Tribunal de commerce de Nanterre, 26 février 2020, n° 2018F00466

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Jérôme Lasserre Capdeville · Lexbase · 11 mars 2020
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Sur la décision

Référence :
T. com. Nanterre, 26 févr. 2020, n° 2018F00466
Juridiction : Tribunal de commerce de Nanterre
Numéro(s) : 2018F00466

Texte intégral

Tribunal de commerce, 6ème Chambre, Nanterre, Jugement du 26 février 2020, Affaire n° 2018F00466 TEXTE

TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE

JUGEMENT

PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE LE 26 FEVRIER 2020

6ème CHAMBRE

DEMANDEUR

SDE X LTD […] comparant par Me B C […] et par […] et B D […]

DEFENDEUR

SAS Y […] comparant par SA CABINET SEVELLEC DAUCHEL […] et par Cabinet MVM AVOCAT SELARL -

Me E F-[…]

LE TRIBUNAL AYANT LE 15 Janvier 2019 ORDONNE LA CLOTURE DES DEBATS POUR LE JUGEMENT ETRE PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE LE 26 FEVRIER 2020 APRES EN AVOIR DELIBERE.

Les faits

La SDE X LTD est une société de droit anglais créée en 2014, spécialisée dans le conseil en matière financière et plus particulièrement dans le domaine des crypto-monnaies, dont le Bitcoin (ci-après « BTC »).

La SAS Y est une société française qui exerce une activité de plateforme d’échanges de BTC.

Le 22 mai 2014, X ouvre sur le site internet « Y.com » un compte portant le noBC-U88530300 dont le fonctionnement est régi par les Conditions générales d’utilisation de Y (CGU).

Y consent alors trois contrats de prêt de BTC à X :

- le 1er septembre 2014, un prêt de 50 BTC, qui fait l’objet de deux extensions de 100 BTC puis de 150 BTC, portant le total prêté à 300 BTC. – le 11 janvier 2016, un prêt de 300 BTC prenant effet au 19 du même mois,

- le 23 juin 2016, un prêt de 400 BTC prenant effet au 1er juillet 2016,

Les sommes prêtées, soit 1 000 BTC au total, portent intérêts au taux de 5 % l’an, payables en BTC.



Le 13 juin 2016, Y accorde à X un prêt sans intérêt de 200 000 € à l’effet de financer des prestations de tenue de marché en BTC sur la plateforme Y que X s’engageait à fournir moyennant une rémunération de 5 500 € par mois,

Le 18 novembre 2016, ce prêt est partiellement remboursé à hauteur de 100 000 €.

Le 28 avril 2017, Y émet une proposition commerciale, acceptée par X le 16 mai 2017, pour des prestations de développement d’un portefeuille BTC sur la plateforme « blockberry.com » pour la somme de 17 875 €, réglée depuis.

Les prestations de Y font l’objet de factures complémentaires dont une du 5 septembre 2017 d’un montant de 10 237,50 € qui n’est pas réglée par X.

Le 1er août 2017, le BTC fait l’objet d’une scission (« hard fork ») donnant ainsi naissance à une nouvelle crypto-monnaie, le « Bitcoin Cash » (ci-après « BCC ») circulant parallèlement et de manière indépendante au BTC.

Y allègue que X aurait reçu des BCC au titre des BTC qu’elle détenait sur son compte ouvert sur la plateforme KRAKEN au jour du «fork » et que les prêts accordés lui aurait permis d’alimenter.

De son côté, X soutient que l’attribution par les plateformes de nouvelles cryptomonnaies issues de «forks » n’a rien d’automatique mais résulte du choix discrétionnaire de la plateforme concernée qui est libre de les attribuer, ou non, à ses clients en fonction de son aptitude à traiter la nouvelle crypto-monnaie.

Les 24 et 25 octobre 2017, X rembourse la totalité des BTC prêtés, en deux transferts de 1 puis 499 BTC le 24 octobre 2017 et un transfert de 500 BTC le 25 du même mois, soit 1 000 BTC au global.

Par courriel du 26 octobre 2017, Y confirme le remboursement de l’intégralité du principal des prêts en BTC mais souligne que X reste lui devoir la somme de 52,3561644 BTC au titre des intérêts arrêtés au 19 octobre 2017.

Le 6 novembre 2017 puis le 8 novembre 2017, X demande à retirer 53 BTC de son compte Y.

Ces demandes sont rejetées par Y.

Par courriel du 9 novembre 2017, Y informe X que cette dernière reste lui devoir :

- 44,95890413 BTC d’intérêts,

- « le retour » des […], issus du « hard fork » du 1er août 2017, et correspondant aux prêts de 1 000 BTC,

- un solde de 100 000 € sur le prêt accordé en euros,

- une facture de 10 237,50 € relative au projet « blockberry.com ».

Par courriel du 12 décembre 2017, Y met en demeure X de régler les sommes susvisées et lui indique que son compte BC-U88530300 « est gelé jusqu’à nouvel ordre ».

Par courriel du 13 décembre 2017, Y informe X de la clôture de son compte.



Par courrier RAR du 22 décembre 2017, X met en demeure Y de lui restituer les 53 BTC qui, selon elle, lui appartiennent.

Par courrier RAR du 6 février 2018, Y réitère sa précédente mise en demeure, ajustant sa demande au titre des intérêts restant dus à 42.49 BTC.

La procédure

C’est dans ces circonstances que par acte d’huissier de justice du 27 février 2018 remis en étude, X L Y devant ce tribunal lui demandant de : Vu les articles 1134, 1149 (dans leurs versions applicables à l’époque des faits), 1937 et 1944 du code civil,

- dire que la résiliation du compte de X par Y est fautive,

- dire que Y a manqué à ses obligations contractuelles en refusant de restituer les 53,35565481 BTC inscrits sur le compte de X,

- dire que X a subi un préjudice de 425 511 € résultant du défaut de restitution des 53,35565481 BTC,

En conséquence,

- condamner Y à restituer à X les 53,35565481 BTC figurant au solde de son compte, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

- condamner Y à indemniser X à hauteur du dommage subi, soit 425 511 €, à parfaire,

En tout état de cause,

- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur l’ensemble des demandes de X,

- condamner Y à payer à X la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Par jugement du 27 mars 2019, statuant avant dire droit sur la demande en communication de pièces le tribunal :

- constate que X est titulaire d’un compte en BTC sur la plateforme KRAKEN,

- rejette la demande de communication de pièce de Y,

- renvoie les parties, pour conclure sur le fond de l’affaire et dépôt des conclusions, à l’audience de mise en état de la 6eme chambre du 14 mai 2019,

- dit ni y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamne Y à supporter les dépens de l’incident.

Par dernières conclusions en réponse no3 déposées à l’audience du 8 octobre 2019, Y demande à ce tribunal de :

Vu les articles 1134 (ancien), 1147 et suivants (anciens), 1303 et suivants, 1875 et suivants, 1892 et suivants du code civil,

Vu les articles 1915 et suivants du code civil relatifs au dépôt,



Vu l’article 1948 du code civil,

Vu les Conditions générales d’utilisation de Y,

Vu les contrats de prêt de BTC des 1er septembre 2014, 11 et 23 janvier 2016 conclus entre PA YMIUM et X,

Vu le contrat de prêt du 13 juin 2016 conclu entre Y et X,

Vu le contrat de développement de la plateforme « blockberry » du 28 avril 2017 conclu entre PA YMIUM et X,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

A titre principal, sur les demandes de X.

