CJUE, n° C-453/18, Arrêt de la Cour, Bondora AS contre Carlos V. C. et XY, 19 décembre 2019

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Chronologie de l’affaire

Commentaires3

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Ludovic Pailler est Professeur agrégé de droit privé et sciences criminelles à l'Université Jean Moulin Lyon III et membre du Centre de Recherche sur le Droit International Privé (EDIEC-EA4185)[1] A priori, et à prendre pour point de départ la jurisprudence française en la matière, le champ de l'étude est inversement proportionnel aux applications de la charte. L'affirmation est plus criante pour les aspects substantiels que procéduraux. Certes, la charte est de plus en plus régulièrement invoquée par les plaideurs. Mais elle demeure peu appliquée par le juge judiciaire, du moins dans …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 19 déc. 2019, C-453/18
Numéro(s) : C-453/18
Arrêt de la Cour (première chambre) du 19 décembre 2019.#Bondora AS contre Carlos V. C. et XY.#Demandes de décision préjudicielle, introduites par le Juzgado de Primera Instancia n° 11 de Vigo et par le Juzgado de Primera Instancia n°20 de Barcelona.#Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Procédure européenne d’injonction de payer – Règlement (CE) no 1896/2006 – Fourniture de documents complémentaires à l’appui de la créance – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Contrôle par la juridiction saisie dans le cadre d’une demande d’injonction de payer européenne.#Affaires jointes C-453/18 et C-494/18.
Date de dépôt : 11 juillet 2018
Précédents jurisprudentiels : 18 et C-494/18 ainsi que sa troisième question dans l' affaire C-494/18
18 et C-494/18 ainsi que sur la troisième question dans l' affaire C-494/18
arrêt du 13 décembre 2012, Szyrocka, C-215/11, EU:C:2012:794
arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C-470/12, EU:C:2014:101
arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, EU:C:2009:350, point 32, et du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C-176/17, EU:C:2018:711
Banco Español de Crédito ( C-618/10, EU:C:2012:349
C-494/18 ainsi qu' à la troisième question dans l' affaire C-494/18
Carlos V. C. ( C-453/18
Catlin Europe, C-21/17, EU:C:2018:675
Cour du 6 septembre 2018 et de la Cour du 18 juin 2019, les affaires C-453/18 et C-494/18
PKO Bank Polski, C-632/17, EU:C:2018:963
Profi Credit Polska, C-176/17, EU:C:2018:711
Profi Credit Polska, C-419/18 et C-483/18, EU:C:2019:930
Radlingerová ( C-377/14, EU:C:2016:283
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62018CJ0453
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2019:1118
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

19 décembre 2019 ( *1 )

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière civile – Procédure européenne d’injonction de payer – Règlement (CE) no 1896/2006 – Fourniture de documents complémentaires à l’appui de la créance – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Directive 93/13/CEE – Contrôle par la juridiction saisie dans le cadre d’une demande d’injonction de payer européenne »

Dans les affaires jointes C-453/18 et C-494/18,

ayant pour objet des demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par le Juzgado de Primera Instancia no 11 de Vigo (tribunal de première instance no 11de Vigo, Espagne) et par le Juzgado de Primera Instancia no 20 de Barcelona (tribunal de première instance no 20 de Barcelone, Espagne), par décisions des 28 juin et 17 juillet 2018, parvenues à la Cour les 11 et 27 juillet 2018, dans les procédures

Bondora AS

contre

Carlos V. C. (C-453/18),

XY (C-494/18),

LA COUR (première chambre),

composée de M. J.-C. Bonichot, président de chambre, MM. M. Safjan, L. Bay Larsen, Mme C. Toader (rapporteure) et M. N. Jääskinen, juges,

avocat général : Mme E. Sharpston,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

pour le gouvernement espagnol, par Mme M. García-Valdecasas Dorrego, en qualité d’agent,

pour le gouvernement letton, par Mmes I. Kucina et V. Soņeca, en qualité d’agents,

pour le gouvernement hongrois, par M. M. Fehér et Mme Z. Wagner, en qualité d’agents,

pour le Parlement européen, par MM. S. Alonso de León et T. Lukácsi, en qualité d’agents,

pour le Conseil de l’Union européenne, par M. J. Monteiro ainsi que par Mmes S. Petrova Cerchia et H. Marcos Fraile, en qualité d’agents,

pour la Commission européenne, par MM. J. Baquero Cruz et N. Ruiz García ainsi que par Mme M. Heller, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocate générale en ses conclusions à l’audience du 31 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

1

Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), de l’article 7, paragraphe 2, sous d) et e), du règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer (JO 2006, L 399, p. 1), de l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que sur la validité du règlement no 1896/2006.

