Tribunal administratif de Versailles, 24 août 2023, n° 2306560

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Versailles, 24 août 2023, n° 2306560
Juridiction : Tribunal administratif de Versailles
Numéro : 2306560
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 28 août 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 8 août 2023, Mme A B, représentée par

Me Clerc, demande au juge des référés :

1°) de suspendre, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, l’exécution de la décision de la cheffe d’établissement de l’université de Paris-Saclay du

23 juin 2023 portant rejet de sa candidature en première année de master Biologie-Santé -Plateforme Génétiqu, Biologie Moléculaire ;

2°) d’enjoindre à l’université de Paris-Saclay de l’intégrer dans ce Master I, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l’université de Paris-Saclay la somme 2 300 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur l’urgence :

— elle est caractérisée dès lors que la décision litigieuse fait obstacle à l’achèvement de sa formation au sein du magistère, dont le master I Biologie-Santé – Palteforme Génétique, Biologie Moléculaire constitue la deuxième année, alors que la rentrée est imminente, que les prochaines procédures de sélection en master ne s’ouvriront qu’en mai 2024, et qu’elle ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour faire face à une année de suspension de ses études, que son diplôme de licence ne lui permet pas d’intégrer le marché de l’emploi et qu’elle ne peut pas prétendre au versement du revenu de solidarité active ;

Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :

— elle est entachée d’une insuffisance de motivation, l’unique motif de refus de candidature indiqué « prérequis non conformes » étant insuffisamment précis et la faculté qu’elle a exercé de demander communication des motifs de refus détaillés n’étant pas de nature à pallier cette insuffisance de motivation ;

— elle est entachée d’un détournement de procédure au regard du principe de légalité des délits et des peines garantis par l’article 8 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dès lors qu’il s’agit d’une sanction déguisée fondée sur son comportement et non sur des considérations pédagogiques et sur ses résultats scolaires ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que ses résultats scolaires auraient dû lui permettre d’intégrer de plein droit sa deuxième année de magistère ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales au regard de ses conséquences inhumaines et dégradantes sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée à l’université de Paris-Saclay qui n’a pas produit d’observation.

Vu :

— la requête enregistrée au fond n° 2306560 enregistrée le 8 août 2023 ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— le préambule de la Constitution ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’éducation ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme Bartnicki, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique du 24 août 2023 :

— le rapport de Mme Bartnicki ;

— les observations de Me Forand, substituant Me Clerc, représentant Mme B, non présente, qui conclut aux mêmes fins que les écritures, par les mêmes moyens ;

— l’Université Paris-Saclay n’étant ni présente ni représentée.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience à 10h36.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A B, étudiante à l’université Paris-Saclay en 3ème année de licence, qui fait partie du magistère « Biologie », un cursus se déroulant sur trois années et couvrant la 3ème année de licence, ainsi que la 1ère et 2nd année de master, a présenté sa candidature pour intégrer, au titre de l’année universitaire 2023/2024, la 1ère année de master qui correspond à la 2ème année de ce magistère. Par décision du 23 juin 2023, le président de l’université a rejeté sa candidature. Mme B a saisi le tribunal d’un recours en annulation contre cette décision et, dans l’attente du jugement au fond, demande au juge des référés d’en suspendre l’exécution.

Sur les conclusions à fin de suspension :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ». Et aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique. () ». Enfin, aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 de ce code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire ».

En ce qui concerne l’urgence :

3. Il résulte des dispositions précitées que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire, et notamment des objectifs d’intérêt public poursuivis par la décision critiquée.

4. La décision en litige du 23 juin 2023 portant rejet de la demande d’inscription de

Mme B en 1ère année du master mention « Biologie-Santé » parcours « Plateforme Génétique, Biologie Moléculaire et Cellulaire » au titre de l’année universitaire 2023/2024 a pour conséquence de faire obstacle à la poursuite de ses études dans une formation qui correspond au parcours universitaire dans lequel l’intéressée était déjà engagée depuis trois ans ainsi que la possibilité d’effectuer à partir du premier semestre 2023 une mobilité d’études au sein de

l'« Universitat de València » pour laquelle sa candidature avait été retenue, sous réserve de la complétude de son dossier. Dans ces conditions, et eu égard à la proximité de la rentrée universitaire en septembre 2023, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie.

En ce qui concerne la légalité de la décision :

5. En premier lieu, les décisions par lesquelles le président d’une université refuse l’admission d’un étudiant en première ou en deuxième année de master n’entrent dans aucune des catégories de décisions devant être motivées en vertu de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. De telles décisions, en particulier, ne constituent ni des décisions restreignant l’exercice des libertés publiques au sens du 1° de cet article, ni des décisions subordonnant l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives au sens du 3° de cet article, ni des décisions refusant une autorisation au sens du 7° de cet article.

6. Toutefois, les motifs de ces décisions doivent être communiqués aux candidats qui le demandent dans le mois qui suit la notification de ce refus, en application des dispositions spécifiques prévues par l’article D. 612-36-2 du code de l’éducation, lequel doit être interprété comme s’appliquant aux refus d’admission tant en première qu’en deuxième année du deuxième cycle conduisant au diplôme national de master.