- constater que X a exécuté de mauvaise foi le contrat la liant à Y, en conséquence, dire que :

- Y n’a commis aucune faute lors de la résiliation du compte de X,

- Y n’est pas dépositaire des sommes de X et qu’en conséquence Y n’a commis aucune faute en refusant de restituer les BTC sur le compte de X jusqu’au complet paiement des sommes dont X était débitrice,

- en tout état de cause Y était fondée à faire usage de son droit de rétention,

- Y n’a causé aucun préjudice à X, En conséquence,

- débouter X de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de Y, A titre reconventionnel, sur les demandes de Y, Constater que :

- X a manqué à ses obligations de remboursement des intérêts des prêts de BTC en date du 1er septembre 2014, 11 janvier 2016 et 23 janvier 2016,

- X a manqué à son obligation de remboursement du prêt du 13 juin 2016,

- X a manqué à son obligation de paiement de la facture no2017-911 du 5 septembre 2017,

- X est débitrice de Y de la somme de 42,48844426 BTC correspondant aux intérêts dus au titre des contrats de prêt à la date du 25 octobre 2017,

Dire que :

- X est débitrice de Y de […],

- X est débitrice de Y de 100 000 € au titre du contrat de prêt du 13 juin 2016,

- X est débitrice de Y de la somme de 10 237,50 € au titre de la facture du 5 septembre 2017,

- Y a subi un préjudice résultant du défaut de restitution de […],

- Y a subi un préjudice résultant du comportement de X à rencontre de Y,

Y a subi un préjudice résultant de la non-restitution des intérêts de BTC et de […] ainsi que du temps passé à résoudre ce litige,



En conséquence, de :

- condamner X au versement de la somme de 42,48844426 BTC correspondant aux intérêts dus au titre des contrats de prêts de BTC à la date du 25 octobre 2017 majorée des intérêts de retard à compter de la lettre de mise en demeure du 12 décembre 2017 et ce, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

- condamner X à restituer à Y les […] résultant du «fork » et ce, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

- condamner X au versement de la somme de 100 000 € au titre du contrat de prêt du 13 juin 2016 majorée des intérêts de retard à compter de la lettre de mise en demeure du 12 décembre 2017 et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

- condamner X au versement de la somme de 10 237,50 € au titre de la facture no2017- 911 du 5 septembre 2017 majorée des intérêts de retard à compter de la lettre de mise en demeure du 12 décembre 2017 et ce, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement,

- condamner X à indemniser les préjudices de Y par l’allocation d’une somme qui ne saurait être inférieure à 10 000 €,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans 3 journaux ou revues au choix de Y et aux frais de X, sans que ces frais ne puissent excéder 4 000 € HT par publication,

A titre subsidiaire.

Pour le cas improbable où le tribunal rejetterait les arguments ci-avant de la concluante et retenait la responsabilité de PA YMIUM, il est demandé au tribunal de céans de :

- déterminer le préjudice de X à la date de demande de retrait des BTC par X, le 6 novembre 2017,

En tout état de cause,

- condamner X à payer à Y la somme de 10 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

- prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner X aux entiers dépens.

Par dernières conclusions no3 régularisées à l’audience du 3 décembre 2019, X demande à ce tribunal de :

Vu les articles 1134, 1149 (dans leurs versions applicables à l’époque des faits), 1937, 1944 et 1353 du code civil,

SUR LES DEMANDES DE X,

Sur la demande de restitution des 53,35565481 BTC,

- dire que la résiliation du compte de X par Y est fautive,

- dire que Y a manqué à ses obligations contractuelles en refusant de restituer les 53,35565481 BTC inscrits sur le compte de X,



- dire que Y n’était pas fondée à faire usage de son droit de rétention,

En conséquence,

- condamner Y à restituer à X les 53,35565481 BTC figurant au solde de son compte ou leur équivalent en euros au cours du jour où le juge statuera, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,

Sur la demande de réparation du préjudice subi par X

A titre principal,

- dire que X a subi un préjudice résultant du défaut de restitution des 53,35565481 BTC,

- dire que le préjudice de X résulte de la différence entre le prix de 53,35565481 BTC au cours du BTC du 16 décembre 2017 (soit 16 593,53 €) et le cours du BTC au jour où le tribunal statuera.

En conséquence,

- condamner Y à indemniser X à hauteur du dommage subi au jour où le tribunal statuera,

A titre subsidiaire,

- dire que, si par extraordinaire, le tribunal ne retenait pas la date du 16 décembre 2017 pour la calcul du préjudice, ce dernier résulte de la différence entre le prix de 53,35565481 BTC au cours moyen du BTC entre le 6 novembre 2017 et le 5 décembre 2017 (soit 7 334,73 €) et le cours du BTC au jour où le tribunal statuera,

En conséquence,

- condamner Y à indemniser X à hauteur du dommage subi au jour où le tribunal statuera,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que X a subi un préjudice qui résulte de la différence entre le prix de 53,35565481 BTC au cours du BTC le 6 novembre 2017 (soit 6 048,14 €) et le cours du BTC au jour où le tribunal statuera,

En conséquence,

- condamner Y à indemniser X à hauteur du dommage subi au jour où le tribunal statuera,

SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE Y,

- dire que X n’est pas débitrice, à l’égard de Y, des 42,48844426 BTC,

- dire que X n’est pas débitrice, à l’égard de Y, des […],

- dire que X n’a pas commis de faute dans l’exécution du contrat de prêt du 13 juin 2016 et était fondée à suspendre l’exécution du paiement de 100 000 € dès lors que Y a résilié de manière fautive le compte de Y (sic) et refuse de lui restituer ses 53,35565481 BTC,

- dire que Y n’apporte pas la preuve que les prestations facturées à hauteur de 10 237,50

€ par Y, ont bien été réalisées ;



- dire qu’en l’absence de faute, X n’a causé aucun préjudice à Y, dire, à titre subsidiaire, que Y n’apporte pas la preuve de son préjudice,

En conséquence,

- débouter Y de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles à l’encontre de X,

En tout état de cause,

- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir sur l’ensemble des demandes de X,

- condamner Y à payer à X la somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’issue de l’audience collégiale du 3 décembre 2019, les parties s’étant référées à leurs dernières écritures qu’elles déclarent récapitulatives et ayant réitéré oralement leurs demandes, le président clôt les débats et met le jugement en délibéré pour être prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal le 26 février 2020, ce dont il informe les parties.

Discussion et motivation

Sur la résiliation du compte de X par Y

X expose :

- que l’article 7 « Durée du contrat et résiliation » des Conditions générales d’utilisation (CGU) de Y datées du 9 décembre 2016, énumère limitativement les conditions selon lesquelles Y peut valablement résilier un compte, à savoir :

o la violation par le client des CGU ;

o une décision judiciaire l’y contraignant ;

o la survenance d’un événement de force majeure l’y contraignant ; ou

o une suspicion de fraude.

- qu’en l’espèce, aucune des conditions précitées n’est remplie, de sorte que la résiliation du compte par Y le 13 décembre 2017 est totalement irrégulière au regard de l’article 7 des CGU,

- que X conteste fermement avoir fait preuve de mauvaise foi lors de l’utilisation du service Y et donc d’avoir violé l’article 18 des CGU imposant une obligation de bonne foi à l’utilisateur du service,

- que souhaitant transférer ses BTC vers une adresse extérieure afin de les revendre, elle a simplement mis en œuvre l’article 10 des CGU « transfert de Bitcoins »,

- que sa décision de transférer les BTC en question s’explique par le cœur même de l’activité de X qui consiste à réaliser des arbitrages entre les différentes plateformes afin de vendre ses BTC au meilleur prix possible,

- que la résiliation du compte de X par Y est donc fautive.

Y rétorque :

- que ses CGU l’autorisent à résilier un compte en cas de violation desdites CGU,



- que l’article 18 des CGU stipule que « le client a l’obligation d’utiliser les services fournis de bonne foi »,

- que X a souhaité retirer le solde de ses BTC de son compte les 6 et 8 novembre 2017 alors que Y lui avait notifié à plusieurs reprises et dès le 26 octobre 2017 qu’elle restait lui devoir des intérêts au titre des prêts consentis,

- qu’en agissant de la sorte X a voulu échapper au paiement des intérêts et a donc tenté de faire une utilisation de mauvaise foi du service,

- que Y était en conséquence légitime à résilier le compte de X sans préavis ni formalités conformément à l’article 7 des CGU.

