Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 1re section, 8 février 2011, n° 08/14135

  • Clause bénéficiaire·
  • Rachat·
  • Assurance vie·
  • Consorts·
  • Violence·
  • Contrat d'assurance·
  • Hospitalisation·
  • Successions·
  • Modification·
  • Acceptation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 5e ch. 1re sect., 8 févr. 2011, n° 08/14135
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 08/14135

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

5e chambre 1re section

N° RG :

08/14135

N° MINUTE :

Assignation du :

05 Septembre 2008

(footnote: 1)

JUGEMENT

rendu le 08 Février 2011

DEMANDERESSES

Mademoiselle K X

[…]

[…]

Mademoiselle Z X

[…]

91280 ST R DU PERRAY

Madame L A épouse X

[…]

28500 CLERCY-COUVE

représentées par Me Dimitri BOUGEARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire E1817 et plaidant par Me Corinne ROUX du barreau de Versailles substitué par Me Esperance ITELA

DÉFENDEURS

Monsieur M E

[…]

[…]

Madame N B

[…]

[…]

Madame O E épouse Y

[…]

[…]

Madame P E

[…]

[…]

Madame Q E

[…]

[…]

représentés et plaidant par Me Florence AI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire #PC189

S.A. CNP ASSURANCES

[…]

[…]

représentée et plaidant par Me Thierry LACAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D845

S.A. J FRANCE VIE

[…]

[…]

représentée par Me AD AE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0410 et plaidant par Me Armelle MAUGER

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur R A

[…]

[…]

représenté par Me Serge REP , avocat au barreau de PARIS, vestiaire E 58 et plaidant par Me Sophie DEZAVENNE TISSIER

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Christian HOURS, vice-président

Jeanne DREVET, vice-président

S T, juge

U V, auditrice de justice ayant siégé en surnombre et participé avec voix consultative au délibéré et ayant fait rapport à l’audience.

assistés de Anne LOREAU, greffier

DEBATS

A l’audience du 04 Janvier 2011

tenue en audience publique. Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 08 Février 2011.

JUGEMENT

Prononcé en audience publique par mise à disposition au greffe

Contradictoire

en premier ressort

Le litige

Monsieur W A s’est AJ avec Madame AJ-AK AL.

Deux enfants sont issus de cette union : Monsieur R A et Madame L A épouse X.

AB Z et K X sont les petites filles de Monsieur W A.

Monsieur W A a vécu également en concubinage avec Madame AA B, pendant 35 ans environ.

Madame AA B a souscrit quatre contrats d’assurance vie auprès de la SA CNP ASSURANCES et de la société J FRANCE VIE :

  • le 29 janvier 1994, un contrat Poste avenir n°343-508298-09 avec pour bénéficiaire, après modification du 14 janvier 1997, Monsieur W A, à défaut Monsieur A R et Madame X L née A, par parts égales, à défaut ses héritiers ; au 31 décembre 2005, les sommes capitalisées s’élevaient à 129.580,95 euros ; le 24 mars 2007, elles ont été transférées sur le contrat ASCENDO,
  • le 15 novembre 1995, un contrat Poste avenir n°343985173, avec pour bénéficiaire, à compter du 28 juillet 1999 après trois précédentes modifications, AB Z et K X ; au 31 décembre 2005, les sommes capitalisées s’élevaient à 61.189,80 euros ; le 24 mars 2007, elles ont été transférées sur le contrat F n°625 57644901,
  • le 30 juin 1997, le contrat SELEXIO n°161445146, le démembrement de la clause bénéficiaire ayant été sollicité par Madame B par courrier du 25 février 2002 avec en qualité d’usufruitier Monsieur W A et en qualité de nues propriétaires AB Z et K X, à défaut leurs ayants droit ; au 17 avril 2007, le montant de l’épargne représentait la somme de 124.032,56 euros,
  • le 1er juillet 1997, un contrat VALORIGES n°900091789383T auprès de la société J FRANCE VIE ; la clause bénéficiaire désignait Monsieur W A en qualité d’usufruitier et AB Z et K X en qualité de nues propriétaires.

Monsieur W A est décédé le […] sans avoir effectué de testament.

Madame AA B, victime d’une chute dans les escaliers alors qu’elle se trouvait chez une de ses nièces, a été hospitalisée du 4 aout au 19 décembre 2007.

