les limites de sa saisine, constatant l’absence de faute fondée sur le délit initialement poursuivi, infirmera sur ce point le jugement déféré et déboutera les parties civiles déclarées recevables de leurs demandes ;

«  alors que constitue l’apologie d’un crime de guerre tout propos de nature à inciter le public à porter un jugement de valeur morale favorable sur un tel crime et tentant de le justifier, au moins partiellement ; qu’en jugeant que les propos selon lesquels « Je me souviens que dans le Nord, un lieutenant allemand, fou de douleur que son train de permissionnaires ait déraillé dans un attentat, causant ainsi la mort de ses jeunes soldats, voulait fusiller tout le village : il avait d’ailleurs déjà tué plusieurs civils. Et c’est la Gestapo de Lille, avertie par la SNCF, qui arriva aussitôt à deux voitures pour arrêter le massacre » ne portent pas de jugement de valeur favorable sur l’action du lieutenant allemand, ne donnent pas à penser que M. Z… tente de réhabiliter cet acte qu’il qualifie de massacre, et s’analysent ainsi en une contestation de crimes de guerre non punissable, lorsque ces propos, qui dénaturent la vérité historique, sont de nature à inciter l’auditeur profane à porter un jugement favorable sur l’action de la Gestapo, organisation criminelle, en la gratifiant d’une action protectrice de la population et en expliquant de manière favorable, destinée à susciter la compassion ou l’indulgence du public, la motivation du crime commis par le lieutenant C…, circonstances caractérisant la tentative de justification d’un crime de guerre et l’éloge d’une organisation criminelle, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations » ;

Attendu que, pour constater l’absence de faute imputable aux prévenus, fondée sur le délit d’apologie de crimes de guerre initialement poursuivi, l’arrêt énonce que si M. Z… fait preuve d’approximation et s’il minore singulièrement le nombre de civils tués, en relatant les événements qui se sont déroulés à Ascq, dans la nuit du 1er avril1944, lesquels ont été qualifiés de crimes de guerre par le tribunal militaire de Metz, il ne porte cependant pas de jugement favorable sur l’action du lieutenant allemand et ne donne pas à penser qu’il tente de réhabiliter cet acte qu’il qualifie de massacre, ses propos s’analysant en une contestation de crime de guerre, non susceptible de qualification pénale ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a justement apprécié le sens et la portée des propos poursuivis ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé pour l’association des fils et filles des déportés juifs de France (AFFDJF) et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 48-2 de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, 2, 175 dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 mars 2007, 179, 385, 418, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de l’association des fils et filles de déportés juifs de France ;

«  aux motifs qu’il est soutenu en défense que M. A…, président de l’AFFDJF, ne disposait pas de mandat spécial lors de son dépôt de plainte avec constitution de partie civile, le 24 janvier 2005, du chef de contestation de crime contre l’humanité, que cette contestation serait donc irrecevable et que les actions publique et civile seraient prescrites, la prescription spéciale de un an prévue à l’article 65-3 de la loi sur la presse n’ayant pas été interrompue ; que recevable en tout état de la procédure, l’exception soulevée pour la première fois devant la cour se fonde sur l’article 10 des statuts de l’AFFDJF qui prévoient que « l’association est dirigée par un Conseil de membres élus pour 2 années par l’Assemblée générale », ce conseil d’administration choisissant parmi ses membres un bureau composé notamment d’un président ; qu’il résulte de la lecture de ces statuts que le président de l’association ne dispose pas de la capacité à agir en justice, sauf mandat spécial délivré par le conseil d’administration, ce que la rédaction de la plainte avec constitution de partie civile déposée vient confirmer en précisant que « l’association est prise en la personne de son représentant légal spécialement habilité à cet effet » ; qu’il n’est pas contesté qu’un tel mandat a été produit pour la première fois le 11 novembre 2008 lors du délibéré précédant l’arrêt de la cour en date du 21 janvier 2009, alors que la capacité à agir doit s’apprécier au moment du dépôt de plainte ; qu’il s’en suit que la plainte avec constitution de partie civile déposée par M. A… en qualité de représentant légal de l’AFFDJF était irrecevable, faute pour ce dernier de disposer du pouvoir de représenter en justice l’association dont il est toujours le président ; que le jugement sera en conséquence réformé en ce sens ;

