Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 14 janvier 2016, n° 13/13230

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Nanterre, 1re ch., 14 janv. 2016, n° 13/13230
Juridiction : Tribunal de grande instance de Nanterre
Numéro(s) : 13/13230

Texte intégral

TRIBUNAL

DE GRANDE

INSTANCE

DE NANTERRE

[…]

1re Chambre

[…]

14 Janvier 2016

N° R.G. : 13/13230

N° Minute :

AFFAIRE

S.A.S TOLIX STEEL DESIGN

C/

S.A.R.L. Z

Copies délivrées le :

DEMANDERESSE

S.A.S TOLIX STEEL DESIGN

[…]

[…]

représentée par Maître Emmanuel BOUTTIER de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0221

DEFENDERESSE

S.A.R.L. Z

[…]

[…]

représentée par Me Kenza HAMDACHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0220

L’affaire a été débattue le 04 Novembre 2015 en audience publique devant le tribunal composé de :

Anne BEAUVOIS, Première Vice-présidente

Estelle MOREAU, Vice-Présidente

Agnès COCHET-MARCADE, Vice-Présidente

qui en ont délibéré.

Greffier lors du prononcé : Sylvie CHARRON, Greffier.

JUGEMENT

prononcé en premier ressort, par décision contradictoire et mise à disposition au greffe du tribunal conformément à l’avis donné à l’issue des débats.

EXPOSE DU LITIGE

La société Tolix Steel Design, fondée par A B, décédé, crée et fabrique en France du mobilier de style industriel, commercialisé depuis 1930 en France et à l’international.

Elle est titulaire de la marque française TOLIX n°1411496 déposée le 7 juin 1977 et renouvelée en dernier lieu le 29 juin 2007 , de la marque internationale ne désignant pas la France TOLIX n°935911 déposée le 13 juillet 2007 et de la marque communautaire TOLIX n°6097604 déposée le 5 juillet 2007 , chacune pour désigner les produits visés en classe 20 : “sièges, fauteuils, tabourets et meubles métalliques”.

Elle indique avoir acquis une notoriété grâce à la commercialisation de deux modèles emblématiques de mobilier industriel désignés “chaise A” et “tabouret H”, avec ou sans dossier, respectivement créés en 1930 et 1934 par M. A B, qu’elle continue de commercialiser par un réseau de distribution sélective.

La société Z a pour objet social l’import-export de meubles et objets de décoration, de prêt à porter, de chaussures de maroquinerie, produits alimentaires et non réglementés. Elle s’est spécialisée dans la vente en ligne, via son site internet, de mobiliers ou objets de décoration dits modernes.

La société Tolix Steel Design prétend avoir découvert et fait constater, par actes d’huissier de justice des 26 juillet 2013, 25 juillet et 1er août 2013, que la société Z offrait à la vente sur le site internet leboncoin.fr, sur son site accessible à l’adresse www.Z.com et dans ses showrooms situés à Pierrelaye et à Paris, des chaises et tabourets qu’elle estime être la reproduction servile des “chaise A” et “ tabouret H”.

Après avoir obtenu l’autorisation du premier vice-président du tribunal de grande instance de Nanterre, agissant sur délégation du président du même tribunal, par ordonnance du 17 septembre 2013, elle a fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Z, à Pierrelaye, le 26 septembre 2013. Sur place, l’huissier de justice a saisi par voie de description une chaise métallique de couleur grise. M. X, employé de la société Z, a indiqué que ce modèle n’était pas mis en vente, y compris sur le site internet de la société, celle-ci n’ayant reçu que deux exemplaires de son fournisseur chinois, dont celui saisi.

C’est dans ces circonstances que la société Tolix Steel Design a assigné la société Z devant le tribunal de grande instance de Nanterre par acte du 31 octobre 2013 en contrefaçon de droits d’auteur et de droits de marque, et en concurrence déloyale et parasitaire aux fins d’obtenir réparation de son préjudice.

Par écritures signifiées le 22 décembre 2014, elle demande au tribunal, au visa des articles L.111-1 et suivants, L.335-2 et suivants, L.713-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil de :

— Juger qu’elle est recevable à agir,

— Juger que son modèle “chaise A” est original et bénéficie de la protection du droit d’auteur,

— Juger qu’en important, en présentant, en reproduisant et en commercialisant des produits reproduisant les caractéristiques de la “chaise A”, et du “tabouret H“, la société Z a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur à son préjudice,

— Juger qu’en reproduisant la marque “TOLIX”, la société Z a commis des actes de contrefaçon de ses droits de marques “TOLIX “,

— Juger que la société Z s’est également rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice,

En conséquence :

— Ordonner à la société Z l’arrêt immédiat de la représentation, la commercialisation et de la promotion, d’une part, des chaises “Galaxy” contrefaisant le modèle “chaise A », d’autre part, des tabourets contrefaisant son modèle “tabouret H”, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, à compter du prononcé du jugement,

— Ordonner la destruction sous constat d’huissier de justice de l’ensemble des tabourets et/ou chaises contrefaisant les “tabouret H” ou “chaise A” aux frais de la société Z,

— Faire interdiction à la société Z d’utiliser la marque “TOLIX” pour commercialiser des produits qui ne sont pas authentiques,

— Condamner la société Z à lui payer les sommes de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par ses actes de contrefaçon de droits d’auteur, de 30.000 euros au titre des actes de contrefaçon de marque et de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et parasitaire, sauf à parfaire,

— Autoriser la société Tolix Steel Design à faire publier le texte suivant “Par jugement du … le Tribunal de grande instance de Nanterre a condamné la société Z pour contrefaçon de droits d’auteur et contrefaçon de droit de marque de la société Tolix Steel Design” dans le délai de deux mois à compter de sa signification, dans quatre journaux ou magazines de son choix, aux frais de la société Z, sans que le coût de chaque insertion n’excède la somme de cinq mille euros hors taxe,

— Ordonner à la société Z la publication du dispositif du jugement à intervenir, dans un délai de huit jours à compter de sa signification, sur son site internet accessible à l’adresse www.Z.com durant 10 jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,

— Condamner la société Z à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont les frais liés à la réalisation des procès-verbaux de constat d’huissier et des opérations de saisie-contrefaçon, selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile,

— Ordonner l’exécution provisoire.