Le 17 aout 2007, elle a modifié les clauses bénéficiaires des contrats souscrits auprès de la SA CNP ASSURANCES et désigné Monsieur M E, Mesdames O-AM E épouse Y, P E épouse C, Q E épouse D, enfants de sa sœur, Madame N B épouse E, à parts égales entre eux, à défaut ses héritiers.

Par courriers du 10 octobre 2007 adressés à la SOCIÉTÉ J FRANCE VIE et à la SA CNP ASSURANCES,

AB X ont déclaré accepter le bénéfice des quatre contrats.

Le 12 novembre 2007, la SA CNP ASSURANCES les a informées de ce que Madame AA B avait modifié les clauses bénéficiaires des contrats.

Le 19 mars 2008, la société J FRANCE VIE leur a indiqué que leur acceptation était dépourvue d’effet suite au décès de Monsieur W A, au motif que le démembrement de la clause bénéficiaire ne pouvait être effectué en l’absence d’usufruitier.

Le 28 avril 2008, Madame B a procédé au rachat du contrat souscrit auprès de la société J FRANCE VIE.

Elle est décédée le 2 juin 2008.

Par courrier du 5 juin 2008, la société J FRANCE VIE s’est opposée à la demande de communication des contrats litigieux et de leurs avenants, formée par AB X.

Par courrier avec demande d’avis de réception du 5 juin 2008, celles-ci informaient la SA CNP ASSURANCES du décès de Madame B et formaient opposition au versement du capital aux personnes désignées par celle-ci en qualité de bénéficiaire des contrats d’assurance vie souscrits, ce que la SA CNP ASSURANCES acceptait par courrier du 20 juin 2008, à titre provisoire, tout en refusant la communication des contrats et de leurs avenants.

Par ordonnance du 24 septembre 2008, le juge des référés de ce tribunal, saisi par les consorts X a :

  • ordonné la mise sous séquestre, entre les mains de la SA CNP ASSURANCES, des sommes capitalisées sur les contrats ASCENDO, SELEXIO et F jusqu’à l’obtention d’une décision au fond,
  • enjoint à la SA CNP ASSURANCES de communiquer aux consorts X copie des contrats ASCENDO, SELEXIO et F, ainsi que de leurs avenants,
  • enjoint à la SOCIÉTÉ J FRANCE VIE de leur communiquer copie du contrat LIBREPARGNE VALORIGES et de ses avenants, ainsi que tous documents relatifs au rachat de ce contrat par feue AA B.

Les 5 et 9 septembre 2008, les consorts X ont assigné Mesdames N B, O-AM E épouse Y, P E épouse C, Q E épouse D, la SA CNP ASSURANCES et la société J FRANCE VIE devant ce tribunal

.

Le 25 juin 2009, les consorts X ont mis en cause Monsieur M E.

Par décision du 17 novembre 2009, le juge de la mise en état a ordonné la jonction de ces procédures.

Par conclusions du 9 mars 2010, Monsieur R A, fils de Monsieur W A, est intervenu volontairement à l’instance. Il demande au Tribunal, sur le fondement des articles 325 et 1361 du Code de procédure civile, 734, 912, 921 et suivants et 778 du Code civil d’ordonner le partage de la succession de Monsieur W A et d’annuler la donation faite à Madame B de l’ensemble des sommes versées sur les contrats d’assurance vie litigieux.

Il sollicite, à titre subsidiaire, la réduction de la donation à concurrence de la quotité disponible en présence de deux héritiers et, en tous cas, sollicite la condamnation de la succession de Madame AA B à restituer les sommes capitalisées à la succession de Monsieur W A.

Il demande au tribunal de dire que Madame L X s’est rendue coupable, à son égard, d’un recel de succession sur l’ensemble de ces sommes et, en conséquence, de juger qu’elle ne pourra prétendre à aucun droit sur ces sommes qui lui reviendront en intégralité. Il demande enfin la condamnation des consorts X, E et de Madame N B à lui payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

aux motifs que :

— il est le légitime héritier réservataire de son père, Monsieur W A ; le montant de l’actif successoral à son décès s’élevait à 178.356,50 euros ; or, selon les écritures des consorts X, des donations déguisées sont intervenues au profit de Madame B visant à frauder son droit à la réserve, afin de rendre les demanderesses seules bénéficiaires des sommes, distraites à titre gratuit du patrimoine de Monsieur W A ; Monsieur R A, afin d’être restitué dans ses droits, a intérêt à intervenir volontairement dans la présente instance,

— les sommes qui ont bénéficié à Madame AA B pour un montant de 340.000 euros ont été distraites du patrimoine de Monsieur W A en fraude de ses droits et lui ont été cachées tant par Madame B que par ses nièces,

— Madame L X, en participant à cette fraude, s’est rendue coupable de recel de succession, ce qu’elle reconnait dans son assignation.