2

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de deux procédures européennes d’injonction de payer opposant Bondora AS à M. Carlos V. C. et à XY au sujet du recouvrement par la première des créances découlant de contrats de prêt.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

La directive 93/13

3

L’article 1er de la directive 93/13 dispose :

« 1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.

2. Les clauses contractuelles qui reflètent des dispositions législatives ou réglementaires impératives ainsi que des dispositions ou principes des conventions internationales, dont les États membres ou la Communauté sont parti[e]s, notamment dans le domaine des transports, ne sont pas soumises aux dispositions de la présente directive. »

4

Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive :

« Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. »

5

L’article 6 de ladite directive énonce :

« 1. Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives.

[…] »

6

L’article 7 de cette même directive prévoit :

« 1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.

2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.

[…] »

Le règlement no 1896/2006

7

Les considérants 9, 13, 14 et 29 du règlement no 1896/2006 sont ainsi libellés :

« (9)

Le présent règlement a pour objet de simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts de procédure dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d’injonction de payer, et d’assurer la libre circulation des injonctions de payer européennes au sein de l’ensemble des États membres en établissant des normes minimales dont le respect rend inutile toute procédure intermédiaire dans l’État membre d’exécution préalablement à la reconnaissance et à l’exécution.

[…]

(13)

Le demandeur devrait être tenu de fournir, dans la demande d’injonction de payer européenne, des informations suffisamment précises pour identifier et justifier clairement la créance afin de permettre au défendeur de décider en connaissance de cause soit de s’y opposer, soit de ne pas la contester.

(14)

Dans ce cadre, le demandeur devrait être tenu de fournir une description des éléments de preuve à l’appui de la créance. À cet effet, le formulaire de demande devrait comporter une liste aussi exhaustive que possible des éléments de preuve habituellement produits à l’appui de créances pécuniaires.

[…]

(29)

Étant donné que l’objectif du présent règlement, à savoir l’instauration d’un mécanisme rapide et uniforme de recouvrement des créances pécuniaires incontestées dans l’ensemble de l’Union européenne, ne peut pas être réalisé de manière suffisante par les États membres et peut donc, en raison des dimensions ou des effets du règlement, être mieux réalisé au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité. Conformément au principe de proportionnalité tel qu’énoncé audit article, le présent règlement n’excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. »

8

L’article 1er, sous a), de ce règlement dispose :

« Le présent règlement a pour objet :

a)

de simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts de règlement dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d’injonction de payer ».

9

L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1896/2006 dispose :

« Le présent règlement s’applique en matière civile et commerciale dans les litiges transfrontaliers, quelle que soit la nature de la juridiction. […] »

10

Selon l’article 3, paragraphe 1, de ce règlement :

« Aux fins du présent règlement, un litige transfrontalier est un litige dans lequel au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie. »

11

L’article 5 dudit règlement prévoit :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

3)

“juridiction”, toute autorité d’un État membre ayant compétence en ce qui concerne les injonctions de payer européennes ou dans toute autre matière connexe ;

4)

“juridiction d’origine”, la juridiction qui délivre une injonction de payer européenne. »

12

L’article 7 du même règlement prévoit :

« 1. Une demande d’injonction de payer européenne est introduite au moyen du formulaire type A figurant à l’annexe I.

2. La demande comprend les éléments suivants :

a)

le nom et l’adresse des parties, et le cas échéant de leurs représentants, ainsi que de la juridiction saisie de la demande ;

b)

le montant de la créance, notamment le principal et, le cas échéant, les intérêts, les pénalités contractuelles et les frais ;

c)

si des intérêts sont réclamés sur la créance, le taux d’intérêt et la période pour laquelle ces intérêts sont réclamés, sauf si des intérêts légaux sont automatiquement ajoutés au principal en vertu du droit de l’État membre d’origine ;

d)

la cause de l’action, y compris une description des circonstances invoquées en tant que fondement de la créance et, le cas échéant, des intérêts réclamés ;

e)

une description des éléments de preuve à l’appui de la créance ;

f)

les chefs de compétence ;

et

g)

le caractère transfrontalier du litige au sens de l’article 3.

