Tribunal administratif de Rouen, 24 décembre 2020, n° 2003814

  • Comités·
  • Emploi·
  • Catégories professionnelles·
  • Reclassement·
  • Plan·
  • Homologation·
  • Unilatéral·
  • Sauvegarde·
  • Chimie·
  • Licenciement

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

CMS Bureau Francis Lefebvre · 22 mai 2023

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, les plans de sauvegarde de l'emploi mis en place par document unilatéral (DU) ou par accord collectif doivent être, respectivement, homologués ou validés par les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (les DREETS substituées aux anciennes DIRECCTE depuis le 1er avril 2021), qui sont, à l'échelon régional, l'interlocuteur de l'inspection du travail auprès des entreprises. La contestation de ces décisions administratives de validation et d'homologation relève de la compétence du …

 

CMS · 22 mai 2023

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, les plans de sauvegarde de l'emploi mis en place par document unilatéral (DU) ou par accord collectif doivent être, respectivement, homologués ou validés par les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (les DREETS substituées aux anciennes DIRECCTE depuis le 1er avril 2021), qui sont, à l'échelon régional, l'interlocuteur de l'inspection du travail auprès des entreprises. La contestation de ces décisions administratives de validation et d'homologation relève de la compétence du juge …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
TA Rouen, 24 déc. 2020, n° 2003814
Juridiction : Tribunal administratif de Rouen
Numéro : 2003814

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE ROUEN

N°2003814 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

COMITÉ SOCIAL ET ÉCONOMIQUE

CENTRAL DE LA SOCIÉTÉ JANSSEN CILAG AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS et autres

___________

Mme Anne X Le tribunal administratif de Rouen Président-rapporteur

___________ (3 ème Chambre)

Mme Lucie Cazcarra Rapporteur public ___________

Audience du 17 décembre 2020 Décision du 24 décembre 2020 ___________ 66-06 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 septembre 2020, et des mémoires, enregistrés les 27 octobre, 9 novembre et 25 novembre 2020, ce dernier non communiqué, le comité social et économique central de la société Janssen Cilag, le comité social et économique de l’établissement de Val de Reuil, la fédération chimie énergie CFDT, la Fédération CFE CGC chimie, le syndicat national CFTC des salariés des industries pharmaceutiques, le syndicat national UNSA chimie pharmacie, représentés par Me Koskas, cabinet Brihi-Koskas et associés, demandent au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 30 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi de la société Janssen Cilag France ;

2°) de mettre à la charge de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie la somme de 3000 euros au profit de chacun d’eux en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la DIRECCTE de Normandie est incompétente territorialement pour prendre la décision d’homologation eu égard au fait que le projet de réorganisation aura un impact sur toute



N° 2003814 2

la société, eu égard à la complexité de ce projet, eu égard à l’absence d’autonomie suffisante de l’établissement de Val de Reuil, eu égard au principe de concordance ; la société a d’ailleurs consulté le CSE central sur le fondement de l’article L. 1233-36 du code du travail ; c’est la DIRECCTE des Hauts de Seine qui aurait dû être saisie ;

- la DIRECCTE de Normandie n’a pas envoyé copie de ses observations ou propositions éventuelles à l’employeur au comité social et économique et ne lui a pas transmis non plus le courrier du 21 juillet 2020 informant la société de la complétude de son dossier ; l’employeur n’a pas informé le comité social et économique central de la saisine de la DIRECCTE de l’Eure ; ces vices de procédure ont empêché les instances d’exercer utilement leurs prérogatives et notamment de formuler des demandes d’injonction et de voir leurs observations visées et prises en compte ; la prise en compte en temps utile de leurs observations était susceptible d’entraîner un refus de validation du document ;

- la société a commis un abus de son droit d’établir unilatéralement un plan de sauvegarde de l’emploi en tentant de forcer les organisations représentatives à signer un accord majoritaire et en construisant un document unilatéral moins favorable que le projet d’accord alors que les principes de loyauté et de proportionnalité rendent impossible de proposer dans le document unilatéral des mesures inférieures à celles proposées par l’employeur en cours de négociations ; elle a également commis une fraude à la loi qui lui impose d’instituer des mesures suffisantes au regard des moyens de son groupe d’appartenance ; or, la DIRECCTE n’a exercé aucun contrôle sur ces points alors qu’elle devait le faire ;

- la DIRECCTE a commis une erreur manifeste d’appréciation sur la suffisance du contenu du plan de sauvegarde de l’emploi au regard des moyens du groupe et de l’importance du projet de licenciement ; cela ressort notamment de la comparaison avec le plan de sauvegarde de l’emploi ayant donné lieu à un accord en 2017 et de la comparaison entre les mesures du document unilatéral et celles proposées en vue d’aboutir à un accord majoritaire ; cela ressort du montant de l’enveloppe globale et du retour sur investissement rapportés aux moyens du groupe ; en particulier, sont insuffisants la compensation financière en cas de reclassement à un salaire inférieur, la durée du congé de reclassement et le montant de la rémunération maintenue ; il y a lieu de tenir compte aussi de la dégradation de la situation économique née de la dégradation du contexte sanitaire ;