Dans leurs écritures signifiées le 23 novembre 2010, les consorts X concluent, sur le fondement des articles 1109, 1112, 1115, 901, 617, 737 et 778 du code civil, 325 et suivants du code de procédure civile, L.132-8, L.132-9 et L132-25 du code des assurances à la recevabilité de leurs demandes et sollicitent, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, la nullité des clauses bénéficiaires dans les contrats ASCENDO, SELEXIO et F souscrits par Madame B auprès de la SA CNP ASSURANCES et du rachat du contrat LIBREPARGNE VALORIGES souscrit auprès de la société J FRANCE VIE.

Elles demandent également la condamnation in solidum de la SA CNP ASSURANCES et des consorts E/B à leur verser les sommes capitalisées sur les contrats ASCENDO, SELEXIO et F et la condamnation de la société J FRANCE VIE à leur verser le montant du capital assuré sur le contrat LIBREPARGNE VALORIGES.

Elles concluent à titre principal à l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de Monsieur R A. A titre subsidiaire, elles demandent que ce dernier soit débouté de ses demandes portant sur l’ensemble des sommes versées sur les contrats d’assurance vie dont il n’est pas bénéficiaire et qu’il soit constaté qu’il n’établit pas que Madame L X se soit rendue coupable de recel de succession à son préjudice et de l’en débouter. Enfin, elles sollicitent la condamnation in solidum des défendeurs à leur verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