[…] »

13

Aux termes de l’article 8 du règlement no 1896/2006 :

« La juridiction saisie d’une demande d’injonction de payer européenne examine, dans les meilleurs délais et en se fondant sur le formulaire de demande, si les conditions énoncées aux articles 2, 3, 4, 6 et 7 sont réunies et si la demande semble fondée. Cet examen peut être effectué au moyen d’une procédure automatisée. »

14

L’article 9 de ce règlement dispose :

« 1. Si les conditions énoncées à l’article 7 ne sont pas réunies, la juridiction met le demandeur en mesure de compléter ou de rectifier la demande, à moins que celle-ci ne soit manifestement non fondée ou irrecevable. La juridiction utilise à cet effet le formulaire type B figurant dans l’annexe II.

2. Lorsque la juridiction demande au demandeur de compléter ou de rectifier la demande, elle fixe un délai qu’elle estime approprié au vu des circonstances. La juridiction peut proroger ce délai si elle le juge utile. »

15

L’article 12 dudit règlement, intitulé « Délivrance d’une injonction de payer européenne », prévoit :

« 1. Si les conditions visées à l’article 8 sont réunies, la juridiction délivre l’injonction de payer européenne dans les meilleurs délais et en principe dans un délai de trente jours à compter de l’introduction de la demande, au moyen du formulaire type E figurant dans l’annexe V.

Le calcul du délai de trente jours ne comprend pas le délai nécessaire au demandeur pour compléter, rectifier ou modifier la demande.

2. L’injonction de payer européenne est délivrée conjointement avec une copie du formulaire de demande. Elle ne comporte pas les informations fournies par le demandeur dans les appendices 1 et 2 du formulaire type A.

3. Dans l’injonction de payer européenne, le défendeur est informé de ce qu’il a la possibilité :

a)

de payer au demandeur le montant figurant dans l’injonction de payer ;

ou

b)

de s’opposer à l’injonction de payer en formant opposition auprès de la juridiction d’origine, qui doit être envoyée dans un délai de trente jours à compter de la signification ou de la notification de l’injonction qui lui aura été faite.

4. Aux termes de l’injonction de payer européenne, le défendeur est informé que :

a)

l’injonction a été délivrée sur le seul fondement des informations fournies par le demandeur et n’a pas été vérifiée par la juridiction ;

b)

l’injonction deviendra exécutoire à moins qu’il ait été formé opposition auprès de la juridiction conformément à l’article 16 ;

c)

lorsqu’il a été formé opposition, la procédure se poursuit devant les juridictions compétentes de l’État membre d’origine conformément aux règles de la procédure civile ordinaire, sauf si le demandeur a expressément demandé qu’il soit mis un terme à la procédure dans ce cas.

5. La juridiction veille à ce que l’injonction de payer soit signifiée ou notifiée au défendeur conformément au droit national, selon des modalités conformes aux normes minimales établies aux articles 13, 14 et 15. »

16

L’article 16 du même règlement est ainsi libellé :

« 1. Le défendeur peut former opposition à l’injonction de payer européenne auprès de la juridiction d’origine au moyen du formulaire type F figurant dans l’annexe VI, qui lui est transmis en même temps que l’injonction de payer européenne.

2. L’opposition est envoyée dans un délai de trente jours à compter de la signification ou de la notification de l’injonction au défendeur.

3. Le défendeur indique dans l’opposition qu’il conteste la créance, sans être tenu de préciser les motifs de contestation.

[…] »

17

Selon le point 11 du formulaire type A à l’annexe I du règlement no 1896/2006, des déclarations et des informations complémentaires peuvent être ajoutées, si cela s’avère nécessaire.