- les catégories professionnelles contenues dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi ne répondent pas aux critères légaux et jurisprudentiels et ce afin de permettre le licenciement des seuls salariés travaillant au sein du centre de recherches, ce qui rend également inefficaces les critères d’ordre des licenciements.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 octobre 2020 et le 12 novembre 2020, la société Janssen-Cilag, représentée par Me Bordier, Z A, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de chacun des requérants de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- La DIRECCTE de Normandie était bien compétente territorialement pour prendre la décision d’homologation dès lors que le projet concerne le seul établissement de Val de Reuil, lequel dispose d’une autonomie de gestion suffisante ;



N° 2003814 3

- Aucun vice de procédure n’a été commis par la DIRECCTE dans le cadre du processus d’homologation dès lors que les requérants ont pu lui faire parvenir leurs observations le 21 juillet 2020 et que la lecture de la décision d’homologation montre qu’elle les a bien analysées ;

- Les éventuelles irrégularités dans le processus de négociation d’un accord majoritaire ne sont pas susceptibles d’entacher la validité du document unilatéral et n’ont pas à être contrôlées par la DIRECCTE. En tout état de cause, l’exigence de loyauté du dialogue social a été respectée dans le cadre des négociations menées avec les organisations syndicales représentatives grâce à la conclusion d’un accord de méthode, à la mise en place de moyens importants aux organisations syndicales pour mener les négociations, à l’organisation de nombreuses réunions de négociations. Aucun principe n’impose à une entreprise de proposer au minimum dès le début de la négociation des mesures d’accompagnement au moins aussi favorables que celles appliquées précédemment dans le cadre d’un autre projet ou de reprendre, dans le document unilatéral présenté à l’homologation, ses dernières propositions faites dans le cadre de la négociation d’un accord majoritaire ;

- Il appartient à la DIRECCTE de rechercher si les différentes mesures prévues dans le plan sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés ; l’entreprise n’est pas tenue de reprendre les mesures qu’elle était disposée à appliquer en cas d’accord majoritaire, ni les mesures contenues dans un plan précédent ; le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi est suffisant en l’espèce ; l’enveloppe financière consacrée au plan est très élevée, il prévoit un dispositif complet d’aide au reclassement interne et externe, il prévoit des indemnités allant au-delà de l’indemnité conventionnelle de licenciement ; ces mesures sont adaptées à des salariés qui sont pour la quasi- totalité des diplômés de l’enseignement supérieur ; s’il ne prévoit pas de mesures de cessation anticipée d’activité, il prévoit des mesures spécifiques pour les salariés âgés ; certaines mesures ont été revues à la hausse par rapport au plan précédent ;

- Les catégories professionnelles répondent aux critères légaux et jurisprudentiels ; il existe une seule catégorie d’assistante et une seule catégorie d’analyste IT, tous les postes similaires de scientifiques ont bien été regroupés dans une catégorie unique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2020, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la DIRECCTE de Normandie est bien territorialement compétente, seul étant impacté l’établissement situé à Val de Reuil ;

- le moyen tiré des vices de procédure commis doit être écarté ;

- les négociations se sont déroulées dans le respect des dispositions légales, aucune déloyauté n’est démontrée et n’a d’ailleurs fait l’objet d’une saisine de l’administration du travail ; une éventuelle déloyauté des négociations serait sans incidence sur l’homologation du document ;



N° 2003814 4

- les mesures de reclassement sont très avantageuses et ont déjà donné lieu à des résultats très satisfaisants ;

- l’appréciation des catégories professionnelles a été faite conformément aux textes et à la jurisprudence en vigueur.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative, ensemble le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme X,

- les conclusions de Mme Cazcarra , rapporteur public,

- et les observations de Me Koskas, pour les requérants, de M. Y, pour la DIRECCTE de Normandie et de Me Bordier, pour la société Janssen – Cilag.