Par écritures signifiées le 5 février 2015, la société Z conclut, sur le fondement des dispositions des articles L.713-2 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil, au débouté de la société Tolix Steel Design de l’ensemble de ses demandes, subsidiairement à la réduction des dommages et intérêts à la somme maximale d’un euro, et, à titre reconventionnel, à la condamnation de la requérante à lui payer une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 64 du code de procédure civile, enfin sollicite une indemnité de procédure de 3.000 euros.

Elle soutient en substance que la société Tolix Steel Design échoue à rapporter des éléments probants de nature à caractériser un quelconque acte de contrefaçon, les procès-verbaux sur lesquels la demande est fondée ne permettant pas d’attester qu’elle a contrefait le modèle de “chaise A”, en particulier qu’elle a effectivement vendu un modèle contrefaisant de cette chaise via son site internet ou sur le site leboncoin.fr, ni qu’elle a contrefait le “tabouret H” alors qu’aucune pièce n’est versée aux débats relative à un quelconque tabouret. Elle réfute également tout acte de concurrence déloyale ou parasitaire, faute pour la société demanderesse de démontrer qu’elle aurait imité un de ses modèles de la marque TOLIX.

A titre subsidiaire, elle estime les demandes indemnitaires non justifiées.

Enfin, elle soutient que les prétendus actes de contrefaçon qui lui sont reprochés nuisent à sa réputation de sorte qu’elle est bien fondée à solliciter la réparation de son préjudice.

MOTIFS

Sur la contrefaçon de droits d’auteur :

La société Tolix Steel Design verse aux débats un extrait du livre “Inoxydable Tolix” de Mme C D, édité en 2007 selon lequel “Dès 1933, A B fabriquait la chaise A”, laquelle a équipé les espaces de l’Exposition universelle de 1937, un extrait du magazine “Ca m’intéresse” de février 2013 précisant que la “chaise A” a été commercialisée” en 1934, des copies du catalogue TOLIX de 1936-1937 proposant à la vente la “chaise A “ et le “tabouret H”sans dossier et du catalogue TOLIX de 2013 proposant à la vente ces modèles outre le “tabouret H” avec dossier.

Elle décrit la combinaison de caractéristiques de chacun des modèles revendiqués par ses soins, qu’elle estime porter l’empreinte de la personnalité de leur auteur.

Elle indique ainsi que les caractéristiques esthétiques essentielles du modèle “Chaise A” sont les suivantes :

— L’apparence générale de la chaise :

— Le siège et le piètement sont d’apparence monobloc ;

— Le dossier est fixé à la chaise en son centre et sur les côtés ;

— Les côtés du dossier sont fixés de chaque côté du siège ;

— La chaise est monochrome.

— Le siège de la chaise :

— sur l’avant, il est de forme carrée, avec des angles arrondis ;

— sur l’arrière, il forme un demi-cercle ;

— le siège apparaît légèrement renfoncé en raison de son large pourtour, aux angles

arrondis ;

— il est percé, en son centre, de 7 trous formant un hexagone percé en son centre.

— la ceinture de la chaise forme des arches reliant les piètements.

— Le dossier de la chaise :

— il est composé d’une structure tubulaire délimitant le contour du dossier et d’une

traverse verticale.

— la traverse verticale est plus large dans le haut,

— le dossier est orné d’un motif embossé en forme de U inversé,

— le bas du dossier est légèrement incurvé pour épouser la forme arrondie de l’assise,

— le tube formant les côtés du dossier sont pliés à chacune des extrémités et soudés au siège,

— la ceinture de la chaise forme des arches reliant les piètements.

— Le piètement de la chaise :

— sa forme générale est évasée,

— la partie haute des pieds est plus large que la partie inférieure,

— les piètements ne sont pas parallèles, mais fuyants vers l’extérieur,

— les piètements sont emboutis en leur milieu,

— les pieds sont reliés entre eux formant une arche,

— les pieds sont arrondis en façade, mais creux au dos, tandis que les extrémités inférieures des pieds sont tubulaires,

— les piètements de la chaise sont reliés à leur sommet, sous l’assise, pas deux barres tubulaires en forme de croix,

— Un embout est disposé à l’extrémité de chaque pied.

Elle décrit également les caractéristiques esthétiques essentielles du “Tabouret H” comme suit :

— L’apparence générale du tabouret :

— Il est formé de deux blocs : l’un constituant l’assise du tabouret, l’autre donnant naissance aux quatre pieds du tabouret.

— l’assise du tabouret :

— elle est de forme carrée, avec des angles arrondis,

— l’assise apparaît légèrement renfoncée en raison de son large pourtour, aux angles arrondis,

percée, en son centre, d’un trou de forme rectangulaire, semi ovale,

— les pieds du tabouret :

— leur forme générale est évasée, la partie supérieure des pieds est plus large que la partie inférieure,

— les pieds ne sont pas parallèles, mais fuyant vers l’extérieur, décrivant la forme d’un trapèze,

— ils sont arrondis en façade, avec un angle à plus de 90°, mais creux au dos, tandis que les extrémités inférieures des pieds sont tubulaires,

— l’angle de la façade arrondie de chaque pied est embouti sur près de la moitié de la longueur des pieds,

— les pieds du tabouret sont reliés à leur sommet, sous l’assise, pas une barre tubulaire en forme de croix.

Pour les modèles “Tabouret H” avec dossier, elle précise qu’il existe deux types de dossier : un grand dossier identique à celui du modèle “Chaise A”, et un petit dossier constitué comme suit :

— sa forme est rectangulaire,

— il est composé d’une structure tubulaire délimitant les côtés du dossier, d’ une traverse verticale très large et d’un tube délimitant,

— le tube formant les côtés du dossier sont pliés à chacune des extrémités et soudés au siège.