Sur ce,

Attendu que X a ouvert un compte noBC-U88530300 sur la plateforme Y ;

Attendu que le fonctionnement du compte susvisé est régi par les Conditions générales d’utilisation de Y (CGU), versées aux débats et non contestées ;

Attendu que les 3 prêts en BTC accordés par Y à X, dont les contrats sont versés aux débats, ont été déboursés, remboursés et les intérêts relatifs à ces prêts payés par le biais du compte noBC-U8853O3OO, ainsi qu’en atteste le relevé dudit compte versé aux débats et non contesté ;

Attendu que le contrat de prêt de 200 000 € du 13 juin 2016, versé aux débats, a été consenti par Y à X à l’effet de financer l’activité de teneur de marché (« markel maker ») à laquelle s’était corrélativement engagée cette dernière ;

Que dans ses écritures X souligne que ce contrat de prêt a été conclu entre les parties dans « le cadre d’une relation globale notamment régit par les CGU de Y et conçue de manière équilibrée permettant, d’une part, à Y d’animer et développer sa plateforme en octroyant un prêt à X et d’autre part, à X d’essayer de tirer profit des achats et ventes de BTC qu 'elle réalise sur la plateforme de Y » ;

Qu’il est donc avéré et reconnu que le contrat de prêt et d’animation de marché du 13 juin 2016 est étroitement lié au le fonctionnement du compte noBC-U88530300 ouvert par X sur la plateforme Y et régi par les CGU ;

Attendu que l’article 7 « durée du contrat et résiliation » des CGU stipule en son dernier paragraphe que « PA YMIUM pourra décider de résilier un compte, sans devoir donner de motifs, ni préavis, ni formalités, ni indemnités au profit du client en cas de violation des présentes CGU » ;

Que son article 18.1 « Obligations du client – Utilisation du service » précise que « le client a l’obligation d’utiliser le service fourni de bonne foi, à des fins légales uniquement et dans le respect des présentes conditions générales » ;

Attendu que par courriel du 26 octobre 2017, versé aux débats, Y rappelait à cette dernière qu’elle restait lui devoir 52,3561644 BTC au titre des intérêts arrêtés au 19 octobre 2017;

Que par courriel du 9 novembre 2017, versé aux débats, Y récapitulait à l’attention de X l’ensemble des sommes qui, selon elle, lui restaient dues, à savoir : 44,95890413 BTC d’intérêts sur prêts en BTC, 100 000 € au titre du solde du prêt en euros du 13 juin 2016, outre une facture de 10 237,50 € relative au projet « blockberry.com » et « le retour » des […], issus du « hardfork » du 1er août 2017 ;



Que par courriel du 14 novembre 2017, versé aux débats, Y réitérait ses demandes auprès de X ;

Que par courriel du 12 décembre 2017, versé aux débats, Y mettait en demeure X de régler diverses sommes et l’informait que son compte était « gelé jusqu’à nouvel ordre » ;

Que par courriel du 13 décembre 2017, versé aux débats, Y notifiait à X que « votre compte BC-U88530300 a été clôturé » (your account BC-U88530300 has been closed) ;

Attendu qu’il ressort des courriels susvisés que X a délibérément refusé de s’acquitter des intérêts réclamés par Y au titre des prêts en BTC, ainsi que de rembourser le solde restant dû au titre du prêt en euros ;

Attendu que X sera condamnée à verser lesdits intérêts et à rembourser ledit solde ;

Qu’en s’abstenant de verser les sommes réclamées malgré les demandes réitérées de Y. X a violé les stipulations de l’article 18.1 des CGU ;

Que Y était donc fondée à faire application de l’article 7 des CGU ;

Qu’en conséquence Y était fondée à résilier le compte de X ouvert sur sa plateforme sous le noBC-U88530300 ;

Sur la demande de restitution sous astreinte des 53,35565481 BTC figurant au compte de X

X expose :

Que Y est soumis à une obligation de restitution sur le fondement du contrat de dépôt, que sur le fondement du contrat de dépôt et en vertu des dispositions de l’article 1937 du code civil, Y est soumis à une obligation de restitution, qu’aux termes de l’article 1944 du code civil, le dépositaire est tenu de restituer le bien, objet du dépôt, aussitôt que le déposant le réclame, que cette obligation de restitution intervient également en cas de clôture d’un compte de dépôt.

Que Y a la qualité de dépositaire, que Y a la qualité de dépositaire et qu’il relève de ses obligations de conserver les BTC achetés ou déposés par un client sur un compte ouvert sur sa plateforme, comme le souligne son site Internet où elle se targue d’assurer la conservation sécurisée des BTC,

Que les BTC peuvent faire l’objet d’un contrat de dépôt,

- que les BTC peuvent parfaitement prendre une forme corporelle lorsque leur clé privée est stockée sur un support physique, qu’en l’espèce, il est avéré que Y stocke les clés privées des BTC de ses clients sur des périphériques isolés (en « coldstorage »),

- qu’en tout état de cause, la nature incorporelle d’un bien ne fait pas obstacle à la possibilité d’en faire l’objet d’un contrat dépôt,

- qu’ainsi, depuis la loi du 30 décembre 1981 ayant opéré la dématérialisation des valeurs mobilières, la jurisprudence admet de manière constante que les valeurs mobilières, biens incorporels, peuvent faire l’objet d’un contrat de dépôt,



- que Y ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la loi « PACTE » pour contester sa qualité de dépositaire et échapper aux obligations qui en découlent,

- que ce nouveau texte n’indique pas que les meubles incorporels ne peuvent pas faire l’objet d’un contrat de dépôt, qu’au contraire, la loi PACTE donne une qualification juridique au BTC (« actif numérique ») qui dépasse la distinction entre les biens corporels et incorporels pour instaurer des obligations participant à la protection de cet actif à l’instar des obligations à la charge d’un dépositaire,

- que les nouvelles dispositions de la loi PACTE prévoient bien une obligation de conservation, et que ladite obligation de conservation va nécessairement de pair avec une obligation de restitution, à l’instar de celle découlant du contrat de dépôt,

- qu’en tout état de cause X est propriétaire des BTC figurant sur son compte et Y a donc l’obligation de les lui restituer dès lors que le contrat, en vertu duquel les BTC lui ont été confiés, a été résilié par cette dernière, et ce, quelle que soit la qualification de ce contrat,

Que Y n 'est pas fondée à retenir le solde du compte de X, et notamment les 53,35565481 BTC,

- que sur le fondement de l’article 2286 2o du code civil celui qui se prévaut du droit de rétention doit démontrer qu’il existe un lien de connexité entre sa créance et la chose retenue et doit donc caractériser une interdépendance entre les obligations issues d’un même contrat,

- qu’en l’espèce, Y ne pouvait faire usage de son droit de rétention à défaut de prouver un lien de connexité entre les créances invoquées et les 53,35565481 BTC retenus,

- que la créance de 100 000 €, alléguée par Y au titre du prêt du 13 juin 2016, comme la créance d’intérêts en BTC revendiquée par Y au titre des contrats de prêt de BTC ne présente aucun lien de connexité avec les 53,35565481 BTC retenus par elle,

- qu’en effet, les BTC retenus par Y ont été crédités sur le compte de X à la suite d’opérations d’achats et de dépôts de BTC effectuées sur la base des CGU de Y, contrat d’une nature distincte de celle des différents prêts,

- qu’en conséquence, Y n’est pas légitime à retenir le solde du compte de X en paiement des sommes dont elle serait créditrice,

- qu’en tout état de cause, la résiliation d’un compte sur la plateforme de Y emporte automatiquement restitution des BTC inscrits au solde dudit compte,

- que Y ne peut, sans trahir la confiance de ses clients, conserver le solde d’un compte de BTC lorsqu’elle décide de le résilier, qu’elle est dès lors tenue de restituer ce solde comme tout banquier clôturant un compte bancaire ou comme toute personne détenant la chose d’autrui sans justification ni base contractuelle,

- que l’article 15, 2eme alinéa, des CGU de Y confirme le principe du retour des fonds du client en cas de résiliation,

Que Y a violé son obligation de restitution,

- qu’aux termes de l’article 10 des CGU, Y est responsable de l’exécution des ordres de transfert et de retrait de BTC passés par ses clients,

- qu’en l’espèce, précédemment à la clôture de son compte, X a tenté sans succès, les 6 et 8 novembre 2017, de retirer 53 BTC de son compte,



- que les stipulations de l’article 13 des CGU, invoquées par Y, ne sont pas pertinentes car cet article concerne les ordres de paiement et non les ordres de retrait de BTC,

- que Y a donc violé son obligation de restitution vis-à-vis de X,

En conclusion,

- que Y devra être condamnée à restituer à X les 53,35565481 BTC figurant au solde de son compte, ou leur équivalent en euros au cours du jour où le tribunal statuera, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.