Une note en délibéré présentée pour les requérants a été enregistrée le 21 décembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Janssen-Cilag, qui appartient au groupe Johnson & Johnson, déploie ses activités sur deux sites situés à Issy les Moulineaux et Val de Reuil. Le site de Val de Reuil comporte notamment un centre de recherche spécialisé en chimie médicinale et science analytique. L’entreprise a envisagé d’arrêter la totalité de l’activité du centre de recherche de Val de Reuil et de la regrouper avec l’activité de recherche réalisée à Beerse (Belgique), ce qui implique la suppression de 42 emplois. Le comité social et économique central de Janssen-Cilag et le comité social et économique de l’établissement de Val de Reuil ont été consultés pour la première fois sur ce projet respectivement les 3 et 4 février 2020. Des négociations se sont déroulées de mars à juin 2020 entre la direction et les organisations syndicales représentatives en vue de tenter de parvenir à la conclusion d’un accord collectif majoritaire. Les négociations ayant toutefois échoué, le comité social et économique central et le comité social et économique de l’établissement de Val de Reuil ont été consultés pour la dernière fois respectivement les 2 et et 1er juillet 2020 et ont émis un avis défavorable. Par la décision attaquée du 30 juillet 2020, la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie (DIRECCTE) a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi de la société Janssen-Cilag.



N° 2003814 5

Sur les conclusions aux fins d’annulation de la décision du 30 juillet 2020 :

Sur le moyen tiré de l’incompétence territoriale de la DIRECCTE de Normandie :

2. Aux termes de l’article L 1233-57-8 du code du travail : « L’autorité administrative compétente pour prendre la décision d’homologation ou de validation mentionnée à l’article L 1233-57-1 est celle du lieu où l’entreprise ou l’établissement concerné par le projet de licenciement collectif est établi. Si le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence d’autorités différentes, l’autorité administrative compétente est désignée dans des conditions prévues par décret en Conseil d’Etat ». Aux termes de l’article R. 1233-3-4 : « L’autorité administrative mentionnée aux articles (…) L. 1233-56 à L. 1233-58 est le directeur régional des entreprises, de la concurrence de la consommation, du travail et de l’emploi dont relève l’établissement en cause. ». Enfin, il résulte de l’article R 1233-3-5 que, lorsque le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, le directeur compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise.

3. Il résulte des dispositions rappelées au point 2 que le directeur régional compétent pour se prononcer sur une demande de validation d’un accord collectif majoritaire ou d’homologation d’un document unilatéral de l’employeur est celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement disposant d’une autonomie de gestion suffisante et auxquels sont rattachés les emplois dont la suppression est envisagée. A défaut de pouvoir appliquer ces critères, le directeur régional compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l’entreprise.

4. En premier lieu, il est constant que l’ensemble des 42 emplois supprimés sont rattachés au site de Val de Reuil.

5. En second lieu, le site de Val de Reuil de la société Janssen-Cilag, qui comptait au 31 mai 2020 460 salariés contre 802 au siège à Issy les Moulineaux, comporte notamment, outre le centre de recherche, une usine de production de produits cosmétiques et de médicaments sans ordonnance. Le site dispose d’un directeur de site, de deux directeurs pour les activités du centre de recherche et, outre la production et la recherche, développe des fonctions supports nécessaires à la gestion de l’établissement en matière de finance, informatique, qualité et conformité, hygiène et sécurité, ressources humaines, ainsi qu’il résulte d’un organigramme versé aux débats par la société Janssen – Cilag et daté du 1er septembre 2020, soit postérieur à la mise en œuvre du projet de réorganisation des activités supports de la société. En outre, par accord du 12 juin 2019 signé entre la direction et les organisations syndicales représentatives de l’entreprise, a été réaffirmée l’existence de deux établissements au sein de la société Janssen – Cilag France, Issy les Moulineaux et Val de Reuil, ce qui a conduit à la constitution d’un comité social et économique à Issy les Moulineaux, d’un comité social et économique à Val de Reuil et d’un comité social et économique central. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le site de Val de Reuil doit être regardé comme disposant d’une autonomie de gestion suffisante et, par suite, comme un « établissement » pour l’application des principes rappelés au point 3.

6. Aux termes de l’article L 1233-36 du code du travail : « Dans les entreprises dotées d’un comité social et économique central, l’employeur consulte le comité central et le ou les comités sociaux et économiques d’établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir du ou des chefs d’établissement concernés ou portent sur plusieurs



N° 2003814 6

établissements simultanément. ». Il est constant qu’ont été consultés sur le projet de réorganisation et le projet de licenciement économique en litige tant le comité social et économique central que celui de Val de Reuil. Ce projet, qui consiste à arrêter la totalité de l’activité du centre de recherche de Val de Reuil mais aussi à la regrouper avec l’activité de recherche réalisée à Beerse, excède en effet le pouvoir du directeur du site de Val de Reuil. Toutefois, et eu égard aux éléments rappelés au point 5, le site de Val de Reuil ne peut être regardé, de ce seul fait, comme ne constituant pas un établissement pour l’application des principes rappelés au point 3.

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 qu’eu égard au rattachement des emplois supprimés et à l’autonomie de gestion du site de Val de Reuil, la DIRECCTE de Normandie était bien compétente pour prendre la décision d’homologation en litige.

