Cour de cassation, Chambre sociale, 7 février 2018, 16-19.456 16-21.796, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. soc., 7 févr. 2018, n° 16-19.456
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-19.456 16-21.796
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 15 juin 2016
Textes appliqués :
Articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail.

Article 32 de l’avenant « Mensuels » du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954.

Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036635660
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:SO00195
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Sur les parties

Texte intégral

SOC.

IK

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 7 février 2018

Cassation partielle

M. X…, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 195 F-D

Pourvoi n° D 16-19.456

et

Pourvoi n° X 16-21.796 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

I – Statuant sur le pourvoi n° D 16-19.456 formé par M. Ibrahima Y…, domicilié […] ,

contre l’arrêt rendu le 16 juin 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l’opposant à l’association Faculté des métiers de l’Essonne, dont le siège est […] ,

défendeur à la cassation ;

II – Statuant sur le pourvoi n° X 16-21.796 formé par l’association Faculté des métiers de l’Essonne,

contre le même arrêt rendu entre les mêmes parties ;

Le demandeur au pourvoi n° D 16-19.456 invoque, à l’appui de son recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi n° X 16-21.796 invoque, à l’appui de son recours, les deux moyens de cassation, également annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 10 janvier 2018, où étaient présents : M. X…, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Z…, conseiller rapporteur, Mme Slove, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Z…, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. Y…, de la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat de l’association Faculté des métiers de l’Essonne, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu la connexité, joint les pourvois n° D 16-19.456 et X 16-21.796 ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. Y… a été engagé par l’association Faculté des métiers de l’Essonne (l’association), à compter du 28 août 2009, en qualité de formateur ; qu’il a, le 23 octobre 2014, été convoqué à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, l’association lui reprochant de refuser de recevoir en cours un apprenti qui, le 30 septembre 2014, avait fait preuve d’agressivité à son encontre ; qu’en arrêt de travail pour maladie à compter du 3 novembre 2014, il n’a pas fait l’objet de sanction ; qu’il a, le 26 mai 2015, pris acte de la rupture aux torts de l’employeur et a, le 2 juin 2015, saisi la juridiction prud’homale ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° X 16-21.796 de l’employeur :

Attendu que l’association fait grief à l’arrêt de déclarer que la rupture du contrat de travail lui est imputable et de la condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité alors, selon le moyen :

1°/ que ne constitue pas nécessairement un risque professionnel susceptible de porter atteinte à la santé mentale du salarié le fait, pour un enseignant dans un centre de formation des apprentis, de se faire insulter par un de ses élèves ; qu’en reprochant à l’employeur d’avoir ignoré la souffrance qui aurait été causée au salarié par le fait d’avoir été traité par un élève de sa classe d'« espèce de petit bouffon », sans prendre en considération, pour apprécier la gravité de l’épreuve, les caractéristiques de l’enseignant en cause, telles que son âge et son expérience professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

2°/ que si la répétition d’incidents dans lesquels un enseignant se fait insulter par ses élèves est de nature à causer une souffrance morale et psychologique, le caractère unique d’un tel incident est au contraire susceptible d’exclure l’existence d’un traumatisme ; que la cour d’appel a constaté qu’une seule scène avait opposé le salarié à son jeune élève et que celui-ci n’avait pas, habituellement, de difficultés relationnelles avec les apprentis ; qu’en retenant une violation par l’association de son obligation de sécurité pour ne pas avoir tenu compte de la supposée souffrance morale et psychologique subie par le salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

3°/ qu’en reprochant à l’association de ne pas avoir, pour respecter son obligation de sécurité, changé l’élève concerné de classe de manière à éviter au salarié de lui être confronté, cependant que, à supposer que la présence en classe de cet apprenti ait représenté un danger pour la santé mentale d’un enseignant tel que le salarié, elle constituait un risque aussi important pour un autre enseignant, le cas échéant plus jeune et moins expérimenté, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