aux motifs que

  • Monsieur W A disposait d’un important capital placé pour son compte par Madame AA B sur les quatre contrats d’assurance vie,
  • elles justifient d’un intérêt à agir à l’encontre de Madame N B, sœur de feue Madame AA B, ayant qualité d’ayant droit de celle-ci en vertu de l’article 737 du Code civil, car les sommes placées sur le contrat LIBREPARGNE VOLORIGES font partie du patrimoine successoral du fait du rachat dudit contrat le 28 avril 2008 ; par ailleurs, la mise en cause de tous les ayant-droits de Madame AA B n’est pas nécessaire puisqu’elles ne demandent que la condamnation de la société J France VIE au remboursement du capital assuré, conformément à la jurisprudence rendue sur le fondement de l’article L132-9 du code des assurances,
  • Madame B a manifesté durant 13 ans une volonté ferme et sans équivoque de les désigner comme bénéficiaires des contrats d’assurance, volonté qui n’avait pas changé en juin 2007 lors du décès de Monsieur A,
  • les modifications contractuelles sont intervenues alors que Madame AA B était fortement fragilisée, tant physiquement que moralement : la durée de son hospitalisation, le compte rendu d’hospitalisation rapportant l’existence d’un traumatisme, d’un état d’agitation de la patiente et le fait que, le 17 aout 2007, date des modifications contractuelles, Madame B était immobilisée par un collier cervical, avec un bras en écharpe et une canule dans la gorge, l’obligeant à écrire sur une ardoise pour se faire comprendre, le confirment,
  • la preuve est rapportée de ce que l’état dans lequel se trouvait Madame AA B ne lui permettait pas d’exprimer sa volonté le 17 aout 2007 : la solitude de Madame AA B, âgée de près de 80 ans, génératrice d’angoisse, était de nature à lui inspirer une crainte sérieuse, de nature à lui faire remettre en cause une volonté fermement exprimée durant 13 ans ; de surcroit, la visite des conseillers de la Banque postale au chevet de Madame B s’analyse en une violence physique et morale, ce d’autant que la conseillère en patrimoine auprès de la société J France VIE a indiqué, suite à la sommation interpellative qui lui a été signifiée le 23 avril 2009, que le contrat souscrit auprès de sa société n’avait pas été modifié car Madame B se trouvait dans un état de santé ne lui permettant pas d’exprimer sa volonté,
  • les dispositions de l’article 1115 du Code civil ne s’appliquent pas en l’espèce, les violences n’ayant pas cessé à l’issue de l’hospitalisation, Madame B demeurant dans un état de fragilité émotionnelle lui ôtant toute liberté de volonté comme l’indique l’ordonnance médicale du 19 décembre 2007 lui prescrivant 7 médicaments dont trois pour traiter des troubles émotionnels d’angoisse, d’anxiété et de dépression,
  • les défendeurs ne rapportent pas la preuve d’un quelconque harcèlement de leur part au détriment de Madame AA B, qui l’aurait conduite à modifier les contrats d’assurance vie souscrits, l’acceptation du bénéfice des contrats d’assurance vie ne pouvant à lui seul le caractériser,
  • au contraire, Madame AA B a fait l’objet de manœuvres de la part des consorts B-E destinées à l’isoler et à prendre possession de ses biens ; tout d’abord les manœuvres étaient destinées à la convaincre que les demanderesses tentaient de lui nuire : les consorts B-E ont provoqué la rupture entre Madame AA AC et les demanderesses, Madame B étant persuadée que Madame L X était à l’origine de la demande de mise sous tutelle, alors qu’il s’agissait d’une initiative de l’assistante sociale ; en outre, les consorts B-E ont pris des mesures pour récupérer les biens de Monsieur W A et Madame AA B : Madame N B a pris l’initiative de se charger de la succession de Monsieur W A et s’est adressée directement au notaire comme en atteste une lettre du notaire en date du 14 septembre 2007 ; la voiture de Monsieur A a été cédée au bénéfice de la petite fille de Madame N B au moment de l’hospitalisation de Madame AA B et la somme de 7.500 euros a été prélevée à tort sur le compte bancaire de Monsieur W A, alors que celui-ci était dans le coma, selon les courriers du notaire du 10 octobre et 7 novembre 2007 ; enfin, Madame L X a retrouvé dans une poubelle une autre version d’un courrier adressé à l’animateur de télévision Julien COURBET, différant de celle versée au débat, par laquelle Madame AA B précisait que les sommes versées sur les contrats provenaient du capital de Monsieur W A ; or, l’attribution à titre gratuit du bénéfice d’une assurance vie constitue une libéralité, soumise au respect des dispositions de l’article 901 du Code civil, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce du fait de ces manœuvres frauduleuses,
  • l’acceptation de AB X du bénéfice des contrats souscrits auprès de la SA CNP ASSURANCES est irrévocable,
  • concernant le contrat LIBREPARGNE, AB X, bénéficiaires de la nue-propriété ont recouvré la pleine propriété suite au décès de Monsieur W A en vertu des dispositions de l’article 617 du Code civil, contrairement à ce qu’affirme la société J FRANCE VIE ; leur courrier adressé à la société défenderesse le 10 octobre 2007 constitue une acceptation irrévocable du bénéfice du contrat litigieux ; par conséquent, la société défenderesse ne pouvait autoriser le rachat du contrat par Madame AA B sans leur accord,
  • les jurisprudences invoquées par la société J FRANCE VIE ne s’appliquent pas en l’espèce : en effet, le contrat versé aux débats en septembre 2008 sur injonction du juge des référés ne comportait que deux pages, la proposition de souscription et l’annexe relative à la clause bénéficiaire ; il ne contenait aucune clause particulière afférente au droit de rachat du souscripteur ; la pièce n°20 intitulée conditions générales du contrat VALORIGES, au sein de laquelle figure un article relatif au rachat, n’a été communiquée que postérieurement au contrat VALORIGES, elle ne comporte ni date, ni signature de Madame AA B et ne peut donc être rattachée au contrat VALORIGES souscrit par Madame AA B ; or, les arrêts invoqués concernent l’hypothèse où le droit de rachat du souscripteur est prévu dans le contrat d’assurance vie mixte ; le contrat litigieux ne contenant aucune clause de rachat, l’article L132-9 du Code des assurances a vocation à s’appliquer ; les stipulations expressément acceptées par les demanderesses sont irrévocables,
  • Monsieur R A, en demandant au tribunal d’ordonner le partage de la succession de Monsieur W A, n’établit
  • pas de lien suffisant avec l’objet du litige principal, de sorte que son intervention volontaire n’est pas recevable,
  • à titre subsidiaire, Monsieur R A étant seulement bénéficiaire du contrat ASCENDO pour moitié avec Madame L X, doit être débouté de ses demandes portant sur l’ensemble des sommes versées sur les contrats,
  • Monsieur R A ne fait état d’aucun fait positif de recel imputable à Madame L X, ni d’aucun élément permettant d’établir qu’elle était animée d’une telle intention.