— l’usage de l’acier galvanisé et l’aspect massif confèrent une impression d’ensemble de robustesse.

La société Z ne conteste pas les droits d’auteur invoqués par la société Tolix Steel Design ni sa qualité à agir en contrefaçon de droits d’auteur mais fait porter le débat sur la preuve de la matérialité des actes de contrefaçon allégués. Elle souligne l’insuffisance des seules pièces versées aux débats pour caractériser ceux-ci, alors que la charge de la preuve des faits allégués incombe à la requérante conformément aux dispositions des articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil.

L’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.

Celui qui invoque des actes de contrefaçon doit en rapporter la preuve.

La comparaison entre l’oeuvre protégée et le modèle présenté comme contrefaisant doit se faire à partir de leurs éléments constitutifs essentiels et sur une impression d’ensemble.

La société Tolix Steel Design soutient que la société Z a offert à la vente sur le site internet leboncoin.fr, sur son site internet accessible à l’adresse www.Z.com et dans ses showrooms situés à Pierrelaye et à Paris des chaises et tabourets qui constituent la reproduction servile de ses modèles “chaise A” et “tabouret H”.

Sur la chaise A :

Pour justifier de la contrefaçon de son modèle de “chaise A”, la société Tolix Steel verse aux débats :

— un constat d’huissier de justice établi les 25 juillet et 1er août 2013, par lequel il a été constaté les faits suivants :

— le 25 juillet 2013, la mise en vente sur le site www.Z.fr de la société Z reproduisant le logo “Z Elégance et design”, de modèles de chaises désignés “Galaxy”, de structure en métal, au prix de 80 euros l’unité, et l’achat, par Melle Y, d’une de ces chaises audit prix outre 12 euros de frais de livraison, payé par carte bancaire, la possibilité de régler cet achat par chèque devant être libellé à l’adresse “Z. 6/[…]”, la confirmation du paiement effectué à “E F contact@Z.com 0144855924", lequel correspond aux coordonnées téléphoniques de la société Z telles qu’affichées sur ce site à destination de toute personne souhaitant des renseignements sur les produits commercialisés sur le site,

— le 1er août 2013 la remise par Melle Y à l’huissier de justice d’une chaise en fer de couleur grise similaire à celle acquise le 25 juillet 2013 ;

— un acte d’huissier de justice dressé le 26 juillet 2013, portant constat de la parution, sur le site internet leboncoin.fr, de diverses annonces :

— le 16 juillet à 18h45 “Chaise galaxy type Tolix en métal”-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-80 euros, par l’annonceur “Tolix vieilli 06 50 69 07 10",

— le 12 juillet à 18h07 « Chaise empilante Tolix 80 Euro(s) »- A -Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-80 euros, par l’annonceur “chaise réception 06 50 69 07 10",

— le 12 juillet à 15h49 « Chaise galaxy Tolix chaise bar tabouret Tolix »-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-80 euros, par l’annonceur “ galaxyTolix 06 50 69 07 10",

— le 6 juillet à 16h40 “Tolix (Chaise, chaise de bar, tabouret) tolix-Ameublement Paris-80 euros, par l’annonceur “chaise 06 50 69 07 10",

— le 5 juillet à 22h28 “Chaise bar tolix 139 euros”-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise 139 euros, par l’annonceur “chaise de bar Tolix 06 50 69 07 10",

— le 4 juillet à 10h34 “Chaise Tolix empilable 67 Euro(s) »-Ameublement Paris-67 euros, par l’annonceur “Tolixbarchaise 06 50 69 07 10",

— le 28 juin à 20h50 “Chaise modèle Tolix 67 euro(s) »-Ameublement Val-d’Oise 67 euros, par l’annonceur “Tolixchaise 06 50 69 07 10"

— le 28 juin à 18h24 “Chaise en acier tolix »-Arts de la table-Saint-Denis/Seine-Saint-Denis-67 euros par l’annonceur “Tolix 06 50 69 07 10",

— le 25 juin à 18h15 “Chaise Tolix chaise acier chrome 67Euro(s) »-Arts de la table-Herblay/Val d’Oise 67 euros par l’annonceur “Z 06 50 69 07 10" ;

— un procès-verbal de saisie-contrefaçon au siège social de la société Z, […] à Pierrelaye, établi le 26 septembre 2013, par lequel il a été constaté la présence à proximité de l’entrée du magazin d’une chaise métallique de couleur grise similaire à la “chaise A”, et dont il a été fait une saisie par description, M. X, employé du magasin, s’étant opposé à sa saisie réelle moyennant le paiement du prix de vente en affirmant que cette chaise n’était pas à vendre. M. G H, gérant, a déclaré par téléphone à l’huissier de justice que cette chaise n’était pas en vente, que son fournisseur chinois ne lui en avait adressé que deux échantillons et qu’aucun exemplaire n’avait été vendu sur Internet. M. I J, responsable du magasin, a communiqué son numéro de téléphone personnel : 06 50 69 07 10.

La société Z oppose à la société Tolix Steel Design la nullité du procès-verbal du constat d’achat du 25 juillet 2013-1er août 2013, en faisant valoir qu’il n’est justifié d’aucun bon de livraison tendant à démontrer que la chaise a bien été livrée, que Melle Y a procédé, par l’intermédiaire de Me M-N-Seug à un achat sur le site internet Z.com, ce qui s’apparente à une provocation à la contrefaçon justifiant à elle seule la nullité du procès-verbal, et que Melle Y est venue porter la chaise en l’étude de l’huissier de justice.

Elle soutient que l’achat n’a jamais été effectué puisqu’elle a remboursé intégralement Melle Y, que d’ailleurs la liste de ses ventes par Internet et l’attestation de son expert-comptable confirment l’absence de vente de chaises prétendument contrefaisantes.