Mais attendu qu’ayant relevé que l’association n’avait pas tenu compte de la souffrance morale et psychologique exprimée par le salarié ni pris de mesures suffisantes pour y remédier, malgré la demande en ce sens des membres du CHSCT lors de la séance du 30 octobre 2014, alors qu’il n’était pas allégué que le salarié avait habituellement des difficultés relationnelles avec ses élèves et qu’elle avait préféré s’engager vers la voie de la sanction à son encontre, la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen du pourvoi n° X 16-21.796 de l’employeur, ci-après annexé :

Attendu que le rejet du premier moyen du pourvoi rend sans objet le second moyen tiré d’une cassation par voie de conséquence ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° D 16-19.456 du salarié :

Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes au titre du harcèlement moral alors, selon le moyen :

1°/ qu’il appartient au juge d’apprécier l’ensemble des éléments invoqués par le salarié tendant à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’en écartant la demande formée par lui au titre du harcèlement moral, sans analyser les anomalies dans le versement de l’indemnité compensatrice de congés payés du salarié, dont ce dernier soutenait qu’il s’agissait d’agissements de harcèlement moral, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

2°/ que lorsque le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’en se bornant à une appréciation isolée de chaque élément invoqué par le salarié sans vérifier si, appréhendés dans leur globalité, ces éléments ne permettaient pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

3°/ que le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation sans analyser, fut-ce sommairement, ni même mentionner, les éléments régulièrement versés aux débats au vu desquels il forme sa conviction ; que la cour d’appel, en se bornant à affirmer que « la FDME établit l’avoir informé de ces éléments », sans citer les pièces sur lesquelles elle se fonde et donc, a fortiori, sans les analyser, ne serait-ce que sommairement, a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ que les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la cour d’appel, qui n’a examiné ni la sommation de communiquer ni les échanges entre la FDME et le courtier en assurance, qui établissaient pourtant le refus d’information de la FDME vis-à-vis du salarié, a méconnu les exigences des motivations, en violation des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

5°/ qu’il ressortait des conclusions du salarié que, prenant pour base son salaire brut, conformément aux dispositions du contrat de prévoyance, il devait bénéficier d’un complément d’indemnité ; que la cour d’appel, qui a jugé que la prise en charge du salarié était supérieure à 80 %, de sorte qu’il n’était pas admis à bénéficier des indemnités de prévoyance, sans rechercher si, comme il le soutenait, il devait en réalité bénéficier d’un complément d’indemnité de 2,76 euros par jour, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil ;

Mais attendu que le moyen ne tend qu’à contester l’appréciation souveraine par la cour d’appel des éléments de preuve et de fait dont elle a, sans méconnaître les règles spécifiques de preuve et exerçant les pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 1154-1 du code du travail, déduit que le salarié n’établissait pas de faits qui permettaient de présumer l’existence d’un harcèlement ; que le moyen, inopérant en ses deux premières branches, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° D 16-19.456 du salarié, ci-après annexé :

Attendu que sous le couvert des griefs non fondés de vice de motivation et de manque de base légale, le moyen ne tend qu’à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond, qui, après avoir examiné les éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis, ont estimé que le salarié avait été rempli de ses droits au titre de la prise en charge de ses arrêts maladie conformément aux règles applicables et que cette prise en charge étant supérieure à 80 %, il n’était pas admis à bénéficier des indemnités de prévoyance ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi n° D 16-19.456 du salarié, ci-après annexé :

Attendu que la cour d’appel a, sans dénaturation, relevé que le salarié n’indiquait pas à quel titre il aurait été victime de discrimination ; que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° D 16-19.456 du salarié :

Vu les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, ensemble l’article 32 de l’avenant « Mensuels » du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne du 16 juillet 1954 ;