Y rétorque :

Sur l’absence de faute de Y pour refus d’exécution de l’ordre de transfert de X,

- qu’elle a justifié à plusieurs reprises les raisons pour lesquelles les ordres de transfert ne pouvaient être exécutés, en communiquant à X l’état de sa situation financière vis-à-vis de Y par courriel du 9 novembre 2017, en lui indiquant, par courriel du 14 novembre 2017, qu’elle ne pouvait procéder au retrait des 53 BTC de son compte eu égard à l’importance de sa dette à l’égard de Y, et en lui précisant, par courriel du 16 novembre 2017, que les transferts demandés avaient été bloquées en l’absence de paiement de ses dettes, qu’en vertu des stipulations de l’article 13 des CGU, intitulé « refus d’exécution des ordres » elle était parfaitement fondée à refuser d’exécuter les ordres de transfert de X des 6 et 8 novembre 2017,

Que Y n 'est pas dépositaire des BTC de X

- que sur le fondement des articles 1918 et 1919 du code civil, la doctrine considère que le dépôt ne peut porter que sur des biens meubles corporels,

- qu’en conséquence, les meubles incorporels ne peuvent faire l’objet d’un contrat de dépôt,

- que cette interprétation est confirmée par la loi « PACTE » qui qualifie les services sur actifs numériques de services de « conservation d’actifs pour le compte de tiers »,

- qu’en l’espèce, Y n’a pas la qualité de dépositaire en raison de la nature incorporelle des BTC,

- que la qualification des BTC de biens meubles incorporels est communément admise tant par la doctrine que par les tribunaux tant européens que français, et en particulier par des décisions récentes de la C.IUE (22 octobre 2015) et du Conseil d’Etat (26 avril 2018), a

- que, dès lors, les dispositions relatives au contrat de dépôt ne peuvent s’appliquer en l’espèce, et en particulier l’obligation de restitution,

Que les BTC ne peuvent être assimilés à des titres financiers,

- que les BTC qui sont des meubles incorporels en raison de leur nature informatique ne peuvent être rattachés aux valeurs mobilières lesquelles résultent d’une dématérialisation de meubles corporels,

- que, par ailleurs, aux termes de l’article L. 228-1 du code de commerce, une valeur mobilière est un titre financier dont l’article L. 211-1 du code monétaire et financier donne une liste limitative et dont le BTC ne fait pas partie,



- que, dès lors, les BTC ne peuvent être assimilés à des valeurs mobilières et leur régime ne peut être rattaché à celui des titres financiers, notamment en matière de dépôt,

Que les moyens de stockage des BTC ne leur confère pas une nature corporelle,

- que X ne démontre pas en quoi, juridiquement, le stockage des clés privées des BTC sur un disque dur ou sur une clé USB leur conférerait le régime applicable au support matériel,

- que par analogie un tel raisonnement conduirait à faire varier la qualification juridique d’un logiciel selon qu’il est stocké sur un support physique ou accessible dans le « cloud » ce qui n’est pas recevable,

En conclusion,

- que la qualification de contrat de dépôt ne peut s’appliquer au contrat de mise à disposition de la plateforme Y pas plus qu’au prêt de BTC,

- qu’en conséquence, X devra être déboutée de sa demande de restitution de 53,35565481 BTC,

Qu 'en tout état de cause, Y était fondée à retenir les BTC de X,

- que tout d’abord, l’article 7 des CGU applicable en l’espèce ne prévoit nullement la restitution des fonds en cas de résiliation du compte pour manquement,

- que par ailleurs, si le dépositaire est tenu d’une obligation de restitution aux termes des articles 1937 et 1944 du code civil, ce dernier est légitime à retenir les biens déposés jusqu’au complet paiement de sa créance dès lors que celle-ci est certaine et exigible, et qu’il existe un lien de connexité avec la chose déposée,

- que la connexité existe lorsque la créance et la détention de la chose découlent d’un contrat unique ou de plusieurs contrats constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique,

- qu’en l’espèce, Y et X ont conclu, le 13 juin 2016, un contrat aux termes duquel cette dernière s’engageait à fournir des prestations de tenue de marché en BTC sur la plateforme Y, financées par une ligne de crédit de 200 000 € sans intérêt accordée par cette dernière,

- que l’activité de teneur de marché à laquelle X s’était engagée consistait à vendre et à acheter un certain volume de BTC sur la plateforme Y,

- que les BTC conservés par X sur son compte Y étaient dès lors étroitement liés au prêt accordé le 13 juin 2016 et connexes à la créance de 100 000 € de cette dernière, solde dudit prêt,

- qu’en conséquence Y était légitime à retenir le solde du compte de X en paiement des sommes dont elle était créditrice, tant sur le fondement du dépôt que de l’exception d’inexécution, étant rappelé que Y a retenu le solde de BTC du compte de X à titre conservatoire tant que sa créance n’est pas réglée mais n’entend aucunement se l’approprier.

Sur ce,

Attendu, que l’article 13 « refus d’exécution des ordres » des CGU stipule au paragraphe 4, alinéa 4, que « PAYMIUMpeut, sans toutefois y être tenu, refuser Vexécution d’ordres de paiement notamment lorsque : (…) Le client a violé une de ses obligations envers Y découlant de ces présentes Conditions générales d’utilisation ou d’autres conventions conclues par le client dans le cadre de la plateforme (…) » ;



Attendu comme il a été vu ci-avant que X s’est fautivement abstenue de régler les sommes dues par elle à Y au titre des intérêts relatifs aux prêts en BTC ainsi qu’au titre du solde du prêt du 13 juin 2016, impayé à hauteur de 100 000 € ; qu’ainsi qu’il a été vu ci-avant, ces sommes étaient dues au titre de contrats conclus par les parties « dans le cadre de la plateforme

» ;

Qu’en conséquence Y était fondée à refuser d’exécuter l’ordre de transfert de 53 BTC émis par X les 6 novembre 2017 et réitéré le 8 du même mois ;

Attendu que Y déclare dans ses écritures qu’elle « n 'entend nullement s’approprier les BTC comme le prétend X, Y ayant retenu le solde de BTC à titre conservatoire tant que sa créance n 'est pas réglée » ;

Attendu que par courriel du 1er janvier 2018, Y indiquait à X que le solde de son compte s’élevait à 53,35565481 BTC ;

Attendu que Y ne conteste pas que X en soit propriétaire ;

Attendu que X ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle sollicite que sa demande de restitution des BTC soit assortie d’une astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; que le tribunal n’ordonnera donc pas la mesure d’astreinte sollicitée ;

En conséquence, le tribunal condamnera Y à restituer à X la somme de 53,35565481 BTC, déboutant pour le surplus ;

Sur la demande d’indemnisation du préjudice allégué par X X expose :

- que la résiliation fautive du compte et le refus, par Y, de restituer les BTC y figurant et appartenant à X constituent des fautes qui ont directement causé un préjudice à cette dernière,

- qu’aux termes de l’article 1149 du code civil dans sa version applicable aux faits de l’espèce, la partie contractuellement responsable est tenue de réparer non seulement le préjudice résultant des pertes subies mais également celui relatif au gain manqué.