Le droit espagnol

18

La vingt-troisième disposition finale de la Ley 1/2000, de Enjuiciamiento Civil (loi 1/2000, relative au code de procédure civile), du 7 janvier 2000 (BOE no 7, du 8 janvier 2000, p. 575) (ci-après la « LEC »), qui introduit des mesures aux fins de l’application en Espagne du règlement no 1896/2006, énonce, à ses paragraphes 2 et 11 :

« 2. La demande d’injonction de payer européenne est introduite au moyen du formulaire type A figurant à l’annexe I du règlement no 1896/2006, sans qu’il soit obligatoire d’apporter de quelconques documents qui, le cas échéant, seront irrecevables.

[…]

11. Les questions procédurales non prévues par le règlement no 1896/2006 pour la délivrance d’une injonction de payer européenne sont régies par les dispositions [de la LEC] relatives à l’injonction de payer. »

19

L’article 815, paragraphe 4, de la LEC dispose :

« Si la créance réclamée est fondée sur un contrat entre une société ou un professionnel et un consommateur ou usager, le Letrado de la Administración de Justicia doit le notifier au juge avant [la délivrance de] l’injonction de payer afin que celui-ci puisse constater l’éventuel caractère abusif de toute clause qui fonde la demande ou qui détermine le montant exigible.

Le juge examine d’office si l’une des clauses qui fondent la demande ou qui déterminent le montant exigible peut être qualifiée de clause abusive. S’il estime que l’une des clauses peut être qualifiée comme telle, il invite les parties à présenter des observations dans un délai de cinq jours. Après avoir entendu les parties, il statue par voie d’ordonnance dans les cinq jours. Cette procédure n’impose pas l’intervention d’un avocat ni celle d’un avoué.

Si le juge considère que l’une des clauses contractuelles a un caractère abusif, l’ordonnance émise détermine les conséquences de ce constat en déclarant soit le caractère infondé de la demande, soit la poursuite de la procédure mais sans l’application des clauses jugées abusives.

Si le tribunal estime qu’il n’y a pas de clauses abusives, il fait une déclaration en ce sens et le greffier adresse une injonction au débiteur dans les termes prévus au paragraphe 1.

En tout état de cause, l’ordonnance rendue est directement susceptible d’appel ».

Les litiges au principal et les questions préjudicielles

L’affaire C-453/18

20

Bondora a conclu un contrat de prêt d’un montant de 755,27 euros avec un consommateur, M. V. C. Le 21 mars 2018, cette société a introduit devant la juridiction de renvoi une demande d’injonction de payer européenne contre M. V. C.

21

Estimant que la créance était fondée sur un contrat de prêt conclu entre un professionnel et un consommateur, conformément à l’article 815, paragraphe 4, de la LEC, la juridiction de renvoi a demandé à Bondora de fournir les documents à l’appui de la créance correspondant aux moyens de preuve énoncés au point 10 du formulaire type A, à savoir le contrat de prêt et la détermination du montant de la créance, afin d’être en mesure de vérifier l’éventuel caractère abusif des clauses contractuelles figurant dans ce contrat.

22

Bondora a refusé de fournir lesdits documents faisant valoir que, premièrement, selon la vingt-troisième disposition finale, paragraphe 2, de la LEC, dans le cas d’une demande d’injonction de payer européenne, il n’est pas nécessaire de fournir les documents à l’appui de la créance et, deuxièmement, que les articles 8 et 12 du règlement no 1896/2006 ne font aucune référence à une présentation de documents pour la délivrance d’une injonction de payer européenne.

23

La juridiction de renvoi estime qu’une telle interprétation de la réglementation, citée au point précédent, est susceptible de soulever des difficultés dans l’hypothèse où la créance dont le montant est réclamé serait fondée sur un contrat conclu avec les consommateurs. En effet, la société créancière ne joint pas à la demande d’injonction de payer européenne les documents nécessaires pour apprécier, conformément à l’article 815, paragraphe 4, de la LEC, l’éventuel caractère abusif d’une clause fondant la demande ou déterminant le montant exigible. Or, cette juridiction souligne que l’article 815, paragraphe 4, de la LEC, dans sa version applicable aux faits, a transposé en droit espagnol la jurisprudence de la Cour concernant la directive 93/13 et, notamment, les arrêts du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito (C-618/10, EU:C:2012:349), ainsi que du 21 avril 2016, Radlinger et Radlingerová (C-377/14, EU:C:2016:283), pour que le juge espagnol puisse examiner d’office le caractère prétendument abusif des clauses contractuelles dont résultent les crédits.