Attendu que pour limiter à la somme de 2 891,62 euros le montant de l’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, l’arrêt retient qu’à la date de la rupture le salarié avait plus de deux années d’ancienneté et était donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis de deux mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail et de la convention collective applicable ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il n’était pas contesté que le salarié relevait aux termes de son contrat de travail du groupe V et que l’article 32 de l’avenant « Mensuels » du 2 mai 1979 à la convention collective régionale des industries métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne, dans sa rédaction applicable antérieurement au 1er juin 2015, énonce que la durée du préavis réciproque après la période d’essai sera, sauf en cas de force majeure ou de faute grave, de trois mois pour les mensuels dont l’emploi est classé au niveau V, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il limite à la somme de 2 891,62 euros le montant de la condamnation de l’association Faculté des métiers de l’Essonne à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 289,16 euros à titre de congés payés afférents, l’arrêt rendu le 16 juin 2016, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l’association Faculté des métiers de l’Essonne aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’association Faculté des métiers de l’Essonne à payer à M. Y… la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits, au pourvoi n° D 16-19.456, par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y…

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. Y… de ses demandes tendant à ce qu’il lui soit versée la somme de 17 350 € au titre du harcèlement moral ;

AUX MOTIFS QU’ « aux termes de l’article L 1152-1 du même code, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que conformément aux dispositions de l’article L 1154-1 du même code, il appartient au salarié d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il juge utiles ; qu’en l’espèce, M. Y… reproche à la FDME, outre le manquement susvisé à son obligation de sécurité, des « moqueries » de sa part à son détriment ; que cependant, le seul élément qu’il produit à cet égard est un courriel du 12 avril 2015, interne à l’association, mentionnant : « M. Y… nous adresse les mails de soutien de ses élèves… depuis 2009 » ; qu’il n’apparaît pas que, par ce propos, certes ironique, l’employeur ait dépassé les limites acceptables ; que M. Y… se plaint ensuite d’anomalies dans le versement de ses salaires et indemnités de prévoyance durant les mois de novembre 2014 à mai 2015 et d’un refus d’information à cet égard ; que cependant, il résulte des dispositions de la convention collective applicable, du contrat relatif à la prévoyance conclu avec la société Générali, de la lettre écrite le 12 février 2016 par la société Henner, courtier, de la note de synthèse relative à la situation de M. Y…, établie par la FDME, ainsi que des calculs détaillés figurant dans ses conclusions, que M. Y… a bénéficié d’une prise en charge de ses arrêts maladie conformément aux règles applicables et que cette prise en charge étant supérieure à 80 %, il n’était pas admis à bénéficier des indemnités de prévoyance ; que par ailleurs, la FDME établit l’avoir informé de ces éléments ; que par conséquent, il n’établit la réalité d’aucune anomalie à cet égard ; que M. Y… reproche ensuite à la FDME d’avoir manqué à ses obligations relatives à sa messagerie professionnelle ; que cependant, M. Y… se trouvant en arrêt de travail pour maladie, n’était pas fondé à y avoir accès, étant observé que l’association était, de son côté, fondée à supprimer cet accès, dès lors que M. Y… s’en servait de façon réitérée pour faire part de sa situation personnelle à l’ensemble des salariés, contacts et partenaires de l’association ; qu’en somme, le seul élément subsistant au soutien du harcèlement moral allégué est la violation par l’employeur de son obligation de sécurité, ainsi qu’il a été exposé plus haut ; que cependant, le fait dommageable provenant essentiellement d’un élève et non pas de l’association elle-même et le manquement de cette dernière ne présentant pas de caractère réitéré, M. Y… n’établit pas de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral et doit donc être débouté de ses demandes formées à cet égard » ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QU’il appartient au juge d’apprécier l’ensemble des éléments invoqués par le salarié tendant à faire présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’en écartant la demande formée par