Néanmoins, les mentions de l’huissier de justice font foi jusqu’à preuve contraire en application des dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n°45-2592 du 2 novembre 1945.

Le constat d’achat d’un produit par un tiers sur Internet, portant description du processus d’achat avec réalisation de captures d’écran, reproduites dans le procès-verbal, et le constat de la remise matérielle du produit par l’acheteur, dont les caractéristiques sont décrites à l’acte et des photographies jointes à celui-ci, ne sauraient être assimilés à une provocation à la contrefaçon, et sont des actes valables.

La société Z ne justifie d’aucun élément de nature à remettre en cause le contenu précis et circonstancié du procès-verbal d’huissier de justice par lequel il a été constaté, le 25 juillet 2013, l’opération d’achat d’un modèle de chaise Galaxy par Melle Y sur le site internet de vente en ligne de la société Z, la confirmation de cette commande par la société Z, le processus d’achat ayant été décrit avec soins, assorti de captures d’écran reproduites dans l’acte, dont des clichés représentant la chaise Galaxy commandée, puis, le 1er août 2013, la remise par Melle Y d’une chaise, laquelle a été décrite, photographiée et saisie par l’huissier de justice et est en tous points similaire à celle commandée.

La défenderesse reconnaît même avoir reçu le paiement de la commande n°201307003 passée le 25 juillet 2013 par Melle Y, telle que constatée par l’huissier de justice.

Le fait que Melle Y ne produise aucun bon de livraison de cette commande n’est pas de nature à mettre en cause la validité du procès-verbal de l’huissier de justice.

Il s’ensuit la validité du constat d’huissier de justice du 25 juillet-1er août 2013, lequel revêt force probatoire.

Pour contester l’effectivité de la vente, la société Z ne saurait se prévaloir de la lettre qu’elle a adressée à Melle Y le 28 novembre 2013, ultérieurement aux opérations de saisie- contrefaçon qui se sont déroulées le 26 septembre 2013, et même après la délivrance de l’assignation le 31 octobre 2013, manifestement pour les besoins de la cause, en lui faisant part de l’impossibilité d’honorer la commande n°201307003 passée le 25 juillet 2013 et en lui adressant un chèque en remboursement du montant, celle-ci n’étant pas de nature à remettre en cause l’achat de la chaise Galaxy par Melle Y le 25 juillet 2013 et la remise par celle-ci d’une chaise en tous points similaires le 1er août suivant, constatés par l’huissier de justice.

Il est tout aussi inopérant pour la société Z de produire des documents intitulés dans son bordereau de communication de pièces “Liste des ventes par internet de la société Z de l’année 2014" et “Factures de vente par internet de la société Z de l’année 2014" alors que l’origine de ces pièces, qui sont en réalité datées de 2013 et non pas 2014, n’est nullement explicitée ni déterminée et leur exhaustivité non démontrée, que ces pièces ont été versées aux débats en cours de procédure alors que la société Z s’est opposée aux opérations de saisie-contrefaçon, notamment à la consultation de ses documents comptables et factures d’achat et de vente par l’huissier de justice, que dans ces conditions, aucune force probatoire ne saurait leur être reconnue.

L’attestation de la société L&A Conseil, comptable de la société Z, du 4 décembre 2013 par laquelle celle-ci indique que ladite société “n’a jamais vendu de mobilier de type TOLIX” “En effet, après vérification des factures de vente, il n’apparaît à aucun moment le nom de TOLIX” est inopérante, la chaise commandée par Melle Y sous la dénomination Galaxy ayant été remise à l’huissier de justice le 1er août 2013.

C’est également vainement que la société Z prétend qu’au regard des captures d’écran annexées au procès-verbal, les chaises proposées à la vente sont en métal coloré, modèle qui est sans doute produit en quantité infinie, alors que seule une chaise a été retrouvée dans ses entrepôts, laquelle lui a été adressée par un fournisseur chinois à titre d’échantillon, et qu’elle n’a jamais passé commande auprès dudit fournisseur. En effet, elle ne justifie par aucune pièce avoir reçu seulement deux exemplaires de chaises Galaxy par son fournisseur chinois et n’a pas permis la vérification de ses allégations concernant l’absence de commande, s’étant opposée à la consultation de ses données informatiques, documents comptables et commerciaux lors des opérations de saisie-contrefaçon. Le fait qu’une seule chaise métallique de couleur grise, en tous points semblable à celle remise à l’huissier de justice par Melle Y, ait été trouvée dans ses locaux n’est pas de nature à remettre en cause l’offre à la vente, sur son site internet, de modèles de chaises Galaxy de diverses couleurs, constatée par l’huissier de justice, qui a reproduit à l’acte les captures d’écran portant sur cette offre.

Enfin, la société Z ne conteste pas la validité de l’acte d’huissier de justice du 26 juillet 2013 ayant constaté l’offre à la vente, sur le site internet leboncoin.fr, de modèles de chaises, par un annonceur dont le numéro de téléphone est identique à celui de M. I J, responsable du magasin de la société Z. L’examen des captures d’écran annexées à ce constat d’huissier de justice établit que les chaises mises en vente sont similaires aux chaises Galaxy. D’ailleurs, l’annonce parue le 12 juillet à 15h49 mentionne expressément “Chaise galaxy Tolix chaise bar tabouret Tolix”. Enfin, la grande majorité des annonces en cause est située dans le département du Val d’Oise où la société Z a son siège social, trois d’entre elles indiquent la ville de Pierrelaye dans les coordonnées des annonceurs, où est implanté l’établissement principal de la société Z et une mentionne expressément “Z” dans les coordonnées de l’annonceur.