- qu’à cet égard, selon la jurisprudence, est réparable, en tant que gain manqué, le dommage subi par un contractant qui résulte de la privation du bénéfice de revente de biens qui devaient lui être livrés mais qui ne l’ont pas été,

- que la disparition d’un espoir de gain constitue un préjudice certain, et que le préjudice très vraisemblable est assimilable au préjudice certain.

- qu’en l’espèce, X n’a pas pu vendre les 53,35565481 BTC inscrits au solde de son compte à l’époque où elle souhaitait en disposer, période durant laquelle le cours du BTC était bien plus élevé qu’aujourd’hui, atteignant 19 497,40 USD (soit 16 593.53 EUR au cours de 1 USD = 0.8551 EUR) pour un BTC le 16 décembre 2017,

- que depuis le cours du BTC a fortement chuté, qu’ainsi, à titre d’exemple, le cours du BTC s’élevait à 8 564,02 USD au 1er juin 2019 (soit 7 375 EUR au cours de 1 USD = 0.8551 EUR),

- que contrairement à ce qu’affirme Y, le manque à gagner de X est certain,

- qu’au regard du cœur d’activité de X qui est celle d’arbitragiste, l’absence de restitution du solde de son compte à la suite de la clôture fautive de ce dernier a eu pour conséquence directe d’empêcher X de vendre ses 53,35565481 BTC à un prix bien plus élevé qu’aujourd’hui,



- qu’en conséquence et à titre principal, X demande que Y soit condamnée à l’indemniser de son préjudice qui résulte de la différence entre le cours du BTC au 16 décembre 2017 et le cours du BTC au jour où le tribunal statuera,

- qu’à titre subsidiaire, le préjudice devra être fixé à un montant égal à la différence entre le cours moyen du BTC sur la période du 6 novembre au 5 décembre 2017 et le cours du BTC au jour où le tribunal statuera,

- qu’à titre infiniment subsidiaire, le préjudice devra être fixé à un montant égal à la différence entre le cours du BTC au 6 novembre 2017 et le cours du BTC au jour où le tribunal statuera,

- qu’il est demandé au tribunal de prendre comme référence le cours du jour publié sur : https://coinmarketcap.com/currencies/bitcoin/historical-data/, lequel est également utilisé comme référence par Y.

Y rétorque :

- qu’ainsi qu’il a été démontré, Y n’a commis aucune faute dans l’exécution de son contrat de mise à disposition de sa plateforme,

- qu’en l’absence de faute de Y, X ne peut se prévaloir d’un quelconque préjudice et devra donc être déboutée de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire que X a arbitrairement et artificiellement retenu la date du 16 décembre 2017 pour le calcul de son prétendu préjudice, date à laquelle le cours du BTC était le plus élevé,

- que pour être indemnisable un préjudice doit être certain, direct et prévisible,

- qu’en présence d’un aléa la qualification de gain manqué ne peut être retenue, ledit gain devenant incertain,

- qu’en l’espèce X ne peut se prévaloir d’un gain manqué à titre de préjudice, le prétendu manque à gagner subi n’étant ni certain, ni prouvé,

- que si la responsabilité de Y devait être retenue, le préjudice de X devra être évalué par comparaison avec le cours du BTC au 6 novembre 2017, date de la première demande de retrait, et non avec celui du 16 décembre 2017, date à laquelle le cours du BTC était le plus élevé.

Sur ce,

Attendu, comme il a été vu ci-avant, que Y était fondée à refuser d’exécuter l’ordre de transfert de 53 BTC émis par X le 6 novembre 2017 et réitéré par elle le 8 du même mois ;

Que X n’est donc pas fondée à alléguer que Y aurait commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle du fait de ce refus et à solliciter une quelconque indemnisation à ce titre :

En conséquence, le tribunal déboutera X de toutes ses demandes (à titre principal, subsidiaire et infiniment subsidiaire) visant à voir Y condamnée à l’indemniser d’un prétendu préjudice relatif à la non-exécution des ordres de transfert des 6 et 8 novembre 2017 ;

Sur la demande reconventionnelle de Y relative aux intérêts au titre des contrats de prêt en BTC



Y expose :

- qu’à la clôture du compte de X, seul le principal des prêts en BTC, soit 1 000 BTC, a été intégralement remboursé, que X n’a que partiellement payé les intérêts dus sur ces prêts, que les intérêts impayés au titre desdits prêts s’élèvent à 42,48844426 BTC à la date du 25 octobre 2017,

- que X ne peut prétendre de bonne foi avoir procédé, le 3 octobre 2016, au remboursement de l’intégralité du capital et des intérêts dus au titre des prêts en BTC, en transférant 720,28 BTC sur son propre compte noBC-U88530300 ouvert sur la plateforme Y, que les BTC ainsi crédités ont simplement servi à alimenter ce compte et aucunement à rembourser les prêts en BTC,

- que X ne pouvait ignorer que les intérêts sur les prêts devaient être payés sur une adresse « biteoin Y » spécifique, clairement stipulée aux contrats,

- que par ailleurs cette argumentation est contradictoire avec le fait que X a procédé au remboursement de la totalité du principal des prêts en BTC en octobre 2017.

X rétorque,

- que le 27 septembre 2016, Y a demandé à X de lui rembourser 700 BTC de manière anticipée, soit le cumul des montants en principal des contrats de prêt du 11 janvier 2016 (300 BTC) et 23 juin 2016 (400 BTC),

- que le 28 septembre 2016, X a immédiatement alimenté son compte en déposant 219 BTC puis 399,9995 BTC afin que le solde de son compte soit supérieur à 700 BTC comme cela avait été demandé par Y,

- que le 3 octobre 2016, X a indiqué par courriel à Y que 720,28 BTC figuraient au solde de son compte afin de rembourser le principal des contrats de prêt précités, ce dont Y a pris acte le même jour,

- que X a donc laissé sur son compte un solde supérieur à 700 BTC et a autorisé Y à procéder au retrait des 700 BTC considérant de ce fait que les deux contrats de prêt avaient été remboursés,

- que dès lors, considérant que le principal de ces deux contrats de prêt avait été remboursé, il était évident pour X que les intérêts dus au titre desdits contrats de prêt ne courraient plus à compter de la date de remboursement du principal, soit le 3 octobre 2016,

- que d’ailleurs Y n’a jamais manifesté le moindre désaccord concernant l’arrêt du paiement des intérêts par X, sur la somme de 700 BTC à compter d’octobre 2016.