Sur le moyen tiré de divers vices de procédure :

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

9. En premier lieu, il est fait grief à la DIRECCTE de Normandie de n’avoir pas communiqué aux comités sociaux et économiques et aux organisations syndicales représentatives dans l’entreprise les observations ou propositions qu’elle aurait faites à l’employeur en cours de procédure, en méconnaissance des dispositions de l’article L 1233-57-6 du code du travail. Toutefois, et dès lors qu’il n’est ni établi, ni même allégué que l’administration aurait effectivement formulé de telles observations ou propositions, l’absence de communication invoquée par les requérants n’est, en l’espèce, pas de nature à avoir privé les intéressés d’une garantie ou exercé une influence sur le sens de la décision d’homologation.

10. En deuxième lieu, il résulte du courrier adressé par la société Janssen Cilag à la DIRECCTE de Normandie le 17 février 2020 que la société a bien prévenu l’administration de ce qu’elle ouvrait des négociations, conformément aux dispositions de l’article L 1233-24-1 du code du travail. Il résulte du même courrier qu’elle l’a également informée qu’elle ouvrait une procédure d’information-consultation sur un projet de réorganisation de l’établissement de Val de Reuil et sur un projet de licenciement économique en découlant et de plan de sauvegarde de l’emploi, ce dont les comités sociaux et économiques étaient nécessairement déjà informés dès lors que la première réunion sur ces sujets avait eu lieu au comité social et économique et au comité social et économique de l’établissement de Val de Reuil respectivement les 3 et 4 février 2020.

11. En troisième lieu, s’il résulte de la décision attaquée que la société Janssen – Cilag a saisi la commission paritaire nationale de l’emploi des industries de santé, s’il n’est pas établi que le comité social et économique central et le comité social et économique de Val de Reuil aient été informés de cette démarche par l’employeur et qu’il est fait grief à la DIRECCTE de ne pas l’avoir vérifié, les requérants ne se prévalent d’aucun texte qui aurait imposé à la société Janssen- Cilag de leur communiquer ce type d’information.



N° 2003814 7

12. En quatrième lieu, aux termes de l’article R 1233-3-5 du code du travail : « Lorsque le projet de licenciement collectif porte sur des établissements relevant de la compétence de plusieurs directeurs régionaux des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, l’employeur informe le directeur régional du siège de l’entreprise de son intention d’ouvrir une négociation en application de l’article L. 1233-24-1. L’employeur notifie à ce directeur son projet de licenciement en application de l’article L. 1233-46. En application de l’article L. 1233-57-8, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise./ En cas d’unité économique et sociale, le directeur compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise principale. / En cas d’accord de groupe, le directeur compétent est celui dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise dominante. /

En cas d’entreprise internationale dont le siège est situé à l’étranger, le directeur compétent est celui dans le ressort duquel se situe la succursale dont le nombre d’emplois concernés est le plus élevé. / Le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi compétent informe l’employeur de sa compétence par tout moyen permettant de conférer une date certaine. /L’employeur en informe, sans délai et par tout moyen, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives ».

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que le projet de licenciement collectif porté par la société Janssen – Cilag ne relève pas de la compétence de plusieurs directeurs régionaux. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’une des autres hypothèses énumérées par l’article R. 1233-3-5 ait été remplie en l’espèce. Par suite, l’entreprise n’était pas tenue, en application des dispositions dudit article, d’informer de la compétence de la DIRECCTE de

Normandie le comité social et économique et les organisations syndicales représentatives. Par conséquent, il ne saurait, en tout état de cause, être fait grief à la DIRECCTE de ne pas avoir vérifié que l’employeur s’était acquitté de cette obligation d’information et de ne pas l’avoir enjoint de le faire.

14. En cinquième lieu, aux termes de l’article D 1233-14-1 du même code : « Le délai prévu à l’article L. 1233-57-4 court à compter de la réception par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi du dossier complet./ Le dossier est complet lorsqu’il comprend les informations permettant de vérifier le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi, les modalités d’information et de consultation du comité social et économique, la pondération et le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements, le calendrier des licenciements, le nombre de suppressions d’emploi et les catégories professionnelles concernées, et les modalités de mise en œuvre des mesures de formation, d’adaptation et de reclassement et, lorsqu’un accord est conclu en application de

l’article L. 1233-24-1, les informations relatives à la représentativité des organisations syndicales signataires. / Lorsque le dossier est complet, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi en informe, sans délai et par tout moyen permettant de donner date certaine, l’employeur, le comité social et économique ainsi que les organisations syndicales représentatives en cas d’accord collectif mentionné à l’article L.

1233-24-1. ».