24

Dans ces conditions, le Juzgado de Primera Instancia no 11 de Vigo (tribunal de première instance no 11 de Vigo, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Faut-il interpréter l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que la jurisprudence qui l’interprète en ce sens que [cette disposition] s’oppose à une règle nationale, telle que la vingt-troisième disposition finale [de la LEC], qui dispose qu’il n’est pas obligatoire d’apporter des documents dans le cadre d’une demande d’injonction de paiement européenne et que, le cas échéant, ces documents seront irrecevables ?

2)

Faut-il interpréter l’article 7, paragraphe 2, sous e), du règlement no 1896/2006 en ce sens que [cette disposition] n’interdit pas [au juge] de demander à la société créancière de produire les documents sur lesquels elle fonde la réclamation résultant d’un prêt à la consommation conclu entre un professionnel et un consommateur si la juridiction estime que l’examen de ces documents est indispensable pour apprécier l’éventuelle existence de clauses abusives dans le contrat conclu entre les parties, et se conformer ainsi aux dispositions de la directive 93/13 et la jurisprudence qui l’interprète ? »

L’affaire C-494/18

25

Bondora a conclu un contrat de prêt d’un montant de 1818,66 euros avec XY. Le 17 mai 2018, Bondora a introduit devant la juridiction de renvoi une demande d’injonction de payer européenne contre ce dernier.

26

Dans le formulaire type A figurant à l’annexe I du règlement no 1896/2006, Bondora a signalé que XY était un consommateur et qu’elle disposait du contrat de prêt qui fondait une telle demande et la détermination du montant de la créance.

27

Dès la constatation du caractère de consommateur d’une des parties, la juridiction de renvoi a demandé à Bondora de remplir le point 11 de ce formulaire type A, intitulé « Déclarations et informations complémentaires », en indiquant la ventilation de la créance en cause ainsi que les clauses du contrat à l’appui de cette créance.

28

Bondora a refusé de fournir lesdites informations soutenant que, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1896/2006, elle n’était pas tenue d’indiquer davantage d’éléments de preuve à l’appui de la créance. En effet, conformément à la vingt-troisième disposition finale, paragraphe 2, de la LEC, dans le cas d’une demande d’injonction de payer européenne, il ne serait pas nécessaire de fournir les documents à l’appui de cette créance. Cette société a également fait valoir que d’autres juridictions avaient déjà admis pareilles demandes d’injonction sans lui demander de remplir d’autres exigences.

29

La juridiction de renvoi nourrit des doutes concernant l’interprétation du règlement no 1896/2006 au regard de la protection des consommateurs et de la jurisprudence de la Cour. Selon elle, une injonction de payer européenne délivrée sans effectuer d’office le contrôle de l’éventuelle existence de clauses abusives peut porter atteinte à l’impératif de la protection des consommateurs, consacré à l’article 38 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, TUE.

30

En outre, selon cette juridiction, l’article 38 de la Charte, l’article 6, paragraphe 1, TUE ainsi que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne s’opposent pas à une disposition nationale, telle que la vingt-troisième disposition finale, paragraphe 2, de la LEC, pour autant qu’elle permet au juge de prendre connaissance du contenu des clauses accessoires du contrat en cause afin de pouvoir exercer un contrôle d’office des clauses abusives.

31

En revanche, elle est d’avis que, si l’interprétation du règlement no 1896/2006 permettait qu’aucune précision supplémentaire ne puisse être demandée pour vérifier si des clauses abusives ont été appliquées, ce règlement serait invalide pour violation de l’article 6, paragraphe 1, TUE et de l’article 38 de la Charte.

32

C’est dans ces conditions que le Juzgado de Primera Instancia no 20 de Barcelona (tribunal de première instance no 20 de Barcelone, Espagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Une disposition nationale telle que la vingt-troisième disposition finale, paragraphe [2], de la [LEC], qui ne permet ni de produire, ni d’exiger la présentation d’un contrat ou le détail du montant de la créance, alors que la réclamation [de la créance] est dirigée contre un consommateur et que des indices suggèrent que des sommes sont réclamées sur le fondement de clauses abusives, est-elle conforme à l’article 38 de la Charte, à l’article 6, paragraphe 1, [TUE] ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ?