Sur ce,

Attendu que X ne saurait soutenir que le fait d’avoir laissé sur son compte Y un solde supérieur à 700 BTC équivaudrait au remboursement de cette somme ;

Qu’il est d’ailleurs constant que l’intégralité du principal des prêts en BTC, soit 1 000 BTC, a été remboursé par X à Y les 24 et 25 octobre 2017, ainsi qu’en atteste les échanges de courriel entre les parties et le relevé du compte X chez Y, versés aux débats ;



Que X n’était donc pas fondée à s’abstenir de régler la totalité des intérêts dus à Y à compter du mois de septembre 2016 ;

Attendu que Y verse aux débats le décompte des intérêts dus par X, arrêté au 25 octobre 2017, au titre des prêts consentis les 1er septembre 2014, 11 janvier 2016 et 23 juin 2016, faisant ressortir un solde impayé de 42,48844426 BTC ;

Attendu que X ne conteste pas de manière circonstanciée et étayée le décompte des intérêts et le quantum du solde impayé ;

Attendu par ailleurs que Y ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle sollicite que sa demande en paiement de 42,48844426 BTC soit assortie d’une astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; que le tribunal n’ordonnera donc pas la mesure d’astreinte sollicitée ;

En conséquence, le tribunal condamnera X à verser à Y la somme de 42,48844426 BTC, outre intérêts payables en BTC, calculés au taux légal à compter du 12 décembre 2017, date de la mise en demeure, déboutant pour le surplus ;

Sur la demande reconventionnelle de Y relative à la restitution de […]

Y expose :

- qu’au 1er août 2017, le protocole Bitcoin a fait l’objet d’un «fork » créant une branche secondaire gardant un tronc commun avec la blockchain principale,

- qu’ainsi, au moment du «fork » les détenteurs de BTC ont automatiquement reçu un montant équivalent en BCC,

- que cependant X n’a toujours pas restitué les BCC à Y, malgré ses demandes réitérées, restées sans réponse à ce jour,

- que X est titulaire d’un compte sur la plateforme KRAKEN, ainsi que le tribunal de céans l’a constaté dans son jugement du 27 mars 2019, que X a fait de nombreux virements de BTC au crédit de son compte KRAKEN, fin juillet 2017 à la veille du «fork »,

- que la plateforme KRAKEN a procédé à une attribution immédiate de BCC aux détenteurs de BTC sur leur compte KRAKEN, que les BTC détenus par X sur son compte KRAKEN lui ont donc permis d’obtenir des BCC,

- que Z a emprunté à Y, antérieurement au «fork», des BTC automatiquement générateurs de BCC, et ne saurait prétendre lui restituer uniquement des BTC, car elle lui restituerait alors moins qu’elle a emprunté, et ce de manière illégale quel que soit le fondement retenu,

A titre principal, sur la restitution sur le fondement de l’article 1875 du code civil,

- que le BTC étant un bien meuble non fongible et non consomptible, les contrats de prêt de BTC doivent être qualifiés de contrats de prêt à usage, entraînant l’obligation de restitution des BCC en tant que fruit des BTC,

- que le BTC est un bien meuble incorporel, non consomptible car il ne se détruit pas par l’usage et non fongible car il est individualisé par un code informatique unique,

- qu’en matière de biens non fongibles, le contrat de prêt ne peut être qu’à usage (contrat également dénommé « commodat »),



- que Y a prêté des BTC individualisés, que ces derniers doivent donc être restitués au terme du contrat, à défaut, au moins leur valeur,

- que le contrat de prêts de BTC correspond donc à la qualification de prêt à usage au sens de l’article 1875 du code civil,

- qu’en matière de prêt à usage la restitution de la chose prêtée emporte celle des fruits produits par la chose, lesdits fruits ressortissant de la jouissance de la chose et non de son usage,

- qu’en l’espèce, la restitution des BTC emporte celle des BCC car ces derniers ont été créés à partir des BTC, le 1er août 2017, dans un rapport de 1 BCC pour 1 BCT,

- que les BCC sont juridiquement des « fruits » des BTC et doivent donc être restitués au prêteur, au moins en valeur,

A titre subsidiaire, sur la restitution sur le fondement des articles 1892 et 1902 du code civil,

- que si les BTC devaient être considérés comme fongibles, le contrat de prêt de BTC devrait alors être qualifié de contrat de prêt de consommation au sens de l’article 1892 du code civil,

- qu’en matière de prêt de consommation la restitution de la chose prêtée doit se faire en « même espèce et qualité » (selon l’article 1892 du code civil), en « même quantité et qualité» (selon l’article 1902 du code civil), qu’en conséquence l’emprunteur doit rendre l’équivalent de la chose prêtée,

- qu’en l’espèce les BTC remboursés au principal n’ont plus la même qualité que les BTC empruntés, puisqu’ils ne peuvent pas conférer de BCC,

- que l’équivalent des 1 000 BTC prêtés n’a donc pas été rendu par X qui est donc toujours redevable des […],

A titre infiniment subsidiaire, sur l’enrichissement injustifié de X, que sur le fondement de l’article 1303 du code civil, l’enrichissement injustifié se caractérise par l’enrichissement de l’une des parties, l’appauvrissement de l’autre, et un lien de corrélation entre les deux,

- qu’en l’espèce, X s’est enrichie de […] au détriment de Y qui s’est corrélativement appauvrie de […],

- qu’il n’existe aucune justification juridique ou morale à l’enrichissement de X au détriment de Y,

- qu’en conséquence X doit être condamnée à indemniser Y à hauteur de […].

X rétorque :

Que Y ne rapporte pas la preuve que […] aient été attribués à X lors du « hardfork » du 1er août 2017

- qu’en l’espèce et contrairement à ce qu’affirme Y, l’attribution, par les plateformes d’échange, de nouvelles crypto-monnaies issues de « forks » n’a rien d’automatique mais résulte d’un choix discrétionnaire de la plateforme en question qui est libre ou non de les attribuer à ses clients,

- que les Conditions générales d’utilisation de Y sont muettes sur la question de l’attribution de nouvelles crypto-monnaies issues de «forks » à ses clients,



- que Y ne démontre pas en quoi les BTC dont X disposait sur la plateforme KRAKEN au moment du «fork » seraient liés aux contrats de prêt de BTC,

- que Y ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe au regard des dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile, que X aurait reçu une quantité de […] au moment du « hardfork » du 1er août 2017, qu’elle devra, en conséquence, être déboutée de sa demande,

Qu 'en tout état de cause, X n 'a aucune obligation de restituer les BCC liés aux contrats de prêt de BTC,

- que les trois contrats de prêt de BTC ne prévoient pas que les éventuelles nouvelles crypto- monnaies (comme les BCC), attribuées à l’emprunteur à la suite de « forks » au cours du prêt, doivent être restituées au prêteur à la fin du prêt,

Que les trois contrats de prêt de BTC sont des contrats de prêt de consommation,

- que l’une des caractéristiques essentielles du prêt de consommation est que « l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée » (article 1893 du code civil),

- qu’en l’espèce il est manifeste que ces contrats de prêts de BTC ont nécessairement eu pour effet de transférer la propriété des BTC prêtés à X afin que cette dernière puisse les « consommer », c’est-à-dire notamment les revendre sur la plateforme Y,

- qu’en effet, l’article « interest calculation » (calcul d’intérêt) inséré dans les trois contrats de prêts de BTC précise que ce calcul est fondé sur : « the number ofdays the unpaid principal has been made freely available to the borrower for withdrawal, external transfer or trading » {le nombre de jours durant lesquels le capital non remboursé est resté à la disposition de l’emprunteur pour retrait, transfert vers un compte externe ou des opérations de marché),

- que la fongibilité et la consomptibilité des BTC prêtés ont donc été prévues conventionnellement par les parties, possibilité consacrée par la jurisprudence,

- que dès lors, il importe peu de savoir si les BTC sont fongibles ou consomptibles par nature ou pas, puisqu’ils le sont par l’effet de la convention entre les parties,

- qu’ainsi, contrairement à ce que prétend Y, les trois contrats de prêts ne peuvent pas être qualifiés de contrat de prêt à usage dès lors que la volonté des parties était de prévoir la fongibilité et la consomptibilité des BTC et que la propriété des BTC prêtés a nécessairement été transférée à X,

Que les contrats de prêt de BTC ne font pas naître une obligation de restitution de BCC

- que l’article 1892 du code civil précise que l’emprunteur est seulement tenu de restituer des choses « de même espèce et quantité » que les choses prêtées,

- qu’en aucun cas l’emprunteur n’est tenu de restituer les fruits de la chose prêtée,

- que dans cette logique l’article 1897 du code civil régissant le prêt de consommation de lingots d’or ou de denrées dispose que : « quelle que soit l’augmentation ou la diminution de leur prix, le débiteur doit toujours rendre la même quantité et qualité, et ne doit rendre que cela. »,

