Arrêt Dehaene, Conseil d'Etat, Assemblée, du 7 juillet 1950, 01645, publié au recueil Lebon

  • Réglementation du droit de grève dans les services publics·
  • Statuts, droits, obligations et garanties·
  • Fonctionnaires et agents publics·
  • Droit de greve·
  • Droit de grève·
  • Constitution·
  • Gouvernement·
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Résumé de la juridiction

En l’absence de la réglementation du droit de grève annoncée par le Préambule de la Constitution – et dont les lois des 27 décembre 1947 et 28 septembre 1948 qui concernent exclusivement la police ne tiennent pas lieu – la reconnaissance de ce droit ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent y être apportées, comme à tout autre droit, en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public. En l’état actuel de la législation, il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l’étendue desdites limitations. D’où il suit qu’il a pu légalement, compte tenu de ce qu’une grève qui aurait, quel qu’en soit le motif, pour effet de compromettre dans ses attributions essentielles l’exercice de la fonction préfectorale porterait une atteinte grave à l’ordre public, faire interdire et réprimer la participation des chefs de bureau de préfecture à la grève de juillet 1948 et que la méconnaissance de cette interdiction constitue une faute justifiant une sanction disciplinaire à l’égard de ceux qui s’en sont rendus coupables, encore bien que leur attitude ait été inspirée par un souci de solidarité.

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête présentée par le sieur X… Charles , chef de bureau à la Préfecture d’Indre-et-Loire, ladite requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 10 mars 1949, et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler : 1° un arrêté du préfet d’Indre-et-Loire en date du 13 juillet 1948 le suspendant de ses fonctions ; 2° un arrêté du préfet d’Indre-et-Loire en date du 30 juillet 1948 lui infligeant un blâme ; Vu la Constitution de la République française ; Vu les lois du 19 octobre 1946, du 27 décembre 1947 et du 28 septembre 1948 ; Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 ;
En ce qui concerne la mesure de suspension : Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la mesure de suspension dont le sieur X… a été frappé le 13 juillet 1948 a été rapportée le 20 juillet 1948, antérieurement à l’introduction du pourvoi ; qu’ainsi la requête est, sur ce point, sans objet ;
En ce qui concerne le blâme : Considérant que le sieur X… soutient que cette sanction a été prise en méconnaissance du droit de grève reconnu par la Constitution ;
Considérant qu’en indiquant, dans le préambule de la Constitution, que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent », l’assemblée constituante a entendu inviter le législateur à opérer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève constitue l’une des modalités, et la sauvegarde de l’intérêt général auquel elle peut être de nature à porter atteinte ;
Considérant que les lois des 27 décembre 1947 et 28 septembre 1948, qui se sont bornées à soumettre les personnels des compagnies républicaines de sécurité et de la police à un statut spécial et à les priver, en cas de cessation concertée du service, des garanties disciplinaires, ne sauraient être regardées, à elles seules, comme constituant, en ce qui concerne les services publics, la réglementation du droit de grève annoncée par la Constitution ;
Considérant qu’en l’absence de cette réglementation, la reconnaissance du droit de grève ne saurait avoir pour conséquence d’exclure les limitations qui doivent être apportées à ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l’ordre public ; qu’en l’état actuel de la législation il appartient au gouvernement, responsable du bon fonctionnement des services publics, de fixer lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l’étendue desdites limitations ;
Considérant qu’une grève qui, quel qu’en soit le motif, aurait pour effet de compromettre dans ses attributions essentielles l’exercice de la fonction préfectorale porterait une atteinte grave à l’ordre public ; que dès lors le gouvernement a pu légalement faire interdire et réprimer la participation des chefs de bureau de préfecture à la grève de juillet 1948 ;
Considérant qu’il est constant que le sieur X…, chef de bureau à la préfecture d’Indre-et-Loire, a, nonobstant cette interdiction, fait grève du 13 au 20 juillet 1948 ; qu’il résulte de ce qui précède que cette attitude, si elle a été inspirée par un souci de solidarité, n’en a pas moins constitué une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu’ainsi le requérant n’est pas fondé à soutenir qu’en lui infligeant un blâme le préfet d’Indre-et-Loire a excédé ses pouvoirs ;
DECIDE : Article 1er – La requête susvisée du sieur X… est rejetée. Article 2 – Expédition de la présente décision sera transmise au ministre de l’Intérieur.

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Arrêt Dehaene, Conseil d'Etat, Assemblée, du 7 juillet 1950, 01645, publié au recueil Lebon