«  1°) alors que lorsque la juridiction correctionnelle est saisie par l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, les parties sont irrecevables à soulever des exceptions tirées de la nullité de la procédure antérieure à l’ordonnance devenue définitive ; qu’elles ne sauraient, dès lors, invoquer pour la première fois en cause d’appel l’irrecevabilité de la plainte avec constitution de partie civile déposée par le président d’une association non statutairement habilité à agir en justice et non muni d’un pouvoir spécial pour ce faire ; qu’en jugeant néanmoins que le moyen de défense tiré de ce que la plainte avec constitution de partie civile de l’Association FFDJF, déposée par son président sans que celui-ci ait reçu à cette fin un mandat spécial, était recevable en tout état de la procédure, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

«  2°) alors qu’en toute hypothèse, le défaut de pouvoir du président d’une association pour ester en justice constitue une irrégularité qui peut être couverte, en l’absence de forclusion, si sa cause a disparue au moment où le juge statue ; qu’en l’espèce, l’irrecevabilité de la constitution de partie civile a été soulevée pour la première fois devant la Cour d’appel ; qu’en jugeant que le défaut de pouvoir du président de l’Association AFFDJF pour déposer plainte avec constitution de partie civile du chef de contestation de crime contre l’humanité ne pouvait être régularisé, au motif que la capacité à agir doit s’apprécier au moment du dépôt de plainte, quand cette irrégularité avait été couverte par la production d’un mandat spécial le 11 novembre 2008, lors du délibéré ayant précédé l’arrêt en date du 21 janvier 2009, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ;

«  3°) alors qu’en toute hypothèse, toute personne pouvant exercer les droits reconnus à la partie civile peut se constituer partie civile à l’audience-même, y compris en cause d’appel, dès lors que le prévenu a été mis en mesure de défendre à ses demandes en première instance ; qu’en infirmant le jugement entrepris et en déclarant irrecevable la constitution de partie civile de l’association FFDJF sans avoir répondu au moyen péremptoire de se conclusions faisant ainsi valoir qu’elle se constituait partie civile en tant que de besoin par le dépôt de ses conclusions et rappelant que toute association est habile à se constituer partie civile dans une procédure déjà engagée par une autre partie ou le ministère public du chef des infractions visées par l’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, ainsi que l’avait rappelé la Cour de cassation dans l’arrêt du 27 avril 2011, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la plainte avec constitution de partie civile de l’AFFDJF, représentée par M. A…, l’arrêt énonce qu’il résulte de la lecture des statuts de l’association que son président ne dispose pas de la capacité à agir en justice, sauf mandat spécial délivré par le conseil d’administration ; qu’il n’est pas contesté qu’un tel mandat a été produit, pour la première fois, au cours du délibéré de la cour d’appel qui a rendu l’arrêt du 21 janvier 2009, alors que la capacité à agir doit s’apprécier au moment du dépôt de la plainte ;

Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors que la régularisation d’une constitution de partie civile ne peut intervenir en cause d’appel ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Mme X… et M. Y…, pris de la violation de l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que, pour confirmer la recevabilité des constitutions de parties civiles de la LDH, du MRAP et de la FNDIRP, l’arrêt, après avoir énoncé qu’il n’est pas contesté qu’elles remplissent les conditions fixées à l’article 48-2 de la loi du 29 juillet 1881, analyse les statuts et les mandats dont disposent les représentants de chacune d’elles et en déduit qu’elles sont régulièrement représentées dans la procédure ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui établissent que les associations étaient recevables à exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne l’apologie de crimes contre l’humanité, la cour d’appel a justifié sa décision ;

Que le moyen doit dès lors être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf juin deux mille treize ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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