- que la jurisprudence relative aux prêts à la consommation portant sur des actions de sociétés s’inscrit dans la même logique, en particulier en matière d’attribution d’actions gratuites,

Sur la demande d’indemnité sur le fondement de l’enrichissement injustifié,



- que la demande de Y à être indemnisée par X à hauteur de […] sur le fondement de l’enrichissement injustifié, en application de l’article 1303 du code civil, ne saurait prospérer,

- qu’en premier lieu la partie appauvrie doit apporter la preuve de l’enrichissement corrélatif de l’autre partie,

- que par ailleurs l’existence d’un contrat valable entre les deux parties exclut toute action fondée sur l’enrichissement injustifié,

- qu’en l’espèce, Y ne rapporte pas la preuve que […] ont bien été transférés à X lors du « hardfork » du 1eraoût 2017,

- qu’en outre l’enrichissement de X trouve sa justification dans les trois contrats de prêt de BTC en vertu desquels X a acquis la propriété des BTC prêtés à charge pour elle de les restituer par équivalent,

- que quand bien même Y prouverait que X aurait reçu […], cette attribution trouve tout simplement sa justification dans le fait que X avait la qualité de propriétaire des BTC et donc le droit de disposer des fruits de ces BTC.

Sur ce,

Attendu que l’article 1892 du code civil dispose que : « le prêt de consommation est un contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et qualité » ;

Que le prêt de consommation porte sur des choses fongibles et consomptibles et que cette catégorie de prêt porte sur des choses de genre (res in génère), c’est-à-dire interchangeables et non individualisâmes, et non sur des corps certains (res in specie) ;

Que le BTC est « consommé » lors de son utilisation, que ce soit pour payer des biens ou des services, pour l’échanger contre des devises ou pour le prêter, tout comme la monnaie légale, quand bien même il n’en est pas une ; que le BTC est donc consomptible de par son usage ;

Que la fongibilité nécessite une équivalence entre des choses de « même espèce et qualité » ;

Que les BTC sont fongibles car de « même espèce et de même qualité » en ce sens que les BTC sont tous issus du même protocole informatique et qu’ils font l’objet d’un rapport d’équivalence avec les autres BTC permettant d’effectuer un paiement au sens où l’entend l’article 1291 ancien du code civil, devenu l’article 1347-1 du même code lequel dispose en son deuxième alinéa que : « Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre » ;

Que le BTC étant fongible et consomptible, la qualification juridique des 3 contrats de prêt de BTC signés entre les parties les 1er septembre 2014,11 janvier 2016 et 23 juin 2016 est donc bien celle de prêt de consommation ;

Que dans la mesure où le prêt de BTC constitue un prêt de consommation, l’ensemble des conséquences liées à cette nature de prêt s’applique au prêt de BTC ;

Attendu que l’article 1893 du code civil dispose que: «par l’effet de ce prêt (prêt de consommation), l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée ; et c’est pour lui qu’elle périt, de quelque manière que cette perte arrive. » ;



Qu’il y a donc transfert de propriété au profit de l’emprunteur et corrélativement transfert des risques liés à la possession de la chose ;

Qu’étant devenu propriétaire des BTC prêtés, X était légitime à en percevoir les « fruits

» en l’espèce les BCC attribués suite au «fork » du 1er août 2017 ;

Attendu que l’article 1902 du code civil, relatif au prêt de consommation, dispose que « l’emprunteur est tenu de rendre les choses prêtées, en même quantité et qualité, et au terme convenu. » ;

Qu’il n’est pas contesté que X a transféré à Y, les 24 et 25 octobre 2017, 1

000 BTC en remboursement intégral des 3 prêts de BTC que lui avait consenti cette dernière les

1er septembre 2014, 11 janvier 2016 et 23 juin 2016 ;

Que les BTC étant fongibles comme il a été vu ci-avant, les BTC prêtés avant le «fork » du 1er août 2017 sont équivalents aux BTC remboursés après ledit « fork » ;

Qu’ainsi X s’est bien acquittée de son obligation « de rendre les choses prêtées en même quantité et même qualité » édictée par l’article 1902 du code civil susvisé, relatif aux prêts de consommation ;

Attendu que l’article 1303 du code civil dispose que : « En dehors des cas de gestion d’affaires et de paiement de l’indu, celui qui bénéficie d’un enrichissement injustifié au détriment d’autrui doit, à celui qui s’en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l’enrichissement et de l’appauvrissement. » ;

Que l’article 1303-3 du même code précise que : « L’appauvri n’a pas d’action sur ce fondement lorsqu’une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription. » ;

Qu’il s’infère des 2 articles susvisés du code civil que celui qui a conclu un contrat ne peut pas agir contre son cocontractant sur le fondement de l’enrichissement injustifié, quand bien même ledit contrat serait lésionnaire, ce qui en l’espèce n’est pas démontré ni même allégué ;

Que la demande d’indemnisation de Y à rencontre de X, pour enrichissement injustifié, n’est donc pas fondée ;

Attendu enfin que le tribunal observe que les CGU de Y comme les 3 contrats de prêt signés entre les parties aux dates susvisées, ne comportent pas de clause quant à l’attribution d’éventuelles crypto-monnaies issues de « hard forks », alors même que les parties sont des professionnelles averties du marché des crypto-monnaies, l’une pour y exercer des activités de conseil aux investisseurs et de tenue de marché, l’autre pour exploiter une plateforme d’échange ;

Qu’il résulte de ce qui précède que X n’est pas débitrice de Y de […] ;

En conséquence, le tribunal déboutera Y de sa demande visant à voir X condamnée à lui restituer les […] résultant du «fork » du 1er août 2017 sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;

Sur la demande reconventionnelle de Y relative au versement de la somme de 100 000 € au titre du prêt du 13 juin 2016

Y expose :

- que les parties ont conclu un contrat de prêt le 13 juin 2016 portant sur un montant de 200 000 €, qu’à aujourd’hui ce prêt reste impayé pour un montant de 100 000 €,

- que Y a informé X du solde impayé de ce prêt dès le 9 novembre 2017,



- que Y ayant correctement fait application de ses Conditions générales d’utilisation (CGU), X ne saurait se prévaloir de l’exception d’inexécution en raison d’une résiliation prétendument fautive de son compte en violation de l’article 7 des CGU,

- que X reste débitrice de la somme de 100 000 € à son égard et qu’elle devra en conséquence être condamnée à la lui régler, outre intérêt à compter du 12 décembre 2017. date de la mise en demeure.

X rétorque :

- que si X ne conteste pas être débitrice de la somme de 100 000 € envers Y. elle n’a commis aucun manquement contractuel au titre du contrat de prêt du 13 juin 2016. mais a simplement fait usage de son droit à l’exception d’inexécution.

- que ce n’est que la veille de la résiliation fautive du compte de X, que Y a réclamé, sans préavis, le remboursement des 100 000 € restants,

- que cette manière de procéder est d’autant plus critiquable qu’elle est intervenue dans le cadre d’une relation globale régie par les CGU de Y et conçue de manière équilibrée permettant, d’une part, à cette dernière d’animer et développer sa plateforme en octroyant un prêt à X et d’autre part, à X d’essayer de tirer profit des achats et ventes de BTC qu’elle réalise sur la plateforme de Y,

- que cet équilibre a été rompu par Y lorsqu’elle a brutalement décidé de rejeter les demandes de retrait des 53 BTC sans motifs et résilié de manière fautive le compte de X,

- que Y ayant refusé de restituer les 53 BTC les 6 et novembre 2017 et résilié de manière fautive son compte le 13 décembre 2017 en violant l’article 7 des CGU, X était fondé à ne pas faire immédiatement droit à la demande de remboursement de 100 000 € du 12 décembre 2017,

- que X n’a donc commis aucun manquement contractuel au titre du contrat de prêt du 16 juin 2016 en faisant usage de son droit d’exception d’inexécution.