15. Il résulte des pièces du dossier que, par courrier du 21 juillet 2020, la DIRECCTE de

Normandie a informé la société Janssen – Cilag du caractère complet de son dossier. Il n’est pas contesté que, en méconnaissance des dispositions de l’article R 1233-14-1 du code du travail, elle a toutefois omis de communiquer cette information au comité social et économique et ne l’a fait que par courrier du 28 juillet 2020, présenté comme annulant et remplaçant son courrier du 21 juillet 2020. Les requérants soutiennent que, du fait de ce vice de procédure, ils ne savaient pas si un document unilatéral avait été déposé pour homologation et auprès de quelle



N° 2003814 8

DIRECCTE et qu’ils ont donc été privés de la possibilité d’adresser des demandes d’injonction et de voir leurs observations visées et prises en compte.

16. Toutefois, il n’est ni établi, ni même allégué que les requérants aient eu l’intention de formuler des demandes d’injonction en application de l’article L 1233-57-5 du code du travail, et qu’ils y aient renoncé du fait qu’ils ignoraient si une DIRECCTE avait été saisie d’une demande d’homologation et laquelle. Il ressort d’ailleurs des écritures en défense de la DIRECCTE de Normandie, non contestées sur ce point, qu’aucun contact n’a jamais été pris par les requérants, avant transmission du document soumis à homologation, avec ses services ou avec ceux de la

DIRECCTE d’Ile de France dont les requérants soutiennent qu’elle avait toujours été saisie par le passé des projets de licenciement économique de la société Janssen – Cilag. Ainsi, l’erreur de procédure de la DIRECCTE de Normandie ne saurait être regardée comme ayant, dans les circonstances de l’espèce, effectivement privé les requérants de la possibilité d’adresser des demandes d’injonction à l’administration.

17. Toutefois, il résulte aussi des pièces du dossier que, dès le 16 juillet 2020, soit avant même la date à laquelle, au plus tôt, le comité social et économique aurait dû recevoir copie du courrier dit « de complétude » du 21 juillet 2020, le conseil des requérants a adressé à la DIRECCTE de Normandie un courrier dans lequel il l’informait qu’il allait faire parvenir des observations au plus tard le 21 juillet 2020 et lui demandait, dans la mesure du possible, de ne pas rendre une décision avant réception de ces observations. Il en ressort aussi que ledit courrier

a effectivement été adressé le 21 juillet 2020 à la DIRECCTE de Normandie, ainsi d’ailleurs qu’à celle d’Ile de France. Ainsi, l’erreur de procédure de la DIRECCTE ne saurait être regardée comme ayant, dans les circonstances de l’espèce, effectivement privé les requérants de la possibilité d’adresser des observations à l’administration.

18. Les requérants soutiennent aussi que les observations qu’ils ont adressées le 21 juillet 2020 n’ont pas été visées et prises en compte. D’une part, l’absence éventuelle de prise en compte desdites observations par l’administration serait sans lien avec le vice de procédure relevé au point 15 dès lors que, alors même qu’ils n’avaient pas été destinataires du premier courrier dit « de complétude », les requérants ont pu tout de même formuler leurs observations le jour même où, au mieux, ils auraient dû recevoir ce courrier. D’autre part, il ne résulte, en tout état de cause, pas de la décision attaquée, qui n’avait pas à viser les observations reçues le 21 juillet 2020, qu’elles n’auraient pas été prises en compte dès lors que cette décision se prononce sur la régularité de la procédure d’information-consultation, le caractère complet des informations transmises au comité social et économique, la suffisance des mesures d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi, les catégories professionnelles concernées par le projet, soit sur les points figurant dans le courrier du

21 juillet 2020. Ainsi, l’erreur de procédure commise par la DIRECCTE de Normandie n’a pas, en tout état de cause, été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise.

19. Enfin, l’information sur le caractère complet du dossier constitue le point de départ du délai dans lequel doit être prononcée la décision d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi. Ainsi, en cas de décision implicite, cette information permet au comité social et économique de connaître la date à laquelle est née cette décision et par suite la date limite de recours contre celle-ci. Toutefois, en l’espèce, la décision d’homologation a été prise de façon expresse le 30 juillet 2020 et le comité social et économique ainsi que celui de l’établissement de

Val de Reuil ont pu introduire la présente requête dans le délai du recours contentieux. Pour ce motif également, la méconnaissance de l’article D. 1233-14-1 n’a pu priver les comités sociaux et économiques concernés de garanties.



N° 2003814 9

Sur le moyen tiré de la déloyauté de l’employeur :

20. Les requérants soutiennent que la société a commis un abus de son droit d’établir unilatéralement un plan de sauvegarde de l’emploi en tentant de forcer les organisations syndicales à conclure un accord collectif, que les principes de loyauté et de proportionnalité interdisent de prévoir dans un document unilatéral des mesures moins favorables que celles qui auraient été obtenues en cas d’accord collectif, et que la société a également commis une fraude à la loi qui lui impose de prévoir des mesures d’accompagnement suffisantes au regard des moyens de son groupe d’appartenance. Elle en déduit que, dès lors que la DIRECCTE n’a opéré aucun contrôle sur ces points, la décision en litige est illégale.

