Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 19 janvier 2024, n° 2316317

  • Justice administrative·
  • Décision implicite·
  • Légalité·
  • Suspension·
  • Urgence·
  • Juge des référés·
  • Autorisation provisoire·
  • Rejet·
  • Demande·
  • Sérieux

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Cergy-Pontoise, 19 janv. 2024, n° 2316317
Juridiction : Tribunal administratif de Cergy-Pontoise
Numéro : 2316317
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 22 janvier 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2023, M. A B, représenté par Me Guillou, demande au juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision implicite de rejet de sa demande d’admission au séjour prise par le préfet des Hauts-de-Seine en date du 15 septembre 2023 ;

2°) d’enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer sa situation dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’ordonnance à intervenir et de lui délivrer, durant cet examen, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la condition d’urgence est remplie, dès lors qu’il est reconnu comme porteur de handicap en raison de plusieurs pathologies dont il souffre et qu’en l’absence de récépissé valide il est privé de ses droits les plus essentiels et ne peut poursuivre sa prise en charge médicale ;

— il existe des moyens de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

— est entachée d’une insuffisance de motivation et d’une absence d’examen sérieux dès lors que le préfet n’a pas communiqué les motifs du refus implicite de délivrance du titre de séjour ;

— elle a été prise en violation des dispositions des articles L. 423-21 et L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle a été prise en méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, le préfet des

Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir, à titre principal, l’irrecevabilité de la requête en l’absence de décision attaquée qui ne peut donc faire grief et, à titre subsidiaire, l’absence d’urgence et de doute sérieux ayant trait à la légalité de la prétendue décision attaquée.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— l’ordonnance n° 2303285 du 12 avril 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

— la requête n° 2315753, enregistrée le 23 novembre 2023, par laquelle M. B demande l’annulation de la décision contestée.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Poyet, premier conseiller, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l’audience publique du

21 décembre 2023 à 9 h 30.

Ont été entendus au cours de l’audience publique, tenue en présence de M. Grospierre, greffier d’audience :

— le rapport de M. Poyet, juge des référés ;

— et les observations de Me Iharkane, substituant Me Guillou, représentant le requérant, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A B, ressortissant yéménite né le 1er janvier 1971, entré sur le territoire français le 26 décembre 2014, a sollicité une admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine, le 15 mai 2023. Une décision implicite de refus de sa demande est née du silence gardé par l’administration quatre mois après la remise de son récépissé, soit le 15 septembre 2023. Son récépissé de demande de carte de séjour, délivré le 15 mai 2023, était valable jusqu’au 14 novembre 2023 et n’a pas été renouvelé. Par un courrier du 15 septembre 2023, il a sollicité la communication des motifs de la décision de refus implicite de sa demande, restée sans réponse. Par la présente requête, M. B demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Hauts-de-Seine :

2. En application des articles R. 432-1 et R. 432-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le silence gardé pendant quatre mois par l’autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. B a déposé une demande de titre de séjour le 15 mai 2023. En l’absence de réponse à cette demande, une décision implicite de rejet est née le 15 septembre 2023, nonobstant la circonstance que M. B s’était vu remettre une attestation préfectorale le 15 mai 2023.

3. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par le préfet des Hauts-de-Seine doit, par suite, être écartée.

Sur la demande de suspension de l’exécution de la décision implicite de rejet :

4. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

En ce qui concerne l’urgence :

5. L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande de suspension d’une décision refusant la délivrance d’un titre de séjour, d’apprécier et de motiver l’urgence compte tenu de l’incidence immédiate du refus de titre de séjour sur la situation concrète de l’intéressé. Cette condition d’urgence sera en principe constatée dans le cas d’un refus de renouvellement du titre de séjour, comme d’ailleurs d’un retrait de celui-ci. Dans les autres cas, il appartient au requérant de justifier de circonstances particulières caractérisant la nécessité pour lui de bénéficier à très bref délai d’une mesure provisoire dans l’attente d’une décision juridictionnelle statuant sur la légalité de la décision litigieuse.

6. Eu égard à l’état de santé de M. B qui établit souffrir de plusieurs pathologies dont une schizophrénie paranoïde ainsi qu’un diabète de type 2 et qui bénéficie d’un renouvellement de l’allocation aux adultes handicapés, valable du 1er juin 2022 au 31 mai 2027, délivrée par une décision du 21 juillet 2022 de la maison départementale des personnes handicapées des Hauts-de-Seine, le requérant justifie d’une situation d’urgence au sens de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée :

7. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () 7° Refusent une autorisation () ». Aux termes de l’article L. 211-5 du même code : « La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ». Aux termes de l’article L. 232-4 dudit code : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. () ».

8. En l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu l’article

L. 232-4 du code des relations entre le public et l’administration en ne communiquant pas les motifs de la décision implicite de rejet de sa demande d’admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine, déposée le 15 mai 2023, à la suite d’une demande formulée par courrier du 15 septembre 2023 et réceptionné le 27 septembre 2023 est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision attaquée jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de la décision attaquée.

9. Il résulte de ce qui précède, que les deux conditions auxquelles les dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative subordonnent le prononcé d’une mesure de suspension sont réunies. Il y a donc lieu de faire droit aux conclusions de M. B aux fins de suspension de l’exécution de la décision implicite par laquelle le préfet des

Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

10. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. () ». Aux termes de l’article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ».

11. Eu égard au motif de suspension de l’exécution de la décision attaquée retenu par la présente ordonnance, son exécution n’implique pas nécessairement la délivrance de l’autorisation sollicitée. Il y a lieu d’ordonner au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de la demande de M. B dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance et de lui délivrer, dans l’attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler, sans qu’il y ait lieu de l’assortir d’une astreinte.

Sur les conclusions relatives aux frais d’instance :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, qui est la partie perdante, une somme de 500 euros pour M. B en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision implicite par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté la demande de délivrance de titre de séjour de M. B est suspendue, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. B dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente ordonnance et de lui délivrer, dans l’attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler.

Article 3 : L’Etat versera à M. B une somme de 500 euros au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.

Fait, à Cergy, le 19 janvier 2024.

Le juge des référés,

Signé

M. Poyet

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°2316317

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, 19 janvier 2024, n° 2316317