La société Z fait vainement valoir qu’une comparaison rapide des pages de ce procès-verbal ne peut laisser supposer qu’elle se soit rendue coupable de la publication de ces offres, ce qui supposerait qu’elle aurait à la fois agi en son nom propre, tout en prenant le risque de publier des offres au nom et pour le compte de la société Tolix Steel Design, ces allégations étant inopérantes à remettre en cause les constatations de l’huissier de justice. En effet, la mention “TOLIX” figurant dans certaines de ces annonces n’établit nullement que la société Z ne serait pas l’annonceur alors que ses coordonnées téléphoniques figurent sur les annonces.

Il est par conséquent démontré la mise en vente, par la société Z, de chaises sur le site internet le boncoin.fr dans les annonces susvisées, peu important que le nom de la société Z figure expressément dans les coordonnées d’un seul annonceur.

La défenderesse ne critique pas davantage le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 26 septembre 2013, par lequel l’huissier de justice a constaté dans ses locaux un modèle de chaise similaire à celui acquis par Melle Y mais également relevé, en dépit de l’opposition de l’employé de la société Z aux opérations de saisie-contrefaçon, la présence, en fond d’écran sur l’ordinateur de celui-ci, de trois chaises s’apparentant à la “chaise A”.

Il s’ensuit que la société Tolix Steel Design rapporte bien la preuve de la vente en ligne, par la société Z, sur son site internet Z.com, de modèles de chaise “Galaxy”, dont Melle Y a commandé un exemplaire le 25 juillet 2013, qu’elle a remis à l’huissier de justice le 1er août 2013 , mais également sur le site leboncoin.fr.

Pour justifier que la chaise Galaxy contrefait le modèle de sa “chaise A”, la société Tolix Steel Design fait, dans ses écritures, une comparaison entre trois clichés du modèle “chaise A”, non contestés en défense, et trois clichés du modèle de chaise Galaxy acheté sur le site www.Z.com. Elle ne verse pas un exemplaire original de sa “chaise A” mais une copie couleurs de son catalogue TOLIX de 2013 et d’une capture d’écran du site internet personae grata, site officiel de vente des produits de la marque TOLIX, reproduisant un cliché de la “chaise A”.

Elle soutient que cette comparaison suffit à démontrer que les chaises proposées à la vente sur le site internet www.casedeal.com sont des copies serviles de la “chaise A”.

La société Z, sans critiquer les éléments de comparaison produits par la demanderesse, fait valoir que les copies d’écran annexées au procès-verbal du 25 juillet-1er août 2013 reproduisant les chaises Galaxy proposées sur son site internet ne permettent pas de constater que ces chaise sont des reproductions de la “chaise A”.

Néanmoins, la chaise “Galaxy” acquise par Melle Y sur le site internet de la société Z ayant été versée en original aux débats, il n’y a pas lieu de se référer à ces copies d’écran pour effectuer une comparaison avec la “chaise A”.

La comparaison de la chaise Galaxy, versée en original aux débats, avec les clichés non contestés de la “chaise A” établit que la chaise Galaxy est une copie servile de la “chaise A”, dont elle reproduit la combinaison des caractéristiques originales, ce qui lui confère une même impression d’ensemble que la “chaise A”.

La société Z ne conteste pas sérieusement la reprise de la combinaison des caractéristiques de la “chaise A et le fait que la chaise Galaxy produit une même impression d’ensemble que la “chaise A”, se bornant à soutenir qu’ “après étude de ces différentes copies d’écran (annexées au procès-verbal), on ne peut que constater qu’il s’agit de chaises en métal coloré, modèle qui est sans doute produit en quantité infinie”, alors que la société Tolix Steel Design ne revendique nullement des droits d’auteur sur un genre de mobilier que constitueraient des chaises en métal coloré.

La contrefaçon de la “chaise A” par la chaise Galaxy est en conséquence caractérisée.

Sur le “tabouret H” :

Il ressort du constat d’huissier de justice du 26 juillet 2013 que la société Z a également proposé à la vente des tabourets sur le site leboncoin.fr.

Ainsi, l’annonce parue le 5 juillet à 22h28 “Chaise bar tolix 139 euros”-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-139 euros, par l’annonceur “chaise de bar Tolix 06 50 69 07 10", et dont une capture d’écran est jointe au constat d’huissier de justice, était assortie de trois clichés représentant quatre tabourets avec dossier.

En outre, parmi les trois clichés illustrant l’annonce parue le 12 juillet à 15h49 « Chaise galaxy Tolix chaise bar tabouret Tolix »-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-80 euros, mentionnant comme annonceur “ galaxyTolix 06 50 69 07 10", figure un cliché représentant trois tabourets sans dossier de tailles différentes.

Enfin, dans un des clichés de l’annonce publiée le 28 juin 2014 à 18 heures 24, figurent 32 tabourets empilés, et non pas 34 comme le soutient la demanderesse et comme le conteste la défenderesse.

La société Z est donc mal fondée à soutenir qu’aucune pièce versée aux débats n’est relative à un quelconque tabouret.

La société Steel Tolix Design verse aux débats copies du catalogue TOLIX de 1936-1937 proposant à la vente le “tabouret H”sans dossier et du catalogue TOLIX de 2013 proposant à la vente le“tabouret H” avec ou sans dossier.

Elle soutient qu’une comparaison entre les clichés de ses modèles originaux “tabourets H”, reproduits dans ses écritures, et les clichés des tabourets proposés à la vente sur le site leboncoin.fr par la société Z établit que ceux-ci sont une reproduction servile des “tabourets H”.

La société Z ne formule aucune contestation sur ce point. En particulier, elle ne conteste nullement la reprise des caractéristiques originales du “tabouret H”.

Les clichés des modèles en cause reproduits dans les écritures de la demanderesse font apparaître que les modèles proposés à la vente par la société Z présentent des similitudes évidentes avec les “tabourets H”, leur conférant une même impression d’ensemble.

Dans ces conditions, la contrefaçon du “tabouret H” est caractérisée.

Sur la contrefaçon de marque :

La société Tolix Steel Design fait valoir l’atteinte à ses droits de marque.