Sur ce,

Attendu que par contrat du 13 juin 2016, versé aux débats, Y accordait à X un prêt sans intérêt de 200 000 € à l’effet de financer des prestations de tenue de marché en BTC sur la plateforme Y que X s’engageait à fournir moyennant une rémunération de 5 500 € par mois ;

Attendu que l’existence, au jour de l’assignation à la présente instance, d’un solde impayé de 100 000 € au titre de ce prêt est constant et que dans ses écritures « X ne conteste pas être débitrice de la somme de 100 000 € envers Y » et soutient quV elle n’a commis aucun manquement contractuel au titre du contrat de prêt du 13 juin 2016 mais a simplement fait usage de son droit à l’exception d’inexécution » ;

Mais attendu, ainsi qu’il a été vu ci-avant, que Y était fondée à refuser d’exécuter Tordre de transfert de 53 BTC émis par X les 6 novembre 2017 et réitéré le 8 du même mois ;

Que X ne saurait donc exciper d’une prétendue exception d’inexécution pour s’abstenir de rembourser le solde impayé du prêt du 13 juin 2016, soit 100 000 6, comme Y lui en faisait la demande depuis le 9 novembre 2017 ;

Attendu par ailleurs que Y ne justifie pas des raisons pour lesquelles elle sollicite que sa demande en paiement de 100 000 € au titre du contrat de prêt du 13 juin 2016 soit assortie d’une


astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; que le tribunal n’ordonnera donc pas la mesure d’astreinte sollicitée ;

En conséquence, le tribunal condamnera X à payer à Y la somme de 100 000

€, outre intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 12 décembre 2017, date de la mise en demeure, déboutant pour le surplus ;

Sur la demande reconventionnelle de Y relative au paiement d’une facture relative au projet « blockberry »

Y expose :

- que X a accepté, le 16 mai 2017, la proposition commerciale de Y relative au développement d’un portefeuille bitcoin pour la plateforme « blockberry », que le projet a été finalisé sans que X n’émette aucune contestation.

- que malgré ses relances, la facture no2017-911 du 5 septembre 2017 d’un montant de 10 237. 50 € HT est restée impayée, alors que les travaux correspondants ont été réalisés à la demande de X lors d’une réunion du 18 août 2017.

X rétorque :

- que le montant de cette facture n’a jamais été accepté par X et que Y ne justifie pas que les prestations facturées au titre de la facture du 5 septembre 2017 ont réellement été réalisées,

- que Y ne démontre pas qu’elle a livré les travaux facturés et auxquels X n’a jamais pu accéder, le courriel du 22 août 2017 dans lequel Y indiquait qu’elle reviendrait vers X étant resté sans suite.

Sur ce,

Attendu que Y allègue avoir réalisé des travaux de développement informatique en exécution des demandes complémentaires formulées par X dans son courriel du 18 août 2017, versé aux débats ;

Mais attendu que Y ne rapporte pas la preuve d’avoir obtenu l’accord de X sur le nombre de jours et le taux journalier facturés par elle le 5 septembre 2017, ni que les travaux aient été effectivement livrés suite au courriel du 22 août 2017 par lequel Y indiquait qu’elle reviendrait rapidement vers X ;

En conséquence, le tribunal déboutera Y de sa demande visant à voir X condamnée à lui payer la somme de 10 237,50 €, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;

Sur la demande reconventionnelle de Y de dommages et intérêts pour atteinte à son image et perte de chance de réaliser un gain et d’obtenir des financements

Y expose :

- qu’elle a été privée de son droit de disposer des BTC et BCC que X aurait dû lui remettre et a donc subi un préjudice du fait de la perte de chance de pouvoir prêter, vendre ou échanger ces crypto-actifs à un cours élevé,



- que compte tenu des importants montants en jeu, la non-restitution des BTC et BCC obère les comptes de Y à un moment où elle cherche à lever des fonds pour accélérer son développement,

- que sur un marché parfois méfiant et sceptique à l’égard des crypto-monnaies, le comportement de X porte atteinte à la crédibilité de Y,

- qu’en manquant à ses obligations contractuelles X a causé un préjudice à Y qu’il convient de réparer en lui allouant des dommages et intérêts qui ne saurait être inférieurs à 10 000 €.

X rétorque :

- qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution des différents contrats conclus avec Y, qu’elle n’est donc aucunement tenue de réparer les préjudices allégués par Y,

- que l’ensemble des préjudices allégués par Y devront être rejetés, faute de preuve.

Sur ce,

Attendu que Y sera déboutée de sa demande de restitution des […] ; que les sommes au paiement desquelles X sera condamnée seront assorties d’intérêts de retard ; qu’enfin l’évolution des cours des crypto-monnaies se caractérise par une forte volatilité, que la perte de chance revendiquée au titre de la non-disposition des crypto-monnaies dont elle demandait le règlement est en conséquence non avérée ;

Attendu par ailleurs que Y ne rapporte pas la preuve que les fautes contractuelles de X lui aient causé un préjudice d’image ainsi qu’un préjudice dans sa recherche de financement ni dans son principe ni dans son quantum ;

Attendu enfin que le préjudice subi par Y au titre de la nécessité d’agir en justice donnera lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence, le tribunal déboutera Y de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour atteinte à son image, perte de chance de réaliser un gain et perte de chance d’obtenir des financements ainsi que de sa demande visant à ce que soient ordonnées des mesures de publication de la décision à intervenir ;

Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Attendu que pour faire reconnaître ses droits Y a dû exposer des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser à sa charge ;

En conséquence, le tribunal condamnera X à payer à Y la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

Sur l’exécution provisoire

Attendu que l’exécution provisoire du jugement à venir est sollicitée par Y et qu’elle est compatible avec la nature de la cause, le tribunal l’estimant nécessaire, l’ordonnera ;

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré, statuant par un jugement contradictoire en premier ressort :



- condamne la SAS Y à restituer à la SDE X LTD la somme de 53,35565481 BTC ; déboute la SDE X LTD de ses demandes indemnitaires à titre principal, subsidiaire et infiniment subsidiaire en réparation des préjudices allégués, au titre de la non-exécution des ordres de transfert des 6 et 8 novembre 2017 ;

- condamne la SDE X LTD à verser à la SAS Y la somme de 42,48844426 BTC, outre intérêts payables en BTC, calculés au taux légal à compter du 12 décembre 2017 ; déboute la SAS Y de sa demande d’astreinte relative au versement des intérêts dus au titre des contrat de prêt en BTC ;

- déboute la SAS Y de sa demande visant à voir la SDE X LTD condamnée à lui restituer les […] résultant du «fork» du 1er août 2017 sous astreinte de 1 000 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement ;

- condamne la SDE X LTD à payer à la SAS Y la somme de 100 000 €, outre intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 12 décembre 2017:

- déboute la SAS Y de sa demande d’astreinte relative au paiement de la somme de 100 000 €;

- déboute la SAS Y de sa demande visant à voir la SDE X LTD condamnée à lui payer la somme de 10 237,50 € sous astreinte ;

- déboute la SAS Y de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour atteinte à son image, perte de chance de réaliser un gain et perte de chance d’obtenir des financements ainsi que de sa demande visant à ce que soient ordonnées des mesures de publication de la présente décision ;

- condamne la SDE X à payer à la SAS Y la somme de 8 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance ;

- ordonne l’exécution provisoire du présent jugement.

Liquide les dépens du Greffe à la somme de 78,40 euros, dont TVA 13,07 euros.

Délibéré par M. B G, Mme H I et M. J K.

Le présent jugement est mis à disposition au greffe de ce Tribunal, les parties en ayant été préalablement avisées verbalement lors des débats dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du C.P.C.

La minute du jugement est signée par M. B G, Président du délibéré et Mme Claudia VIRAPIN, Greffier.

Le Greffier

Le President du délibéré

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Tribunal de commerce de Nanterre, 26 février 2020, n° 2018F00466