Dans leurs écritures signifiées le 10 mai 2010, les consorts B/E concluent, sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile, 1112 et 1115 du code civil et L132-9 du code des assurances, à l’irrecevabilité et au débouté des demandes des consorts X et de Monsieur R A, ainsi qu’à leur condamnation solidaire à leur payer la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

aux motifs que :

  • les sommes versées sur les contrats litigieux ne provenaient pas exclusivement du capital de Monsieur W A, Madame AA B disposant d’un patrimoine propre,
  • les demanderesses n’ont aucun intérêt à agir à l’encontre de Madame N B qui n’a pas été désignée bénéficiaire des contrats litigieux,
  • le rachat du contrat VALORIGES par Madame AA B a fait rentrer le capital dans son patrimoine ; la somme a servi à l’acquisition d’un bien immobilier le 23 mai 2008 en état futur d’achèvement ; en cas de nullité, la restitution de ce capital incomberait à l’ensemble des ayants droit de Madame B ; dès lors les demanderesses et Monsieur R A devaient mettre en cause l’ensemble des ayants droit de Madame B,
  • la preuve de l’altération de l’état de santé de Madame B n’est pas rapportée : le simple fait qu’elle ait été hospitalisée plusieurs mois ne suffit pas à prouver que son consentement a été vicié par violence ; l’état d’agitation, mentionné par le compte rendu d’hospitalisation, se situe seulement entre le 4 et le 9 aout 2007; le 16 aout 2007, le docteur G mentionne qu’elle va bien et un certificat médical dressé par ce même médecin le 21 janvier 2008 mentionne qu’elle n’a pas présenté d’altération de ses capacités intellectuelles durant toute son hospitalisation; enfin, par jugement du 21 février 2008, le juge des tutelles de Nogent sur Marne a dit qu’il n’ y avait lieu à protection,
  • les demanderesses ne démontrent pas l’existence de violences ou menaces employées, de nature à lui avoir inspiré une crainte sérieuse ou de nature à lui avoir ôté toute liberté de volonté : la conseillère de la SA CNP ASSURANCES atteste de l’état de santé de Madame B au mois d’octobre 2007 et non pas au mois d’août 2007 ; une attestation de Madame H démontre l’état de santé correct de Madame B et l’absence de pression de sa famille, avec laquelle elle a toujours entretenu de bonnes relations ; au contraire, un changement d’attitude des demanderesses à son égard a provoqué une réaction de sa part car elle se sentait persécutée par ces dernières, ce qui est confirmé par la lettre qu’elle a adressée à l’animateur de télévision Julien Courbet, les courriers reçus par l’étude notariale AF-AG-DAVID et le courrier adressé à son avocat courant 2008,
  • Madame AA B a confirmé sa décision du 17 aout 2007 en établissant un testament le 7 mars 2008 instituant légataires des actifs financiers et du mobilier lui appartenant à parts égales Mesdames O-AM E épouse Y, P E épouse C, Q E épouse D, testament valable, Madame AA B étant parfaitement apte à gérer seule ses affaires,
  • à titre subsidiaire, si la violence était retenue comme vice du consentement, l’article 1115 du Code civil s’appliquerait en l’espèce, puisque les violences ont cessé à l’issue de l’hospitalisation de Madame B et que les modifications contractuelles ont été confirmées courant 2008,
  • aucun des éléments versés au débats ne prouve les manœuvres entreprises par les consorts B-E afin d’isoler Madame AA B ou prendre possession de ses avoirs : le fait d’adresser directement un courrier au notaire ne suffit pas à démontrer ces manœuvres ; en revanche, le fait que les consorts X aient retrouvé une lettre au fond d’une poubelle témoigne de leurs intentions,
  • les acceptations du bénéfice des trois contrats souscrits auprès de la SA CNP ASSURANCES par les demanderesses, intervenues postérieurement aux modifications des clauses bénéficiaires effectuées par Madame AA B, sont sans incidence sur les contrats, dès lors qu’aucune nullité n’entache les modifications effectuées,
  • le décès de l’usufruitier désigné dans le contrat souscrit auprès de la SOCIÉTÉ J FRANCE VIE a rendu la désignation en qualité de nues propriétaires des demanderesses inopérante car le démembrement de la clause bénéficiaire ne peut être effectué en l‘absence d’usufruitier,
  • quand bien même l’acceptation produirait des effets, Madame B avait conservé son droit de rachat, les demanderesses ne rapportant pas la preuve de ce qu’elle aurait renoncé expressément à ce droit,
  • aucun élément ne justifie l’application de l’exécution provisoire.