Elle est notamment titulaire de la marque française TOLIX n°1411496 déposée les 7 juin 1977 et régulièrement renouveler pour désigner les produits visés en classe 20 : “sièges, fauteuils, tabourets et meubles métalliques”.

Elle soutient que la société Z a systématiquement reproduit la marque TOLIX pour des annonces visant les produits contrefaisants, afin de promouvoir ceux-ci et d’assurer le bon référencement de ses annonces.

Selon l’article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu’il a désignés.

L’article L.713-2 suivant précise que sont interdits, sauf autorisation du propriétaire,

a) la reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que “formule, façon, système, imitation, genre, méthode” ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement.

Il ressort du constat d’huissier de justice du 26 juillet 2013 que la société Casedeal a fait paraître les annonces comportant le signe TOLIX dans le titre et/ou dans le corps de l’annonce comme suit :

— le 16 juillet à 18h45 “Chaise galaxy type Tolix en métal”-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-80 euros, par l’annonceur “Tolix vieilli 06 50 69 07 10",

— le 12 juillet à 18h07 « Chaise empilante Tolix 80 Euro(s) »- A -Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-80 euros, par l’annonceur “chaise réception 06 50 69 07 10",

— le 12 juillet à 15h49 « Chaise galaxy Tolix chaise bar tabouret Tolix »-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-80 euros, par l’annonceur “ galaxyTolix 06 50 69 07 10",

— le 6 juillet à 16h40 « Tolix (Chaise, chaise de bar, tabouret) tolix-Ameublement Paris-80 euros, par l’annonceur “chaise 06 50 69 07 10",

— le 5 juillet à 22h28 « Chaise bar tolix 139 euro »-Ameublement-Pierrelaye/Val-d’Oise-139 euros, par l’annonceur “chaise de bar Tolix 06 50 69 07 10",

— le 4 juillet à 10h34 « Chaise Tolix empilable 67 Euro(s) »-Ameublement Paris-67 euros, par l’annonceur “Tolixbarchaise 06 50 69 07 10",

— le 28 juin à 20h50 « Chaise modèle Tolix 67 euro(s) »-Ameublement Val-d’Oise 67 euros, par l’annonceur “Tolixchaise 06 50 69 07 10",

— le 28 juin à 18h24 « Chaise en acier tolix »-Arts de la table-Saint-Denis/Seine-Saint-Denis-67 euros par l’annonceur “Tolix 06 50 69 07 10",

— le 25 juin à 18h15 « Chaise Tolix chaise acier chrome 67Euro(s) »-Arts de la table-Herblay/Val d’Oise 67 euros par l’annonceur “Z 06 50 69 07 10" ;

Dans ces annonces, le signe TOLIX est reproduit seul à 14 reprises, une fois accolé au mot “chaise” et une fois associé à la formule “barchaise”.

La société Z ne fait aucun développement dans ses écritures s’agissant des faits de contrefaçon de marque qui lui sont reprochés.

La reproduction et l’utilisation non autorisée du signe “TOLIX” pour désigner des modèles de chaises et de tabourets métalliques proposés à la vente par la société Z, produits identiques à ceux désignés dans l’enregistrement de la marque dont la société demanderesse est titulaire, constituent des actes de contrefaçon de marque.

La contrefaçon de la marque française TOLIX est par conséquent caractérisée.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

La liberté du commerce et de l’industrie instituée par la loi des 2 et 17 mars 1791 avec en corollaire la libre concurrence étant le principe, l’action en concurrence déloyale et parasistaire, fondée sur les dispositions de l’article 1382 du code civil, suppose la démonstration d’une faute,

d’un préjudice et d’un lien de causalité.

La société Tolix Steel Design rappelle que les meubles TOLIX sont fabriqués en France, bénéficient du label “Entreprise du Patrimoine vivant” mis en place par le Ministère de l’Economie, de l’industrie et de l’emploi pour “distinguer les entreprises françaises au savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence” et sont commercialisés en France et dans le monde entier, par un réseau de distributeurs sélectionnés par ses soins.

Elle soutient que la commercialisation par la société Z de copies serviles des “Chaise A” et “Tabouret H”, fabriquées à bas coût, avec une qualité de finition médiocre et vendues à vil prix, sans lien avec le prix d’origine de la marque, correspondant à la moitié du prix qu’elle pratique, est constitutive d’actes de concurrence déloyale et parasitaire. Elle souligne le détournement de la clientèle de la société TOLIX et l’atteinte à l’image de ses produits.

Elle ajoute que le caractère promotionnel du prix présenté par la société Z sur son site internet est totalement faux et constitue donc une pratique commerciale déloyale au sens des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation.

Enfin, elle prétend que la société Z a indiscutablement cherché à se placer dans son sillage en profitant de la renommée dont bénéficient les créations “TOLIX” auprès des amateurs de

décoration et de design. Elle soutient qu’en prétendant, sur son site internet, posséder des connaissances illimitées dans le domaine de la décoration, design et conception grâce à ses différents points de vente et ses nombreux voyages dans le monde entier, la société Z a conscience qu’elle propose à la vente des produits qui s’inscrivent dans le sillage de produits connus et reconnus par les amateurs de meubles design. Elle ajoute que la société Z a eu un comportement « suiveur », captant ses efforts de création et de communication et s’immisçant dans le sillage du succès rencontré par ses modèles emblématiques “ Chaise A” et

“Tabouret H”, bénéficiant ainsi, sans bourse délier, des frais de création et de promotion exposés par ses soins depuis plusieurs décennies pour promouvoir ses meubles originaux.

La société Z fait valoir en réponse qu’il n’est nullement démontré l’imitation des modèles de la marque TOLIX, que la pratique de prix bas, liée à la vente du mobilier en ligne, qui est l’une de ses spécificités, ne suffit pas à caractériser des actes de concurrence déloyale, qu’enfin il n’existe aucun lien entre l’expérience dont elle se prévaut, proposant plus de 300 références de produits à la vente, et celle de la société Tolix Steel Design.