M. Y… au titre du harcèlement moral, sans analyser les anomalies dans le versement de l’indemnité compensatrice de congés payés de M. Y…, dont ce dernier soutenait qu’il s’agissait d’agissements de harcèlement moral, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, DE DEUXIEME PART, QUE lorsque le salarié établit la matérialité de faits constituant selon lui un harcèlement moral, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral ; qu’en se bornant à une appréciation isolée de chaque élément invoqué par le salarié sans vérifier si, appréhendés dans leur globalité, ces éléments ne permettaient pas de présumer l’existence d’un harcèlement moral, la cour d’appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation sans analyser, fut-ce sommairement, ni même mentionner, les éléments régulièrement versés aux débats au vu desquels il forme sa conviction ; que la cour d’appel, en se bornant à affirmer que « la FDME établit l’avoir informé de ces éléments », sans citer les pièces sur lesquelles elle se fonde et donc, a fortiori, sans les analyser, ne serait-ce que sommairement, a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que la cour d’appel, qui n’a examiné ni la sommation de communiquer ni les échanges entre la FDME et le courtier en assurance, qui établissaient pourtant le refus d’information de la FDME vis-à-vis de M. Y…, a méconnu les exigences des motivation, en violation des articles 455 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QU’il ressortait des conclusions de M. Y… que, prenant pour base son salaire brut, conformément aux dispositions du contrat de prévoyance, il devait bénéficier d’un complément d’indemnité ; que la cour d’appel, qui a jugé que la prise en charge de M. Y… était supérieure à 80 %, de sorte qu’il n’était pas admis à bénéficier des indemnités de prévoyances, sans rechercher si, comme le soutenait M. Y…, il devait en réalité bénéficier d’un complément d’indemnité de 2.76 € par jour, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. Y… de ses demandes de rappel de salaires, d’indemnités de prévoyance et d’indemnité compensatrice de congés payés ;

AUX MOTIFS QU’ « il résulte des explications qui précèdent que M. Y… a été entièrement rempli de ses droits à cet égard et doit donc être débouté de ces demandes » ;

ALORS, D’UNE PART, QUE tout jugement doit être motivé et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; que pour débouter

M. Y… de ses demandes de rappel de salaire et d’indemnité compensatrice de congés payés, la cour d’appel s’est bornée à énoncer qu’il résultait des explications qui précédaient que M. Y… avait été entièrement rempli de ses droits ; qu’il ressort pourtant des motifs précédents qu’elle ne s’était pas expressément prononcée sur ces éléments, de sorte qu’en statuant sans répondre aux conclusions de M. Y… portant sur ses demandes de rappel de salaire et d’indemnité compensatrice de congés payés (conclusions d’appel p. 19, point 32 ; p. 21, point C4), la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure ;

ALORS, D’AUTRE PART, QU’il ressortait des conclusions de M. Y… que, prenant pour base son salaire brut, conformément aux dispositions du contrat de prévoyance, il devait bénéficier d’un complément d’indemnité ; que la cour d’appel, qui a jugé que la prise en charge de M. Y… était supérieure à 80 %, sans rechercher si, comme le soutenait M. Y…, il devait en réalité bénéficier d’un complément d’indemnité de 2,76 € par jour, a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la FDME à payer à M. Y… les sommes de 2 891,62 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 289,16 € à titre de congés payés afférents ;

AUX MOTIFS QU’ « il résulte des dispositions de l’article L 1234-1 du code du travail que l’indemnité de préavis reste due, nonobstant la maladie du salarié ; qu’à la date de la rupture, M. Y… avait plus de deux années d’ancienneté et est donc fondé à percevoir une indemnité compensatrice de préavis de deux mois de salaire sur le fondement des articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail, et de la convention collective applicable, soit la somme de 2 891,62 euros ainsi que les congés payés afférents, soit 289,16 euros » ;