2)

Dans le cadre des réclamations dirigées contre un consommateur, le fait d’inviter le demandeur à préciser, au paragraphe 11 du formulaire type A [figurant à l’annexe I du règlement no 1896/2006], le détail de la créance réclamée est-il conforme à l’article 7, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1896/2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer ? En outre, le fait d’exiger de reproduire, au paragraphe 11 de ce formulaire, le contenu des clauses du contrat sur lesquelles sont fondées les réclamations dirigées contre un consommateur, au-delà de l’objet principal du contrat, pour en apprécier le caractère abusif est-il conforme à cette disposition ?

3)

En cas de réponse négative à la deuxième question, la version actuelle du règlement no 1896/2006 permet-elle de vérifier d’office, avant de délivrer l’injonction de payer européenne, si un contrat conclu avec un consommateur contient des clauses abusives et, dans l’affirmative, sur le fondement de quelle disposition ?

4)

Si la version actuelle du règlement no 1896/2006 ne permettait pas de contrôler d’office l’existence de clauses abusives avant de délivrer l’injonction de payer européenne, il est demandé à la Cour de se prononcer sur la validité dudit règlement au regard de l’article 38 de la Charte et de l’article 6, paragraphe 1, [TUE]. »

La procédure devant la Cour

33

Par décisions du président de la Cour du 6 septembre 2018 et de la Cour du 18 juin 2019, les affaires C-453/18 et C-494/18 ont été jointes.

Sur les questions préjudicielles

Sur les première et deuxième questions dans les affaires C-453/18 et C-494/18 ainsi que sur la troisième question dans l’affaire C-494/18

34

Par ses première et deuxième questions dans les affaires C-453/18 et C-494/18 ainsi que sa troisième question dans l’affaire C-494/18, les juridictions de renvoi demandent, en substance, si l’article 7, paragraphe 2, sous d) et e), du règlement no 1896/2006 ainsi que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, tels qu’interprétés par la Cour et lus à la lumière de l’article 38 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une « juridiction », au sens dudit règlement, saisie dans le cadre d’une procédure européenne d’injonction de payer, de demander au créancier des informations complémentaires relatives aux clauses du contrat invoquées à l’appui de la créance en question, afin d’effectuer le contrôle d’office du caractère éventuellement abusif de ces clauses et, en conséquence, qu’ils s’opposent à une législation nationale qui déclare comme étant irrecevables des documents complémentaires fournis à cet effet.

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À titre liminaire, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1896/2006, celui-ci s’applique dans les litiges transfrontaliers. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, dudit règlement, un litige est transfrontalier lorsqu’au moins une des parties a son domicile ou sa résidence habituelle dans un État membre autre que l’État membre de la juridiction saisie. En l’occurrence, sous réserve des vérifications qu’ils incombent aux juridictions de renvoi d’effectuer, il ressort des éléments du dossier soumis à la Cour que Bondora est une société dont le siège statutaire se trouve en Estonie. Dès lors, le règlement no 1896/2006 trouve à s’appliquer.

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En premier lieu, il convient de relever, ainsi qu’il ressort de l’article 1er du règlement no 1896/2006, lu en combinaison avec les considérants 9 et 29 de ce règlement, que celui-ci a pour objet de simplifier, d’accélérer et de réduire les coûts dans les litiges transfrontaliers concernant des créances pécuniaires incontestées en instituant une procédure européenne d’injonction de payer.

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C’est précisément afin de garantir l’objectif de rapidité et d’uniformité dans ladite procédure que la demande d’injonction est introduite au moyen du formulaire type A figurant à l’annexe I du règlement no 1896/2006, conformément à l’article 7 de ce règlement, dont le paragraphe 2 énumère les éléments qui doivent figurer dans cette demande. En particulier, l’article 7, paragraphe 2, sous d) et e), du règlement no 1896/2006 prévoit que la demande d’injonction comprend la cause de l’action, y compris une description des circonstances invoquées en tant que fondement de la créance et, le cas échéant, des intérêts réclamés, ainsi qu’une description des éléments de preuve à l’appui de la créance.