La société Tolix Steel Design justifie de la renommée qu’elle a acquise dans le domaine du mobilier design et de la qualité de ses produits, en particulier ses modèles de “chaise A” et “tabouret H”, lesquels sont le sujet du livre Inoxydable Tolix de Mme C D, publié aux éditions de la Marinière en 2007, mais aussi évoqués ou représentés dans des articles de presse publiés le 27 février 2014 par le magazine Le Point, Côté Sud de février-mars 2013, Le Monde du 6 février 2013, Esprit d’ici de septembre-octobre 2013.

L’article publié dans le magazine “ça m’intéresse” du mois de février 2013 précise que la chaise A est une icône du design industriel français et est présentée dans les collections du MoMa de

New-York et du Centre Pompidou.

Dans un entretien accordé au magazine Le Point le 27 février 2014 non contesté en défense, Mme K L, ex-directrice financière de la société TOLIX, a ainsi expliqué fabriquer à l’usine ultra-moderne d’Autun environ 300.000 chaises A, qui nécessitent environ 100 manipulations chacune, mais également d’autres articles tels que des tabourets, lesquels sont commercialisés dans le monde entier, que ces modèles sont tous estampillés de la mention “Made in France”, et qu’elle a fait appel à des designers pour moderniser son image de marque.

La requérante démontre également que le modèle de “chaise A” est vendu au prix promotionnel de 179 euros au lieu de 209 euros sur le site internet persona grata, revendeur officiel des produits de la marque TOLIX.

En érigeant la chaise contrefaisante en produit d’appel, celle-ci étant commercialisée sur son site internet sous l’annonce promotionnelle “ Le patron est devenu fou!!! O O O la chaise Galaxy tendance est enfin disponible chez Z à seulement 80 euros!!!”, la société Z, qui se présente comme étant spécialisée dans le domaine du design, a manifestement cherché à bénéficier de la renommée de la société Tolix Steel Design, à capter la clientèle de celle-ci et s’immiscer dans son sillage afin de bénéficier, sans bourse délier, du savoir-faire, des efforts créateurs et d’investissements de la société Tolix Steel Design pour promouvoir ses produits.

La concurrence déloyale et parasitaire est en conséquence caractérisée.

Sur la réparation du préjudice :

Au titre de la contrefaçon de droits d’auteur :

Selon l’article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner, subies par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirés de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juriction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a été porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

La société Tolix Steel Design sollicite une indemnité de 100.000 euros en réparation de l’atteinte à ses droits d’auteur, compte tenu de son manque à gagner au regard du chiffre d’affaires des ventes de modèles contrefaisants réalisées par la société Z, qu’elle estime à 52.588 euros, de son préjudice causé par l’atteinte à son image, qu’elle évalue à 15.000 euros, et de la perte de ventes de ses propres chaises qu’elle estime à 30.000 euros.

S’agissant tout d’abord du chiffre d’affaires réalisé par la société Z pour la vente de modèles de chaises et de tabourets contrefaisants compte tenu des annonces que celle-ci a fait paraître sur son site et le site leboncoin.fr, elle estime, au regard du nombre de modèles de chaises et tabourets présentés à la vente par la société Z, du stock qu’elle évalue à 10 exemplaires pour chacun des articles présentés par annonce, que la vente des chaises et tabourets a représenté un chiffre d’affaires de 52.588 euros pour la société Z.

La société Tolix Steel Design soutient que les captures d’écran reproduites dans le constat d’huissier de justice des 26 juillet 2013 et 25 juillet-1er août 2013 démontrent l’offre à la vente, par la société Z, de 75 chaises contrefaisantes sur le site leboncoin.fr et de 9 chaises contrefaisantes sur le site www.Z.fr.

La défenderesse ne conteste pas utilement ces allégations, les clichés illustrant les annonces des 28 juin à 20 heures 50 et 25 juin à 18 heures15, bien que de qualité médiocre, permettant d’évaluer le nombre de chaises proposées à la vente et d’établir que les modèles figurant en arrière plan sont similaires à ceux figurant en premier plan.

Il est ainsi établi la mise en vente par la société Z de 84 chaises contrefaisantes, outre 39 tabourets contrefaisants, soit 123 articles contrefaisants.

La société Z critique le stock estimé par la demanderesse, en faisant valoir que les allégations péremptoires de celle-ci ne reposent sur aucune preuve, alors que lors des opérations de saisie-contrefaçon, une seule chaise a été retrouvée dans ses entrepôts.

Néanmoins, il sera relevé que l’annonce publiée le 16 juillet à 18 heures 45 précise “vous avez le choix des couleurs gris bleu rouge vert…” mais ne reproduit pas de cliché de chaise de couleur rouge. L’annonce parue le 12 juillet à 18 heures 07 indique “Possibilité de voir dans nos show Room chaise de bar Tolix. Tabouret et chaise ainsi que d’autres choix à prix d’usine”. L’annonce du 12 juillet 15 heures 49 mentionne “choix des coloris. Stock dispo”. L’annonce du 6 juillet à 16 heures 40 indique “possibilité de venir voir les chaises ainsi que les chaises de bar tabouret…(…) Livraison possible. Stock dispo”. Les annonces des 5 juillet à 22 heures 28 et 28 juin à 18 heures 15 précisent “possibilité de voir nos produits au show room”.

La société Z ayant proposé à la vente divers modèles de chaises et tabourets contrefaisants, prétendu dans ses annonces qu’elle disposait d’un stock varié, disponible et visible dans son show-room, ne peut alléguer n’avoir disposé d’aucun stock. Le fait qu’une seule chaise ait été retrouvée dans les entrepôts de la société Z lors des opérations de saisie-contrefaçon du 26 septembre 2013 n’exclut pas qu’elle ait disposé d’un stock pour honorer les commandes consécutives à ses offres de vente, au demeurant mises en avant sur son site internet.

La société Z s’est opposée à l’examen de ses documents comptables lors des opérations de saisie-contrefaçon et ne produit aucun document relativement à la commercialisation des chaises et tabourets contrefaisants.