ALORS QUE l’indemnité compensatrice de préavis, selon les dispositions de la convention collective applicable aux mensuels dont l’emploi est classé au niveau V, est de trois mois de salaire ; que ces dispositions plus favorables au salarié priment, en vertu de l’article L. 1234-1 du code du travail, sur la durée de droit commun de deux mois de salaire ; que la cour d’appel, qui a limité l’indemnité compensatrice de M. Y…, dont l’emploi est classé au niveau V, à deux mois de salaire, a violé, par fausse application, les articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, ensemble la convention collective régionale des industriels métallurgiques, mécaniques et connexes de la région parisienne.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR débouté M. Y… de ses demandes tendant à ce que la FDME soit condamnée à lui verser la somme de 17 350 € au titre du préjudice de discrimination ;

AUX MOTIFS QU’ « aux termes de l’article L 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; que l’article L. 1134-1 dispose que lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte ; qu’au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu’en l’espèce, M. Y… n’indique pas à quel titre il aurait été victime de discrimination et doit donc être débouté des demandes formées à cet égard » ;

ALORS QUE les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu’en déboutant M. Y… de ses demandes au titre de la discrimination, aux motifs que celui-ci n’indiquait pas à quel titre il aurait été victime de discrimination, sur le fondement de l’article L. 1132-1 du code du travail, quand il résultait expressément de ses conclusions d’appel (pp. 27-28) que la discrimination alléguée par M. Y… était fondée sur le blocage de sa messagerie professionnelle par son employeur, la cour d’appel a dénaturé les conclusions dont elle était saisie et a violé l’article 4 du code de procédure civile.

Moyens produits, au pourvoi n° X 16-21.796, par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour l’association Faculté des métiers de l’Essonne

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la rupture du contrat de travail imputable à la FDME et condamné celle-ci à payer à M. Y… la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ;

AUX MOTIFS QUE le 30 septembre 2014, M. Y… a établi une fiche d’incident, expliquant qu’un jeune élève de sa classe, M. A…, l’avait traité deux ou trois fois d'« espèce de petit bouffon » après qu’il lui eut demandé de ranger son téléphone portable, ajoutant : « je ne le recevrai plus jamais dans mes cours » ; que le jour même, la direction de l’école écrivait à M. Y… que le jeune avait reconnu être allé trop loin dans ses propos et comptait présenter ses excuses, qu’il ferait l’objet d’un avertissement et passerait une journée en exclusion temporaire, avec information de son maître d’apprentissage, qu’elle adressait aux parents du jeune une lettre en ce sens ; que M. Y… répondait que M. A… l’avait injurié à trois reprises et que la veille, il raillait son accent ; que la FDME produit une lettre d’excuse pré-imprimée signée par M. A… et datée du 7 octobre ; que par courriel du 15 octobre, la direction informait M. Y… de la réintégration du jeune dans son cours à compter du 27 octobre ; que M. Y… répondait que ces prétendues excuses ne le rassuraient pas et qu’il refusait de le recevoir dans son cours ; que par lettre du 23 octobre, la FDME convoquait M. Y… pour le 31 octobre à un entretien préalable à une sanction disciplinaire ; qu’entre-temps, par courriel du 27 octobre, M. Y… réitérait son refus, ajoutant que M. A… lui jetait des regards provocateurs qu’il ne supportait pas et demandait à nouveau qu’il soit retiré de sa classe ; que lors de la séance du 30 octobre 2014, les membres du CHSCT relevaient que « la situation relatée semble douloureuse humainement pour notre collègue [