38

En vertu de l’article 8 de ce même règlement, la juridiction saisie de la demande d’injonction examine, dans les meilleurs délais et en se fondant sur ledit formulaire type A, si les conditions énoncées, notamment, à l’article 7 du règlement no 1896/2006 sont réunies et si la demande semble fondée. Dans un tel cas, elle délivre l’injonction de payer européenne, conformément à l’article 12 dudit règlement. Si les conditions de cet article 7 ne sont pas réunies, aux termes de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1896/2006, elle met le demandeur en mesure de compléter ou de rectifier la demande, en utilisant le formulaire type B figurant à l’annexe II.

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En second lieu, il convient de déterminer si, dans le cadre d’une telle procédure européenne d’injonction de payer, la juridiction saisie de ladite demande d’injonction est soumise aux exigences prévues à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, tels qu’interprétés par la Cour et lus à la lumière de l’article 38 de la Charte.

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À cet égard, il y a lieu de rappeler, premièrement, que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C-470/12, EU:C:2014:101, point 39 et jurisprudence citée). En outre, l’article 38 de la Charte dispose qu’un niveau élevé de protection des consommateurs est assuré dans les politiques de l’Union. Cet impératif vaut pour la mise en œuvre de la directive 93/13 (arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C-470/12, EU:C:2014:101, point 52).

41

Deuxièmement, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux.

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Troisièmement, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi que cela ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec son vingt-quatrième considérant, de prévoir des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel (arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C-176/17, EU:C:2018:711, point 40 et jurisprudence citée).

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En effet, selon une jurisprudence constante de la Cour, le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, à condition qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (arrêts du 4 juin 2009, Pannon GSM, C-243/08, EU:C:2009:350, point 32, et du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C-176/17, EU:C:2018:711, point 42 ainsi que jurisprudence citée).

44

À cet égard, il importe de souligner que, dans le cadre des procédures nationales d’injonction de payer, la Cour a dit pour droit que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’oppose à une réglementation nationale permettant de délivrer une ordonnance d’injonction de payer, lorsque le juge saisi d’une requête en injonction de payer ne dispose pas du pouvoir de procéder à un examen du caractère éventuellement abusif des clauses de ce contrat, dès lors que les modalités d’exercice du droit de former opposition à une telle ordonnance ne permettent pas d’assurer le respect des droits que le consommateur tire de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C-176/17, EU:C:2018:711, point 71, et ordonnance du 28 novembre 2018, PKO Bank Polski, C-632/17, EU:C:2018:963, point 49).

45

Ainsi, la Cour a retenu qu’une juridiction saisie d’une requête en injonction de payer doit déterminer si les modalités de la procédure d’opposition que prévoit le droit national n’engendrent pas un risque non négligeable que les consommateurs concernés ne forment pas l’opposition requise (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Profi Credit Polska, C-176/17, EU:C:2018:711, point 61 et jurisprudence citée).

46

Ces exigences s’imposent également lorsqu’une « juridiction », au sens du règlement no 1896/2006, est saisie d’une demande d’injonction de payer européenne, au sens dudit règlement.

47

Dès lors, il y a lieu de déterminer si le règlement no 1896/2006 permet à la juridiction saisie d’une demande d’injonction de payer européenne de demander au créancier, afin de procéder à un examen d’office du caractère éventuellement abusif des clauses du contrat, conformément aux exigences découlant de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, des informations complémentaires relatives aux clauses invoquées à l’appui de sa créance.

48

À cet égard, il convient de constater que, bien que l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1896/2006 règle de manière exhaustive les conditions que doit remplir la demande d’injonction de payer européenne (arrêt du 13 décembre 2012, Szyrocka, C-215/11, EU:C:2012:794, point 32), il n’en demeure pas moins que le demandeur doit également utiliser le formulaire type A, figurant à l’annexe I de ce règlement, aux fins de l’introduction d’une telle demande d’injonction, conformément à l’article 7, paragraphe 1, dudit règlement. Or, il résulte, d’une part, du point 10 du formulaire type A, que le demandeur a la possibilité d’indiquer et de décrire le type d’éléments de preuve disponibles, y compris une preuve documentaire et, d’autre part, du point 11 de ce formulaire, que des informations complémentaires peuvent être ajoutées à celles expressément requises par les points précédents dudit formulaire, de telle sorte que celui-ci permet de fournir des informations complémentaires relatives aux clauses invoquées à l’appui de la créance et consistant, notamment, en la reproduction de la totalité du contrat ou en la production d’une copie de ce dernier.