Dans ses conclusions signifiées le 23 novembre 2010, la société J FRANCE VIE conclut au rejet de toutes leurs demandes dirigées à son encontre. A titre subsidiaire, elle sollicite le remboursement des sommes versées au titre du rachat qui sont rentrées dans le patrimoine de Madame B et qui feraient partie de la succession. Elle demande le paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

aux motifs que :

  • les demanderesses ne rapportent pas la preuve de ce que les fonds ayant permis de créditer les contrats d’assurance vie provenaient du capital de Monsieur A,
  • Madame B n’ayant pas renoncé à son droit de rachat, les bénéficiaires ne pouvaient s’y opposer ; cela est confirmé par la jurisprudence de la Cour de cassation qui indique que, pour les contrats acceptés avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 décembre 2007, lorsque le droit de rachat était prévu au contrat, le bénéficiaire qui a accepté sa désignation n’est pas fondé à s’opposer à la demande de rachat du contrat, en
  • les conditions générales du contrat comportent un article 3 qui prévoit le rachat et n’est assorti d’aucune clause de renoncement,
  • l’application de la clause bénéficiaire prévue uniquement en cas de décès de l’assurée n’a pas eu à s’appliquer puisque le contrat a été racheté avant le décès de l’assurée,

Dans ses dernières écritures signifiées le 12 mai 2009, la SA CNP ASSURANCES conclut au débouté des demanderesses, auxquelles elle réclame, solidairement, la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

aux motifs que :

  • les demanderesses ne rapportent pas la preuve de ce que Madame B ait été contrainte par violence ou qu’elle ait été atteinte d’un trouble mental,
  • l’article 901 du Code civil ne peut trouver application en l’espèce, un contrat d’assurance vie ne constituant ni une donation entre vifs, ni un testament,
  • l’acceptation de AB X n’a aucune conséquence sur le bénéfice des contrats puisque le changement de bénéficiaire a eu lieu avant leur acceptation.

Motifs de la décision

1. Sur la recevabilité de l’action des demanderesses

Le moyen des défendeurs, selon lequel l’action des demanderesses est irrecevable, concernant le contrat souscrit auprès d’J, à défaut de mettre en cause l’ensemble des ayants droit de Madame AA B, est inopérant, compte tenu que les demanderesses ne sollicitent plus que la condamnation d’J dans leurs dernières écritures.

L’article 122 du Code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En l’espèce, les consorts X sollicitent la condamnation de Madame N B, solidairement avec ses enfants, à leur verser les sommes capitalisées sur les contrats souscrits auprès de la CNP, mais celle-ci n’a pas été désignée bénéficiaire desdits contrats.

Il s’ensuit que les consorts X n’ont pas intérêt à agir à son encontre et que les demandes formées à son encontre seront déclarées irrecevables.

2. Sur la recevabilité de l’intervention volontaire de Monsieur R A

L’article 325 du Code de procédure civile dispose que l’intervention n’est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

En l’espèce, l’objet du litige principal consiste en une demande en nullité de la modification de clauses bénéficiaires de trois contrats d’assurance vie, et en nullité du rachat d’un contrat d’assurance vie, ainsi qu’une demande en paiement des sommes capitalisées sur ces différents contrats.

Monsieur A, qui demande au tribunal d’ordonner le partage de la succession de Monsieur W A, n’établit pas de lien suffisant avec l’objet principal du litige justifiant son intervention volontaire.

En conséquence, la demande de Monsieur A sera déclarée irrecevable.

3. Sur la demande de nullité de la modification des clauses bénéficiaires effectuée par Madame B concernant les contrats CNP

L’article 1109 du code civil dispose qu’il n’y a point de consentement valable s’il a été extorqué par violence.