7. En l’espèce, alors que la décision litigieux porte pour seul motif de refus d’admission dans le master en cause « Prérequis non conformes » et qu’il n’est pas justifié qu’il ait été répondu à sa demande de communication des motifs datée du 25 juillet 2023, sans qu’il puisse être opposé la tardiveté de cette demande en l’absence de précision quant à la date de notification de la décision attaquée, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation au regard de l’article D. 612-36-2 du code de l’éducation doit être regardé comme de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci.

8. En second lieu, d’une part, aux termes de l’article L. 612-6 du code de l’éducation : « Les formations du deuxième cycle sont ouvertes aux titulaires des diplômes sanctionnant les études du premier cycle ainsi qu’à ceux qui peuvent bénéficier du livre IV de la sixième partie du code du travail ou des dérogations prévues par les textes réglementaires. Les établissements peuvent fixer des capacités d’accueil pour l’accès à la première année du deuxième cycle. L’admission est alors subordonnée au succès à un concours ou à l’examen du dossier du candidat. () ». D’autre part, l’article R. 811-11 du même code dispose que : " Relève du régime disciplinaire prévu aux articles R. 811-10 à R. 811-42 tout usager de l’université lorsqu’il est auteur ou complice, notamment : 1° D’une fraude ou d’une tentative de fraude commise notamment à l’occasion d’une inscription, d’une épreuve de contrôle continu, d’un examen ou d’un concours ; 2° De tout fait de nature à porter atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université. () « . Enfin l’article R. 811-36, du même code précise que : » I.- Les sanctions disciplinaires applicables aux usagers des établissements publics d’enseignement supérieur sont, sous réserve des dispositions de l’article R. 811-37 : 1° L’avertissement ; 2° Le blâme ; 3° La mesure de responsabilisation définie au II ; 4° L’exclusion de l’établissement pour une durée maximum de cinq ans. Cette sanction peut être prononcée avec sursis si l’exclusion n’excède pas deux ans ; 5° L’exclusion définitive de l’établissement ; 6° L’exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée maximum de cinq ans ; 7° L’exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur () ".

9. Il n’appartient pas, par ailleurs, au juge administratif de contrôler l’appréciation portée par le président d’une université sur la candidature d’un étudiant. En revanche, il lui appartient de vérifier que cette appréciation ne s’est pas fondée sur des considérations étrangères à ses mérites.

10. En l’espèce, pour refuser la candidature de Mme B dans le master I de biologie la décision attaquée se borne à indiquer que l’intéressée ne possède pas les prérequis nécessaires à son admission. Toutefois, Mme B justifie de l’enclenchement à son encontre d’une procédure disciplinaire avec convocation en conseil de discipline le 31 mai 2023, soit antérieurement à la décision attaquée, et produit un procès-verbal d’atteinte à l’ordre, au bon fonctionnement ou à la réputation de l’université dressé à son encontre ainsi que de trois autres de ses camarades le 21 mai 2023 par la responsable du magistère en cause. Dans ces conditions, et alors que, d’une part, l’université n’apporte aucune précision en défense sur les suites données à cette procédure disciplinaire ni quant à la nature de prérequis non satisfaits par Mme B et qui se distingueraient du comportement objet de cette procédure disciplinaire et que, d’autre part, Mme B justifie avoir par ailleurs validé l’ensemble de ses modules durant ses trois premières années universitaires, le moyen tiré de ce que la décision constituerait en réalité une sanction disciplinaire déguisée et procéderait ainsi d’un détournement de procédure est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux sur sa légalité.

11. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de prononcer la suspension de l’exécution de la décision du 23 juin 2023 par laquelle l’université de Paris-Saclay du 23 juin 2023 a rejeté la candidature de Mme B en première année de master Biologie-Santé – Palteforme Génétique, Biologie Moléculaire, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur sa légalité.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

12. La présente ordonnance implique nécessairement que la présidente de l’université de Paris-Saclay intègre, à titre provisoire, Mme B en 1ère année de master mention « biologie – santé » parcours « Plateforme Génétique, Biologie Moléculaire et Cellulaire » au titre de l’année universitaire 2023/2024 dans l’attente du jugement au fond. Il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre à la présidente de l’université de Paris-Saclay d’y procéder dans le délai de cinq jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’université de Paris-Saclay une somme de 1 000 euros, au titre des frais exposés par Mme B et non compris dans les dépens.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision de la cheffe d’établissement de l’université de Paris-Saclay du 23 juin 2023 est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint à l’université de Paris-Saclay, à titre provisoire dans l’attente du jugement au fond, d’admettre Mme B en première année de master mention « biologie – santé » parcours « Plateforme Génétique, Biologie Moléculaire et Cellulaire » au titre de l’année universitaire 2023/2024, dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L’université de Paris-Saclay versera à Mme B une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A B, à Me Clerc et à l’université de Paris-Saclay.

Fait à Versailles, le 24 août 2023.

La juge des référés,Le greffier,

Signé Signé

A. Bartnicki C. Rossini

La République mande et ordonne au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Tribunal administratif de Versailles, 24 août 2023, n° 2306560