49

De plus, l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1896/2006 prévoit que la juridiction saisie de ladite demande dispose du pouvoir de demander au créancier de compléter ou de rectifier les informations fournies sur le fondement de l’article 7 du règlement no 1896/2006, en utilisant le formulaire type B figurant à l’annexe II de ce règlement.

50

Il s’ensuit que la juridiction saisie doit pouvoir demander, au titre de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 1896/2006, des informations complémentaires au créancier relatives aux clauses invoquées à l’appui de sa créance, telles que la reproduction de la totalité du contrat ou la production d’une copie de ce dernier, afin de pouvoir examiner le caractère éventuellement abusif de telles clauses, conformément à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, Catlin Europe, C-21/17, EU:C:2018:675, points 44 et 50).

51

Une interprétation différente de l’article 7, paragraphe 2, sous d) et e), du règlement no 1896/2006 serait susceptible de permettre aux créanciers de contourner les exigences découlant de la directive 93/13 et de l’article 38 de la Charte.

52

Il importe, encore, de souligner que la circonstance qu’une juridiction nationale exige du requérant qu’il produise le contenu du ou des documents servant de base à sa demande relève simplement du cadre probatoire du procès, puisqu’une telle demande tend seulement à s’assurer du fondement de la requête, de sorte qu’elle ne contrevienne pas au principe dispositif (voir, par analogie, arrêt du 7 novembre 2019, Profi Credit Polska, C-419/18 et C-483/18, EU:C:2019:930, point 68).

53

Par conséquent, l’article 7, paragraphe 2, sous d) et e), du règlement no 1896/2006, lu en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, tels qu’interprétés par la Cour et à la lumière de l’article 38 de la Charte, s’oppose à une réglementation nationale qui déclare irrecevables des documents complémentaires en sus du formulaire type A figurant à l’annexe I du règlement no 1896/2006, tels qu’une copie du contrat en cause.

54

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions dans les affaires C-453/18 et C-494/18 ainsi qu’à la troisième question dans l’affaire C-494/18 que l’article 7, paragraphe 2, sous d) et e), du règlement no 1896/2006 ainsi que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, tels qu’interprétés par la Cour et lus à la lumière de l’article 38 de la Charte, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une « juridiction », au sens dudit règlement, saisie dans le cadre d’une procédure européenne d’injonction de payer, de demander au créancier des informations complémentaires relatives aux clauses du contrat invoquées à l’appui de la créance en question, afin d’effectuer le contrôle d’office du caractère éventuellement abusif de ces clauses et, en conséquence, qu’ils s’opposent à une législation nationale qui déclare comme étant irrecevables des documents complémentaires fournis à cet effet.

Sur la quatrième question dans l’affaire C-494/18

55

Eu égard à la réponse apportée aux première et deuxième questions dans les affaires C-453/18 et C-494/18 ainsi qu’à la troisième question dans l’affaire C-494/18, il n’y a pas lieu de répondre à cette quatrième question.

Sur les dépens

56

La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 7, paragraphe 2, sous d) et e), du règlement (CE) no 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d’injonction de payer, ainsi que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, tels qu’interprétés par la Cour et lus à la lumière de l’article 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu’ils permettent à une « juridiction », au sens dudit règlement, saisie dans le cadre d’une procédure européenne d’injonction de payer, de demander au créancier des informations complémentaires relatives aux clauses du contrat invoquées à l’appui de la créance en question, afin d’effectuer le contrôle d’office du caractère éventuellement abusif de ces clauses et, en conséquence, qu’ils s’opposent à une législation nationale qui déclare comme étant irrecevables des documents complémentaires fournis à cet effet.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’espagnol.

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CJUE, n° C-453/18, Arrêt de la Cour, Bondora AS contre Carlos V. C. et XY, 19 décembre 2019