Aux termes de l’article 1112 du code civil, il y a violence, lorsqu’elle est de nature à faire impression sur une personne raisonnable, et qu’elle peut lui inspirer la crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent.

Le vice de violence doit être apprécié en considération de la personne qui en est victime, et notamment de son âge, sexe et condition.

Il appartient au juge d’apprécier, en fonction notamment des circonstances dans lesquelles la convention a été conclue, si les violences ou menaces employées étaient de nature à inspirer à la victime une crainte sérieuse, assez grave pour lui ôter toute liberté de volonté et de la décider à donner son consentement que, dans toute autre situation, elle n’eût point donné.

Les juges peuvent se fonder sur des éléments d’appréciation postérieurs à la date de formation du contrat.

En l’espèce, les circonstances entourant la période du 17 août 2007, date de modification des clauses bénéficiaires, sont relatées par les rapports d’hospitalisation versées aux débats.

Le rapport du service de réanimation polyvalente, dans lequel Madame B a été accueillie du 4 au 9 août 2007, établit qu’à son arrivée aux urgences, elle présentait une plaie du cuir chevelu pariétale gauche, une douleur au coude gauche sans déformation et une fracture du bras gauche ; aucun traumatisme crânien n’est rapporté.

L’opération chirurgicale du 10 août 2010 a permis le placement d’une canule, l’intubation orotrachéale de la patiente étant rendue difficile par l’existence d’un œdème du larynx.

Si le rapport d’hospitalisation indique l’existence d’agitation entre le 4 et le 9 aout 2007, cet épisode était terminé au 17 août 2007.

Le compte rendu d’hospitalisation mentionne la mise en place d’un suivi psychologique et d’un traitement antidépresseur, compte tenu du deuil récemment vécu et des propos morbides de Madame B au 23 août 2007. Cet état dépressif était toujours présent le 4 septembre 2007.

Le 14 septembre 2007, Madame B allait bien, selon ce même rapport, l’orthopédiste estimant qu’elle pouvait sortir de l’hôpital.

Ainsi, la longue hospitalisation du mois d’aout 2007 à décembre 2007 et l’ existence d’un état dépressif démontrent un état de santé fragile de Madame B à cette période.

Pour que les modifications qu’elle a effectuées durant cette période soient annulées, les demanderesses doivent prouver que, dans les circonstances ci-dessus-relatées, d’une part, des violences ou menaces ont été employées par les consorts B/E, et d’autre part, que ces violences ou menaces, par la crainte sérieuse qu’elles ont engendrée, ont déterminé Madame B à modifier les clauses bénéficiaires.

Or, les demanderesses ne rapportent pas la preuve de ce que des menaces ou violences auraient été exercées par les consorts B/E.

Les manoeuvres attribuées aux défendeurs reposent sur des allégations hypothétiques insuffisamment prouvées, notamment le fait qu’ils auraient manipulé Madame B afin qu’elle croit que la demande de mise sous tutelle émanait de Madame L X, ce qui n’est prouvé par aucun élément.

Par conséquent, les seules circonstances d’une hospitalisation, d’un état dépressif suite à un deuil récent et d’une solitude angoissante ne permettent pas de caractériser la violence ou des menaces, en ce que la preuve d’aucun acte de la sorte n’est rapportée de la part des défendeurs.

En outre, tant le compte rendu d’hospitalisation indiquant qu’à compter du 16 août 2007 la patiente va bien, que l’attestation de Madame H, amie de Madame B, selon laquelle, lors de l’entretien avec sa conseillère le 17 août 2007, celle-ci n’a subi aucune pression de sa famille et a effectué les transactions de son plein gré, concourent à établir que le consentement de Madame B était libre et éclairé au jour de la modification.

En effet, Madame B, alors veuve depuis peu de temps et dans un état de fragilité corporel, n’était pas inexpérimentée en affaires, puisqu’elle avait déjà à plusieurs reprises modifié les clauses bénéficiaires des contrats qu’elle avait souscrits, notamment en 2002 en ce qui concerne le contrat SELEXIO. Madame B connaissait ainsi parfaitement les modalités de changement des clauses bénéficiaires.

Les demanderesses mentionnent l’absence de son appareil auditif le 17 août 2007 qui aurait engendré des difficultés de compréhension, mais cette absence n’est pas rapportée dans le compte rendu d’hospitalisation, de sorte que cet argument est inopérant.