21. En premier lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 1233-24-1 du code du travail :

« Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité social et économique et de mise en œuvre des licenciements. Cet accord est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives …. L’administration est informée sans délai de l’ouverture d’une négociation en vue de l’accord précité. », et aux termes de l’article L. 1233-57-2 du même code : « L’autorité administrative valide l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 dès lors qu’elle s’est assurée de : / 1° Sa conformité aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-3 ; / 2° La régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique ; / 3° La présence dans le plan de sauvegarde de l’emploi des mesures prévues aux articles L. 1233-61 et L. 1233- 63 ; / 4° La mise en œuvre effective, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233- 57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 ».

22. D’autre part, aux termes de l’article L. 1233-24-4 du même code : « A défaut d’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1, un document élaboré par l’employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. », et aux termes de l’article L. 1233-57-3 du même code : « En l’absence d’accord collectif ou en cas d’accord ne portant pas sur l’ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L.

1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d’accompagnement prévues au regard de l’importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d’adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / Elle s’assure que l’employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l’article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l’article L. 1233-71 ».

23. Il résulte des dispositions du code du travail citées au point 21, notamment du 1° de l’article L. 1233-57-2, que des vices affectant, le cas échéant, les conditions de négociation d’un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 1233-24-1 ne sont susceptibles d’entraîner l’illégalité de l’acte validant cet accord que s’ils sont de nature à entacher ce dernier de nullité. En revanche, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document unilatéral établi par l’employeur sur le fondement des dispositions citées au point 22, lesquelles



N° 2003814 10

ne mentionnent pas, au nombre des points devant être vérifiés par l’administration, les conditions dans lesquelles s’est tenue la tentative de négociation préalable entre l’employeur et les organisations syndicales représentatives, l’administration n’a pas à se prononcer sur la régularité de cette négociation préalable, malgré son échec à aboutir à un accord collectif conclu sur le fondement de l’article L. 1233-24-1. Par suite, le moyen tiré de ce que cette négociation préalable n’a pas été loyale dès lors que la société Janssen – Cilag aurait tenté de contraindre les organisations syndicales représentatives à signer un accord, notamment en construisant un projet de document unilatéral contenant des mesures moins favorables que celles qu’elle était prête à accepter en cas d’accord, est inopérant et ne peut, dès lors, qu’être écarté.

24. En deuxième lieu, il ne résulte d’aucun texte, en particulier pas des dispositions de l’article L. 1233-24-4, ni d’aucun principe, que le document élaboré unilatéralement par l’employeur à la suite de l’échec des négociations ne pourrait pas contenir, s’agissant du plan de sauvegarde de l’emploi, des mesures moins favorables aux salariés que celles que cet employeur s’était dit prêt à accepter en cas de conclusion d’un accord collectif.

25. En troisième lieu, comme il sera dit aux points 26 à 28 du présent jugement, le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi élaboré par la société Janssen – Cilag est suffisant au regard des principes fixés par les textes et la jurisprudence. Dès lors, l’employeur ne saurait avoir commis « une fraude à la loi » que la DIRECCTE de Normandie aurait dû sanctionner en refusant l’homologation sollicitée.

Sur le moyen tiré de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi :

26. Lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ce document et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s’assurant notamment du caractère suffisant du plan de sauvegarde de l’emploi. A ce titre elle doit, au regard de l’importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d’une part, des efforts de formation et d’adaptation déjà réalisés par l’employeur et, d’autre part, des moyens dont disposent l’entreprise et, le cas échéant, le groupe. Il revient notamment à l’autorité administrative de s’assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L’employeur doit, à cette fin, avoir identifié, dans le plan, l’ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l’entreprise. En outre, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur, seul débiteur de l’obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l’ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l’employeur doit avoir indiqué, dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

27. Le document unilatéral homologué par l’administration comporte, en annexe III, une liste de postes de reclassement en France indiquant leur nature et leur localisation et, en annexe IV, le nombre et la nature des postes disponibles à Beerse. Il décrit le processus de reclassement interne et à l’étranger. Sont prévus, en cas de reclassement interne en France, une aide au « voyage professionnel de reconnaissance », la mise en place d’une période d’adaptation avec maintien du contrat de travail avec l’entreprise d’origine et détachement dans l’unité