.] la souffrance à laquelle notre collègue est confronté doit être traitée le plus rapidement possible » et renvoyaient l’examen de l’affaire à la séance du 1er juillet 2015 » ; que par courriel du 3 novembre 2014, M. Y… faisait part à l’employeur de sa souffrance et de son impossibilité d’aller travailler et lui transmettait un arrêt de travail pour maladie ; que par courriel du 9 novembre, il exprimait à nouveau sa souffrance et déclarait n’avoir pu supporter la convocation à l’entretien préalable, expliquant : « de victime, je suis rapidement devenu coupable » ; que le 4 mars 2015, la CPAM de l’Essonne reconnaissait les faits du 30 septembre 2014 comme accident du travail et que la commission de recours amiable rendait une décision implicite de rejet, à l’encontre de laquelle la FDME a formé un recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, actuellement pendant ; que par lettre du 26 mai 2015, M. Y… a déclaré prendre acte de la rupture aux torts de l’employeur ; que lors de sa séance du 1er juillet 2015, le CHSCT constatait que M. Y… ayant rompu son contrat, une enquête interne ne pourrait pas se réaliser mais déclarait se réserver le droit de mener une enquête a posteriori, pour déterminer des mesures de prévention à mettre en place ; qu’il résulte de cet exposé que, nonobstant le sort de la procédure relative à la déclaration d’accident du travail, l’association n’a pas tenu compte de la souffrance morale et psychologique exprimée par M. Y…, n’ayant pas pris de mesures suffisantes pour y remédier, encore moins pour la prévenir, notamment par une organisation différente du travail, étant observé qu’elle ne justifie pas de son impossibilité de changer de classe le jeune en cause de façon à éviter à M. Y… de lui être confronté, alors qu’il n’est ni établi ni même allégué, qu’il avait habituellement des difficultés relationnelles avec ses élèves, mais qu’elle a préféré s’engager vers la voie de la sanction à son encontre, renforçant ainsi cette souffrance ; que ce manquement de l’employeur à son obligation de sécurité a causé à M. Y… un préjudice qu’il convient d’évaluer à 5 000 € ;

ALORS QUE ne constitue pas nécessairement un risque professionnel susceptible de porter atteinte à la santé mentale du salarié le fait, pour un enseignant dans un centre de formation des apprentis, de se faire insulter par un de ses élèves ; qu’en reprochant à l’employeur d’avoir ignoré la souffrance qui aurait été causée à M. Y… par le fait d’avoir été traité par un élève de sa classe d'« espèce de petit bouffon », sans prendre en considération, pour apprécier la gravité de l’épreuve, les caractéristiques de l’enseignant en cause, telles que son âge et son expérience professionnelle, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

ALORS en outre QUE si la répétition d’incidents dans lesquels un enseignant se fait insulter par ses élèves est de nature à causer une souffrance morale et psychologique, le caractère unique d’un tel incident est au contraire susceptible d’exclure l’existence d’un traumatisme ; que la cour d’appel a constaté qu’une seule scène avait opposé M. Y… à son jeune élève et que celui-ci n’avait pas, habituellement, de difficultés relationnelles avec les apprentis ; qu’en retenant une violation par la FDME de son obligation de sécurité pour ne pas avoir tenu compte de la supposée souffrance morale et psychologique subie par M. Y…, la cour d’appel a violé l’article L. 4121-1 et suivants du code du travail ;

ALORS enfin QU’en reprochant à la FDME de ne pas avoir, pour respecter son obligation de sécurité, changé l’élève concerné de classe de manière à éviter à M. Y… de lui être confronté, cependant que, à supposer que la présence en classe de cet apprenti ait représenté un danger pour la santé mentale d’un enseignant tel que M. Y…, elle constituait un risque aussi important pour un autre enseignant, le cas échéant plus jeune et moins expérimenté, la cour d’appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l’article L. 4121-1 et suivants du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir dit que la prise d’acte de la rupture emportait les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d’avoir condamné la FDME à payer à M. Y… les sommes respectives de 1 225,05 euros, 2 891,62 euros, 289,16 euros et 8 673 euros à titre d’indemnité de licenciement, d’indemnité de préavis, de congés payés afférents et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité est suffisamment grave pour justifier la prise d’acte de la rupture à ses torts, avec les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

ALORS QUE la cassation à intervenir sur la base du premier moyen implique, conformément à l’article 624 du code de procédure civile, l’annulation de la disposition tirant sur l’imputabilité de la rupture du contrat de travail des conséquences du supposé manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

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Cour de cassation, Chambre sociale, 7 février 2018, 16-19.456 16-21.796, Inédit