Les déclarations, reçues par huissier, de Madame I, conseillère chez J, selon laquelle Madame B était hors d’état d’exprimer sa volonté du fait de son état de santé, doivent s’analyser comme un ressenti personnel de cette conseillère.

En effet, Madame B a confirmé sa volonté exprimée le 17 août 2007 par des actes postérieurs, ce qui ne permet pas de retenir que la visite des conseillers de la CNP à son chevet s’analyse en violence ; à sa sortie d’hôpital, elle n’a pas procédé à de nouvelles modifications des clauses alors qu’elle pouvait le faire et était apte à gérer ses affaires, puisqu’un jugement de non lieu à protection a été décidé le 21 février 2008 par le juge des tutelles de Nogent sur Marne.

Par conséquent, l’existence de circonstances démontrant l’état de santé fragilisé de Madame B ne suffit pas à prouver l’existence de violences ou de menaces à son encontre, ayant vicié son consentement.

En conséquence, les consorts X seront déboutés de leur demande.

4. Sur la nullité du rachat, effectué par Madame B, du contrat souscrit auprès D’J

L’article L132-9 du code des assurances, dans sa version antérieure à la loi du 17 décembre 2007, applicable en l’espèce, énonce que la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l’acceptation expresse ou tacite du bénéficiaire.

Pour les contrats souscrits avant la loi du 17 décembre 2007, lorsque le droit au rachat du souscripteur est prévu dans un contrat d’assurance vie mixte, le bénéficiaire qui a accepté sa désignation n’est pas fondé à s’opposer à la demande de rachat du contrat en l’absence de renonciation expresse du souscripteur à son droit.

L’article 1322 du code civil énonce que l’acte sous seing privé, reconnu par celui auquel on l’oppose, ou légalement tenu pour reconnu, a, entre ceux qui l’ont souscrit et entre leurs héritiers et ayants cause, la même foi que l’acte authentique.

L’article 9 du code de procédure civile dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, la société J, qui affirme qu’il était prévu au contrat litigieux une clause prévoyant le rachat par le souscripteur à tout instant, doit le prouver.

Elle verse aux débats les conditions générales valant note d’information, présentées comme celles ayant été remises à Madame B le jour de la conclusion du contrat.

La proposition de souscription, signée par Madame B, porte la mention de sa réception d’un document intitulé « conditions générales valant note d’information ».

Les conditions générales portent l’intitulé VALORIGES et mentionnent la date de juillet 1997 qui correspond aux nom et à la date de souscription du contrat litigieux.

Rien ne permet de mettre en doute le fait que ces conditions générales s’appliquent au contrat litigieux.

Les conditions mentionnent expressément la possibilité de rachat, ce qui est d’ailleurs le cas le plus généralement rencontré, Madame B, qui n’avait pas renoncé à ce droit, était fondée, à l’exercer, de sorte que l’acceptation de la clause bénéficiaire par AB X est inopérante ; elles doivent être déboutées de leurs prétentions à l’encontre de la société J.

5. Sur les demandes accessoires

L’exécution provisoire de ce jugement n’apparait pas nécessaire.

En équité, il n’y a lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

Les consorts X doivent in solidum supporter les dépens, à l’exception de ceux afférents à l’intervention de Monsieur A qui restent à sa charge.

Par ces motifs, le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

  • déclare irrecevable l’intervention volontaire de Monsieur R A,
  • déclare irrecevable les demandes formées par Mademoiselle K X, Mademoiselle Z X et Madame L A épouse X à l’encontre de Madame N B
  • déboute Mademoiselle K X, Mademoiselle Z X et Madame L A épouse X de l’ensemble de leurs prétentions,
  • dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
  • condamne Mademoiselle K X, Mademoiselle Z X et Madame L A épouse X in solidum aux dépens, à l’exception de ceux afférents à l’intervention de Monsieur R A, qui resteront à sa charge,
  • autorise la SCP AH-AI et Maitre AD AE, à recouvrer directement contre elles ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision.

Fait et jugé à Paris le 08 Février 2011

Le Greffier Le Président

FOOTNOTES

1:

Expéditions

exécutoires

délivrées le :

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal de grande instance de Paris, 5e chambre 1re section, 8 février 2011, n° 08/14135