N° 2003814 11

d’accueil, une formation d’adaptation à la charge de l’employeur, des aides à la mobilité géographique incluant des aides au relogement, au déménagement, à l’installation, la prise en charge temporaire de frais de double résidence, des aides au reclassement du conjoint, une compensation financière, en cas de reclassement à un salaire inférieur, de 100 % pendant 12 mois dans la limite de 1500 euros bruts par mois. En cas de reclassement à l’étranger, il est prévu soit le bénéfice des dispositions précédentes, soit le bénéfice du dispositif permanent « global mobility » s’il est plus favorable. Des mesures particulières sont prévues en cas de reclassement à Beerse. Si des salariés doivent être licenciés, ils bénéficient d’un congé de reclassement leur permettant de se consacrer totalement à la recherche d’un emploi en percevant une rémunération, la durée du congé et de ses prolongations éventuelles étant de 18 mois pour les salariés de moins de 50 ans et de 24 mois pour ceux de 50 ans et plus, la rémunération maintenue, hors primes exceptionnelles, étant de 100 % du salaire de référence pendant 12 mois et de 85 % au-delà. Il est prévu que ces salariés bénéficient également des prestations d’un cabinet de reclassement afin, notamment, de les aider à analyser leur situation, leur besoin éventuel de formation, de les préparer à leurs entretiens d’embauche. Les salariés ayant retrouvé un emploi au cours du congé de reclassement pourront bénéficier d’aides au relogement, au déménagement, de la prise en charge temporaire de frais de double résidence, d’une prime d’installation, d’une aide au reclassement du conjoint, d’une compensation du différentiel de salaire. Outre l’intervention du cabinet de reclassement, des aides sont également prévues pour créer ou reprendre une entreprise, ainsi que des aides à la formation. Il est également prévu que les salariés perçoivent, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité complémentaire à l’indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu’une indemnité additionnelle forfaitaire dont le montant varie selon l’âge et l’ancienneté. Le coût total du plan de sauvegarde de l’emploi a été évalué entre 7,1 et 11,5 M d’euros, soit de 169 047 à 273 809 euros par salarié.

28. Prises dans leur ensemble, ces mesures précises et concrètes sont de nature à faciliter le reclassement du personnel et à limiter ainsi le nombre des licenciements. La circonstance que certaines mesures seraient moins favorables que celles contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi annexé à l’accord collectifs du 2 juin 2017 portant sur la suppression de 29 emplois « supports » dans les deux établissements de la société ne remet pas en cause l’analyse qui précède, s’agissant de deux projets de licenciement différents. La circonstance que le plan de sauvegarde de l’emploi figurant au sein du document unilatéral homologué par l’administration ne reprenne pas la mesure de maintien partiel du salaire des salariés éligibles à un départ en retraite à l’horizon de 5 ans acceptée par l’employeur à l’issue des négociations, que la prime à la création d’entreprise soit ramenée de 5000 à 4000 euros et que la prime de déménagement à Beerse soit ramenée de 14 000 à 7 000 euros n’a pas non plus cet effet eu égard au nombre limitée de ces mesures et, en outre, à la circonstance, s’agissant de la première d’entre-elle, que la majorité des salariés concernés a moins de 50 ans. De même, s’il n’est pas contesté que le groupe Johnson & Johnson dispose de moyens financiers très importants, que le coût du plan de sauvegarde de l’emploi représente moins de 0,1% du chiffre d’affaires du groupe et qu’il sera amorti au bout d’une année, ces données ne permettent pas d’établir l’insuffisance des mesures du plan, lesquelles n’ont pas à être directement proportionnées aux moyens du groupe. Ainsi, le DIRECCTE de Normandie a pu légalement homologuer sur ce point le document unilatéral présenté par la société Janssen Cilag.

Sur le moyen tiré de la définition irrégulière des catégories professionnelles :

29. Il appartient à l’administration, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document qui fixe les catégories professionnelles, de s’assurer, au vu de l’ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec les représentants du personnel au



N° 2003814 12

cours de la procédure d’information et de consultation ainsi que des justifications qu’il appartient à l’employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l’expérience professionnelle qui excèdent l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur,

l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l’administration refuse l’homologation demandée s’il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l’employeur en se fondant sur des considérations, telles que l’organisation de l’entreprise ou l’ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l’expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s’il apparaît qu’une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.

30. Il résulte du document unilatéral homologué par la décision en litige que sont concernées par les licenciements envisagés les catégories professionnelles analyste IT (6 postes dont 1 à supprimer), assistant (3 postes dont 2 à supprimer), directeur scientifique (2 postes tous supprimés), scientifique (37 postes, tous supprimés). Si ces catégories professionnelles sont, tout comme l’ensemble des catégories professionnelles présentes dans l’établissement de Val de Reuil, subdivisées en postes, il résulte de l’ensemble des pièces du dossier que les licenciements éventuels seront opérés sur la base des catégories professionnelles et non des postes. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’il existerait deux catégories de secrétaire intitulées « executive secretary » et « executive assistant » alors que les salariées concernées exerceraient des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune et qu’il existerait aussi cinq catégories d’analyste IT.