Néanmoins, l’estimation de la requérante selon laquelle elle aurait entreposé 10 exemplaires de chacun des exemplaires proposés à la vente tels que ressortant des constats d’huissier de justice paraît excessive au regard de la courte période durant laquelle les annonces ont été mises en ligne. Le stock sera donc estimé au triple de celui figurant sur les clichés, soit 369 articles.

La défenderesse ne produit aucun élément de nature à estimer le bénéfice réalisé par ses soins par la vente des modèles de chaises et de tabourets contrefaisants.

Dans ces conditions, le chiffre d’affaires de la société Z peut être estimé à 39.360 euros (80 euros nets par modèle x (123 articles contrefaisants + 369 articles en stock)).

La société Tolix Steel Design soutient également avec pertinence que la contrefaçon de ses droits d’auteur lui cause un préjudice moral, en ce qu’elle déprécie son image et la renommée qu’elle s’est forgée depuis plusieurs décennies. Ce préjudice justifie l’allocation d’une indemnité de 10.000 euros.

Elle fait enfin valoir que la vente à vil prix et de médiocre qualité de chaises contrefaisantes de sa marque a pour effet de détourner définivement sa clientèle de la marque TOLIX, lui causant une perte de ventes qu’elle estime à 150 chaises. Elle ne justifie pas de la perte de clientèle alléguée, ne versant aux débats aucun document comptable. Son manque à gagner peut être estimé à tout le moins à la perte de vente de 123 modèles contrefaisants sur la base d’un prix de vente de 200 euros par exemplaire, soit 24.600 euros.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le préjudice de la société Tolix Steel Design au titre de l’atteinte à ses droits d’auteur sera fixé à la somme de 80.000 euros.

Sur la contrefaçon de droits de marque :

La requérante soutient avec pertinence qu’en utilisant la marque « TOLIX » pour commercialiser des contrefaçons des produits TOLIX sur les neuf annonces qu’elle a fait paraître sur le site www.leboncoin.fr, la société Z a induit en erreur l’internaute sur l’origine du produit, portant atteinte à la fonction et à l’image de la marque.

Au regard des 16 utilisations non autorisées de la marque TOLIX, le préjudice de la société Tolix Steel Design sera fixé à une somme de 20.000 euros.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire :

La requérante est également bien fondée à faire valoir que la commercialisation par la société Z d’une gamme de chaises contrefaisantes Galaxy à titre de produits d’appel attire sa clientèle.

Néanmoins, la société Tolix Steel Design ne produit aucune pièce relative aux investissements qu’elle invoque au titre de la modernisation et promotion de ces produits et à son chiffre d’affaires.

Compte tenu de ces éléments, le préjudice de la demanderesse au titre de la concurrence déloyale et parasitaire doit être évalué à une somme de 10.000 euros.

Sur les mesures accessoires :

Il convient d’ordonner la publication de la décision et d’interdire à la société Z la commercialisation d’articles contrefaisants, selon les modalités précisées au dispositif.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts :

Les demandes de la société Tolix Steel Design étant bien fondées, la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il serait inéquitable de laisser les frais exposés à la charge de la requérante. La société Z sera condamnée à lui verser une indemnité de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais de constat d’huissier de justice des 26 juillet 2013, 25 juillet-1er août 2013 et 26 septembre 2013.

Sur l’exécution provisoire :

La nature de l’affaire, en particulier son caractère indemnitaire, justifie le prononcé de l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Constate la validité du constat d’huissier de justice dressé les 25 juillet-1er août 2013,

Déclare la société Tolix Steel Design bien fondée à agir en contrefaçon de droits d’auteur, de droit de marque et en concurrence déloyale et parasitaire,

Condamne la société Z à payer à la société Tolix Steel Design une indemnité de 80.000 euros en réparation de son préjudice au titre de l’atteinte à ses droits d’auteur,

Condamne la société Z à payer à la société Tolix Steel Design une indemnité de 20.000 euros en réparation de son préjudice au titre de l’atteinte à sa marque,

Condamne la société Z à payer à la société Tolix Steel Design une indemnité de 10.000 euros en réparation de son préjudice au titre de la concurrence déloyale et parasitaire,

Fait interdiction à la société Z de représenter, commercialiser et faire la promotion de chaises Galaxy contrefaisant la “chaise A” de la société Tolix Steel Design et de tabourets contrefaisant le “tabouret H” de la société Tolix Steel Design, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification de la décision,

Ordonne la destruction sous constat d’huissier de l’ensemble des tabourets et/ou chaises contrefaisant le modèle « Tabouret H » ou le modèle « Chaise A» aux frais de la société Z,

Fait interdiction à la société Z d’utiliser la marque TOLIX,

Autorise la société Tolix Steel Design à faire publier le texte suivant « Par jugement du 14 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a condamné la société Z pour contrefaçon de droits d’auteur et contrefaçon de droit de marque de la société TOLIX STEEL DESIGN”, dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision, dans deux journaux ou magazines de son choix, aux frais de la société Z, sans que le coût de chaque insertion n’excède la somme totale de cinq mille euros (5.000€) hors taxe,

Ordonne à la société Z de publier le dispositif de la décision, dans un délai de huit jours à compter de sa signification, sur son site internet accessible à l’adresse www.Z.com durant dix jours, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,

Condamne société Z à payer à la société Tolix Steel Design une indemnité de 10.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les frais de constat d’huissier de justice des 26 juillet 2013, 25 juillet-1er août 2013 et 26 septembre 2013,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne la société Z aux dépens, lesquels pourront être recouvrés selon les modalités de l’article 699 du code de procédure civile,

Ordonne l’exécution provisoire.

signé par Anne BEAUVOIS, Première Vice-présidente et par Sylvie CHARRON, Greffier présent lors du prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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Tribunal de grande instance de Nanterre, 1re chambre, 14 janvier 2016, n° 13/13230