31. Il résulte de la « note explicative relative aux catégories professionnelles retenues dans le cadre du projet d’adaptation de l’activité du site de Val de Reuil » que la catégorie « analyste IT » rassemble « les métiers dont l’objectif consiste à analyser les besoins de l’entreprise et la fourniture de conseils dans le domaine informatique/technologique pour les différentes activités du site. Le poste d’analyste IM en recherche et développement entre dans cette catégorie de la même façon que les autres postes relevant des autres secteurs d’activité du site (production, qualité, etc…). Il s’agit en effet de salariés qui occupent des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Un poste de cette catégorie professionnelle est supprimé sur six. Une application des critères d’ordre sera donc nécessaire dans cette catégorie », que la catégorie assistant « rassemble les métiers d’assistanat sur le site. Les deux postes de « executive secretary » et « secretary » du département de recherche et développement sont intégrés dans la même catégorie que le poste « executive assistant » appartenant au département de l’usine de production. Il s’agit de salariées qui occupent des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Deux postes de cette catégorie professionnelle sont supprimées sur trois. Une application des critères d’ordre sera donc nécessaire dans cette catégorie. », que la catégorie « directeur scientifique » rassemble

« les postes de direction du département recherche et développement dont les principales missions consistent à développer des stratégies par aire thérapeutique pour influencer les parties prenantes internes ou externes afin d’identifier, poursuivre ou superviser des opportunités de collaboration sur des projets innovants stratégiques et scientifiques dans les domaines de la recherche pharmaceutique » et que la catégorie « scientifiques » rassemble « les postes opérationnels dans le domaine de la recherche pharmaceutique avec des connaissances scientifiques nécessaires pour supporter les projets scientifiques dans les différentes aires thérapeutiques. Les postes de cette catégorie sont en charge d’assurer le support opérationnel de ces projets ». La note indique aussi, s’agissant des directeurs scientifiques et des scientifiques,



N° 2003814 13

que tous les postes de la catégorie professionnelle sont supprimés et que donc aucune application des critères d’ordre ne sera nécessaire.

32. Il résulte de ce qui précède que les quatre catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement ont bien été construites au regard de l’exercice de fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Il en résulte aussi que, s’agissant de la catégorie professionnelle « analyste IT » et de la catégorie professionnelle « assistant », le choix des salariés de ces catégories appelés à être éventuellement licenciés se fera, sur le site de Val de Reuil, en fonction des critères d’ordre des licenciements, de sorte que le moyen tiré de ce que ces catégories auraient été définies afin de permettre le licenciement des salariés du seul centre de recherche ne peut qu’être écarté. Si, en revanche, il est constant que les directeurs scientifiques et scientifiques appelés à être éventuellement licenciés appartiennent tous au centre de recherche, cet état de fait s’explique par la circonstance, non contestée et qui ressort des pièces du dossier, que le site de val de Reuil comporte un seul centre de recherche dont la totalité des activités sont précisément supprimées.

33. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation de la décision du 30 juillet 2020 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie a homologué le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi de la société Janssen- Cilag France doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

34. Aux termes de l’article L 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

35. Il résulte de ce qui précède que les conclusions du comité social et économique central de la société Janssen – Cilag, du comité social et économique de l’établissement de Val de Reuil, de la fédération chimie énergie CFDT, de la Fédération CFE CGC chimie, du syndicat national CFTC des salariés des industries pharmaceutiques, du syndicat national UNSA chimie pharmacie, parties perdantes dans la présente instance, aux fins qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat, partie gagnante, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent être que rejetées.

36. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société Janssen-Cilag présentées sur le fondement de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête du comité social et économique central de la société Janssen – Cilag, du comité social et économique de l’établissement de Val de Reuil, de la fédération chimie énergie CFDT, de la Fédération CFE CGC chimie, du syndicat national CFTC des salariés des industries pharmaceutiques, du syndicat national UNSA chimie pharmacie est rejetée.



N° 2003814 14

Article 2 : Les conclusions de la société Janssen – Cilag présentées sur le fondement de l’article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au comité social et économique central de la société Janssen – Cilag, au comité social et économique de l’établissement de Val de Reuil, à la fédération chimie énergie CFDT, à la Fédération CFE CGC chimie, au syndicat national CFTC des salariés des industries pharmaceutiques, au syndicat national UNSA chimie pharmacie, au ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion et à la société Janssen – Cilag.

Copie en sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi de Normandie.

Délibéré après l’audience du 17 décembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme Anne X, présidente, M. Colin Bouvet, premier conseiller, M. Philippe Dujardin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 décembre 2020.

Le président- rapporteur,

Signé

A. X

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Rouen, 24 décembre 2020, n° 2003814